• « Il arrive qu'on croie connaître les hommes, mais en vérité on ne sait jamais tout sur eux. »

    Les Aventures d'Olivier Hauteville, tome 5, Dans les Griffes de la Ligue ; Jean d'Aillon

     

    Publié en 2014

    Editions J'ai Lu

    632 pages

    Cinquième tome de la saga Les Aventures d'Olivier Hauteville

    Résumé : 

    2 août 1589. Henri III, roi de France, est assassiné. Le meurtrier, atrocement mutilé par les gardes du roi, est méconnaissable. Il s'agirait de Jacques Clément, le moine qui a exigé un entretien en tête à tête avec le roi pour lui remettre d'importantes missives. 

    Mais le chevalier Olivier Hauteville, chargé par Henri de Navarre, beau-frère d'Henri III, d'enquêter sur l'affaire, a déjà rencontré Clément par le passé. Et il est formel : le cadavre n'est pas celui du Jacobin que l'on accuse...Est-ce bien Clément qui a été reçu par le roi ? Ou bien a-t-il été remplacé ? Si oui, dans quel but ? La tâche d'Olivier Hauteville s'annonce périlleuse, d'autant que, dans l'ombre, la redoutable Ligue complote contre Henri de Navarre, nouveau roi de France. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    À l'été 1589, les armées royales et celles du roi de Navarre s'apprêtent à opérer une jonction, afin de se coaliser contre la Ligue. Mais le 1er août, alors qu'il se trouve à Saint-Cloud, Henri III, reçoit un jacobin qui prétend avoir des informations de la plus haute importance à transmettre à Sa Majesté. Jacques Clément, fanatique endoctriné, porte alors un coup de couteau meurtrier au roi. Dans la nuit du 2 août, le dernier des Valois meurt, laissant son royaume entre les mains de son héritier, son plus proche parent, Henri de Navarre qui, comme chacun sait, est huguenot. Commence alors une période extrêmement troublée, pendant laquelle Henri IV, soutenu par ses propres troupes mais aussi par des catholiques fidèles quoi qu'il arrive à la Couronne, va tenter, grâce à des sièges et des pillages en règle, de conquérir son royaume et d'arracher les place-fortes aux mains des catholiques intransigeants, c'est-à-dire, la Ligue. Mais celle-ci, bien que divisée, est coriace et à cela s'ajoute des doutes quant à l'identité de l'assassin du roi. Une jeune fille présente à Saint-Cloud le jour de la mort du roi, Gabrielle d'Estrées, la maîtresse du Grand Écuyer, Roger de Bellegarde, a fait part de ses réserves, réserves qu'elle ne semble pas être la seule à émettre...
    Voilà dans quel contexte démarre le cinquième tome des Aventures d'Olivier Hauteville, le héros Renaissance de Jean d'Aillon et, une fois n'est pas coutume, l'auteur s'appuie sur une assertion totalement fantaisiste pour monter ensuite de toutes pièces une intrigue policière et aventureuse comme il en a le secret. Guère de doutes demeurent quant à l'identité de l'assassin d'Henri III : il s'agit bien de Jacques Clément, moine jacobin de Paris fanatisé par ses supérieurs. L'homme qui a poignardé le roi et le corps, bien que mutilé, retrouvé en bas de la fenêtre royale, sont une seule et même personne. Mais, dès le XVIIème siècle, on va commencer par remettre sa culpabilité en question, notamment les Jacobins, désireux de laver leur ordre de la tâche qu'un régicide y avait imprimée. Ainsi, en 1647, le père Guyard, reprenant les rumeurs qui ont couru dès 1589, démontrait que le véritable Clément avait été assassiné dans la maison où il passait sa dernière nuit avant d'aller rencontrer le roi et avait été remplacé par un soldat protestant.
    Enfin, plus proche de nous, en 1829, l'auteur des Mémoires apocryphes de la belle Gabrielle, la fameuse favorite d'Henri IV, qui faillit devenir reine de France, imagine que la jeune adolescente, présente à Saint-Cloud au moment du meurtre du roi, ne reconnaît pas Clément une fois mort.
    Pour autant, grâce à un contexte toujours bien restitué, des recherches précises et rigoureuses, Jean d'Aillon brode un récit plausible et qui a toutes les apparences de l'authenticité.
    Bien que lente à se mettre en place, l'intrigue est assez prenante et le contexte des Guerres de Religion compliqué mais intéressant. Jean d'Aillon a bien su capter toute la complexité et la subtilité d'une époque et des différents partis qui s'opposent alors : si l'on est tenté parfois de réduire les Guerres de Religion à un simple conflit religieux, ce qu'elles sont, bien sûr, mais pas que, il apparaît vite qu'une multitude de partis, alors, s'opposent, pour leurs propres intérêts et font donc aussi de ces guerres des conflits politiques. Ainsi, la Ligue n'est pas le parti unifié que l'on croit, tandis que le roi de France, sensé être catholique, n'hésite pas à s'allier aux armées protestantes de son cousin Navarre -et par ailleurs hériter-, afin de combattre la Ligue, parti des Guise et mouvement religieux autant que politique.

