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    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

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    I. Jeunesse d'un prince héritier

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    Louis II de Bavière, dont le nom germanique est Ludwig Otto Friedrich Wilhelm von Wittelsbach, est né le 25 août 1845 à Nymphenburg, à Munich. Il est roi de Bavière de 1864 à 1886 et est surtout connu pour sa supposée folie et ses magnifiques châteaux bâtis dans les Alpes bavaroises.
    Louis est le fils aîné du roi Maximilien II de Bavière, à qui il va succéder sur le trône de Bavière et de Marie de Honhenzollern, princesse prussienne. Par son grand-père, Louis Ier, il est le cousin des ducs en Bavière (parmi eux, la célèbre Sissi) mais aussi de l'empereur d'Autriche : en effet, deux soeurs du roi Louis, Ludovica et Sophie, ont épousé respectivement le duc Maximilien en Bavière et un archiduc d'Autriche. Ludovica est la mère de Sissi, Sophie, de François-Joseph, empereur d'Autriche.
    En 1846, la nourrice de Louis, qui a alors huit mois, contracte la fièvre typhoïde et en meurt. Ce sevrage brutal est considéré comme un véritable choc psychologique par des spécialistes. La même année, son grand-père, Louis Ier, tombe amoureux de l'aventurière Lola Montez et il abdique en 1848.
    C'est donc le père de Louis qui monte sur le trône : il devient le roi Maximilien II et il rétablit le calme en Bavière, après la fin de règne tapageuse de son propre père. Roi cultivé, Maximilien II encourage les arts et les ciences et se prononce contre le travail des enfants, couramment usité au XIXème siècle. Il fonde également des institutions de charité et prend des mesures concrètes en faveur de l'emploi. Maximilien II a l'ambition de forger une place de premier plan à son pays, la Bavière, face à l'Autriche et à la puissante Prusse. Le roi Maximilien est aussi un homme de bibliothèque se passionnant pour les livres tandis que son épouse, Maerie, est une femme de plein air et qui pratique avec passion l'alpinisme.
    En tant que fils aîné de Maximilien, lorsque ce dernier accède au trône, Louis devient automatiquement prince héritier. Le roi décide alors de prendre en charge l'éducation de son fils et c'est un enseignement particulièrement chargé qui s'abbat sur les épaules du jeune garçon : « lever à 5h l’été, à 6h l’hiver, petit déjeuner rapide et frugal, puis des heures d’étude à peine ponctuées d’une ou deux heures de détente. Ajoutons à l’instruction théorique et universelle, la discipline physique, comme la danse, l’escrime, le maniement des armes, l’équitation, la natation... et la discipline artistique, comme le dessin, la musique... Tous ces savoirs ennuieront pour la plupart le jeune prince, sauf la littérature, l’histoire, les sciences naturelles, l’histoire religieuse et l’enseignement de la langue française, qu’il possédera plus tard à la perfection. Tout cet enseignement ne laisse donc que peu de place aux contacts humains, en particulier aux rapports filiaux. »
    Mais, fantasque, amant à se costumer, prenant plaisir à faire du théâtre et à pratiquer la peinture entre autres choses, Louis est incompris de ses parents. Il a aussi un caractère sensible et solitaire, radicalement opposé à celui de son père, qui, de ce fait, s'éloign,e de lui et ne sait pas lui parler. Louis partage avec sa mère, la reine Marie, le goût de la montagne et de l'alpinisme mais elle ne le comprend pas plus que Maximilien II et se moque d'ailleurs des « envolées » de son fils, ce qui blesse cruellement le jeune prince, particulièrement sensible. De plus, la reine Marie préfère à Louis son jeune frère Othon, qu'elle trouve « plus ouvert, plus souriant, plus épanoui » et beaucoup plus facile à élever.
    Lentement, à cause de cette incompréhension de ses parents qui lui fait du mal, le jeune Louis se replie sur lui même et développe des sentiments très forts pour les personnes attachées à son éducation, qu'il aimera souvent bien plus fort que ses deux parents.
    Le futur roi Louis II passe l'essentiel de sa jeunesse à Hohenschwangau, château lié à la légende de Lohengrin et Tannhäuser. Le Minnesanger de la Wartburg (chanteur que l'on pourrait comparer à nos troubadours ou à nos trouvères) y aurait séjourné. Les fresques d'Hohenschwangau, réalisées par Moritz von Schwind, évoquent la quête du Graal ainsi que le mariage d'Elsa de Brabant, le combat de Telramund. Le cygne y est aussi partout présent. Pour faire plus clair, c'est toute la mythologie germanique que l'on retrouve dans cette demeure des rois de Bavière ! C'est d'ailleurs de ce décor onirique, dans lequel toute son enfance va baigner, que Louis va s'inspirer pour bâtir toute sa vie future. Le roi Louis II gardera d'ailleurs toujours un souvenir ému d'Hohenschwangau, qu'il décrit comme « le Paradis de son enfance ». Et, dans une lettre qu'il écrira à Richard Wagner, il lui confesse qu'il était « profané tous les ans par la prose de sa mère ».
    Wagner...ce nom est presque intimement lié à celui de Louis II. C'est en 1857 que Louis II a en mains pour la première fois un ouvrage du fantastique musicien : L'Oeuvre d'Art de l'Avenir. Le 18 février 1858, à Munich, a lieu la première représentation de Lohengrin mais Louis n'a pas eu la permission de s'y rendre. Le 3 juin, Louis commence son journal intime. Peu de temps après, il visite pour la première fois la vallée de Graswang, où se trouve une maison de chasse qui sert aux souverains de Bavière. C'est le futur emplacement du majestueux Linderhof...En septembre, Louis lit un nouvel ouvrage de Wagner, La Musique de l'Avenir et, enfin, il peut entendre un opéra composé par lui, en l'occurrence, Lohengrin. Le jeune homme est tellement subjugué qu'il en fait une crise d'épilepsie !
    En 1859, il passe son diplôme de fin d'études, après avoir été fait chevalier de l'Ordre de Saint-Hubert par son père, le 25 août, jour de la Saint-Louis mais aussi jour anniversaire de Louis : il a quatorze ans. Désormais, le jeune homme va plus souvent au théâtre et adopte sa célèbre coiffure frisée. A la fin de l'année, le prince héritier commence à suivre des cours universitaires, notemment en français, philosophie, science militaire et physique-chimie. En 1863, Louis rencontre Bismarck à Nymphenbourg...Il a dix-huit ans, il vient d'accéder au trône...

