• #18 : Hortense de Beauharnais (1783-1837)

    INTERMÈDE LXXX

     

    Hortense de Beauharnais par François Gérard (portrait du XIXème siècle)

    Hortense Eugénie Cécile de Beauharnais voit le jour le 10 avril 1783 à Paris. Elle est la fille de Rose Tascher de La Pagerie, originaire de La Martinique et plus connue sous le nom de Joséphine et du vicomte Alexandre de Beauharnais. Elle a un frère aîné, Eugène, le fameux prince Eugène qui sera un jour le beau-père du roi de Suède et de Norvège. Née prématurée, Hortense se voit contester sa légitimité par son père, qui doute être le véritable géniteur de cette enfant née en avance. Finalement, il consentira à la reconnaître et à lui donner son nom mais il semble que sa naissance ait sonné le glas de l'union déjà peu solide de ses parents. Entre 1788 et 1790, la petite fille sera même élevée par sa mère aux Antilles.
    Le couple Beauharnais est rapidement séparé pour cause de mésentente et ses parents ne vivent donc plus ensemble lorsque la Révolution éclate, en 1789. Hortense n'a alors que six ans. Cette même année, son père, Alexandre de Beauharnais est élu député de la noblesse aux Etats Généraux et, par la suite, il présidera l'Assemblée Constituante, lors de la fuite de la famille royale à Varennes, en 1791. C'est lorsque Robespierre accède au pouvoir et met en place la Terreur, que le vicomte de Beauharnais est arrêté, emprisonné puis guillotiné, le 15 juillet 1794. Son épouse, mère d'Hortense, est elle aussi arrêtée et incarcérée mais elle sera cependant libérée après la chute de Robespierre. L'exécution de son père, entraperçu une dernière fois derrière une fenêtre, va marquer profondément Hortense.
    Devenue une Merveilleuse, Joséphine de Beauharnais sera une des femmes les plus influentes du Directoire, avec Thérésia Cabarrus ou encore, Juliette Récamier, notamment car elle devient la maîtresse de Barras, l'homme fort du Directoire. En 1795, la jeune fille entre au pensionnat de Madame Campan, ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, à Saint-Germain-en-Laye -Madame Campan aurait d'ailleurs dit d'elle : « C'est la plus charmante petite fille de douze ans que j'ai eu à diriger », dira Mme Campan et la baronne Lambert confirme « c'était à qui l'aimerait le mieux... »- puis elle fréquentera la haute société consulaire, dans laquelle sa mère évolue, multipliant les aventures et les galanteries. La jeune fille gardera de bons souvenirs de son séjour à Saint-Germain et fera même en sorte de garder des liens avec Madame Campan.
    Cette même année, un jeune général encore inconnu, originaire de Corse et répondant au nom de Bonaparte, réprime une insurrection royaliste sur les marches de l'église Saint-Roch à Paris. La jeune Hortense ne le sait pas encore, mais cet homme va bientôt beaucoup compter dans sa vie.
    En 1796, il se voit confier par Barras la commandement de l'armée d'Italie et le Directeur, soucieux de se débarrasser de sa maîtresse créole, qui ne l'intéresse plus, va manœuvrer afin de la faire tomber dans les bras de Napoléon Bonaparte. Le jeune homme tombe très amoureux de cette femme pourtant plus vieille que lui et c'est lui qui la surnommera Joséphine. Ils se marient finalement le 8 mars 1796, Joséphine ayant retranché quelques années à son âge réel tandis que Napoléon, lui, s'est vieilli. Par la suite, il rencontre les deux enfants, Hortense et Eugène, âgés respectivement de treize et quinze ans, et décide de les adopter tous deux. En 1799, Bonaparte prend finalement le pouvoir et met fin au Directoire, pour mettre en place le Consulat. A l'âge de seize ans, la jeune Hortense est donc la fille de l'homme le plus important de France.
    Hortense grandit et devient bientôt le centre des projets matrimoniaux de sa mère. Celle-ci est en butte à l'hostilité affichée de la mère de Bonaparte, Letizia et de ses soeurs. Les femmes de la famille Bonaparte n'hésitent d'ailleurs pas à l'appeller « la vieille ». Soucieuse de voir l'alliance entre les familles de Beauharnais et Bonaparte se renforcer, Joséphine pense tout naturellement à marier sa fille à un membre de sa belle-famille.
    Finalement, trois ans plus tard, à l'âge de dix-neuf ans, la jeune Hortense unit son destin à Louis Bonaparte, le 4 janvier 1802. C'est un frère cadet du Premier Consul, il a cinq ans de plus qu'Hortense. La cérémonie est célébrée par le cardinal Caprara dans l'hôtel de Joséphine à Paris, rue Chantereine, rebaptisée par la suite rue de la Victoire par Napoléon. Rapidement, la jeune femme se trouve enceinte et met au monde, le 10 octobre 1802, un premier fils, Napoléon Louis Charles Bonaparte, qui ne vivra que cinq ans. Puis, en 1804, Hortense accouche d'un autre garçon, Napoléon Louis et enfin, quatre ans plus tard, c'est au tour d'un troisième fils de voir le jour, le 11 octobre 1808, Charles Louis Napoléon, futur président de la Seconde République puis Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III. La naissance de ce troisième fils souleva des doutes chez le père, qui refusa dans un premier temps de la reconnaître mais finit par s'y résigner, sous la pression de son frère.

