• « Si tu ne me vois plus, ferme les yeux, et je serai là. Encore et toujours. »

    D'un Rouge Incomparable ; Véronique Chouraqui

    Publié en 2014

    Editions TDO (collection Histoire du Sud)

    416 pages

    Résumé :

    Dans le Montpellier de 1791, Elisabeth Coste, drapière, décide d'adopter une petite fille abandonnée. A cette occasion, elle retrouve Joseph Durand revenu en ville après 25 ans d'absence et devenu juge de paix. Leurs retrouvailles les bouleversent.                                                 Harcelée parce qu'elle est la soeur d'un prêtre réfractaire, elle voit injustement tous ses biens confisqués par les autorités. Joseph Durand est chargé de poser les scellés sur ses meubles et sa boutique. Alors que les Espagnols sont annoncés aux portes de la ville et que la rumeur d'une famine sans précédent s'amplifie, Elisabeth, acculée financièrement, décidé de faire cuire des galettes pour nourrir sa fille. Mais en période de crise, l'acte le plus insignifiant peut devenir un acte politique. Artisan du malheur d'Elisabeth et révolutionnaire convaincu, Joseph parviendra-t-il à l'aider dans son combat contre l'injustice ? Ses rêves de liberté et d'égalité résisteront-ils à la réalité ? 