    Gravure sur bois allemande représentant l'assassinat d'Henri III par Jacques Clément puis la mise à mort de ce dernier par les quarante-cinq (1589)


    On croise aussi dans ce roman un grand nombre de personnages hauts en couleur mais véridiques ! Quand on dit que souvent la réalité dépasse la fiction ! Ainsi se croisent Henri IV, Mayenne, frère de feu le duc de Guise et lieutenant du royaume, sa sœur, la fanatique duchesse de Montpensier, la belle Gabrielle d'Estrées, encore adolescente et promise à l'avenir glorieux mais aussi tragique que l'on connaît. À ces protagonistes authentiques s'ajoutent aussi des personnages issus de la très fertile imagination de l'auteur et c'est avec plaisir que l'on retrouve Olivier Hauteville et sa jeune épouse, Constance de Mornay, fille adoptive d'un des capitaines d'Henri de Navarre.
    Les Aventures d'Olivier Hauteville sont les premières que j'ai lues. J'ai découvert Jean d'Aillon avec La Guerre des Trois Henri, trilogie qui démarre la série mais peut aussi être lue indépendamment. Le côté policier, au départ, m'avait un peu fait peur mais l'aspect historique des livres, lui, avait su me séduire bien au-delà de mes espérances ! Et j'ai retrouvé dans ça dans Récits cruels et sanglants pendant la Guerre des Trois-Henri et dans cet opus là également. La fin du XVIeme siècle français, si elle plonge dans la sauvagerie et le chaos, n'en reste pas moins une époque passionnante !
    J'ai trouvé que l'intrigue de Dans les griffes de la Ligue mettait un moment à se mettre en place mais ceci est compréhensible, quand on voit dans quel contexte elle prend corps. Ce serait stupide d'occulter ce dernier, voire complètement impossible. Sans contexte, impossible de comprendre tous les tenants et aboutissants du roman. Certains lecteurs se sont plaints de cette lenteur, de cette omniprésence de l'Histoire. C'est en même temps un peu la patte de l'auteur, ce qui fait toute la force de l'oeuvre de Jean d'Aillon, qui est l'un des auteurs de romans historiques les plus précis. Ses romans sont tous appuyés par de très solides recherches et assis sur des bases tout aussi solides parce que bien maîtrisées. L'Histoire est très présente, certes, mais on sait à quoi s'attendre avant de lire ses livres. Difficile donc d'aller le lui reprocher par la suite.
    J'ai relevé une petite erreur au début du volume : la veuve d'Henri III, Louise de Lorraine-Vaudémont n'est pas une petite-fille de Catherine de Médicis. Hormis ca, à part quelques coquilles, rien à signaler.
    Dans les griffes de la Ligue est un roman qui a su me convaincre. J'y ai passé du temps parce que cela était nécessaire pour moi, j'ai eu le sentiment au cours de ma lecture qu'il fallait que je prenne bien tout mon temps au risque d'omettre quelque chose et de ne plus comprendre. Très dense, ce cinquième volume des Aventures d'Olivier Hauteville est un roman historique très bien mené, dans lequel je n'ai pas retrouvé les petites inégalités qui me gênent chez Jean d'Aillon. Le style est fluide, incisif et précis, totalement au service de l'histoire qu'il raconte. Les personnages, fictifs comme historiques, sont tous bien décrits, ils prennent vraiment corps sous nos yeux et sont un point fort indéniable.

    La bataille d'Ivry en 1590 : épisode du fameux « Ralliez-vous à mon panache blanc ! »


    J'ai trouvé ce cinquième tome très abouti. Et passionnant... parce que je suis une amoureuse de l'Histoire et que j'ai eu vraiment eu l'impression, avec ce roman, de saisir toutes les subtilités d'une époque très riche, que l'on réduit parfois au seul affrontement du parti ligueur et du parti protestant alors que c'est beaucoup plus compliqué que ça au final ! Tout un tas de partis se mêlent et s'entremêlent tout en poursuivant des buts différents et profitant des événements pour servir leurs propres intérêts. J'ai trouvé que Jean d'Aillon prenait vraiment bien toute la mesure de l'époque dans laquelle il situe son histoire, ce que, j'avoue, j'attendais de lui. C'est bien le moins qu'il pouvait faire, si je puis dire !
    Tous les événements incontournables sont aussi très bien décrits : la mort d'Henri III, la bataille d'Ivry durant laquelle Henri IV prononça son fameux Ralliez-vous à mon panache blanc, le terrible siège de Paris qui suivit et la famine qu'il entraîna.
    En parallèle, Olivier Hauteville enquête tant sur le mystère qui entoure l'identité du meurtrier d'Henri III que sur une étrange et effrayante confrérie secrète, catholique, mais qui poursuit apparemment des buts qui lui sont personnels et dont les membres, portant des masques, se cachent derrière des noms d'archanges et se sont donnés comme titre : les Gardiens de la Foi.
    Dans les Griffes de la Ligue est une bonne fiction historique qui mêle adroitement faits authentiques et événements fictifs pour donner finalement un propos cohérent et vraisemblable qui a su me séduire. Peut-on dire que Jean d'Aillon est en quelque sorte le Dumas du XXIème siècle ? Il est certainement plus rigoureux que l'auteur des Trois-Mousquetaires mais on peut rapprocher leurs univers, notamment en ce qui concerne le côté aventureux et enlevé de leurs intrigues où les péripéties succèdent aux rebondissements. Mâtinés parfois d'un peu de légendaire -comme c'est le cas dans ce roman avec le surgissement, dans les derniers chapitres du fameux trésor du Temple-, les romans de Jean d'Aillon n'en sont pas moins toujours intéressants et ne manqueront certainement pas de séduire les amoureux d'Histoire, comme moi. Je regrette parfois que l'auteur ne soit pas plus connu. Il est prolixe et son oeuvre est suffisamment vaste, tant en époques qu'en personnages, que chacun, à mon avis, peut y trouver son bonheur. J'ai parfois été moins emballée, mais jamais déçue ! Et je crois qu'à l'issue de la lecture de ce tome, Olivier Hauteville est définitivement mon second héros préféré, après Louis Fronsac

    En Bref :

    Les + : un roman dense, enlevé, foisonnant, riche d'informations et de personnages intéressants. 
    Les - : quelques coquilles et une erreur historique au détour d'un chapitre, qui aurait pu être évitée. 