     

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     Portrait de Sophie en Bavière, la sœur de Sissi et éphémère fiancée de Louis II

     

    II. Roi de Bavière

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    Neuschwanstein (Schloss Neuschwanstein), l'une des plus belles réalisations de son règne

    Le 10 mars 1863, Louis devient roi de Bavière sous le nom de Louis II. C'est des Bavarois en liesse qui accueillent le tout jeune roi, remarquable par sa haute taille -il mesure près d'1 mètre 90- mais aussi sa beauté éthérée et angélique. Dès le début de son règne, le jeune roi décide de s'opposer à la politique audacieuse du chanclier de Prusse, Bismarck. Il choisit de se rallier à l'Autriche en 1866. Mais, cette même année, la bataille de Sadowa expulse l'Autriche de la sphère allemande proprement dite et met fin à la Confédération germanique. Louis II appelle alors à la chancellerie, pour remplacer Ludwig von der Pfordten, Chlodwig de Hohenlohe-Schilingsfürst. Ce dernier range la Bavière aux côtés de la Prusse, dans la guerre qui oppose ce pays à la France, durant la guerre de 1870. Mais il faut bien mentionner que Louis II est un roi viscéralement pacifique et que ce n'est toujours qu'avec beaucoup de répugnance qu'il choisit d'engager son royaume dans la guerre. La défaite française cuisante de 1870 parachève l'intégration du royaume de Bavière à l'Empire allemand naissant, selon la volonté de Bismarck.
    Mais le roi Louis II, lui, nourrit une passion pour la France. Il est en effet profondément francophile et nourrit une véritable admiration pour la monarchie absolue de Louis XIV. Il a aussi beaucoup d'amitié pour la reine malheureuse, Marie-Antoinette. Le roi est donc plus que réticent à ce que son royaume joigne le nouvel Empire allemand, notamment parce que celui-ci est gouverné par les puissants prussiens, qu'il déteste. Néanmoins, acquis aux idées libérales, il n'était pas défavorable à une certaine Union allemande.
    Bismarck prépare pour lui la Kaiserbrief, en 1870 par laquelle le roi Louis proposerait, au nom de la Bavière, la couronne impériale au roi de Prusse. Des compensations financières sont prévues pour le roi de Bavière, à travers l'héritage des Guelfes, une somme d'argent réunie à la suite de l'annexion du Hanovre par la Prusse en 1866. Malgré sa répugnance, Louis II se résout à la signer. Mais il fut le seul souverain allemand absent à la cérémonie de l'unification de l'Allemagne, qui a lieu dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871. C'est son frère cadet, Othon, qui l'y représente.
    A la suite de ces événements, qui marquent la fin de l'indépendance de la Bavière, Louis II décide de se détourner de la politique qu'il qualifie de fadaises d'Etat, pour se consacrer complètement à ses rêves. La fièvre bâtisseuse de Louis II va commencer...il dépense sans compter pour la construction de ces châteaux de rêve qui font encore la renommée de la Bavière aujourd'hui. Confrontés aux dépenses exorbitantes et toujours plus importantes du souverains, les différents gouvernements tentent, avec l'aide de la famille royale, de faire évincer Louis II du pouvoir...
    A partir de 1875, le roi se met à ne plus vivre que la nuit, faisant de nombreuses promenades avec des chaises à porteurs ou des traineaux. Il est parfois vêtu de costumes historiques et se prend pour les grands héros de la légende germanique. Peu de temps avant, en 1866, Louis II a émis le désir de se marier. Il choisit pour épouse sa cousine Sophie-Charlotte en Bavière, fille du duc Maximilien en Bavière et de Ludovica de Bavière, soeur de son grand-père, Louis Ier. Cela va à l'encontre des goûts naturels de Louis II, aujourd'hui reconnu comme homosexuel. Il aurait d'ailleurs été amoureux de Richard Wagner. Dans la jeune femme, qu'il prénomme Elsa, du nom de l'héroïne de la légende, il cherche en fait un alter ego d'Elisabeth, l'impératrice d'Autriche, la sœur de Sophie, qu'il aime et admire beaucoup. Maintes fois repoussé, le mariage n'aura jamais lieu.