    Portrait d'Hortense par Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson (1805-1809)


    Cette attitude de Louis Bonaparte n'est pas étonnante quand on sait que, malgré la naissance de ces trois fils, leur mariage va vite se révéler désastreux. Belle, séduisante et intelligente, Hortense est à l'opposé de son époux, qui souffre d'une obsession de la persécution et d'une maladie vénérienne qui n'a jamais été correctement soignée. Il accable son épouse d'une jalousie morbide alors qu'Hortense, elle, ne cherche qu'à se divertir et à s'amuser. Pour se sortir de la morosité de son mariage raté, elle va donc entretenir des liaisons adultères. Ainsi, elle sera follement éprise du général Duroc, aide de camp de l'empereur -on ne sait pas s'ils seront véritablement amants mais certains prétendent que si- et elle tombera ensuite sous le charme de Charles de Flahaut, aide de camp de Joachim Murat et fils naturel de Talleyrand. Là, la relation ne peut souffrir aucun doute puisque Hortense donnera naissance à un fils naturel en 1811, Charles, le futur duc de Morny. Même Napoléon Ier, qui a pourtant beaucoup d'affection pour cette jeune femme connue toute jeune, ne peut s'empêcher de dire à son propos : « Hortense, si bonne, si généreuse, si dévouée, n’est pas sans avoir quelques torts avec son mari ; j’en dois convenir, en dehors de toute l’affection que je lui porte et du véritable attachement que je sais qu’elle a pour moi. »
    En 1806, Napoléon nomme son frère Louis roi de Hollande. De fait, Hortense de Beauharnais devient la reine Hortense, surnom qui lui restera. Elle règne seulement quatre ans, jusqu'en 1810, date à laquelle le royaume de Hollande est annexé par Napoléon. Après le divorce de ce dernier d'avec sa mère, Joséphine s'avérant un peu trop âgée pour donner des héritiers au trône impérial, Hortense aurait pu couper tous les liens les unissant mais elle fait preuve de beaucoup de tact et ne rompt pas avec Napoléon. Elle sera même l'une des rares intimes de la jeune impératrice Marie-Louise d'Autriche, nouvelle épouse de Napoléon Ier et qui avait huit ans de moins qu'elle.
    En 1807, à La Malmaison, Hortense, amatrice de musique, compose la mélodie du Beau Dunois, air plus connu sous le titre de Partant pour la Syrie. Les paroles sont écrites par Alexandre de Laborde et ce chant deviendra, sous la Restauration, le chant de ralliement des bonapartistes.
    En 1814, l'Empire chute et les Bourbons, en la personne de Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI, sont restaurés sur le trône de France. L'Empire n'est plus, la France redevient une monarchie. Hortense, pour autant, ne s'exile pas, elle reste en France où elle va jouer de son charme auprès du tsar Alexandre Ier de Russie, qui, charmé lui accorde sa protection. C'est grâce au tsar également, car il intercède auprès de lui, que Louis XVIII accepte de faire d'Hortense une duchesse de Saint-Leu. La jeune femme perd sa mère à ce moment-là. L'ex-impératrice décède, à 51 ans, des suites d'un refroidissement, dans son cher château de La Malmaison, près de Paris.
    Pendant les Cent-Jours -la reconquête du pouvoir par Napoléon, revenu de l'île d'Elbe-, Hortense se range aux côtés de l'empereur. Mais, en 1817, elle est contrainte de gagner la Suisse et elle trouve refuge à Arenenberg avec ses enfants : elle va alors se consacrer à leur éducation, qu'elle mène seule. Hortense se trouve totalement isolée et ses seuls soutiens sont son frère, Eugène de Beauharnais, qui a lui-même trouvé refuge auprès de son beau-père, le roi de Bavière Maximilien Ier et leur cousine, Stéphanie, grande-duchesse de Bade. Par chance, Hortense n'a pas de problèmes d'argent car, grâce à la succession de sa mère, elle se voit pourvue d'un revenu fort confortable, de 120 000 francs.