    Librement inspiré de faits réels, ce roman dépeint avec une grande fidélité un épisode de la Terreur à Montpellier. L'écriture limpide et soignée de Véronique Chouraqui donne une dimension psychologique particulière aux personnages qui, malgré eux, sont sommés, non pas de choisir, mais d'appartenir à un camp. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1791, le sud du royaume est encore relativement épargné par la fureur révolutionnaire. Elisabeth Coste, drapière montpelliéraine, est alors confrontée à un abandon d'enfant, juste devant sa porte. La petite fille a un peu plus d'un an, elle est en très mauvaise santé et a peu de chances de survivre à son placement à l'hôpital. Elisabeth décide alors d'adopter l'enfant qui répond au nom de Marianne.
    Mais la relativement quiétude des habitants va bientôt être réduite à néant, avec la chute irrévocable de la monarchie, puis la proclamation de la République et, enfin, l'instauration du régime de la Terreur. L'armée espagnole est aux portes du Languedoc et du Roussillon et les conditions de vie de la population se durcissent de fait ; les jeunes hommes, du moins ceux qui jouent de malchance, doivent rejoindre l'armée pour défendre le pays et la Révolution, menacés par les royalistes et la famine, bientôt, se répand en ville. Un jeune homme, boulanger de son état et plutôt inventif, fréquentant par ailleurs la jeune servante d'Elisabeth Coste, Catherine, qui s'est éveillée grâce à lui aux idées novatrices de la Révolution, a alors l'idée, pour nourrir les habitants de Montpellier, les plus nécessiteux comme les autres, d'ailleurs, qui souffrent aussi du rationnement et de manque de vivres, de cuire des galettes, appelées aussi « biscuits de mer » et qui sont usités, sur les navires, depuis bien longtemps : ce sont en effet ces biscuits très secs et donc très durs que les équipages devant entreprendre de longs voyages en mer sans possibilité de se ravitailler emmenaient pour se nourrir le temps de leur voyage. Ces biscuits, peu appétissants, avaient au moins le mérite de se conserver longtemps après avoir été cuits et le jeune boulanger pense donc pouvoir ainsi remédier au problème de manque de nourriture en ville. Elisabeth, qui doit nourrir sa fille mais aussi son père malade, se range à son avis et se met à confectionner des galettes. Elle ne sait pas alors que ce simple acte d'une mère désespérée pour nourrir sa fille va prendre une ampleur formidable et la faire soupçonner de complot anti-révolutionnaire et d'aristocratie...le fait d'être la sœur d'un prêtre insermenté et, qui plus est, déporté par les autorités après avoir refusé la Constitution Civile du Clergé n'arrange assurément pas ses affaires.
    Inspiré de faits réels, le roman de Véronique Chouraqui traite un épisode très régional de la Révolution Française et donc, par là-même peu connu. Plutôt effrayant, il illustre le fanatisme d'un régime peu assuré sur ses bases et qui fait donc preuve d'intransigeance et d'autorité au point de verser dans l'horreur ; le désespoir de populations qui n'ont jamais vu les innovations de la Révolution et pour qui l'égalité naturelle entre les hommes n'est qu'une abstraction et qui doivent continuer, comme avant, à trimer pour nourrir et faire vivre leur famille ; le ridicule aussi de ces hommes qui se croient investis d'une mission républicaine et nient en bloc l'héritage monarchique au point de remplacer leurs noms de baptême, donc à connotation religieuse, par des noms bien plus courants de fruits et de légumes, par exemple. Le roman est aussi un bel exemple du fanatisme et de l'horreur de cette période que l'on est aujourd'hui un peu trop enclin à porter aux nues.