    A mesure que les années passent, le roi Louis II devient de plus en plus taciturne et fantasque. Focalisé sur les plaisirs de la table, il prend des dizaines de kilos qui le rendent méconnaissable. Il se terre dans ses nids d'aigle gothico-romantiques des Alpes bavaroises, Neuschwanstein (qui ne fut jamais achevé), Linderhof, Herrenchiemsee, qu'il conçoit comme son Versailles personnel.
    En 1886, suite à un coup d'Etat du gouvernement, il est déclaré fou et donc, inapte à gouverner. C'est son oncle Léopold de Wittelsbach qui est nommé régent le 10 juin 1886. Son frère Othon n'est en effet pas apte à régner, puisqu'il est interné depuis 12 ans, lui aussi pour folie. Déclaré aliéné mental -seule sa cousine Elisabeth d'Autriche s'élèvera contre ce diagnostic qu'elle juge complètement faux-, Louis II est interné le 12 juin 1886 au château de Berg, au sud de Munich. Il n'y passera que peu de temps : le lendemain, alors qu'il effectue une promenade sur les bords du lac de Starnberg -sur les bords de ce même lac se trouve Possenhofen, la demeure d'enfance de Sophie-Charlotte et Elisabeth-, avec son médecin-psychiatre Bernhard von Gudden, il disparaît. Après des recherches, les deux corps sont retrouvés dans le lac, à proximité de la berge.
    A l'instar de la mort de son jeune cousin Rodolphe, à Mayerling en 1889, celle de Louis II reste particulièrement mystérieuse et suscite de nombreuses hypothèses.

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    Le roi Louis II l'année de sa mort, en 1886

    III. Conjectures autour de la mort de Louis II

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    Chapelle votive construite au bord du lac de Starnberg non loin de l'endroit où le corps du roi fut retrouvé

    Accident ? Assassinat ? La question se pose aussitôt après le décès aussi rapide du roi, qui a en plus emporté avec lui, dans la mort, son médecin. Tout d'abord, on pense que les deux hommes se seraient battus. Le roi aurait tué son médecin en l'étranglant puis se serait ensuite jeté dans le lac pour s'échapper. Le corps de Louis II ne porte aucune trace de coups. Il n'est pas non plus mort noyé, puisque ses poumons ne contiennent pas d'eau. Il serait en fait mort des suites d'une hydrocution due à la température de l'eau et au repas du soir, pris peu de temps avant. Le Dr Müller, assistant du défunt von Gudden, écrit : « Le roi a eu une crise cardiaque ». Trois thèses se présentent alors aux enquêteurs : la tentative d'évasion, l'accident ou le suicide. Le roi aurait pu tenter de s'échapper pour rejoindre sa cousine Elisabeth, présente dans une auberge de l'autre côté du lac à ce moment-là, à Feldafing, mais rien ne permet ni de confirmer ni d'infirmer cette thèse.
    D'autres ont affirmé que des catholiques avaient tenté de faire évader le roi avant d'instaurer un gouvernement de droite. L'accès de folie est privilégié par d'autres, encore : le roi Louis II aurait tué son médecin dans une crise de folie avant de se précipiter dans le lac. Le médecin aurait tenté de le retenir et une lutte aurait eu lieu entre les deux hommes. Le roi, plus grand et plus fort, aurait eu le dessus.
    Ce qui est sûr, en tous cas, c'est que Louis II est mort de mort naturelle. Même si le suicide a été envisagé, il semble que le roi ne se soit pas jeté dans le lac avec le dessein d'en finir.
    Aujourd'hui, en Bavière, il reste de Louis II ses magnifiques châteaux, perchés dans les Alpes bavaroises et qui se tournent vers les terres toutes proches de l'Autriche, patrie d'adoption de sa cousine adorée Elisabeth. Ils sont encore visitables aujourd'hui.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Louis II de Bavière, Jean des Cars. Biographie.
    -Les Châteaux Fabuleux de Louis II de Bavière, Elisabeth Reynaud. Biographie.
    -Louis II de Bavière : De la réalité à l'idéalisation romantique, Jean Adès. Biographie.


