• Audrey et Anne ; Jolien Janzing

    «  Si la situation devient trop pénible ou si tu as trop peur essaie de t'échapper en pensées : sors de ton corps et vole vers d'autres lieux. »

    Audrey et Anne ; Jolien Janzing

     

    Publié en 2017 aux Pays-Bas ; en 2018 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Audrey en Anne

    Editions de l'Archipel 

    345 pages

    Résumé :

    Automne 1957. Douze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Otto, le père d'Anne Frank, rend visite en Suisse à une étoile montante du cinéma, Audrey Hepburn. Il veut la persuader d'interpréter le rôle de sa fille dans un film qui va lui être consacré.

    Printemps 1929. Deux filles voient le jour, Audrey à Bruxelles, Anne à Francfort. Toutes les deux marqueront l'histoire. 

    Les deux adolescentes partagent bien des points communs. Toutes deux ont été contraintes de quitter très jeunes leur pays natal. Audrey, issue de la haute société européenne, est envoyée dans un pensionnat anglais. Juifs, Anne et sa famille fuient aux Pays-Bas. 

    Toutes deux sont délaissées par leur mère et trouve refuge dans la danse pour l'une, dans l'écriture pour l'autre. 

    La demande d'Otto réveille en Audrey de douloureux souvenirs. Ses parents, sa mère en particulier, ne frayaient-ils pas avec de hauts dignitaires nazis ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    A première vue, tout oppose Anne Frank, morte à seize ans à Bergen-Belsen, connue de manière posthume après la publication de son fameux journal rédigé pendant la réclusion dans l'Annexe, à Amsterdam et Audrey Hepburn, étoile montante du cinéma dans les années 1950-1960...
    Et pourtant... Elles ont bien plus en commun qu'on ne le pense. A l'exception d'une année de naissance, 1929 et d'une même initiale, c'est surtout deux enfances semblables que les deux filles vont vivre, dans les Pays-Bas des années 1940.
    Cela dit, le roman de Jolien Janzing démarre en 1957, douze ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale : Audrey a vingt-huit ans, elle est actrice. Un jour d'hiver, à Suisse, elle rencontre Otto Frank et sa deuxième épouse, Fritzi. Rescapés tous deux des camps, ils y ont tous deux perdu leurs proches : son fils et son mari pour Fritzi, ses deux filles, Margot et Anne et son épouse Édith, pour Otto. Depuis plusieurs années, le père de celle qui deviendra une célébrité mondiale se bat pour faire connaître les écrits de sa fille. En 1957, il rencontre Audrey dans l'idée de lui faire interpréter Anne dans une adaptation cinématographique du fameux journal - cette rencontre est véridique mais n'aboutira pas : s'estimant trop concernée, Audrey refusera le rôle.
    Cette requête est pour Audrey un assez pénible retour en arrière quand, après l'invasion des Pays-Bas en mai 1940, sa mère frayait avec les hauts dignitaires nazis et son père avec les partisans de Hitler en Angleterre. 

    Alors en parallèle, l'auteure déroule les destins des deux jeunes filles jusqu'en 1945Audrey, née Audrey Ruston à Bruxelles est britannique par son père, Joseph Ruston, néerlandaise par sa mère, Ella van Heemstra. Elle est encore petite quand ses parents, qui ne s'entendent plus, divorcent et se disputent leur enfant. Audrey passera une enfance relativement solitaire et ballottée entre plusieurs pays avant de se découvrir une passion pour la danse puis la comédie
    Anne, elle, naît à Francfort. Cadette de sa sœur Margot, elle est la fille d'Otto Frank, un industriel allemand et de Édith Holländer. Ses parents sont juifs, sa mère plutôt pieuse, son père pas plus que ça. Malgré tout, un jour, leur judéité leur sera reprochée, leur coûtera leur liberté et, pour les deux filles et leur mère, la vie
    C'est aux Pays-Bas que Audrey et Anne vont être confrontées aux violences et aux horreurs d'une guerre hors du commun : après que la neutralité du pays ait été violée en mai 1940 et que le gouvernement soit parti en exil, les Pays-Bas deviennent un satellite du Reich. Au final, ce qui est arrivé en France ressemble beaucoup à ce qui s'est passé en Belgique et en Hollande : l'occupation, la collaboration d'une partie de la population, l'entrée en résistance de l'autre, la peur, le froid, le manque de nourriture... 
    Découvrir autrement un conflit qu'on observe et qu'on analyse surtout à travers le prisme de son propre pays est intéressant. Surtout quand c'est par les yeux de deux fillettes qui deviennent adolescentes : à cet âge, les avis sont tranchés, parfois exprimés avec violence, le manque de liberté est vécu cruellement mais il n'y a qu'à lire le journal d'Anne pour se rendre compte que, chez elles, l'espoir est toujours là, quelque part, bien caché mais toujours prêt à refaire surface. 
    J'ai apprécié aussi que l'auteure choisisse pour héroïnes deux jeunes filles qui ont existé : cela donne beaucoup d'authenticité au récit romanesque dans lequel elles évoluent et qui est, bien sûr, de la fiction. On se dit que malgré tout, c'est certainement comme cela, à quelques détails près, qu'elles ont vécu la Seconde Guerre Mondiale. 