    Pour autant, il a des défauts comme des qualités et c'est ce que nous allons voir tout de suite. En effet, même si ce roman m'a convaincue, j'ai trouvé qu'il péchait par une chronologie un peu confuse et par un style parfois un peu difficile à suivre, d'autant plus que le livre est émaillé de flash-back. Flash-back qui permettent d'en savoir un peu plus sur le passé des personnages et donc, notamment, sur leur façon d'agir, mais il est parfois difficile de se retrouver entre les différents chapitres et de comprendre à quel moment le retour en arrière s'est amorcé.
    J'ai par contre trouvé ce roman très bien documenté, surtout sur les instances juridiques sous la Révolution mais aussi sur la politique de cette période en général. D'un Rouge Incomparable peint le portrait complet d'une ville, d'une région à l'identité tout de même fortement marquée et de personnages issus de différentes classes de la société, cette société qui peine encore à se défaire de ces anciens carcans, malgré, justement cette volonté d'abolir tout privilèges et de proclamer l'égalité de la Révolution. On se rend vite compte que, si aujourd'hui ces notions-là sont des acquis pour nous, il faudra bien des têtes tombées et bien des combats pour qu'elles le deviennent. En effet, les grandes idées de 1789 n'avaient pas encore eu la possibilité de s'enraciner fermement de la société qui connaissait encore bien des injustices.
    Ce que j'ai aimé aussi, c'est l'histoire un peu plus sentimentale qui sert de trame, de squelette au roman, en quelque sorte. Cette histoire lie Elisabeth Coste au juge de paix Joseph Durand, ancien ouvrier de son père, et qui a fait des études de droit à Aix avant de revenir à Montpellier où il a embrassé la cause révolutionnaire. Ils avaient connu une histoire d'amour juvénile avant de se perdre de vue, ils le pensaient très certainement, pour toujours. Histoire difficile, dure parfois, pleine de complications, cela change des grandes passions parfois un peu niaises. Au contraire, j'ai trouvé cette histoire très belle et intéressante à découvrir.
    De plus, en aidant Elisabeth dans son combat pour sa fille mais aussi contre l'injustice, Joseph Durand, dont le personnage peut paraître froid au premier abord devient de plus en plus sympathique au lecture à mesure que l'on avance dans le récit, surtout lorsqu'il se rend compte que ces nouvelles idées, dont il était un prêcheur convaincu, s'avèrent bien limitées.
    Et, même si je l'avoue, je me suis parfois un peu ennuyée au milieu de ma lecture, j'ai tout de même trouvé ce roman intéressant et je ne regrette pas de l'avoir lu, bien au contraire. D'un Rouge Incomparable décrit d'une façon innovante la Révolution et ça marche. Le roman a des défauts, quelques inégalités, mais se laisse lire.

    En Bref :

    Les + : un roman plutôt bien documenté et un récit intéressant inspiré de faits réels.
    Les - :
    des inégalités, une chronologie un peu confuse.


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  • « Il me faut donc des preuves. Trouvez-les, Fronsac ! Trouvez-les. Vous seul le pouvez. »

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 3, La Conjuration des Importants ; Jean d'Aillon

    Publié en 2005

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    405 pages

    Troisième tome de la saga Les Enquêtes de Louis Fronsac

    Résumé :

    Paris, décembre 1642, le commissaire de police du quartier de Saint-Avoye a été assassiné dans une pièce entièrement close. Louis Fronsac, jeune notaire audacieux, mène l'enquête avec son ami de toujours, Gaston de Tilly, que l'on vient de nommer commissaire à Saint-Germain-l'Auxerrois. Au même moment, autour de la duchesse de Rambouillet, de Marie de Robutin-Chantal et du prince de Marcillac, s'agitent les Importants. Cherchent-ils simplement à influencer la régente Anne d'Autriche, et sont-ils responsables de la mort du roi ? Alors que Louis Fronsac recherche autant la vérité que l'aide du jeune duc d'Enghien qui tente d'arrêter les troupes espagnoles, le duc de Beaufort et sa maîtresse, Mme de Montbazon, trament leur criminelle conspiration. Et si la cabale des Importants n'était qu'une intrigue de façade pour tenter d'assassiner le Sicilien Mazarini ?