     


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  • Reçu le : 08 juillet 2017

    Aujourd'hui, je vous présente un colis un peu atypique qui n'est pas vraiment un swap mais qui, dans le principe, peut s'en rapprocher un peu. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'échange...mais on reçoit un colis chaque mois et c'est toujours la surprise à chaque fois, un peu comme pour les swaps ! ! Donc j'ai décidé que je vous présenterai mes Thé Box dans la catégorie des Swaps puisqu'il faut bien les classer quelque part !

    La Box de juillet est bien pleine et porte un joli nom à rallonge. Imaginée avec 10/18, une maison d'édition que j'apprécie particulièrement, je ne pouvais qu'apprécier cette édition. Le but est d'associer chaque thé ou infusion à un livre des éditions 10/18 et je trouve l'idée vraiment sympa. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    Une très jolie Box bien remplie...

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    On reçoit donc ce mois-ci des marque-pages estivaux qui vont filer directement dans mes lectures en cours et l'extrait d'un roman que j'ai très envie de lire, L'été avant la guerre, d'Helen Simonson. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    Moi qui adore les sacs bien sûr j'ai été ravie de trouver ce magnifique tote bag à l'intérieur du colis. Il est sublime, j'adore !

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    Les douceurs de l'été : une barre de noix de coco, pour les petits creux et du pop-corn au caramel beurré salé.

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    Tiger Eye est proposé par adagioteas, une maison que je ne connais pas. Spécialiste des thés gourmands, cette maison nous propose là un thé qui pourrait s'associer à la lecture de La femme à l'insigne, d'Amy Stewart. Sur une base de thé noir, des saveurs gourmandes de caramel, de vanille et de chocolat viennent s'associer. Taylor's of Harrogate nous propose Yorkshire Tea, à associer justement à L'été avant la guerre d'Helen Simonson. C'est une boisson typiquement anglaise, un breakfast tea dans les règles de l'art. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    Memory est un thé vert à la cerise et aux arômes de rose. Il nous est proposé par Betjeman & Barton et s'associera parfaitement à la lecture de Au paradis des manuscrits refusés, de Irving Finkel. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road

    On peut siroter Le chant du coq, infusion La Grange, tout en lisant Dalva, de Jim Harrison. C'est un mélange de thé vert et de fruits rouges associés à des fleurs de bleuet qui m'a l'air plutôt sympa ; Entre amis est une infusion de menthe, de carotte (oui oui, de carotte), de citronnelle, citron et cynorrhodon. Une infusion à déguster en soirée en lisant Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates ; La tisane des sortilèges s'harmonisera parfaitement avec le roman Baba Yaga de Toby Barlow. C'est l'élixir précieux des sorcières, à base de mûre, verveine, pomme, papaye, orange, hibiscus et j'en passe ; enfin, Le Thé de la Chance sera à associer avec La cuisinière, un roman de Mary Beth Keane. C'est un thé vert aux notes de ginseng et de citron qui m'a l'air plutôt sympathique. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road 

    On boira For Him et For Her en lisant Retour à Peyton Place, de Grace Metalious. Palais des Thés nous propose là deux thés aux notes contrastées. Pour elle (For Her) est un thé vert fleuri et fruité tandis que Pour lui (For Him) est un thé noir aux agrumes, à la coriandre et légèrement vanillé. Pas mal du tout. 

    La Thé Box, Juillet 2017 : Le Mystère de Hampton Road 

    Enfin, la marque Higher Living, so british, nous propose de lire Belgravia de Julian Fellowes, tout en faisant infuser ce thé que je connais déjà et qui est très agréable. Un thé vert à la framboise pile d'époque et parfait pour l'été ! 


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  • « La princesse Mathilde fut toujours dans la lumière des idées, des modes, des courants. Son influence et son éclat furent tels qu'ils la placèrent, souvent, au premier rang. »

    La Princesse Mathilde, l'Amour, la Gloire et les Arts ; Jean des Cars

     

    Publié en 1988

    Editions Librairie Académique Perrin (collection Présence de l'Histoire)

    515 pages 

    Résumé : 

