• « Ce sentiment-là est plus fort que moi, que toi, que toutes les choses humaines. Rien ne peut rompre de pareils liens ; le mariage de la nature ne laisse point aux coeurs qu'il a unis le pouvoir de divorcer. »

    « Quand on a le bonheur d'aimer, tout le reste est vil sur la Terre », lettres d'amour à Amélie Houret de la Morinaie ; Pierre Caron de Beaumarchais

    Publié en 2011

    Editions Le Livre de Poche (collection La Lettre et la Plume)

    151 pages

    Résumé : 

    A l'âge de cinquante-sept ans, après une vie amoureuse déjà fort remplie, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais rencontre Amélie Houret de La Morinaie, qui sera sa dernière maîtresse. Il s'éprend follement de cette femme qui excite le désir et feint la vertu. Leur liaison, à laquelle ne manqueront ni les scènes de jalousie ni les déclarations torrides, s'éclaire grâce à la correspondance, longtemps inédite, que les amants échangèrent pendant plus de dix ans. « Nos corps, doux instruments de nos jouissances, n'auraient que des plaisirs communs sans cet amour divin qui les rend sublimes. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1799, Pierre Caron de Beaumarchais, le célèbre dramaturge dont les œuvres furent jouées par Marie-Antoinette elle-même, meurt, cinq mois avant sa dernière maîtresse, Amélie Houret de la Morinaie. Cette même année est découverte la correspondance qu'ils échangèrent entre 1787 et 1799.
    Vendue en 2005 aux enchères, cette correspondance, qui contient des lettres de Pierre, d'Amélie mais aussi de madame de Beaumarchais à la maîtresse de son mari, permet d'éclairer cette liaison passionnée mais qui était relativement méconnue jusque là.
    Madame de la Morinaie entre en contact avec Beaumarchais, pour lui demander aide et conseils, dans le courant de l'année 1787. Ils ont vingt-deux ans d'écart ; si Madame de la Morinaie est encore relativement jeune, Beaumarchais, lui, a près de soixante ans et un passé de libertin derrière lui. Son cœur s'est enflammé à de nombreuses reprises et, depuis dix ans, il est marié à l'une de ses anciennes maîtresses, qui lui a donné une fille, prénommée Eugénie. Parce qu'il adule cette enfant, il a voulu lui donner un statut, la sortir de l'illégitimité, en épousant sa mère. Mais le couple n'en est plus vraiment un et le dramaturge vieillissant mais au cœur prompt à s'enflammer, va tomber amoureux fou de la belle Amélie de la Morinaie, si touchante et séduisante dans sa détresse et son désarroi.
    Cette correspondance est rassemblée par Maurice et Evelyne Lever. Le premier a écrit, il y'a une vingtaine d'années, une biographie de Pierre Caron de Beaumarchais. Quant à Evelyne Lever, on ne la présente plus, évidemment... j'ai souvent présenté de ses ouvrages sur le blog. Historienne reconnue du XVIIIeme siècle et spécialiste de Marie-Antoinette, elle a beaucoup écrit sur celle-ci et intervient parfois dans des émissions télévisées.
    Les deux historiens nous la présentent dans une introduction relativement courte donc au final, on entre dans cette lecture avec quelques éclairages, mais sans plus.
    Il apparaît très vite que la dernière liaison de Beaumarchais est tout sauf un long fleuve tranquille. Il semblerait qu'Amélie, toute femme en détresse qu' elle est, possède aussi un caractère affirmé qui ne la fait pas hésiter à riposter et vertement encore, quand elle se sent maltraitée par son inconséquent amant.