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  • Ma Première Fois (2012)

    Ma Première Fois (2012), un film de Marie-Castille Mention-Schaar

     

     Distribution :

    Esther Comar (Sarah Paulson) ; Martin Cannavo (Zachary Scar) ; Vincent Pérez (Richard, le beau-père de Sarah) ; Judith El Zein (Jacqueline, la mère de Sarah) ; Lilly-Fleur Pointeaux (Pauline, la meilleure amie de Sarah) ; Lolita Chammah (Juliette, la soeur de Zach)...

    Synopsis :

    Zachary a 20 ans. Sombre et indépendant, il collectionne les conquêtes amoureuses et les échecs scolaires. Sarah a 18 ans. Première de la classe, fragile, elle comble ses manques affectifs grâce à une maîtrise parfaite de sa vie. Rien ne devrait les rapprocher et pourtant, l'année du BAC, durant six mois ils vont vivre un amour contre lequel on ne peut rien, le vrai, le grand, celui qui marque une vie pour toujours. 

    Bande-Annonce :

    Mon Avis...en quelques mots... :

    Romantique sans être guimauve, le film de Marie-Castille Mention-Schaar résonne plus ou moins en nous. On aime ou on n'aime pas les romances mais au-delà de l'histoire d'amour, ce qui unit Sarah et Zach pendant six mois, c'est finalement ce qui nous arrive à tous un jour ou l'autre dans notre vie. Plus ou moins tard. Ce qui est sûr, c'est qu'un amour comme ça, on est certainement beaucoup à vouloir le connaître. Potentiel lacrymal assez important. cry Mais à regarder si on est amoureux : il est sûr que certaines phrases et situations feront écho. wink2

     

    Ma Première Fois (2012)

    « Toi t’as eu plein de filles, plein d’aventures. Moi j’en ai jamais voulu jusqu’à toi. C’est toi. C’est comme une évidence. »

     


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  • « Tout ce que je peux vous dire, c'est que le bien que l'on fait aux autres nous revient presque toujours comme une bénédiction et que notre vie s'en trouve enrichie. »

    La Rebelle, Femme médecin au Moyen Âge ; Valeria Montaldi

    Publié en 2011 en Italie ; en 2013 en France (pour la présente édition)

    Titre original : La Ribelle

    Editions J'ai Lu

    507 pages

    Résumé :

    Au Moyen Âge, sous le règne de saint Louis, Caterina exerce la médecine à Paris, à l'Hôtel-Dieu. Lorsqu'elle tombe enceinte, elle découvre trop tard que son amant est marié et décide d'assumer seule son destin.