    Après avoir publié, chez Perrin, des biographies qui font autorité sur Louis II de Bavière, Elisabeth d'Autriche (Sissi) et le baron Haussmann, Jean des Cars trace un nouveau portrait de femme exceptionnelle. Fille du roi Jérôme (frère de Napoléon Ier), née à Trieste en 1820 et morte à Paris en 1904, Mathilde Bonaparte laisse dans l'Histoire le sillage des grands témoins. Elle a vu le monde près, elle l'a incarné avec éclat. Le second Empire et les vingt-cinq premières années de la IIIe République lui doivent des soirées, des dîners et des rencontres avec tout ce qui a compté dans l'aristocratie, la littérature, la sculpture, la musique, le journalisme et la politique. La princesse Mathilde -unanimement mentionnée par son seul prénom- veut tout connaître, tout comprendre. 
    Cette femme n'est pas jolie, mais elle a mieux à offrir aux regards : elle a de l'allure, elle est intelligente, cultivée et se moque de l'opinion publique avec morgue. Elle sait toujours être à sa place, ce qui est rare et admirable, au travers des aventures qu'elle a vécues, du règne de Louis-Philippe à la présidence d'Emile Loubet. 
    Dans sa vie de femme, elle a du mal à trouver le bonheur. A seize ans, elle est fiancée, presque officiellement, à son cousin Louis Napoléon, futur Napoléon III. La désastreuse échauffourée de Strasbourg (1836) provoque la colère du roi Jérôme qui lui fait rompre ses fiançailles. C'est regrettable pour Mathilde et pour la France car elle aurait, sans aucun doute, évité le conflit franco-prussien de 1870. Très proche de l'empereur des Français et remplaçant, en de grandioses circonstances, l'impératrice à ses côtés, Mathilde s'impose par sa perspicacité là où Eugénie ne montre que de l'ambition. Elle est à peine âgée de vingt ans lorsqu'elle est mariée à un richissime prince russe, Anatole Demidoff. Il l'initie brutalement, mais durablement, à l'amour. Elle lui est fidèle, il la trompe : au bout de quatre ans, ils sont séparés. Ce moujik anobli finira sa vie dans les bras des théâtreuses. Au début du second Empire, elle commence une longue et officielle liaison avec le comte de Nieuwerkerque, surintendant des Beaux-Arts. 
    D'esprit libéral, mais refusant les excès de la démagogie, la princesse reçoit le Gotha de la pensée, du talent et des idées. Après la catastrophe de 1870, réfugiée en Belgique, elle revient en France grâce à l'estime que lui porte Monsieur Thiers. Une nouvelle époque commence. Maupassant et un jeune homme éthéré, Marcel Proust, fréquentent son hôtel de la rue de Berri. 
    Comme toujours, Jean des Cars s'est livré à une enquête minitieuse pour retracer la vie de son personnage. Il a eu accès à une abondante correspondance inédite. Son travail est celui d'un biographe inspiré par la destinée et la personnalité d'une femme qui est un étonnant mélange de traditions et d'ouverture sur le monde. C'est un grand rendez-vous avec l'Histoire, l'amour et les arts. C'est le roman vécu d'une femme qui n'a jamais cessé de séduire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    De la princesse Mathilde, je ne savais que peu de choses, hormis son ascendance, illustre quoiqu'on en pense et le fait qu'elle aurait dû épouser son cousin, le futur Napoléon III, mariage qui finalement ne se fera pas. Mathilde a cependant gardé une grande influence sur son cousin, qui fut un temps son fiancé et qu'adolescente, elle aima certainement d'une amitié amoureuse. Sous l'Empire, elle remplira parfois le rôle de première dame lorsque l'impératrice ne pourra l'assumer et c'est donc uniquement comme cela que j'avais entendu parler de Mathilde : uniquement au travers des destinées, plus grandes, de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Plus grandes, certes, mais pas forcément plus intéressantes parce qu'il apparaît que Mathilde Bonaparte est une femme au destin riche : très cultivée, intelligente, mondaine aussi, ayant une connaissance aiguë de la société dans laquelle elle vit, Mathilde méritait bien une biographie à elle toute seule.
    Elle naît en 1820, en exil, à Trieste, en Italie. Napoléon Ier, dont elle est la nièce, est prisonnier à Sainte-Hélène depuis cinq ans : il y mourra l'année suivante et les Bonaparte restés en Europe sont des proscrits. Ainsi, Madame Mère -Letizia Bonaparte- s'est retirée à Rome et Jérôme, ex roi de Westphalie, mène une vie d'errance entre diverses provinces italiennes où il traîne à sa suite sa famille. À la suite du scandale provoqué par son mariage, en 1804, avec Elizabeth Patterson, une jeune Américaine dont il aura un fils, Jérôme va devoir se séparer d'elle et le mariage sera cassé par son frère. Il épouse alors Catherine de Wurtemberg, qui lui donne trois enfants, dont Mathilde est la deuxième et unique fille.
    Mathilde va passer les vingt premières années de sa vie en exil. Elle a seize ans lorsque sa tante, Hortense, envisage de la marier à son fils, Louis-Napoléon, âgé de vingt-huit ans. Mariage qui n'est pas qu'une idée en l'air puisqu'on ira jusqu'au contrat. Mais les frasques de Louis-Napoléon, qui complote, conspire mais n'arrive jamais à rien, compromettent les noces. Mathilde restera proche de ce cousin, séducteur et séduisant, qui a sûrement réussi à faire naître de l'émoi dans le cœur de la jeune fille. Mais ils ne se marieront pas.
    À vingt ans, elle rencontre Anatole Demidoff, jeune Russe à la réputation un peu sulfureuse. C'est finalement lui qu'elle épousera, après de sordides tractations financières entre le père et le futur gendre. Car les Bonaparte, depuis la mort de Catherine de Wurtemberg, qui survient alors que Mathilde est adolescente, connaissent une gêne de plus en plus criante. Le mariage de Mathilde est avant tout un accord financier qu'une véritable union amoureuse. Mais visiblement, malgré ses défauts, la jeune fille a aimé ce mari qui lui a permis de découvrir la France. Cette union cependant se finira mal et je crois que c'est pour cette raison que j'ai toujours cru que Mathilde ne s'était jamais mariée. Elle entretiendra une relation suivie et stable avec Alfred-Emilien de Nieuwerkerke, d'origine hollandaise et de plusieurs années son aîné, en qui elle trouvera confiance, respect, amour et égalité.
    Puis le destin de Mathilde, par un de ces détours dont le hasard a le secret, va se voir à nouveau étroitement uni à celui d'un homme qui est devenu président de la République : son cousin, Louis-Napoléon. Alors célibataire, puisqu'il n'epousera Eugénie que plusieurs années plus tard, il a besoin d'une première dame, rôle que sa cousine remplira volontiers et honorera même encore sous l'Empire.