    J'ai balancé tout au long de ma lecture, ne sachant que penser de cette Amélie. Séductrice et donc manipulatrice ? Véritable amoureuse ? Y'a-t-il, au contraire, un peu des deux en elle ? Honnêtement, je n'ai pas réussi à trancher. Certaines de ses lettres sont belles et semblent très sincères, notamment lorsqu'elle se plaint, au début des années 1790, des injustices que Beaumarchais semble avoir commis à son égard. Elle apparaît dans toute sa dignité de femme bafouée et elle a alors une certaine grandeur. Mais il semble aussi probable que la dernière conquête du père de Figaro et du Barbier de Séville ait bien connu les hommes. Il n'est pas son premier amant (dans leur correspondance il est question d'un dénommé Pontois, ancien amant de la jeune femme et d'un vieux noble sur le retour si amouraché d'elle qu'il lui a même promis de l'argent et de lui faire un enfant !) et il ne sera pas son dernier non plus puisqu'elle entretiendra une relation avec un député de la Révolution, Manuel et avec un homme plus jeune qu'elle, dans les années 1793-1796, alors que Beaumarchais a quitté la France.
    C'est une relation en dents de scie que cette correspondance qui, malheureusement, possède beaucoup trop de lacunes pour paraître cohérente, nous laisse voir. Amélie n'est pas celle à se laisser faire et dit ce qu'elle pense. Beaumarchais n'est visiblement pas du genre à se laisser gouverner non plus. C'est certainement une relation passionnée mais destructrice qui va s'instaurer entre eux et qui leur fera laisser quelques plumes à tous deux. Pour Amélie, il semble que Beaumarchais ait été celui qu'elle admirât le plus et il la fait souvent souffrir. Leur relation sera éprouvante à tel point qu'elle tentera vraisemblablement en 1790 de mettre fin à ses jours.
    Pour Beaumarchais, vieillissant et qui s'ennuie dans sa vie bourgeoise auprès d'une femme qu'il a épousée non par véritable amour mais par souci des convenances, sa liaison avec Amélie, tant spirituelle que charnelle (certaines lettres reproduites ici sont très érotiques voire pornographiques) est la dernière et on dirait qu'il en a la prescience. Il mourra cinq mois avant elle et, entre 1787 et 1799, si d'autres hommes jalonnent la vie amoureuse de sa jeune maîtresse, aucune autre femme qu'Amélie n'est mentionnée. Libertin notoire, Beaumarchais semble s'assagir par la force des choses et le poids des ans. Il y'a dans leurs lettres quelque chose de beau parce qu'inévitable, la prémonition d'une fin.
    Quant aux lettres de madame de Beaumarchais à sa rivale, elles sont d'une grandeur digne et une preuve que, si son époux l'appelle sa ménagère, avec tout le mépris que peut receler un tel mot, elle-même se considère avant tout comme l'épouse, la première femme, la légitime et qu'elle entend exercer ses devoirs comme jouir de ses droits, consciente qu'elle est de son atout maître : elle est la mère de la fille de Beaumarchais, fille qu'il adore.
    Cette correspondance est intéressante parce qu'elle permet de lever un pan du rideau qui masque la vie privée de l'homme public que fut Beaumarchais. Dramaturge réputé, dont les pièces Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro eurent un grand succès au XVIIIeme siècle -et scandalisèrent aussi-, au final on ne connait pas vraiment l'homme qui se cache derrière l'écrivain. J'ai donc appris avec surprise que Beaumarchais était un grand libertin alors que je ne le soupçonnais absolument pas !
    Pour autant je n'ai pas été totalement emballée. J'ai aimé, mais sans plus. Je me suis parfois surprise à lire certains passages de façon mécanique. Le style est très précieux très ampoulé et le fait que beaucoup de lettres manquent enlève de la cohérence et de la fluidité au recueil. Sans m'être ennuyée, je ne me suis pas sentie vraiment intéressée par l'histoire d'Amélie et Pierre, d'autant plus que beaucoup de lettres sont des lettres de reproches et de récriminations acerbes notamment de la part de la jeune femme qui, parfois, m'a paru un peu hypocrite (même si, comme je le disais plus haut, certaines de ses lettres ont un caractère sincère et touchant).
    Bref je ressors mitigée de cette lecture : je n'ai pas passé un mauvais moment mais je n'ai pas été totalement emballée non plus. Mon voyage au XVIIIème n'aura pas tenu toutes ses promesses