    A l'époque où la dissection des cadavres est interdite par l'Eglise, le groupe clandestin dont faisait partie la jeune femme est dénoncé, et ses confrères masculins n'hésitent pas à lui faire porter l'entière responsabilité du délit. Abandonnée par tous, Caterina parvient à s'enfuir en Italie où elle reprend son travail dans un nouvel hôpital. Mais l'obscurantisme de l'époque la contraint à mener chaque jour une lutte épuisante contre la jalousie et la misogynie de ses collègues. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 1254, à Paris, sous le règne de Louis IX. Caterina de Colleaperto, jeune femme d'origine italienne, a obtenu une maîtrise de médecine à l'université très prestigieuse de Montpellier. Depuis, elle exerce dans la capitale du royaume de France aux cotés de l'homme qu'elle aime, Rolando Lafranchi. Devant sans cesse lutter contre les préjugés misogynes de l'époque, qui font des femmes des incapables à exercer la médecine -à l'exception des accouchements qui étaient souvent confiés à des femmes, accoucheuses ou sage-femmes-, Caterina se heurte autant à la méfiance des dirigeants de l'Hôtel-Dieu de Paris qu'à celle de ses collègues masculins voire clients, peu habitués à être soignés par une femme dont ils n'hésitent pas à remettre les compétences en doute. Un jour, alors qu'elle a été dénoncée après avoir assisté à une dissection, pratique vivement réprimée dans les pays chrétiens à l'époque, et qu'elle s'aperçoit qu'elle est enceinte d'un homme dont elle ne sera jamais l'épouse, Caterina décide de fuir et de refaire sa vie ailleurs, loin. Seule.
    Quand j'ai commencé La Rebelle, c'était avec un peu d'appréhension car j'avais lu pas mal de critiques sur des blogs et sites littéraires qui n'étaient pas spécialement très enthousiastes. Il était souvent reproché aux personnages du roman de n'être pas attachants et surtout, ce qui revenait dans presque toutes les critiques, c'était la trop grande modernité du récit. Modernité que j'ai cherchée, que j'ai trouvée, il est vrai, notamment dans le comportement de Caterina, qui n'est pas du tout celui d'une femme de cette époque-là, mais finalement, ça ne m'a pas gênée plus que cela. Peut-être y'en a-t-il eu, des femmes de cette époque, qui s'élevèrent contre les préjugés dont elles étaient victimes, mais comme il est très rare d'envisager l'Histoire du point de vue des femmes, peut-être n'avons-nous pas plus d'informations que cela...

    La Rebelle, Femme médecin au Moyen Âge ; Valeria Montaldi

    Représentation de l'anatomie humaine dans Les Très Riches Heures du Duc de Berry (XVème siècle)


    Ce que je reprocherais surtout au roman, bien plus finalement que cette modernité qui peut être assez facilement occultée, c'est le foisonnement des personnages, ce qui n'est pas spécialement nécessaire car, finalement, à part quelques exceptions, les interactions entre les différents protagonistes sont très rares, du coup, on ne comprend pas spécialement l'apparition de tel ou tel personnage à tel moment du récit pour finalement ne plus jamais le recroiser. Le style n'est pas folichon non plus, mais peut-être que cela est dû à la traduction.
    A part ça, La Rebelle reste un roman qui se laisse lire et je dois même dire qu'on est assez rapidement captivé. Même si la médecine n'a peut-être pas la place qu'on attend au vu du titre, j'ai trouvé particulièrement intéressant de me plonger dans le monde de Caterina et de découvrir sa vie, parce que je me suis sentie finalement assez proche d'elle. Alors si le monde de la médecine médiévale avait été un peu plus développé, avec du vocabulaire, des situations précises, je crois que j'aurais pu être encore plus captivée par ce roman car finalement, bien que férue d'Histoire, celle de la médecine reste relativement floue pour moi et j'aurais trouvé sympa d'en apprendre un peu plus sur les pratiques de l'époque par le biais d'un roman tel que celui-ci.
    Contrairement à d'autres lecteurs qui ne se sont pas du tout attachés au personnage de Caterina, personnellement, je l'ai trouvée, sinon attachante, du moins intéressante. C'est vrai qu'elle peut paraître froide voire très imbue d'elle-même dans les premiers chapitres mais les épreuves qu'elle va devoir affronter vont finalement lui donner une humilité tout à fait appréciable et on s'attache petit à petit à ce personnage au fond assez complexe mais qui reste quand même très humain, avec ses doutes, ses failles et ses blessures secrètes. Personnage digne d'intérêt également : Francesco Aicardo, le barbier-chirurgien qui sera le collègue de Caterina à Milan.
    Petit regret : Caterina aurait pu rencontrer Hersent -appelée Ersenda dans le récit-, femme-médecin de la seconde moitié du XIIIème, dont on sait peu de choses sinon qu'elle exerça son art à la cour du roi Louis IX de France, le futur saint Louis.
    La Rebelle reste un roman que j'ai pris plaisir à découvrir même si sa trop grande modernité empêche parfois de se plonger véritablement dans l'époque : encore une fois, ne vous arrêtez pas cependant qu'à cet aspect du récit. J'ai aimé suivre Caterina dans ses pérégrinations entre France et Italie. Femme déterminée, elle force le respect malgré tout.

    En Bref :

    Les + : un personnage principal intéressant et une intrigue relativement captivante.
    Les - : 
    un foisonnement de personnages qui nous fait parfois perdre le fil ; une grande modernité de style qui empêche parfois le lecteur de s'immerger totalement dans ce XIIIème siècle à la richesse certaine.