    Portrait en pied de la princesse Mathilde Bonaparte par Dubufe (1861)

     
    Au-delà de cet aspect mondain, Mathilde, charmante sans être extrêmement belle, est une femme qui compte et qui en impose. Intelligente, instruite, elle s'entourera jusqu'à la fin de sa vie d'hommes de lettres et d'intellectuels qu'elle recevra notamment dans son fameux salon de la rue de Courcelles. Elle va aussi s'intéresser à la politique de son temps et y prendre une certaine part. Elle reste en tout cas une visionnaire d'une grande clairvoyance
    La princesse meurt en 1904 et est l'un des derniers témoins d'une époque définitivement révolue. Quand on y pense, 1904, ça n'est pas si loin que ça : il est fou de se dire que cette femme qui meurt, certes à un âge plutôt avancé, est la dernière nièce de Napoléon !
    La princesse Mathilde a traversé une époque riche et intéressante, qui m'a en partie motivée à lire cette biographie, mais pas seulement... le personnage m'intriguait aussi beaucoup. Je me rends compte que je savais au final peu de choses d'elle, disons que je n'avais pas gratté au-delà du vernis de surface.
    Au final, j'ai découvert une femme passionnante, qui a traversé une époque riche de bouleversements. Rendez-vous compte : née à l'époque de la Restauration, elle meurt à l'aube du siècle dernier. Figure du proue du Second Empire, elle a connu la guerre franco-prussienne, la fin de l'Empire, la mort de son cousin, la République. Mathilde personnifie peut-être même mieux encore qu'Eugénie -qu'elle n’appréciait pas vraiment, d'ailleurs-, le XIXème siècle français.
    Mathilde racontée par Jean des Cars, se mue en personnage assez fascinant. J' aime les livres de cet auteur pour la chaleur d'une plume de romancier qu'il associe toujours à la rigueur de celle de l'historien. Ses textes ne sont pas figés et barbants, au contraire. Ils vivent et sont dynamiques. J'ai trouvé très plaisante cette plongée dans le Second Empire et la IIIème République, au travers du destin d'une femme méconnue et qui, pourtant, occupa une place importante et dont les demeures de la rue de Courcelles et de Saint-Gratien devinrent des plaques tournantes de la culture de l'époque.
    Intelligente et érudite, peintre amateur à ses heures, Mathilde fut aussi une amie des hommes de lettres -Flaubert, Sainte-Beuve, les frères Goncourt, les Dumas père et fils- et un soutien indéfectible à son cousin.
    La princesse Mathilde est une femme assez forte et admirable, qui ne varie pas et se pose, en face d'une impératrice un peu inconstante et très ambitieuse, en figure de proue, fidèle jusqu'au bout à son nom, à sa famille, aux siens. 
    Racontée par l'un de nos meilleurs historiens contemporains, la cousine de Napoléon III se révèle à nos yeux de lecteurs du XXIème siècle et redevient vivante. À travers elle, c'est aussi toute la fin du XIXème siècle qui revit, son Histoire, ses drames -le conflit avec la Prusse, entre autres-, mais aussi son essor culturel et surtout littéraire et artistique, Mathilde sachant s'entourer d'intellectuels : peintres et écrivains fréquenteront ses salons jusqu'au bout. 
    La vie de cette femme est si riche que les presque cinq cents pages qui composent cette biographie passent à une vitesse folle. Jean des Cars, il y'a plusieurs années, avait su me faire m'intéresser au destin d'Eugénie. Par sa faute, j'ai été obsédée pendant des mois, bien après ma lecture de sa biographie de Sissi, par la touchante et fantasque impératrice d'Autriche. Parmi les femmes admirablement dépeintes par Jean des Cars, il y'a maintenant Mathilde.

    Photographie de la princesse Mathilde au début des années 1860

     

    En Bref :

    Les + : une belle biographie bien documentée, servie par de nombreuses sources inédites et la façon chaleureuse de l'auteur de conter l'Histoire.
    Les - :
    Aucun.

     


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  • « Ne t'en fais pas pour ça. Ne t'inquiète de rien. Nous sommes ensemble, c'est tout ce qui compte. Que sont quelques mois ? Qu'est-ce qu'une petite querelle avec nos parents ? Nous avons cinquante ou soixante ans devant nous, Lily. Ce n'est rien. »

    L’Été du Cyclone ; Beatriz Williams

     

    Publié en 2014 aux Etats-Unis ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : A Hundred Summers

    Editions Pocket

    480 pages

    Résumé : 