    En Bref :

    Les + : une correspondance qui éclaire un aspect de la vie privée d'un grand dramaturge qu'on connaît surtout au travers de ses pièces. 
    Les - : 
    un style parfois un peu trop ampoulé, compliqué, qui peine à captiver. 

     

     

     


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  • « Le Jésus de l'Histoire, auquel les disciples renvoient, reste une énigme, un mystère insondable. "Pour vous, qui suis-je ?" leur avait-il demandé. Près de deux mille ans plus tard, la question se pose encore. A chacun, en conscience, d'y répondre. »

    Jésus ; Jean-Christian Petitfils

    Publié en 2011

    Editions Le Club Histoire (collection Le Grand Livre du Mois)

    690 pages

    Résumé : 

    Et si, historiquement, on prenait Jésus au sérieux. Que sait-on de lui ? Qui était-il vraiment : un prophète, un réformateur juif, le Messie attendu par Israël ? Pensait-il être le Fils de Dieu ? Pour quelles raisons a-t-il été exécuté et à l'instigation de qui, Romains ou autorités juives de Jérusalem ?
    Avec le même souci du récit documenté et fluide qui a fait le succès de ses biographies précédentes -Louis XIII, Louis XIV, Louis XVI...- Jean-Christian Petitfils reconstitue le plus exactement possible la vie et le caractère du Jésus de l'Histoire, le replaçant dans l'environnement religieux, culturel et politique de la Palestine de son temps. Utilisant les dernières découvertes archéologiques et les acquis de l'exégèse biblique, Jean-Christian Petitfils, en historien rationnel -mais non rationaliste-, mène cette enquête qui allie avantageusement connaissances scientifiques et ouverture sur le mystère de la foi chrétienne. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    On ne présente plus Jean-Christian Petitfils, historien réputé du Grand Siècle, qui a notamment rédigé des biographies du Roi-Soleil ou des maîtresses de ce dernier, Louise de la Vallière et Madame de Montespan.
    On l'attend moins sur une biographie comme celle-ci et pourtant... lire un livre de Jean-Christian Petitfils, c'est s'assurer de deux choses : la fiabilité des infos et l'apport incontesté de nouvelles connaissances ou d'éclairages inédits.
    S'atteler à une biographie de Jésus, même pour le meilleur des historiens, doit être une tâche difficile. En effet, concernant un tel personnage, comment démêler le vrai du faux et surtout, le légendaire du réel ? C'est d'autant plus compliqué que certaines choses encore aujourd'hui sont difficiles à expliquer : c'est le cas par exemple des Reliques de la Passion ou des miracles.
    Cette biographie était depuis longtemps dans ma PAL mais j’hésitais à l'en sortir. Je savais pourtant que je n'avais aucune mauvaise surprise à attendre d'un auteur comme Petitfils... disons que c'était son sujet qui, soudain, me faisait peur. N'étant pas croyante, cette biographie allait-elle me convenir ? L'auteur ne manquant pas de s'appuyer sur des textes sources mais aussi sur l'exégèse, n'allais-je pas être perdue ? En tant qu'ancienne étudiante en Histoire et Histoire de l'Art, j'ai une assez bonne connaissance de la religion certes, mais surtout de son iconographie, qui est avant tout basée sur des symboles et des conventions s'appuyant sur l'aspect mythique de la Bible et des personnages qui y prennent corps. L'aspect plus rationnel, plus scientifique, m'était quelque peu étranger. Il faut dire que, jusqu'ici, je n'avais pas pris la peine de m'informer plus avant, pour la simple et bonne raison que je n'avais pas encore trouvé le livre qui vaincrait mes réticences et mes hésitations : c'est très difficile à trouver quand on veut quelque chose de fiable, de relativement facile d'accès (parce qu'il était hors de question de me lancer dans une biographie complexe qui m'aurait fait décrocher au bout de cent pages... ce n'était pas le but... en lisant une biographie de Jésus, je voulais en sortir avant tout avec un éventail de connaissances plus important), de ni trop religieux ni trop rationnel, au risque alors de tomber dans une mauvaise interprétation des textes et des événements.
    J'ai aimé l'approche de l'auteur même si elle ne m'a pas surprise, au fond : j'attendais cela d'un auteur que je connais bien et dont le travail m'est familier. Petitfils n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer, comme il nous l'explique dans son introduction assez fournie mais nécessaire pour bien comprendre la suite de son travail. Sa biographie fait moins de 500 pages mais elle est accompagnée d'un dossier final composé d'annexes fournies et intéressantes et d'une bibliographie irréprochable (normal).
    Je ressors de cette biographie avec beaucoup de nouvelles connaissances et une approche un peu plus rationnelle de cette époque. Elle a donc, à mon sens, rempli sa mission haut la main. Je ne lui en demandais pas plus, pas moins.
    C'est un personnage incroyablement charismatique et mystérieux que Petitfils fait revivre sous nos yeux, ce qui, en soi, est une prouesse, pour un personnage qui a vécu à deux mille ans de nous. Certes, avec l'iconographie religieuse, le personnage nous est connu physiquement. Il ne manquait donc plus que de transposer sur cette image une psychologie, pour entrevoir ce qu'a dû être le vrai Jésus. Replacé dans son contexte, c'est dépouillé de son aura religieuse qu'il nous apparaît.