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  • « L'habitude d'être l'autre plus que soi-même nous fait vivre ses souffrances comme si elles étaient nôtres et n'oublier nos malheurs que pour vivre les siens avec plus de force. »

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

    Publié en 2002

    Editions Folio

    467 pages

    Résumé :

    Car mon coeur n'est pas avec moi mais avec toi
    Et s'il n'est pas avec toi il n'est nulle part...

    Héloïse et Abélard, amants célèbres et malheureux... Notre mémoire des histoires d'amour commence avec cette histoire-là. Ce roman nous la raconte, non pas perdue dans l'obscurité d'un Moyen-Âge chargé de mystères et de psaumes, mais présente dans nos criset nos déchirements, nos trahisons, nos espoirs, notre obstination à dire ces mots étranges et dont le sens nous échappe, nous effraie, nous dépasse:  « Je t'aime » .

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Héloïse et Abélard...c'est sûrement l'histoire d'amour du Moyen Âge la plus connue, avec celle de Tristan et Yseult. Sauf que l'idylle de Tristan et Yseult n'a jamais existé, alors que celle d'Héloïse et Abélard, si.
    Déjà, reprenons quelques points d'Histoire (avec un grand H cette fois) car même si les noms des deux personnages sont relativement bien connus, Héloïse et Abélard restent tout de même méconnus en dehors de leur grande passion...Pierre Abélard serait né au Pallet, en Bretagne vers 1079, mort en Bourgogne, en l'abbaye de Saint-Marcel-les-Chalons vers 1142. Formé, comme tous les jeunes garçons de son milieu -Abélard était issu d'une famille noble, même si nous l'oublions souvent-, écolâtre, puis maître en l'école de Notre-Dame à Paris, il fut connu notamment pour ses théories radicales et innovantes sur la Sainte Trinité, qui lui valurent les foudres de saint Bernard de Clairvaux, son rival de toujours et du pape même, qui ordonna un jugement pour hérésie, ce qui n'était pas rien pour l'époque.
    D'Héloïse, nous savons peu de choses, hormis qu'elle serait née vers 1092...Issue d'une famille noble, elle est élevée à Paris par son oncle, le chanoine Fulbert, homme naïf qui va lui faire rencontrer Abélard. Connaissant le prestige du maître, le chanoine décide qu'il donnera des cours à sa nièce afin qu'elle devienne savante. Son plan se retournera contre lui puisque la jeune Héloïse va finalement tomber amoureuse de son maître. Ne se contentant nullement d'amour platonique, au risque de provoquer un scandale qu'elle assumera avec beaucoup de courage lorsque celui-ci éclatera, Héloïse s'offre à Abélard et lui donnera même un fils, qui naît en Bretagne et recevra l'étrange prénom de Pierre Astrolabe. Refusant de faire amende honorable, les deux amants suscitent la colère du chanoine Fulbert, l'oncle d'Héloïse qui ne supporte pas d'être ainsi bafoué par sa propre nièce et l'homme à qui il avait accordé sa confiance. Dans sa fureur, il ira jusqu'à faire châtrer Abélard par des hommes de main...Abélard fondera en Champagne le monastère de Paraclet tandis qu'Héloïse, enfermée au couvent d'Argenteuil (d'où son surnom d'Héloïse d'Argenteuil), apprendra à se faire aimer et respecter des autres moniales malgré sa vie passée et sera même élue abbesse...Bafouée par Suger, l'ambitieux abbé de Saint-Denis, qui sera conseiller du roi Louis VI puis de son fils Louis VII, Héloïse, entraînant ses soeurs dans sa fuite, doit quitter Argenteuil. Elle ira se réfugier à Paraclet, la maison de Pierre, dont il lui fait don et qui deviendra une abbaye de moniales. Héloïse survivra une vingtaine d'années à Abélard et mourra, vraisemblablement, en 1164. Elle reste, avec Hildegarde de Bingen, Marie de France, Christine de Pisan, l'une de ces rares femmes intellectuelles du Moyen Âge, qui marquèrent leur temps et l'Histoire, durablement.

