• Aux Sources du Vent ; Frédéric Jeorge

    « Auriane ne peut se départir de l'étrange impression de s'être perdue dans une description de Rousseau, témoin d'un peuple originel sans péché ni passion : paradoxalement celui qui s'approche le plus d'une forme simple et pure du bonheur. »

    Couverture Aux sources du vent

     

     

     

     

        Publié en 2017

      Editions Pocket

      298 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    1887. A 23 ans, orpheline d'un père couvert de dettes, Auriane accepte de quitter Paris pour devenir préceptrice en Indochine. Après un long voyage, la jeune femme se retrouve en pleine jungle, loin de Saigon et de la douceur de vivre dont elle avait rêvé. Qui plus est, mes deux enfants dont elle devait s'occuper ont été emportés par la maladie. Bientôt livrée à elle-même, Auriane doit trouver sa place dans cet univers à l'équilibre précaire où se côtoient colons, marchands, missionnaires, militaires et indigènes. C'est une toute nouvelle vie, dangereuse et intense, qui l'attend dans ce pays plein de mystères...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1887, la jeune Auriane n’a d’autre choix que de quitter Paris après la mort de son père, couvert de dettes. Contrainte d’accepter une place de préceptrice en Indochine, elle s’embarque sans se retourner, pour cette colonie française du bout du monde. Là-bas, elle découvre un monde bien différent de celui qu’elle vient de quitter : grandiose, certes mais aussi terriblement dépaysant et dangereux pour cette citadine policée qui n’a jamais rien connu d’autre que les trottoirs parisiens. En Indochine, les villes sont minuscules et la nature, immense, empiète sur tout. Deux saisons se succèdent : l’une, très sèche et l’autre, la mousson, où les ruisseaux se transforment en torrents, emportant routes et chemins. De plus, Auriane déchante quand elle pense s’arrêter à Saigon : la concession de ses futurs employeurs, les de Villardière, se trouve isolée dans une jungle luxuriante, au milieu d’un village de quelques baraques. Dans une humidité constante, au milieu d’une nature hostile, les Européens ont du mal à s’acclimater (on est loin de l’Indochine décrite par Marguerite Duras par exemple). Auriane débarque dans une atmosphère tendue : monsieur de Villardière tente comme il peut de maintenir à flots une concession qui ne demande qu’à couler pour de bon, sa femme Cécile, enceinte, semble près de verser dans une folie due à l’isolement et à la mort de leurs deux enfants ainés, qui ont succombé à des fièvres, mettant de fait Auriane au chômage dès son arrivée chez les de Villardière…
    L’ambiance du roman est assez étrange, tout aussi sombre que ce que le récit en lui-même. On est loin d’un roman dépaysant et lumineux comme peuvent l’être ceux de Sarah Lark par exemple (et pourtant, au départ, j’ai un peu rapproché l’histoire d’Auriane et celle d’Helen, l’une des héroïnes du Pays du Nuage Blanc, qui quitte l’Angleterre pour un poste de gouvernante en Nouvelle-Zélande). La concession française perdue dans les forêts de l’Annam a quelque chose d’inquiétant, presque abandonnée et peuplée de personnages qui ressemblent à des spectres. Les Européens vivent dans un désœuvrement total qui les poussent dans leurs derniers retranchements et Auriane, bientôt seule et livrée à elle-même va devoir se débrouiller par ses propres moyens et comprendre que les conséquences de ses actes ne la concernent plus elle toute seule mais toute une communauté qu’elle a du mal à comprendre et qui le lui rend bien.
    Il n’y a rien de réjouissant dans ce roman mais il dépeint en même temps relativement bien les dures réalités de la colonisation : les préjugés raciaux, l’hostilité parfois larvée mais bien présente entre deux peuples, le dominant et le dominé et la difficile acclimatation de ceux pour qui émigrer n’est pas un choix, comme Auriane. La jeune femme, qui a connu une vie relativement confortable jusque là, découvre que gérer une affaire commerciale sans connaître les us et coutumes du pays peut s'avérer dangereux et va commettre le faux-pas de trop, qui l’entraîne sur une pente plus que glissante…Heureusement, elle peut compter sur l’aide précieuse et discrète de François, jeune métis franco-annamite qui est loin de la laisser indifférente et qui lui enseigne comment fonctionnent les natifs de la région. Bientôt Auriane, d’abord imbue de sa supériorité de Blanche, apprendra à respecter ces gens simples sur qui elle peut compter alors que la France semble bien se ficher comme de sa première chemise de cette région inhospitalière perdue au fin fond de la jungle !