    Une Vierge à l'Enfant du début du XVIème siècle, par Raphaël


    J'ai aimé l'approche de l'auteur, qui ne cherche pas à tout expliquer. Ainsi, il a l'humilité de reconnaître que, encore aujourd'hui, certaines choses restent bien obscures et inexplicables aux scientifiques. Eh oui... à l'heure de la science toute puissante, nos outils actuels, nos connaissances, peinent encore à apporter un éclairage rationnel à certains aspects de la vie du Christ : c'est le cas des Reliques de la Passion, comme je le disais plus haut ou bien du pouvoir thaumaturgique de Jésus. Y'en a-t-il, d'ailleurs ? Peut-être pas. Du moins, pas de satisfaisantes. Le questionnement que l'auteur soulève est le suivant : faut-il, au nom de la vérité rationnelle, tenter de tout expliquer et de faire fausse route ? Et la réponse, évidente, est non. La science, en l'état actuel des choses, n'a pas encore pu fournir, concernant le Suaire de Turin, par exemple, d'explications satisfaisantes...concernant certains miracles non plus...et si l'on est tenté parfois d'appréhender ceux-ci à travers une image allégorique ou métaphorique qui satisferait alors notre esprit cartésien, l'auteur nous met en garde : c'est peut-être aussi commettre un contresens que de vouloir à toute force expliquer certains aspects de son existence qui nous échappent. Il n'est pas question ici de se lancer dans un quelconque débat, de décider qui a tort ou qui a raison...toujours est-il que l'approche de Petitfils est intéressante et même si elle n'a pas toujours satisfait mon esprit trop cartésien peut-être, je dois dire qu'elle est satisfaisante et, dans une démarche de recherche historique, logique. 
    Alors, quel est le Jésus historique ? Lui, le personnage sur lequel les chrétiens ont fondé leur dogme, et qui apparaît indifféremment dans les textes juifs et musulmans, qui est-il ?
    C'est dans une Palestine fortement hellénisée et romanisée que Jésus naît sous le règne de Hérode le Grand, dans les dernières années du premier siècle av. J-C. Fils de Joseph et de Marie, probablement enfant unique -Petitfils remet en doute la thèse assez inédite que Jésus avait une fratrie-, il apprend le métier de son père, charpentier, avant de devenir le prédicateur que l'on connaît et dont les idées jetteront les bases d'une nouvelle doctrine, celle du christianisme.
    Il apparaît que son message prend corps dans un fort contexte d'attente messianique. Ce n'est donc peut-être pas par hasard s'il est alors autant distingué. Oui, le peuple juif attend le Messie et est tout disposé à le rencontrer d'autant plus que Jean-Baptiste, qui prêche sur les bords du Jourdain bien avant Jésus, a annoncé son arrivée. C'est aussi un personnage charismatique et aux connaissances vastes et solides, ayant une bonne compréhension des textes et une vraie maîtrise de la discussion rhétorique et dialectique. Mais aussi, son discours est innovant, anti-conformiste même s'il s'inscrit dans la tradition judaïque et c'est la raison pour laquelle il donnera, après sa mort, naissance aux premiers foyers chrétiens. 
    Malgré tout, il ne fit pas que des adeptes, s’aliéna les pharisiens et les esséniens, entre autres, ainsi que les prêtres du Temple de Jérusalem, ce qui conduisit à son exécution au printemps 33.
    Il n'est pas question dans cette chronique de lancer un débat religieux ou quoi que ce soit d'autre. Personnellement, je ne suis pas croyante mais cela ne m'empêche pas de m'intéresser à la religion, à son fonctionnement, à ses textes. Aujourd'hui, historiquement, on ne peut remettre en question l'existence de Jésus comme celle de ses disciples. Il est donc intéressant de se documenter sur eux d'autant plus que, à partir du moment où on s'intéresse à l'Histoire, on sera amené à côtoyer la religion. Avant la forte déchristianisation du XIXème siècle et les violents mouvements anti-religieux, toute l'Histoire de l'Occident est basé sur un socle commun de croyances qui en reviennent toutes à Jésus. L'art lui-même est bourré de tableaux religieux, intéressants, outre leur qualité picturale, pour le symbole qu'ils recèlent. Mais s'émanciper du mythe pour aller vers quelque chose de peut-être plus terre à terre, sans forcément renier non plus l'inexplicable est une approche vraiment importante et je dois dire que cette biographie très complète m'a apporté une somme de connaissances non négligeables. Je vous avoue que tous les textes cités en exemple n'ont pas été clair pour moi : certains sont restés assez hermétiques même si dans l'ensemble, ils nous permettent de prendre la mesure du message de Jésus et nous montrent combien il était subversif et inédit pour le peuple Juif.
    J'ai appris beaucoup de choses et c'est ce que je voulais en me plongeant dans cette biographie. Il n'y avait pas de raison que je sois déçue de toute façon : pour l'instant, j'ai toujours trouvé tout ce que j'attendais dans les biographies de Jean-Christian Petitfils et c'est encore le cas cette fois.