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

    Héloïse et Abélard par Edmund Blair Leighton (XIXème siècle)


    C'est cette histoire-là qu'Antoine Audouard se propose de nous raconter, au travers des yeux de Guillaume d'Oxford, devenu, sur le tard, frère à Fontevrault, l'abbaye de Robert d'Arbrissel. Né en Angleterre, Guillaume, qui est le narrateur d'Adieu, mon Unique, a beaucoup voyagé, beaucoup appris avant de se fixer à Paris où il rencontre Abélard, qui devient en quelque sorte son maître, son mentor et son disciple. Unis par une amitié et une rivalité qu'ils ne peuvent arriver à contenir, Pierre Abélard et Guillaume ne se quitteront plus vraiment et le jeune homme sera le témoin privilégié mais malheureux de l'histoire passionnelle qui se noue entre Abélard et son élève Héloïse. Il trompera le chanoine Fulbert pour mieux aider ses deux amis, il fera tout pour les sortir du cercle vicieux dans lequel leur amour les a jetés...
    Je dois dire qu'en commençant ce roman, je ne m'attendais pas du tout à cela mais finalement, même si j'ai été un peu déroutée, j'ai été très agréablement surprise...Le récit est émaillé de nombreuses références bibliques et religieuses mais même cela ne m'a pas gênée car, finalement, ça s'inscrit très bien dans le contexte de l'époque relatée. Et vu la place que la religion occupa dans l'existence de Pierre Abélard et Héloïse, en bien ou en mal, d'ailleurs, je pense qu'il était tout à fait normal de ne pas la supprimer complètement du récit. Quant au style, il est vraiment de toute beauté et, rien que pour cela, ce livre mérite d'être lu à mon avis. Non seulement l'histoire d'Héloïse et Abélard est belle et émouvante mais le style lui apporte un plus certain. Leur histoire d'amour est magnifiée par la plume d'Antoine Audouard, qui parvient avec brio à relater la passion sans niaiserie ni mièvrerie et c'est un véritable plaisir de lire ses phrases poétiques et pleines de vérités.
    Bref, il me semble que Adieu, mon Unique est un roman à conseiller. On n'est pas là dans du roman historique lambda, il y'a autre chose, quelque chose de plus dans ce livre. A lire, à mon avis. Rien que pour le style et l'universalité de l'histoire d'amour. Quelque part, on est tous des Abélard et Héloïse et ce livre ne peut que résonner en nous d'une manière ou d'une autre.

    En Bref :

    Les + : une belle histoire, captivante et émouvante, servie par un style unique. 
    Les - : 
    Aucun.

     

     

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

     Coup de cœur


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  • « La grandeur du conquérant se mesurait à l'aune de sa réussite. Et la gloire se mettait toujours du côté du vainqueur ! »

    Je Te Vois Reine des Quatre Parties du Monde ; Alexandra Lapierre

    Publié en 2013

    Editions Flammarion

    573 pages

    Résumé :

    Comme Christophe Colomb, Doña Isabel Barreto rêva de repousser les limites des mondes connus. Admirée - haïe aussi -, elle devint, au temps des conquistadors, la première et la seule femme amirale de la flotte espagnole. En 1595, elle part de Lima avec quatre galions en quête du cinquième continent : l'Australie. Elle traverse le Pacifique, couvrant près de la moitié du globe sur une route maritime inexplorée. Au fil de ses découvertes, elle va devoir affronter la violence et tenir tête à la mort. Elle aimera follement deux hommes qui partageront son ambition. Mais pour survivre, elle accomplira des actes qu'elle-même ne pourra se pardonner... Connue pour la rigueur de ses enquêtes, Alexandra Lapierre a suivi sa trace dans les bibliothèques d'Europe et d'Amérique du Sud, traquant de Lima à Séville tous les témoignages de cette existence passionnée. Par le souffle et la vivacité de son écriture, elle brosse de cette femme qui osa l'impossible un portrait baroque et puissant, à la mesure d'un destin sans égal.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Doña Isabel Barreto. Le nom est méconnu et pourtant, cette femme fut la seule amirale de l'Armada Espagnole à l'époque de la Conquista (XVIème siècle). D'origine espagnole, Isabel Barreto de Castro serait née vers 1567 en Espagne (à Pontevedra en Galice) ou, peut-être, comme dans le roman, à Lima au Pérou. Fille de Mariana de Castro, issue d'une bonne famille de la noblesse espagnole, des doutes persistent sur sa filiation paternelle : serait-elle la fille de Francesco Barreto, marin portugais et dix-huitième gouverneur de l'Inde portugaise (c'est-à-dire l'ensemble des possessions portugaises en Inde) ou bien, -c'est cette hypothèse qui est retenue d'ailleurs par Alexandra Lapierre dans son roman-, celle de Nuño Rodríguez Barreto, conquistador d'origine portugaise venu faire fortune au Nouveau Monde ?
    Le reste de sa vie est plus connue. Belle, déterminée, Isabel devient l'épouse du navigateur Alvaro de Mendaña, en 1585. Il avait vingt-quatre ans de plus qu'elle mais, contre toute attente, leur couple sera solide et uni et Isabel accompagnera son mari, Adelantado des Mers du Sud, dans son exploration du Pacifique et dans sa quête éperdue des îles Salomon, découvertes plusieurs années plus tôt et qui hantaient Mendaña depuis lors. Remariée ensuite à don Hernando de Castro, rencontré aux Philippines, Isabel l'aimera follement, d'une passion qu'elle n'avait pas éprouvée pour Mendaña mais décidera de poursuivre la quête de ce dernier. Elle connaîtra tout, les horreurs de la traversée, de la colonisation ratée sur l'île de Santa Cruz, les mutineries de son équipage, la faim, la soif, la saleté...et pourtant, Isabel ne faiblira pas, déterminée à être celle qui irait plus loin encore que Christophe Colomb...