    Récits d'aventures et énigmes criminelles au cœur du Paris du XVIIe siècle. Un jeune notaire audacieux se retrouve emporté dans le vent de l'histoire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le 8 décembre 1642, Richelieu rend son âme à Dieu -ou au Diable, c'est selon. Tout le monde pense -et espère-, que s'ouvre alors une nouvelle ère pour Louis XIII, comme cela était déjà arrivé après l'assassinat de Concini en 1617. Débarrassé de son inusable mais aussi indispensable ministre, la politique royale va-t-elle enfin changer, se demande-t-on ?
    Mais Louis XIII est malade lui aussi. Très malade et, à près de quarante-deux ans, le roi est usé, miné par une tuberculose intestinale qui va d'ailleurs l'emporter au mois de mai 1643, cinq mois après la mort du cardinal. Son fils aîné, le petit Dauphin Louis monte alors sur le trône à cinq ans, sous le nom de Louis XIV et va, mais ça, il ne le sait pas encore, ouvrir une nouvelle -mais aussi grandiose- période.
    C'est donc dans ce contexte plutôt troublé de fin de règne que nous retrouvons notre notaire du Grand-Siècle, Louis Fronsac, rencontré deux tomes plus tôt alors qu'il n'était encore qu'un jeune garçon pensionnaire à Clermont. Depuis, Louis est devenu un homme et, si son ami Gaston de Tilly est aujourd'hui policier, lui a opté pour la voie familiale, en devenant notaire comme son père. Mais Louis a aussi en charge des affaires extraordinaires, qui lui sont confiées par le Châtelet et ont donc permis à l'étude paternelle de devenir l'une des plus renommées de la capitale.
    Cette fois, c'est une enquête plutôt délicate qu'on lui demande de déjouer : en effet, un commissaire de police a été assassiné chez lui, dans une pièce totalement close. Tout laisse à penser qu'il a été tué par balle, seulement les enquêteurs, après avoir pourtant passé la pièce au peigne fin, ne retrouvent aucun projectile. Gaston de Tilly, le meilleur ami de Louis, lui demande alors son aide. Les deux jeunes hommes partent alors sur la piste plutôt évidente d'un meurtre commis dans le but de faire taire définitivement le commissaire, qui pouvait enquêter sur des affaires délicates mais ils se rendent rapidement compte, et Louis le premier, que cet assassinat pourrait peut-être avoir des ramifications politiques bien plus profondes qu'ils n'auraient pu le penser au premier abord. Ils vont alors plonger dans le cœur trouble des affaires secrètes de la royauté entre complots, cabales, conspirations, jalousies et course au pouvoir, rendus propices par la mort brutale du roi et l'accession au trône d'un enfant mineur soumis à la régence d'une mère espagnole et d'un ministre italien. Justement, autour de la duchesse de Chevreuse et du « roi des Halles », Beaufort, petit-fils bâtard d'Henri IV, se trame une conjuration qui prendra bientôt le nom de « conjuration des Importants » et vise tout simplement à s'emparer, pour ses partisans, du pouvoir, au détriment de Mazarin, considéré à juste titre comme un étranger mais surtout, comme une créature de Richelieu. 
    Ce troisième tome des aventures de Louis Fronsac, dans lequel il va encore frôler la mort mais aussi fréquenter la haute et ses intrigues les plus noires, n'est pas, du moins dans le côté policier, sans nous rappeler les aventures de notre cher Nicolas, commissaire de police au Châtelet cent-cinquante ans plus tard ! Bien sûr, le contexte n'est absolument pas le même, même si l'un découle évidemment de l'autre et le personnage de Louis est peut-être un peu moins charismatique que celui sorti de l'imaginaire de Jean-François Parot, mais on retrouve quelques points communs entre ces deux sagas, notamment dans l'intérêt rapide que les personnages suscitent chez le lecteur. On s'attache en effet rapidement à Louis, un personnage intéressant, à la psychologie peu complexe mais bien travaillée. Issu d'un milieu plutôt bourgeois et fréquentant des cercles fermés comme ceux de la marquise de Rambouillet, par exemple, il n'en est pas moins conscient de la misère de ses contemporains et de la grandeur parfois insolente de ces nobles qui se pavanent dans les entours de la reine et du jeune roi et peuvent se montrer soudain très très dangereux si l'on en vient à menacer leurs intérêts et prérogatives.
    Ce roman, comme les deux premiers, est aussi un beau portrait de ce Paris du XVIIème siècle, sous la régence d'Anne d'Autriche. Une ville encore très populeuse, sordide parfois, mais qui abrite cependant les lieux sublimes du pouvoir. Quelques petites erreurs historiques m'ont toutefois un peu gênée et auraient pu être évitées, à mon avis : non, le duc de Chevreuse -mari de la sulfureuse et tout aussi vénéneuse Marie de Rohan- n'était pas le beau-frère du duc de Guise mais tout simplement son oncle. Cependant, dans l'ensemble, c'est un contexte historique plutôt bien restitué que nous propose Jean d'Aillon, avec la description plutôt bien détaillée des différents modes de vie des Parisiens, qu'ils soient nobles, bourgeois, petits bourgeois, journaliers ou hommes de peine.
    Au-delà de ça, l'intrigue policière est aussi très intéressante, un peu plus enlevée que dans le premier tome (Les Ferrets de la Reine) mais aussi dynamique, finalement, que dans Le Mystère de la Chambre Bleue. Le récit est mené tambour battant et, malgré parfois, quelques lourdeurs de style, il se déroule plutôt bien et se lit donc, de fait, avec rythme et aisance.
    Bref, ce troisième tome ne m'a donné qu'une envie, c'est, bien sûr, de me plonger plus avant dans cette saga vraiment prometteuse ! Pour l'instant, elle est à la hauteur des Guilhem d'Ussel et de La Guerre des Trois-Henri ! !