    Image associée

    Otto et Fritzi Frank photographiés à Bürgenstock (Suisse) aux côtés d'Audrey Hepburn en 1957


    Que Jolien Janzing fasse en plus d'Anne Frank la deuxième héroïne de son roman est un bel hommage à cette jeune fille au destin foudroyé et tellement triste : Anne est montée dans le dernier convoi partant pour Auschwitz, en septembre 1944. Elle est morte de maladie quelques jours seulement avant la libération du camp de Bergen-Belsen au printemps 1945. Elle a eu la liberté et l'espoir à portée de main mais le destin les lui a refusés. J'ai toujours trouvé malheureux qu'Anne Frank ait perdu la vie au moment où l'espoir était de nouveau au rendez-vous, juste avant la libération...
    Quant à Audrey, pour moi, elle est une relative inconnue. Je ne suis absolument pas cinéphile et c'est une actrice parmi d'autres en ce qui me concerne. Elle est restée assez figée dans mon esprit telle qu'on la voit quand elle a tourné dans Diamants sur canapé ou Breakfast at Tiffany's : une jeune femme longiligne, coiffée et habillée comme les pin-up des 50's.
    Je ne savais rien d'elle ni de son enfance du coup, j'ai apprécié de la découvrir dans ce roman, petite fille un peu négligée par les siens ( « Ils n'avaient guère de temps pour moi. Et je suppose que, dans une certaine mesure, cette attention du premier âge m'a fait défaut toute ma vie. » dira-t-elle bien plus tard, à propos de ses parents) et qui court inconsciemment après la reconnaissance et le regard des autres, une petite fille qui se révèle dans la pratique de la danse.
    Audrey et Anne sont finalement assez complémentaires. Elles ont vécu une enfance presque similaire, dans un même contexte. Sauf que l'une était juive et l'autre, la fille d'une baronne hollandaise compromise par ses relations avec l'occupant. L'une en sortira marquée par des souvenirs difficiles mais en vie ; l'autre mourra avant d'avoir être pu secourue. 
    Elles connaîtront cela dit toutes les deux la célébrité : Audrey avec ses films et Anne avec son journal qui continue d'être lu par des milliers d'enfants dans le monde mais aussi des adultes
    Si l'idée de départ de Jolien Janzing n'est pas forcément très évidente -on se demande quel peut bien être le lien entre ces deux filles-, on comprend rapidement où l'auteure a voulu en venir. 
    Je ne regrette qu'une chose, c'est que le roman n'ait pas été plus long ! Il aurait pu être plus développé -et aurait mérité de l'être, à mon avis- sans risquer l'ennui du lecteur parce que c'est vraiment une belle histoire que nous raconte l'auteure, avec deux petites héroïnes attachantes, pour des raisons différentes mais qui parviennent toutes deux à susciter un réel intérêt chez le lecteur. Il y'avait longtemps que je n'avais pas lu un roman se passant pendant la Seconde guerre et je ne regrette pas d'avoir jeté mon dévolu sur celui-ci. Une belle histoire servie par le style tendre et presque maternel de l'auteure

     

    Je remercie les éditions de l'Archipel pour l'envoi de ce livre et leur confiance ! 

    En Bref :

    Les + : une belle histoire qui, si elle n'est pas à première vue évidente, s'avère bien écrite et cohérente. Anne Frank et Audrey Hepburn, aussi opposées qu'elles soient, avaient malgré tout beaucoup plus en commun qu'on ne croit. 
    Les - : que le roman n'ait pas été un peu plus long. Certains chapitres auraient mérité d'être plus développés, je pense. 

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 8 Avril 2019 à 08:13

    C'est vrai que la liaison de ces 2 personnalités n'est pas du tout évidente au premier abord ! Mais, justement, cela m'intrigue... Cinéphile, c'est justement le film "Diamants sur canapé" qui m'a fait aimer le cinéma alors je connais déjà un peu la vie d'Audrey Hepburn mais je suis très curieuse de découvrir ce livre ;-)

      • Lundi 8 Avril 2019 à 11:13

        J'ai été très surprise moi aussi par la couverture du roman quand je l'ai vue et c'est ce qui m'a incitée d'ailleurs à le demander en partenariat aux éditions de l'Archipel. La même question m'est venue aussitôt : mais quel point commun peut-on trouver entre Audrey Hepburn et Anne Frank ? 

        J'ai trouvé que le roman aurait mérité un peu de développements, j'aurais apprécié d'en lire plus mais ce fut une bonne découverte. Je ne connaissais pas Jolien Janzing et j'ai finalement aimé son univers et j'ai trouvé ce roman historique plutôt sympa à lire. Découvrir la Seconde Guerre Mondiale aux Pays-Bas m'a permis aussi d'aborder ce conflit autrement qu'à travers le prisme français, même si les situations sont parfois assez semblables. 

        Ce roman a été une très bonne surprise, peut-être justement parce que je n'en attendais rien au départ. cool En tous cas, je le conseille...Si tu le lis, j'espère que tu aimeras. happy

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