    Je Te Vois Reine des Quatre Parties du Monde ; Alexandra Lapierre

    Isabel Barreto et Alvaro de Mendaña (portraits présumés)


    Les romans d'Alexandra Lapierre sont toujours des valeurs sûres. Je te vois reine des quatre parties du monde ne déroge pas à la règle. Historiquement exhaustif, très bien documenté, ce roman n'en reste pas moins un récit captivant, passionnant et passionné et, surtout, très touchant. Même si le personnage d'Isabel force le respect, elle n'en reste pas moins une femme, un être humain avec ses failles. Passionnée, elle aima deux hommes, provoqua le scandale en épousant Hernando de Castro seulement trois mois après la mort de son premier mari. Obstinée, elle n'aura de cesse de remettre à flot les bateaux commandés par lui et dont elle fut l'unique légataire à sa mort et de chercher ces terres qui avaient eu tant d'importance pour Alvaro. Aimée ou haïe, Isabel Barreto ne laisse, sans aucun doute, personne indifférent et c'est cela aussi qui fait la force du récit.
    Quant au style, rien à dire. J'ai retrouvé avec plaisir cette plume découverte dans L'Excessive ou Artemisia. Alexandra Lapierre, décidément, excelle dans la biographie romancée car, non seulement les informations sont vérifiées -on sent le travail de recherches en amont- mais on ressent aussi, d'autre part, la volonté de livrer un récit fiable tout en sacrifiant au travail du romancier qui est de doter ces personnages ayant réellement existé d'une psychologie et d'un caractère qu'ils eurent peut-être mais, aussi, qu'ils n'eurent peut-être pas, car il est bien difficile de se glisser dans le subconscient de personnes disparues depuis près de 400 ans ! Et pourtant, tout a l'air vrai. A partir des informations recueillies en Espagne -notamment à Séville-, mais aussi au Pérou, où l'auteur a visité le couvent de Santa Clara, couvent où la sœur aînée d'Isabel, Pétronille, a été religieuse et où l'Adelantada s'était elle-même retirée après son retour au pays, Alexandra Lapierre s'est attachée à nous livrer un récit romancé mais assis sur des bases solides, tant en ce qui concerne les dates que le vocabulaire spécifique à la navigation et au commerce de l'époque, qui est précis sans être incompréhensible non plus -un glossaire est disponible en fin d'ouvrage, ce qui est plutôt intéressant, surtout pour les termes typiquement espagnols qui peuvent parfois poser problème. Et, même si on ressort plutôt révulsé par les conditions de navigation de l'époque -rien de surprenant en soi mais lorsqu'on lit le récit de cette expédition catastrophique, on ne peut que se sentir impressionné et l'auteure restitue avec pas mal de brio les horreurs endurées par les équipages des navires de Mendaña -, on en ressort aussi avec un sentiment d'exotisme particulièrement présent. On découvre en même temps qu'Isabel cet archipel immense des Philippines, découvert par les Espagnols quelques décennies plus tôt et nommé ainsi en hommage au prince Philippe, fils de Charles-Quint et futur Philippe II. On découvre ce pays étrange, entre Asie et Amérique, perdu dans les eaux du Pacifique, peuplé d'Espagnols directement débarqués d'Europe mais aussi de Chinois ou de Japonais venus y faire du commerce et du troc. On vit avec elle toutes ses découvertes, ses joies et ses épreuves et c'est une plongée immédiate dans ce Nouveau-Monde fascinant des Grandes Découvertes. 

    Un roman intéressant à conseiller à tous les amateurs d'historique.

    Je Te Vois Reine des Quatre Parties du Monde ; Alexandra Lapierre

    Paysage des îles Salomon, aujourd'hui territoire britannique, découvertes pour la première fois par Mendaña au XVIème siècle

     

    En Bref :

    Les + : une biographie romancée qui tient la route. Captivante et bien écrite. 
    Les - : 
    Aucun.

     

     


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