    En Bref :

    Les + : un récit enlevé, une enquête policière intéressante, je dirais même captivante et un contexte historique bien restitué dans l'ensemble.
    Les - :
    quelques lourdeurs de style ; une erreur historique qui aurait pu être évitée.


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  • « Les soirées peuvent être extraordinaires, les nuits inoubliables, et pourtant elles aboutissent toujours à des matins comme les autres. »

    La Délicatesse ; David Foenkinos

    Publié en 2009

    Editions Folio

    210 pages

    Résumé :

    « François pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m'en vais. C'est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n'est guère mieux. On sent qu'on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents. Finalement, il se dit qu'un jus, ça serait bien. Oui, un jus, c'est sympathique. C'est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l'orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Le jus d'abricot, c'est parfait. Si elle choisit ça, je l'épouse.
    _Je vais prendre un jus...Un jus d'abricot, je crois, répondit Nathalie.
    Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité. »

    La Délicatesse a obtenu dix prix littéraires et été traduit dans plus de quinze langues.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nathalie est encore étudiante quand elle rencontre François, d'une façon peu banale. Il est un peu plus âgé qu'elle et, très vite, elle va trouver dans leur vie de couple une stabilité et une douceur qui lui correspondent bien. Engagée dans une entreprise suédoise où elle fait du bon travail, Nathalie aurait tout pour être heureuse : pas encore d'enfant, mais un bel appartement, un mari aimant et attentionné, un travail qui lui plaît. Jusqu'à ce jour tragique où, alors qu'ils sont mariés depuis sept ans, François disparaît à la suite d'un accident.
    Nathalie est encore jeune mais confronté à un bouleversement terrible : la voilà désormais veuve, devant affronter l'effondrement brutal et total de ce qui faisait son existence depuis près de dix ans, la fin d'une époque et surtout, la perte d'une personne tendrement aimée. La voilà désormais seule pour faire face, isolée dans une vie qu'elle n'avait jamais envisagé de cette façon. Confrontée aux soutiens obséquieux et parfois un peu hypocrites et à la sollicitude, pour le coup sincère mais parfois aussi pesante, de sa famille et de ses amis, la jeune femme va devoir réapprendre à vivre, pour elle-même et surtout, en essayant de se débarrasser de la culpabilité qui s'est emparée d'elle après la disparition de son mari. C'est dans son contexte qu'elle va faire la connaissance de l'un de ses collègues qui pourrait bien changer sa vie à jamais.
    Le sujet de La Délicatesse est finalement assez lambda et ce qui sauve le roman, à mon avis, c'est surtout la façon dont David Foenkinos aborde le sujet, plutôt que le sujet lui-même. L'histoire d'une femme confrontée au deuil est finalement assez basique, ce qui compte, c'est, au fond, la façon dont on aborde un tel sujet, pas drôle et qui peut même s'avérer un peu plombant. Il faut bien avouer que l'auteur s'en tire très bien, en quelques pages, puisque le roman est assez court et qu'il parvient d'ailleurs à nous intéresser très rapidement à son intrigue, même si une certaine distance est instaurée d'emblée avec les personnages. Bien qu'attachante, Nathalie a une certaine froideur qui empêche le lecteur de s'identifier totalement à elle mais pas de ressentir une certaine chaleur et même une véritable sollicitude pour elle. Le personnage qui s'avère au final le plus attachant et le plus jovial dès le départ, c'est François, qui disparaît cependant rapidement, après quelques pages, certainement pour faire sentir au lecteur avec plus d'acuité la brutalité et la violence du deuil auquel Nathalie est confrontée.
    En effet, plus que sur leur histoire d'amour, qui n'est qu'un prétexte au développement du propos, c'est au reste de l'existence de la jeune femme que David Foenkinos s'intéresse, avec, en trame cette question que l'on peut tous se poser : que reste-t-il quand on perd son conjoint à un âge où l'on a encore tout à construire ? Ce qui, avec l'âge devient malheureusement la force des choses est plus difficile à accepter quand on est encore jeune et que l'on nourrit des projets.
    C'est finalement avec beaucoup de chaleur -et de délicatesse- et avec un style tout doux que l'auteur nous décrit l'éveil, à nouveau, de Nathalie, à une vie heureuse et dans laquelle un homme pourra de nouveau prendre une place importante. C'est finalement la capacité foncièrement humaine et naturelle de surmonter toujours, un jour ou l'autre, l'adversité, qui nourrit le récit de La Délicatesse. Foenkinos nous dépeint aussi l'atmosphère malsaine qui découle parfois d'un deuil, la curiosité mal placée des uns, les gestes entreprenants des autres, plus opportunistes, qui ont fait leur l'adage le malheur des uns fait le bonheur des autres. A travers le monde du travail, connu justement pour ce manque d'intimité et la confusion rapide, sous prétexte que l'on s'entend bien, de la vie privée et de la sphère professionnelle, La Délicatesse nous montre aussi comme les relations humaines peuvent parfois être pesantes et mal avisées, surtout quand on a besoin de se reconstruire doucement, en silence et en secret.
    Bref, j'ai apprécié ce roman même si je n'ai pas été complètement transcendée comme certains autres lecteurs ont pu l'être. Oui, j'ai vraiment été très rapidement happée par cette lecture pour autant, La Délicatesse n'a pas été un coup de cœur. Mais il restera sans nul doute une histoire que je garderai en tête, notamment pour sa douceur et son propos, certes basique, mais traité avec justesse, sans lourdeur et sans pathos.

    En Bref :

    Les + : le sujet, assez lambda, mais traité avec justesse, le style de l'auteur.
    Les - : Aucun. 

     

    La Délicatesse, c'est aussi un roman plein de jolies phrases :

    « Soumis à la dictature de la sensualité, il n'en était pas moins un homme romantique, pensant que le monde des femmes pouvait se réduire à une femme. » (page 14)

    « Mais ce n'est jamais simple de passer du regard à la conversation, de l’œil au mot. Après une longue journée de travail, il se sentait dans cet état de délassement qui parfois vous pousse à oser. La fatigue est souvent au cœur de toute audace. » (page 69)

    « Peut-être même avait-il tout simplement renoncée à l'idée de vivre à deux ? Il arrivait à ne plus y voir d'intérêt. Après tout, il y'avait des millions de célibataires. Il pourrait se passer d'une femme. Mais il se disait cela pour se rassurer, pour ne pas penser à quel point il était malheureux de cette situation. Il rêvait d'un corps féminin, et il en crevait parfois de se dire que tout cela lui serait interdit désormais. Qu'il n'aurait plus jamais de visa pour la beauté. » (page 93)