    Lily, tenue par le charme discret de la timidité, et Budgie, débordante de cran et d'assurance, sont amies depuis l'enfance. Si différentes mais inséparables, elles traversent avec insouciance les années fac dans la bonne société new-yorkaise. Jusqu'à l'hiver 1931 où elles se perdent de vue. 
    Quand Budgie réapparaît, sept ans plus tard, c'est à Seaview au bras fier de son mari Nick Greenwald, celui que Lily a tant aimé, celui pour qui le coup de foudre avait été immédiat. Entre silences, accrocs et gênes, des liens vont alors se nouer, se renouer, des langues se délier révélant les trahisons, faisant émerger secrets enfouis et vérités nécessaires. Alors qu'au large menace la tempête...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1931, la jolie et timide Lily fait la connaissance de Nick. C'est le coup de foudre immédiat mais la jeune femme sait qu'il sera peut-être difficile de faire accepter son amour à ses parents, parce que le père de Nick est ruiné et...Nick, sans être très pratiquant, est juif.
    Sept ans plus tard, à Rhode Island, Lily retrouve Nick...au bras de son épouse, Budgie, qui était aussi son ancienne meilleure amie lorsqu'elles étaient étudiantes à Smith.
    Alors que s'est-il passé ? Pourquoi n'est-ce pas Lily qui a épousé Nick ? Pourquoi Budgie, qui filait elle-même le parfait amour avec Graham, un étudiant de Dartmouth, quand Lily a rencontré Nick, ne l'a-t-elle finalement pas épousé ?
    C'est les questions que l'on se pose inévitablement et vont trouver une réponse en cet été 1938, alors qu'une tempête menace au large et qu'en Europe la montée des périls se fait de plus en plus inquiétante.
    L'Été du Cyclone est à déconseiller à ceux qui aiment les histoires très romantiques, car, si à la lecture du résumé, on peut effectivement s'attendre à une telle histoire, on sera vite détrompé. Mais si vous aimez les histoires complexes et un peu dramatiques, alors jetez-vous dessus ! Ce roman saura assurément vous séduire.
    Ça n'est pas qu'un roman d'été sentant bon la mer et le sable chaud. L'Été du Cyclone a quelque chose d'autre, qui lui donne l'étoffe d'un grand roman, avec en toile de fond un contexte historique, sinon plaisant, du moins intéressant.
    Le duo féminin qui est au centre du récit y est aussi pour beaucoup dans l'intérêt qu'on porte au roman : immédiatement, dès les premières pages, alors qu'on rencontre Budgie et Lily, encore étudiantes à Smith, elles m'ont fait penser à Odalie et Rose, les héroïnes de Fascinante Odalie, le très bon roman de Suzanne Rindell, qui prend corps à peu près à la même époque. La différence est que nous avons là affaire à deux femmes faites, tandis que Lily et Budgie ne sont encore que de toutes jeunes femmes. Mais la relation est sensiblement la même : le caractère de l'une implique fatalement qu'elle soit dominée par l'autre, dans une relation inégalitaire qu'elle semble subir sans pour autant avoir envie de la remettre en question.
    Lily n'en est pas moins attachante. Justement, la trop grabde exubérance de Budgie et sa grande confiance en elle nous font presque nous méfier d'elle, elle n'est pas vraiment attachante au final. Et puis Lily est la narratrice, l'histoire est vue à travers ses yeux. Difficile alors de ne pas se sentir proche d'elle un minimum.
    Au départ, je n'ai pas su si j'allais aimer ce roman ou non. Il y'en a certains qui suscitent directement un sentiment chez le lecteur. Du moins, moi, je fonctionne souvent comme ça. Et là, rien. Mais alors, quand je dis rien, c'était rien de rien.
    Et finalement, malgré ce manque de ressenti au départ, je ne peux dire qu'une chose : j'ai aimé L'Été du Cyclone ! J'ai dévoré ce roman ! J'y ai tout aimé... l'intrigue, les personnages, la façon qu'a l'auteure de raconter une histoire, qui me donne d'ailleurs très envie de lire ses autres romans.
    Comme je le disais plus haut, ce livre n'est pas qu'un roman d'été, l'auteure ne tombe jamais ni dans la mièvrerie ni dans la facilité.
    L'histoire d' amour ou plutôt devrais-je dire les histoires, qui forment la base du récit, sont complexes, bien menées, suffisamment en tous cas pour donner envie de tourner les pages, de connaître exactement le fin mot de l'histoire. J'ai aimé les flash-back qui nous promènent entre 1932 et 1938 et toute la tension dramatique, qui atteint finalement son paroxysme au moment du cyclone, qui est un fait véridique d'ailleurs. Le 21 septembre 1938, la côte de la Nouvelle-Angleterre fut en effet dévastée par un cyclone d'une force exceptionnelle, baptisé plus tard le Long Island Express, qui raya des cités balnéaires de la carte et tua sept cents personnes.
    J'ai surtout aimé les personnages, je les ai pris comme ils étaient, avec leurs doutes, leurs défauts, leurs qualités aussi et leurs erreurs... parce qu'ils sont très humains et donc accessibles, ils nous donnent, assez inévitablement, envie de les aimer et de les soutenir. Même Budgie, le personnage qu'on a, peut-être, le moins envie de comprendre et de connaître, apparaît touchante par certains aspects de son existence, dévoilés petit à petit et qui, on le comprend, on fait d'elle ce qu'elle est devenue.
    Au-delà de ça, l'auteure aborde une quantité de sujets -trahisons, secrets familiaux, adultère, l'amour plus fort que tout- tous bien ancrés dans un contexte riche et intéressant : l'intrigue démarre au moment des faillites engendrées par le krach boursier de 1929 et s'achève en juin 1944, au moment du débarquement allié en Normandie. L'auteure aborde aussi la question juive, très importante en cette période d'avant-guerre et donc, l'antisémitisme, au travers de l'un de ses personnages. Et c'est toujours avec beaucoup de justesse et d'à-propos que le fait l'auteure, au travers de ses personnages qui, on le sent, comptent beaucoup pour elle. 
    C'est aussi toute une société qui est savamment décrite, celle des classes aisées new-yorkaises, celle des industriels et des entrepreneurs. Une société très codifiée et conventionnelle où les apparences sont reines mais où il se passe parfois les choses les plus laides ou les plus sales.
    Beatriz Williams n'a rien à envier à une Kate Morton, par exemple. Elle a le don de raconter une histoire qui s'avère addictive très rapidement mais qui, surtout, est maîtrisée et bien mené. On a le sentiment que rien n'a été laissé au hasard, l'intrigue est assise sur des bases solides et le talent de conteuse de l'auteure est indéniable.
    Donc, si vous n'avez pas encore compris, allez tout de suite vous jeter sur L'Été du Cyclone ! Vous ne verrez pas les pages défiler et vous passerez assurément un bon moment. Une lecture pour l'été mais qui peut se faire à n'importe quel moment de l'année aussi ! Ce roman fait partie de ceux qui font une forte impression et qu'on a envie de conserver précieusement dans sa bibliothèque. 

    En Bref : 

    Les + : une très bonne surprise, un bon roman, trop complexe pour être mièvre et au centre duquel prend corps une belle histoire d'amour. 
    Les - :
    Aucun. 