    Le Sermon sur la Montagne, de Carl Heinrich Bloch (1877) 

    En Bref :

    Les + : une bonne démonstration qui apporte un éclairage complet sur une figure légendaire dont on oublie souvent l'historicité.
    Les - :
     Aucun. 


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  • «Qu'elle ait été dangereuse, c'est certain ; qu'elle ait été coupable, c'est sans doute vrai ; qu'elle ait été victime, c'est incontestable. »

    La Marquise de Brinvilliers ; Agnès Walch

     

    Publié en 2011

    Editions France Loisirs

    256 pages

    Résumé : 

    Le 17 juillet 1676, à huit heures du soir, cinq jours avant son quarante-sixième anniversaire, Marie-Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers, fut décapitée en place de Grève à Paris devant une foule agitée, puis impressionnée par le courage de cette petite femme au corps si frêle. Elle est morte comme elle a vécu, avec résolution , écrira Mme de Sévigné. Présente ce soir-là, la célèbre épistolière n'aurait pas manqué un instant d'un feuilleton qui tenait en haleine les Français depuis déjà quatre ans. 
    Accusée d'avoir empoisonné son père, ses deux frères, son mari, sa sœur et sa fille, la marquise de Brinvilliers fut en effet l'une des premières tueuses en série de l'Histoire. Mais la marquise a-t-elle vraiment commis les crimes qu'on lui reproche ? 