    Dès 1810, la reine Hortense s'était rendue régulièrement en cure à Aix-les-Bains et elle y reviendra ensuite avec son fils puîné, Louis Napoléon, devenu l'empereur Napoléon III. Elle fera même une donation à la ville pour y fonder un hôpital, qui portera d'ailleurs son nom. A partir des années 1820, Hortense va connaître des années noires. En 1821, elle apprend la mort de Napoléon Ier en exil à Sainte-Hélène, puis, en 1824, elle a la douleur de perdre son frère, Eugène et en 1825, c'est le tsar Alexandre Ier, qui avait été un moment son galant, qui meurt à son tour. En mars 1831, Hortense doit ensuite affronter la mort de l'un de ses propres fils, le cadet, Napoléon-Louis, qui perd la vie pendant la révolte italienne.
    A la fin d'avril 1831, elle revient à Paris et obtient une entrevue avec le roi Louis-Philippe Ier d'Orléans, grâce à l'entremise du général d'Houdetot, aide de camp du nouveau souverain. Reconnaissant, le roi n'oublie pas qu'Hortense est intervenue, pendant les Cent-Jours, en faveur de ses parents, la duchesse d'Orléans, sa propre mère et de sa tante, la duchesse de Bourbon. Il est possible qu'elle ait souhaité discuter avec le roi d'un établissement durable en France, pour elle et son fils. On a évoqué également une possible élévation du jeune Louis-Napoléon à la pairie, avec le titre de duc de Saint-Leu La Forêt. Cependant, après avoir assisté, le 5 mai 1831, au défilé que les bonapartistes avaient organisé pour le dixième anniversaire de la mort de l'Empereur, Hortense ne reste pas en France et elle gagne l'Angleterre. Elle ne reviendra jamais en France puisqu'en 1832, la loi d'exil frappe les membres de la famille Bonaparte, ancienne famille régnante. Cette année-là également, à Vienne, le duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise, s'éteint des suites de la tuberculose et cette mort fait du fils d'Hortense et de Louis, l'héritier des prétentions bonapartistes. En 1836, à la suite d'une tentative de soulèvement de la garnison de Strasbourg, mené par Louis-Napoléon, ce dernier est arrêté et expulsé vers les Etats-Unis.
    A ce moment-là, Hortense est très malade et elle charge le médecin Henri Conneau de prévenir son fils de sa maladie. Le jeune homme n'hésite pas et arrive au chevet de sa mère pour l’assister dans ses derniers instants. La reine Hortense décède le 5 octobre 1837, à l'âge de 54 ans. C'est son médecin, Henri Conneau, qui procéda à l'autopsie puis à l'embaumement du corps d'Hortense. Un requiem est célébré à l'église d'Ermatingen, le 11 octobre et le corps est ensuite ramené vers Arenenberg, dans l'attente de l'autorisation du gouvernement français de ramener le cercueil à Rueil-Malmaison, où l'ex-reine de Hollande souhaitait être enterrée auprès de sa mère, dans l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Finalement, dès le 19 novembre, son cercueil est déposé dans l'église de Rueil. Le 9 novembre, la dépouille mortelle d'Hortense est placée dans un trois cercueil plombés et un service funèbre est célébré le 11 janvier 1838, en présence de la famille Tascher de la Pagerie et d'un seul membre de la famille Bonaparte, Caroline, soeur de Napoléon et de Louis, par conséquent belle-sœur d'Hortense. Le 16 décembre 1856, elle est finalement transférée dans la crypte de l'église. Le monument funéraire définitif, en marbre blanc, est réalisé par Jean-Auguste Barre est inauguré officiellement le 27 juin 1858 en présence de l'empereur Napoléon III et de son épouse, l'impératrice Eugénie de Montijo. Toute sa vie, le fils puîné d'Hortense gardera dans son portefeuille la dernière lettre écrite de la main de sa mère. Il donna également son nom à trois voies de Paris mais elles ne furent pas conservées lors de l'avènement de la Troisième République.

    Le château d'Arenenberg en Suisse, la chère demeure de la Reine Hortense, devenu musée Napoléon en 1906

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

    -La Reine Hortense, 1783-1837, Françoise Wagener. Biographie.
    -Mémoires de la reine Hortense, Hortense de Beauharnais et Christophe Pincemaille. Mémoires.

     

     

     


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