     

    Thème de juillet, « Lecture sur le sable », 7/12

     

     


    16 commentaires
  • « Tu es encore bien jeune, mais il t'appartiendra un jour de faire régner l'ordre et la justice. Tu en répondras devant les hommes et devant Dieu, car les hommes au prix de leur souffrance et de leur sang, ont gagné le droit de vivre ici et Dieu t'a confié, à toi, la tâche de veiller sur cette ville sainte. »

    Moi, Constance, Princesse d'Antioche ; Marina Dédéyan

     

    Publié en 2005

    Editions Stock 

    370 pages 

    Résumé : 

    1130. Le destin de Constance, jeune héritière de la principauté d'Antioche, bascule lorsque son père est tué au combat. En proie à la vindicte d'une mère dévorée d'ambition, elle grandit, solitaire, jusqu'au jour où on la marie en secret au flamboyant chevalier Raimond de Poitiers, d'un quart de siècle son aîné. Elle a tout juste neuf ans. Au milieu des affrontements qui déchirent le Moyen-Orient des Croisades, offensives turques, revendications byzantines, ambitions du roi de Jérusalem, que pèse le bonheur d'une enfant ? Mais le cœur se joue parfois des intrigues des puissants... Racontée par Constance elle-même, une étonnante histoire d'amour qui nous plonge dans l'univers fascinant et sensuel de la chevalerie franque du Levant.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    De Marina Dédéyan, je n'ai lu que les romans De Tempête et d'Espoir, qui se passent entre Saint-Malo et l'Inde de la seconde moitié du XVIIIème siècle. J'avais beaucoup aimé cette saga, la quête d'une sœur dans une Inde ancestrale, qui m'avait beaucoup plu.
    Logiquement, en découvrant que l'auteure avait aussi écrit sur le Moyen Âge, à plus forte raison, une époque florissante, le XIIème siècle, je me suis dit qu'il me fallait ce livre.
    Mais alors, qui est-elle, cette Constance, qui donne son nom au roman ? Eh bien, je vous répondrais que c'est la tante d'Alienor d'Aquitaine ! Oui, oui, je vous assure ! Celle qui fut reine de France et d'Angleterre eut en Terre Sainte une tante, plus jeune qu'elle et des cousins, héritiers de la principauté d'Antioche puisque son oncle, Raimond de Poitiers, en avait épousé la jeune héritière.
    Constance est née vers 1127. Par ses ascendances, elle est autant d'Orient que d'Occident, puisqu'elle est née de Bohémond de Hauteville, fils du duc de Tarente, d'origine normande et d'Alice de Jérusalem, dont la mère, Morfia de Melytène, était une princesse arménienne. Sa grand-mère paternelle était la propre fille du roi de France, Philippe Ier. Constance fait donc tout autant partie de la maison de Hauteville, lignée normande installée en Sicile que de celle de France et la jeune fille a donc une ascendance plus qu'illustre.
    Élevée en Terre Sainte, orpheline de père très jeune, maltraitée par une mère ambitieuse, Constance a très tôt conscience de la charge qui pèse sur elle. Mariée à neuf ou dix ans à Raimond de Poitiers, fils du duc d'Aquitaine, de vingt-cinq ans son aîné, elle en aura plusieurs enfants. Elle se remariera après son veuvage avec Renaud de Châtillon.
    Elle meurt en 1163, dans la cité conquise par ses ancêtres et qui l'a vue naître, Antioche.
    C'est un destin formidable quoique méconnu que Marina Dédéyan se propose aussi de nous raconter, au sein d'une grande fresque historique qui prend corps dans des paysages grandioses et particulièrement exotiques. La Terre Sainte s'offre à nos yeux au travers de ces hommes du Moyen Âge qui rencontraient une terre non seulement dépaysante mais aussi tellement importante pour eux, de part son caractère sacré.
    Ce roman est aussi l'occasion de brosser un portrait de ces États Latins d'Orient, qui installèrent un temps la suprématie occidentale et chrétienne sur des terres sous influence musulmane, avant de disparaître. Constance est un symbole de cette implantation chrétienne qui fit long feu. Elle est aussi le symbole de cette union qui, en ce début de Moyen Âge central, se tissa entre l'Orient et l'Occident, entre exotisme et coutumes ancestrales emmenées d'Europe.
    Ce roman est le premier écrit par l'auteure et cela se ressent par rapport à sa saga De Tempête et d'Espoir. On sent sa plume moins assurée, le rythme est un peu plus plat, sans que l'intrigue en soit pourtant moins captivante, bien au contraire.
    J'ai aimé la manière dont l'auteure aborde son intrigue. On vit le destin de Constance au travers d'elle, puisqu'elle en est la narratrice. On la rencontre toute petite, alors qu'à peine âgée de trois ans, elle perd son père et se voit désormais devenir un objet de lutte entre les partisans de sa très ambitieuse mère et ses adversaires. On la voit devenir une adulte, une femme, une mère, une épouse et une amante.
    Est-elle attachante, cette petite Constance ? Très honnêtement, je ne me suis pas vraiment sentie très proche d'elle, malgré la proximité logique qui se crée avec le narrateur d'une histoire à la première personne. Je ne l'ai pas trouvée ni agaçante, ni détestable, bien au contraire. Je n'ai juste pas réussi à établir une proximité avec elle, même si j'ai trouvé son destin infiniment intéressant et son courage et sa détermination, admirables.