    «Mais il faut avoir vécu des années dans le rien pour comprendre comment on peut être subitement effrayé par une possibilité. » (pages 123-124)

    « Mais c'est ainsi : on a toujours cinq minutes de retard sur nos conversations amoureuses. » (page 147)

     


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  • « Les humiliations longuement subies finissent parfois par se retourner contre ceux qui les infligent. »

    Marie-Antoinette ; Antonia Fraser

    Publié 2002 en Angleterre ; en 2007 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Marie-Antoinette , the Voyage

    Editions J'ai Lu

    723 pages 

    Résumé : 

    Tour à tour reine de la mode, l'Autrichienne, Madame Déficit, Madame Veto, icône martyre ou Messaline royale, Marie-Antoinette est une des rares femmes de l'histoire de France à avoir cristallisé autant de passions haineuses, envieuses ou amoureuses. 

    Avec son objectivité et sa précision d'historienne, Antonia Fraser retrace le voyage initiatique de la reine : son enfance, son idylle avec le comte Axel Fersen et, enfin, ses efforts héroïques pour sauver sa famille, et la monarchie, de la tempête...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand elle naît, en 1755, la plus célèbre -et la plus vilipendée- des reines de France n'est pourtant pas destinée à le devenir. La petite Maria Antonia Josepha Johanna, fille de Marie-Thérèse et de François de Lorraine, empereur du Saint-Empire, n'est en effet pas le premier enfant du couple : elle arrive en bonne quinzième et avant-dernière position et n'est donc pas, de toutes les sœurs, celle qui est destinée à faire un grand mariage. Les hasards, les deuils, feront de la petite Antonia, affectueusement surnommée Antoine par les siens, la candidate à un mariage français, destiné à consolider la toute nouvelle alliance entre la Maison d'Autriche et celle des Bourbons -on parle en effet à l'époque de renversement des alliances tant celle-ci n'allait pas de soi. La jeune archiduchesse est ainsi promise à un prince à peine plus vieux qu'elle, Louis, duc de Berry, propulsé à la place enviée mais ô combien inconfortable quand on y est mal préparé, de Dauphin, à la mort de son aîné, le duc de Bourgogne.
    Ce jeune couple, qui se marie en 1770, sous le patronage débauché mais non moins affectueux du grand-père du marié, Louis XV, devient roi et reine à peine quatre ans plus tard. Ils personnifient, comme leur aïeul, les derniers feux de cette monarchie pluriséculaire, qui va s'éteindre à peine vingt ans plus tard sous les coups d'une Révolution violente et qui aura des conséquences à l'échelle européenne et influera désormais sur l'Histoire et les institutions du pays.
    De nos jours encore, deux-cent-vingt-deux ans après sa mort, Marie-Antoinette ne cesse pas de faire parler d'elle. Elle cristallisa l'amour populaire puis la haine de son vivant et, si aujourd'hui, elle a encore des détracteurs véhéments, elle n'en a pas moins -et beaucoup- des admirateurs passionnés. Il est difficile d'être objectif quand on traite du personnage de Marie-Antoinette, car sa fin tragique et les dernières années de sa vie suscitent nécessairement, pour nous, Français du XXIème siècle, des sentiments de compassion et de commisération qui n'avaient pas forcément leur place dans le contexte difficile de l'époque.

    Marie-Antoinette âgée d'environ quatorze ans, peu avant son mariage (portrait de Joseph Ducreux, 1769)