    Ecole Française XIXe siècle. Jonques sur une rivière en Indochine. -  Alain.R.Truong

     

    Jonques sur une rivière en Indochine (tableau de l'école française, XIXème siècle)


    Le roman aurait pu être passionnant s’il ne prenait pas soudainement un virage que je ne me suis pas expliqué, auquel je n’ai pas adhéré d’ailleurs et qui, pour moi, n’a rien à faire ici, disons-le clairement. Il est vraiment difficile de vous découvrir ce revirement de situation, ce rebondissement, sans vous le dévoiler entièrement et je ne veux évidemment pas le faire. Mais je dois avouer que, pour moi, c’est un peu le gros point noir de ce roman. Alors que cela démarrait bien, même si l’ambiance dont je parlais un peu plus haut ne met franchement pas à l’aise (on a l’impression d’arriver dans un monde qui se désagrège lentement), on tombe soudainement dans une intrigue aventureuse peut-être un peu trop poussée. Suivre le combat d’Auriane pour sauver la concession, essayer de s’acclimater, peut-être de développer un peu le village, avec l’aide de moins en moins méfiante des habitants, à la limite, pourquoi pas ? Cela serait resté cohérent alors que là on part dans quelque chose qui, en soi, n’est pas complètement fantaisiste mais l’est quand même un petit peu et rien auparavant ne laisse penser que le roman va prendre un tel revirement. J’avoue donc ressortir perplexe de cette lecture : le début m’a plu, la fin également, le milieu a été, comment dire ? Moins évident. Et pourtant, c’est une bonne grosse moitié du récit, quand même. Dire que j’ai été déçue serait très fort mais je ne peux honnêtement pas dire que j’ai aimé sans condition ce roman. Il m’a vraiment manqué quelque chose pour me sentir vraiment bien dans ce récit. J’ai en plus eu du mal avec le personnage d’Auriane, à laquelle je n’ai pas réussi à m’attacher, je l’ai trouvée d’abord trop méprisante, trop imbue d’elle-même puisque lorsque ces traits de caractère disparaissent, malgré tout je n’ai pas réussi à l’apprécier plus que ça. En revanche, le personnage de François m’a intriguée, je regrette presque que le récit n’ait été centré que sur Auriane et pas un peu plus sur lui.
    Aux Sources du Vent est un roman qui a plein de potentiel, qui est bien documenté et précis. On sent que l’auteur n’a pas foncé tête baissée et s’est intéressé à tout le contexte de l’Annam à l’époque de la colonisation française, aux coutumes ancestrales. Une chronologie bienvenue en fin d’ouvrage nous permet d’en apprendre un peu plus sur cette région du monde qui, au court de son Histoire, est passée sous la coupe de nombreux envahisseurs et oppresseurs. Les paysages sont aussi extrêmement bien décrits et on s’y croirait : la vallée du Mékong, les montagnes recouvertes de jungles inextricables, les petits villages faits de bois et de palmes…Mais voilà : à un moment donné, le récit dérape et ne parvient pas à se redresser et je le regrette beaucoup parce que j’ai eu l’impression que cela lui enlevait un peu de vraisemblance. Je ne suis pas contre une dose d’aventures mais il ne faut pas non plus que cela empiète sur le reste. Bref, je ressors mitigée de cette lecture : pas déçue mais malheureusement pas emballée non plus. Je ne regrette cependant pas de m’être fait mon propre avis sur un roman qui a obtenu autant de bons avis que d’impressions un peu plus nuancées. Vous y trouverez peut-être votre bonheur et je vous le souhaite.

    En Bref :

    Les + : un récit appuyé sur des informations solides et concrètes, une idée de départ vraiment pas mauvaise d'autant plus que l'Indochine n'est pas vraiment valorisée dans la littérature, on en parle peu je trouve...
    Les - :
    ...mais une véritable incompréhension pour la deuxième partie du roman qui part en vrille totalement et c'est dommage alors qu'un peu moins de romanesque aurait donné bien plus de vraisemblance et de cohérence au livre. 


    Aux Sources du Vent ; Frédéric Jeorge

     

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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