• 1, Rue des Petits-Pas ; Nathalie Hug

    « Dieu n'a rien à voir là-dedans; Crois-moi. Les hommes sont assez stupides pour s'entre-tuer et martyriser les femmes. Et après, on comptera les morts sur le front en oubliant toutes celles qu'on a assassinées autrement. »

    1, Rue des Petits-Pas ; Nathalie Hug

     Publié en 2015

    Editions Le Livre de Poche 

    401 pages 

    Résumé : 

    Lorraine, hiver 1918. Dans un village en ruine à quelques kilomètres du front, une communauté de rescapés s'organise pour que la vie continue. Louise, orpheline de 16 ans, est recueillie par une sage-femme qui va lui transmettre son savoir : accoucher, bien sûr, mais aussi soigner les maux courants et être l'oreille attentive de toutes les confidences. 
    Mais, dans cet endroit isolé du monde, les légendes nourrissent les peurs et la haine tient les hommes debout. Dans un univers où horreur et malveillance rivalisent avec solidarité et espoir, Louise tente de se reconstruire. 
    Un magnifique roman d'apprentissage d'une sincérité et d'un réalisme bouleversants. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    A l'hiver 1918, en Lorraine, alors que l'armistice vient d'être signé, tout reste à reconstruire, les villes et les villages comme les gens. Dans un village de l'arrière mais proche cependant de la zone des combats -son nom ne nous est pas donné, on sait seulement que l'on se trouve entre Verdun et Saint-Mihiel-, Louise, seize ans et orpheline, a été recueillie par les sage-femmes de l'endroit, qui lui ont enseigné les rudiments de leur métier. Louise, comme les autres femmes du bourg et les rares hommes à avoir sauvé leur peau, assiste aux bouleversements entraînés par la reconstruction et la vie qui, inexorablement, reprend son cours. 1, Rue des Petits-Pas est un roman dur et difficile, sans concession aucune, cru et violent.
    Très honnêtement, à la lecture du résumé, je ne m'attendais pas à ce que le récit me percute de cette manière. Je ne m'attendais bien sûr pas à une promenade de santé, au vu du contexte choisi mais il est certain que je ne pensais pas avoir entre les mains un récit d'une telle teneur. Donc si j'ai été surprise, et effectivement je l'ai été, ça a été en bien. 1, Rue des Petits-Pas regroupe énormément de sujets... Il n'est pas fouillis pour autant mais difficile à chroniquer parce qu'il y'a beaucoup de domaines à aborder. Au départ, et parce que c'est aussi ce que le résumé laissait entendre, je m'attendais surtout à un roman féminin, basé sur une description de ce qu'était le travail des sage-femmes au début du XXème siècle. Pour faire une comparaison avec un livre lu il y'a quelques mois, je m'attendais à un récit dans la veine d'Angélina, les Mains de la Vie, roman de Marie-Bernadette Dupuy, qui décrit le combat d'une jeune sage-femme dans l’Ariège du XIXème siècle. Je m'attendais aussi à un roman terroir, très ancré dans la région où l'auteure situe son récit. En fait, 1, Rue des Petits-Pas, c'est tout ça, mais aussi bien plus que ça. C'est un roman très complet, que j'ai aussi beaucoup aimé pour ça. Ce livre, c'est celui de la reconstruction, matérielle et humaine, à la suite de l'un des conflits les plus violents et les plus traumatisants : la Grande Guerre. Conflit d'une ampleur extraordinaire, d'une longueur qui ne l'est pas moins, il mobilisa des forces internationales et détruisit des régions entières. Et le village où Louise a trouvé refuge est en plein cœur de l'une des zones frontalières les plus touchées : le secteur de Verdun, siège de la bataille du même nom, en 1916. S'y retrouvent des gens aux origines diverses, au passé tout aussi différents mais avec les mêmes blessures, les mêmes traumatismes et les mêmes aspirations. Et si on parle volontiers du théâtre des combats, des hommes qui en ont été partie prenante, témoins ou acteurs, on oublie souvent l'arrière et le quotidien des populations civiles et notamment, des femmes. Confrontées au départ des hommes, elles ont dû faire sans eux : pour certaines c'est une déchirure, pour d'autres, une libération. Elles vont devoir faire face par la suite aux deuils, celui d'un mari, d'un père, d'un frère, souvent aussi, d'un fils. Après la démobilisation, c'est le retour des hommes, les rescapés, à jamais changés, des étrangers traumatisés à vie, avec lesquels elles vont devoir réapprendre à vivre au quotidien. Et puis au - delà de ça, ces femmes sont des mères, des épouses, confrontées aux grossesses et à la sexualité, domaines de compétences des sage-femmes qui, en cette période troublée, marquée par une pénurie de médecins, doivent parfois assurer le travail des absents sans avoir pour autant les prérogatives et encourant peines de prison et lourdes amendes si elles sont convaincues d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie.
    Nathalie Hug raconte très bien tout le paradoxe de ce métier, indispensable mais confronté à l'hostilité, notamment des médecins et aux nombreuses croyances et superstitions, qui ont encore la vie dure. Paradoxe aussi parce qu'à l'aube des années 1920, celles qui, cent ans plus tôt, enseignaient aux médecins l'obstétrique se voient interdire certaines pratiques susceptibles parfois de sauver une mère comme son enfant. Les sage-femmes se voient aussi opposer encore, dans les régions rurales fortement marquées par la religion et la mainmise des curés, les interdits religieux sur la contraception, la fatalité de la mort vue comme une volonté divine etc... Bref ce n'est pas un métier de tout repos qu'exerce Louise et ses compagnes mais un métier passionnant et qui, chez la jeune fille, orpheline, comble un vide. Mais c'est un métier infiniment beau, infiniment grand que celui de faire naître et qu'on peut toucher du doigt grâce à des descriptions certes parfois crues mais aussi d'une grande précision. Le vocabulaire médical est rigoureux et nous permet aussi de nous sentir mieux immergé dans le récit. Parfois, le roman m'a fait penser à Appelez la sage-femme, le fameux livre de Jennifer Worth. À part cela, j'ai aimé aussi la région choisie par l'auteure pour situer son récit. Certes, tout le pays a été touché par le conflit et en porte encore les stigmates. Mais les régions de l'arrière les plus proches du front ont payé le prix fort : villages détruits, bombardements, réfugiés, champs infestés d'obus, la Lorraine est une région exsangue en cet hiver 1918. Tout s'organise pour la reconstruction mais on sent bien que tout est vraiment à refaire que chacun, s'il doit reconstruire son environnement, doit aussi se reconstruire en son for intérieur. Qu'en est-il justement des personnages ? On en a ici tout un panel, tous différents. Je ne me suis pour autant réellement attachée à eux sauf peut-être à Vida, qui m'a intriguée dès le départ et que j'ai trouvée charismatique. Quant à Louise, l'héroïne, je ne l'ai pas réellement trouvée attachante. Cet intérêt pour les personnages est primordial pour moi : j'aime aimer les personnages me sentir proche d'eux ou m'identifier. Ça n'a pas été le cas ici mais, ici, cela ne m'a pas vraiment gênée. Le récit est suffisamment dense, prenant et percutant, pour que le manque d'attachement envers les personnages ne soit pas un inconvénient, tout comme l'organisation du récit, qui peut apparaître comme étrange au départ et s'avère au final extrêmement bien maîtrisée et ne demande qu'un petit temps d'adaptation. J'ai passé un bon moment avec 1, Rue des Petits-Pas. Effectivement, on ne peut pas parler d'une lecture légère, bien au contraire, mais ce genre de livres marquants fait aussi du bien dans une vie de lecteur. Savoir que la lecture qu'on vient de terminer nous accompagnera et que c'est peut-être un souvenir qu'on sollicitera un jour ou l'autre, pour la conseiller ou simplement en parler à quelqu'un est une sensation confortable, que j'aime. J'aime que mes lectures m'apportent une certaine plénitude sans juste glisser sur moi. Voilà, on en arrive maintenant au moment où je dois vous recommander ou pas cette lecture et... Si vous avez eu le courage de lire le pavé ci-dessus, vous aurez compris que je ne peux que vous le conseiller chaudement. Vous aimerez l'univers, ou pas mais cette lecture ne peut laisser indifférent, pour beaucoup de raisons. Une des plus belles surprises de l'année 2017.