    À la même époque, pour le moins troublée, c'est aussi une femme qui fut reine de Jérusalem, la fameuse Mélisende. Ces femmes furent des mères et des épouses mais aussi des chef d'État zélés, conscientes de l'importance de la présence latine en Palestine, défendant l'influence catholique et occidentale face aux appétits grandissants des Sarrasins, des Arméniens ou même des Grecs, dont l'Empire poursuit le vieux rêve de revoir l'Empire romain à son apogée. On le sait aujourd'hui, les États latins d'Orient disparurent avant la fin du Moyen Âge, les Croisades furent désastreuses et les possessions furent perdues les unes après les autres. On ne peut cependant que louer la détermination de ces Francs qui quittèrent tout pour aller défendre la Terre Sainte, leur volonté de sauvegarder ce que leurs aïeux avaient conquis. Avaient-ils raison ou non ? Cela ne nous appartient pas de juger. L'Histoire est ce qu'elle est.
    J'ai trouvé cependant que la plupart des personnages historiques que l'on retrouve dans ce roman ont l'étoffe de héros.
    L'aspect qui m'a certainement le plus plu, dans le roman, c'est le cadre dans lequel il prend corps. Quel dépaysement et quel voyage ! J'ai retrouvé là le même souffle, la même vigueur que dans De Tempête et d'Espoir, où Marina Dédéyan nous faisait découvrir l'Inde de la fin du XVIIIème siècle et ses coutumes. Ici, c'est l'Orient médiéval qui se dévoile à nos yeux et on comprend l'émerveillement des chevaliers occidentaux y arrivant... il semble presque que c'est un monde à part où de multiples influences et coutumes se fondent et se mêlent pour ne plus former qu'un seul art de vivre. Là-bas, les Sarrasins ont beau être des ennemis, on en copie pas moins leur manière de vivre : ainsi les dames franques n'hésitent pas à se rendre au hammam, les palais semblent eux aussi tous droits sortis des Mille et Une Nuits... À cela, s'ajoute le mode de vie emmené par les Francs, à commencer par la religion, le fin'amor des chevaliers aquitains, les traditions de chevalerie. L'Orient médiéval est complexe mais ô combien intéressant. Certes, son Histoire est émaillée de luttes en tous genres, de guerres sanglantes et d'affrontements violents parce que la position latine n'y sera jamais réellement confortée. Pour autant, c'est un beau voyage que nous offre l'auteure qui a su saisir tout l'exotisme et la beauté des terres de Palestine.
    Moi, Constance, princesse d'Antioche, est une belle fiction historique. On sent que c'est un premier roman et tout n'y est pas parfait. Je n'y ai pas retrouvé le dynamisme de la saga De Tempête et d'Espoir, par exemple.
    Je ne peux cependant pas dire que je n'ai pas aimé. Marina Dédéyan nous brosse un portrait plausible de cette jeune princesse, qui eut à lutter toute sa vie pour préserver les biens de ses aïeux, qui se maria deux fois et aima particulièrement fort deux hommes radicalement différents, Raimond de Poitiers, grand seigneur aquitain et Renaud de Châtillon, un petit chevalier sans fortune. Quel fut exactement l'existence de cette jeune femme ? Qui était-elle ? Malheureusement, au contraire de sa très célèbre nièce, Aliénor, dont la très longue vie est bien connue, Constance reste un personnage dont la biographie est bien pauvre. Alors, on ne peut tenir rigueur à un romancier de broder autour de ce que l'on sait, une fiction historique. Dans la mesure où celle-ci est rigoureuse et bien documentée... J'ai relevé une toute petite erreur, peut-être une erreur d'étourderie, où Henri d'Anjou est appelé Henri d'Angleterre alors qu'il n'était pas encore roi. À part ça, l'auteure s'est beaucoup documentée, sa bibliographie est disponible en fin de volume et si elle n'est pas grandement étoffée, elle est suffisante pour la rédaction d'un roman. L'auteure s'est renseignée tant sur la vie quotidienne que sur le contexte géopolitique de l'époque. On sent qu'elle n'a rien laissé au hasard.
    Si les nombreuses relations de bataille et de campagnes militaires sont un peu redondantes à la longue, j'ai beaucoup aimé les ultimes chapitres, où le roman prend, étrangement, un nouvel élan. J'ai trouvé ces ultimes pages aussi douces que touchantes. Le roman se termine quand s'achève aussi la vie de la princesse d'Antioche qui, durant ses dernières années, a eu la joie de voir sa fille aînée mariée au basileus, Manuel Comnène mais aussi la tristesse de voir mourir son dernier enfant et de se faire déposséder de son fief.
    C'est à un grand destin que Marina Dédéyan a choisi de s'intéresser là et elle le fait bien. Je ne m'étais pas sentie très proche de Constance durant toute ma lecture. La jeune fille sensuelle et un peu capricieuse du début ne m'avait pas vraiment plu. La femme murissante et digne qu'elle fut par la suite a su davantage éveiller un certain écho en moi, a su me la faire trouver sympathique.
    Moi, Constance, princesse d'Antioche est un bon roman historique qui saura vous faire voyager et découvrir un pan de l'Histoire qui est aussi nôtre mais auquel on prête peu attention. J'ai aimé découvrir la Palestine du XIIème siècle, déjà terres de conflits incessants mais dont les merveilles, culturelles, culinaires ou naturelles, n'ont pas de prix. Et par dessus tout, j'ai aimé découvrir Constance. Et bien que cette Constance-là soit quelque peu imaginaire, je ne peux m'empêcher de penser que l'auteure a certainement su, avec une réelle acuité, à prendre la mesure de son héroïne.
    Malgré quelques défauts, ce roman m'a convaincue et j'en ressors satisfaite : il n'a pas déçu mes attentes

    En Bref :

    Les + : une fiction historique servie par des recherches rigoureuses et le sens inné qu'a l'auteure pour nous faire voyager et découvrir des terres grandioses et dépaysantes. 
    Les - : un style parfois un peu plat et une petite erreur, sans gravité mais qui aurait pu être évitée...


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