    Agnès Walch, historienne, spécialiste de drames de mœurs, a mené ce travail d'enquête jusqu'alors inédit. Rassemblant les pièces du procès, l'historienne éclaire d'un jour nouveau le verdict des magistrats. Ni ange, ni démon, la marquise apparaît là dans toute sa vérité.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Brinvilliers... depuis presque trois-cent-cinquante ans, le nom fleure le poison et reste associé à la poudre de succession comme celui des Borgia est lié irrémédiablement à la cantarelle.
    Rien pourtant ne destinait Marie-Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers, à devenir la tueuse en série, qui termina sa vie sur l'échafaud le 17 juillet 1676 et dont le procès déclencha, finalement, l'Affaire des Poisons, l'une des plus sordides et retentissantes affaires criminelles du Grand Siècle. Quoique... née en 1630 dans une famille de noblesse de robe, qui connaît une rapide expansion à cette époque, elle perd sa mère sept ans plus tard et est violée cette même année par un valet. D'où les déviances et obsessions sexuelles qu'elle développe par la suite et la feront s'attacher à plusieurs hommes, dont l'aventurier Sainte-Croix qui reste son amant près de quinze ans, lui fait deux ou trois bâtards et surtout, l'entraîne sur la pente fatale du crime en la familiarisant avec les poisons.
    Il meurt en 1672 et les inventaires après décès vont alors révéler un pan particulièrement sombre et intéressant de la vie de l'aventurier languedocien, et notamment son obsession pour l'alchimie et sa quête de la pierre philosophale. Mais chez lui, cette quête de la transmutation des métaux en or s'accompagne aussi d'une bonne maîtrise de la chimie qui va l'emmener à préparer des poisons plus ou moins violents. Il est très probable voire quasiment certain que c'est lui qui a fourni à la marquise de Brinvilliers les différentes drogues qu'elle administra à ses deux frères, sa sœur et même à sa fille aînée : ces deux dernières en réchapperont même si la mort de sa sœur Marie-Thérèse en 1674 ne manque pas de soulever le doute...ses frères Antoine et François auront moins de chance et succombent à cinq mois d'intervalle. En 1666, c'est leur père qui est mort après s'être étiolé pendant des mois et surtout, après avoir reçu les soins attentifs de sa fille...! Selon Agnès Walch, il se pourrait que seul Sainte-Croix ait été coupable de l'assassinat du père de Marie-Madeleine qui, en tant que lieutenant civil, l'avait fait arrêter quelques temps plus tôt et croupir en prison. Il est cependant communément admis que madame de Brinvilliers fut aussi responsable de la mort de son père et elle s'en accuse même dans une confession écrite retrouvée à Liège où elle avait trouvé refuge et où elle est finalement arrêtée au début de l'année 1676. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Toujours est-il qu'elle a plusieurs crimes sur la conscience et que cette affaire de vengeance privée pourrait bien, avec des ramifications qui apparaissent aux yeux des magistrats éberlues, remonter jusqu'au trône ... et l'imagination des courtisans est fertile et il n'en faudrait certainement pas beaucoup pour qu'une psychose s'installe, ce qui était presque arrivé en 1670 à la mort de la jeune Madame, Henriette d'Angleterre, qui s'éteint en quelques heures après avoir affirmé qu'elle avait été empoisonnée ... dans les années qui suivront, c'est une affaire d'une ampleur inédite dont vont devoir traiter les magistrats du Roi-Soleil. Une affaire qui est restée dans l'Histoire sous le nom d'Affaire des Poisons : une quantité d'empoisonneurs seront interrogés, exécutés ou emprisonnés à vie et des dames respectables telles que la comtesse de Soissons ou encore madame de Montespan, favorite du roi , se retrouvent éclaboussées par le scandale.
    Mais qui est exactement Madame de Brinvilliers ? Une tueuse sans scrupules ? Une femme fragile au caractère instable ? Enfin, fut-elle, malgré les crimes qu'on lui impute et qui ne peuvent être refutés, en quelque sorte une victime, une coupable parmi d'autres et qui paya pour tous ?
    Sans nier le verdict de l'époque et sans affirmer non plus que la marquise de Brinvilliers est innocente, Agnès Walch essaie de replacer le personnage dans son contexte et d'expliquer le caractère complexe de cette femme, qui s'avère effectivement être bien plus intéressante que ce que les contemporains et, par la suite, les écrivains et les historiens ont bien voulu nous faire croire. Très vite, la légende s'est emparée de celle qu'on ne surnommait plus que la Brinvilliers, une légende noire s'est tissée autour d'elle qui, si elle comporte du vrai, comporte aussi du faux. Les actes de la Brinvilliers, affreux, on ne peut le nier, ont suscité l'effroi et l'incompréhension de ses contemporains. Le poison était l'arme des lâches mais il faisait peur parce qu'un empoisonneur reste invisible et frappe insidieusement. Le peuple s'est ému, au point de déformer parfois les propos et les aveux qui se sont échangés durant la longue instruction du printemps 1676 qui conduisit à la condamnation à mort de madame de Brinvilliers, au point d'en faire un véritable monstre, une femme soudain prise de folie meurtrière , tant sur les autres que sur elle-même et qui administra et s'administra des drogues violentes. Mais peut-être que la vérité est plus compliquée que ça et Agnès Walch se livre