    En Bref : 

    Les + : un récit fort, percutant, infiniment beau. Difficile de ne pas se sentir touché un tant soit peu ! 
    Les - : un découpage au départ qui m'a semblé un peu compliqué à aborder, mais c'est temporaire. 

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 11 Septembre 2017 à 10:59

    Il est dans ma liste d'envie. Il me tente énormément ! 

      • Lundi 11 Septembre 2017 à 11:53

        Oh, je ne peux que te le conseiller, vraiment ! ^^ Je ne pense pas qu'il faille être adepte de romans historiques pour apprécier ce livre, le contexte est surtout une toile de fond et c'est l'histoire humaine qui est intéressante et mise en avant... C'est avant tout le récit de la reconstruction matérielle d'une région totalement sinistrée et celle, psychologique, des habitants. J'ai trouvé ce récit fort et il a vraiment réussi à me convaincre alors qu'il m'a déroutée au départ. 

        Je te le recommande chaudement ! happy

    2
    Dimanche 24 Septembre 2017 à 09:16

    Il a l'air absolument passionnant! Tu me donnes vraiment envie de m'y plonger! Je vais voir pour me le procurer rapidement :)

      • Dimanche 24 Septembre 2017 à 11:01

        Oh oui, je te confirme que ce roman vaut le coup ! cool Il est très beau, le sujet n'est pas évident et certaines scènes sont assez dures, voire violentes. Mais vu le contexte choisi, c'est difficile de faire autrement. L'auteure décrit assez bien l'après-guerre, dans les mois seulement qui suivent l'armistice, alors qu'énormément de réfugiés, en Lorraine, se trouvent sans rien, alors que les hommes, rares rescapés, reviennent, changés à jamais. C'est le premier roman de Nathalie Hug que je lis et je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi fort et percutant, j'ai été très agréablement surprise ! 

        J'espère t'avoir donné envie de le lire et n'hésite pas, si tu le fais, à revenir par ici me dire ce que tu en as pensé, c'est avec plaisir que je lirai ton avis ! wink2

    3
    Mercredi 29 Août 2018 à 15:35

    Si j'avais vu ce roman en librairie je ne me serai pas attardée plus, même si la couverture est superbe ! Mais je vais te faire confiance, une fois de plus, et noter ce titre :-)

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