    Le travail des historiens est donc, de fait, plus difficile à réaliser, c'est certain. En effet, en tant que scientifique, l'historien est tenu de faire preuve d'une objectivité parfaite, ce qui peut s'avérer très difficile avec des personnages qui concentrent sur eux tant de sentiments, contradictoires et exacerbés. Marie-Antoinette n'est pas, comme certains autres, un personnage historique figé dans son temps, dans son contexte, dans son époque, bien au contraire : elle est aussi contemporaine que du XVIIIème siècle et les femmes d'aujourd'hui peuvent autant se retrouver en elle et s'identifier que celle de l'époque qui ont pu fréquenter la reine. Il est donc, bien sûr, en ce cas, difficile, de réaliser un travail dénué de tout sentiments, mais je dois dire qu'Antonia Fraser s'en tire plutôt bien. Historienne réputée, qui a beaucoup travaillé sur l'Histoire de France, elle nous livre en plus un œil neuf, en tant qu'anglo-saxonne. Il est toujours intéressant de lire des travaux de chercheurs étrangers sur des questions d'histoire finalement très nationale. Parfois, il peuvent avoir un oeil neuf et un point de vue tout à fait innovant et donc, par là même, intéressant.
    S'il est en effet difficile de décrire les dernières années et les derniers moments de cette reine, qui souffrit autant qu'elle fut frivole, si ce n'est plus, sans susciter de la pitié et en ressentir très certainement quelque peu, je dois dire que la biographie d'Antonia Fraser est plutôt réussie. Ce n'est bien sûr pas la première biographie de cette reine que je lis, compte tenu de ma passion immodérée pour l'époque et le personnage, mais j'ai quand même passé un très bon moment. Émaillée de témoignages d'Anglais ou d'Américains de passage à Paris et à la Cour, cette biographie a un petit caractère international plutôt sympathique et qui colle du coup très bien à l'image contemporaine de Marie-Antoinette, récupérée par le cinéma, la publicité et toutes sortes de produits dérivés.
    L'auteure a su aussi très bien capter cette atmosphère délétère qui va caractériser rapidement le règne de Louis XVI et Marie-Antoinette, d'autant plus forte que la déception sera à la hauteur des attentes premières. Tandis que la reine s'étourdit de plaisirs et de folies, pour compenser le malheur et la frustration de sa vie de couple, le roi, lui, voit sombrer lentement le navire qui lui avait été confié par ses ancêtres. Car, bien qu'il n'en soit pas directement le responsable, Louis XVI est celui qui personnifie la chute d'un régime millénaire. Et Marie-Antoinette est celle qui, depuis la fin du XVIIIème siècle, est le symbole encore plus flagrant de cette chute. Taxée de bêtise, de méchanceté et de mépris, Marie-Antoinette est sans nul doute la figure royale fra nçaise que l'on détesta autant et que l'on aima d'ailleurs détester. L'auteure s'emploie donc à redorer son blason, sans tomber pour autant dans l'hagiographie : si Marie-Antoinette fut parfois insultée gratuitement et taxée de vices et de travers qu'elle n'avait pas, force est de reconnaître que, par certains de ses comportements, elle s'attira elle-même ces critiques, certes extrêmes mais signe d'un ras-le-bol général que les souverains, aveuglés et figés dans un univers clos et ancestral, ne virent pas arriver et qui, pourtant les balaya.

    Kristen Dunst dans le film de Sofia Coppola (2006)


    Dans la biographie d'Antonia Fraser, le côté maternel de Marie-Antoinette, parfois mis de côté dans certaines autres, pour se concentrer plutôt sur le personnage que joua la reine en dehors de son particulier, est au contraire plutôt poussé en avant. La reine participa en effet, avec beaucoup d'autres de ses contemporaines, à l'image moderne que l'on se fait de l'enfant : elle fut l'une des premières souveraines de France à prendre réellement soin de ses enfants, à veiller à leur éducation et à leur bon développement, les pleurant sincèrement quand ils venaient à mourir -elle perdra sa petite Sophie en 1787 et le petit Dauphin Louis-Joseph, atteint de tuberculose, au début du fatal été 1789- et ne prenant en considération, quand elle n'avait plus rien, que le bien-être de ceux qui restaient, Madame Royale et le petit Louis-Charles. J'ai apprécié de voir ce trait de caractère de la reine, plutôt évident mais pas souvent traité, mis en avant et qu'Antonia Fraser consacre des chapitres complets à la conception de la maternité par Marie-Antoinette et les liens qu'elle entretint ensuite avec sa progéniture.
    Le seul bémol, qui pourrait venir de la traduction, est la complexité de certaines phrases, émaillées souvent de propos complémentaires entre tirets qui font parfois perdre le fil. Mais, dans l'ensemble, c'est un bon livre, un travail sérieux et à conseiller à tous les fans de cette reine emblématique.

    En Bref :

    Les + : un travail sérieux et intéressant.
    Les - :
    des phrases parfois un peu alambiquées et compliquées qui font malheureusement perdre le fil.


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