à une rapide analyse psychologique de la marquise, analyse qui bien sûr n'existait pas à l'époque mais qui, aujourd'hui, peut nous permettre de comprendre bien des choses. Il semble que la clé de l'instabilité de madame de Brinvilliers soit ce viol qui la détruit à l'âge de sept ans. Tous les hommes qui jalonnent son existence la déçoivent et la manipulent. Sainte-Croix n'échappe pas à la règle et il se pourrait d'ailleurs que ce soit surtout à cause de son influence que la marquise en vient à commettre les gestes fatals qui la mèneront à l'échafaud. Sainte-Croix meurt en 1672 et on peut dire que c'est une chance pour lui parce qu'il est soustrait alors à toutes les investigations qui vont se poursuivre jusque dans les années 1680 et montrer qu'un vaste réseau criminel s'était mis en place, tellement vaste qu'il aurait même pu atteindre la Couronne. Madame de Brinvilliers n'aura pas la chance de mourir de sa belle mort et les papiers de Sainte-Croix dans lesquels elle apparaît nommément la perdront. De là à penser que, comme Fouquet une quinzaine d'années auparavant, elle ait payé pour d'autres... c'est en tous cas ce qu'insinue l'historienne et ça n'est pas illogique quand on y pense. On ne peut nier que la marquise usa de poisons, poisons qui, à plus ou moins longs termes, firent mourir des membres de sa famille... mais ce qu'on ne peut affirmer avec certitude, ce sont ses motivations. Elle aurait pu être poussée, son esprit fragile manœuvré par son amant retors et qui savait ce qu'il faisait.
    Ce qui apparaît dans cette biographie, c'est que Marie-Madeleine de Brinvilliers est une femme très seule et très démunie. Elle a le profil type de ces personnes qui, un jour, dans leur vie, vont déraper et commettre des gestes terribles. Parce qu'aujourd'hui nous avons des experts en criminologie, qui travaillent sur les méthodes opératoires comme sur la personnalité des tueurs en série, nous comprenons peut-être un peu mieux la manière dont le mécanisme se déclenche, car tout le monde n'est pas un tueur en série en puissance. On sait que ce sont des êtres éminemment dangereux mais aussi en souffrance et dont la déviance a pu être déclenchée dans l'enfance par un traumatisme : la perte d'un parent, un viol, une agression... chez la marquise de Brinvilliers, la mort de sa mère s'ajoute à l'abus qu'un valet commet sur elle. Elle restera par la suite toujours plus ou moins isolée, sans amies et le jouet d'hommes qui se moquent d'elle. Marie-Madeleine de Brinvilliers fut certainement une femme qui souffrit mais en silence et qui développa alors ses comportements qui la menèrent à sa perte.
    On ne peut bien sûr lui accorder de pardon parce qu'elle a ôté la vie, de sang froid et surtout parce qu'elle n'a jamais exprimé le moindre remords. Mais on ne peut pas pour autant ne pas chercher à la comprendre, même si c'est difficile bien sûr de se mettre à la place d'un tel personnage. Le livre d'Agnès Walch est justement intéressant pour ça. J'ai aimé la façon dont elle abordait son sujet sans tomber dans aucune extrême, dédouanant ou, au contraire, condamnant en bloc l'objet de son étude... Agnès Walch reste prudente et essaie d'apporter un éclairage contemporain à une affaire judiciaire et criminelle vieille de trois-cent-cinquante ans et qui ne serait assurément pas menée de nos jours comme elle le fut à l'époque. Pour autant, elle prend toujours soin de bien replacer le personnage dans son contexte. On comprend ainsi que madame de Brinvilliers fut ainsi autant condamnée par ses contemporains que par son siècle, parce qu'elle eut le malheur d'être une femme à une époque où on était pas tendre avec elles.
    Je déplore deux ou trois petites erreurs qui sont, je pense, des coquilles, notamment au niveau de dates. Agnès Walch est un maître de conférences réputé et je ne crois pas qu'on puisse lui imputer une erreur comme celle de dater la mort de la reine-mère Anne d'Autriche à 1671 ! Franchement ce n'est rien de grave, des petits ratés d'impression ou de mise en page, ça arrive. 
    J' ai aimé ce livre qui m'a permis d'en apprendre pas mal sur un personnage que je connaissais, mais pas si bien que ça au final. Si vous êtes intéressés, je vous le conseil. Il est en plus assez court pour être une bonne introduction. Personnellement, je connaissais surtout la marquise par le biais du roman de Catherine Hermary-Vieille, La Marquise des Ombres, qui reste une bonne production historique mais quand même une oeuvre romancée...et je ne pouvais m'empêcher de me la figurer avec les traits d'Anne Parillaud, qui l'interprète plutôt très bien dans le téléfilm tiré du livre d'Hermary-Vieille. Ici, on est dans un livre qui nous met en présence de la Marie-Madeleine historique. C'est une autre approche mais c'est tout aussi intéressant. 

    En Bref :

    Les + : une approche intéressante d'un personnage controversé.
    Les - : deux, trois petites coquilles. 

     

     


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  • « Les rois ne font-ils pas tout ce qu'ils veulent ? »

    Louis XIV, le Bon Plaisir du Roi ; Michel de Decker

    Publié en 2000

    Editions Belfond (collection La Vie Amoureuse) 

    295 pages 

    Résumé : 

    Louis XIV épousa deux fois : l'insignifiante et mal-aimée Marie-Thérèse, qui ne vécut que pour assurer la propagation de la dynastie des Bourbons, et près de vingt-cinq ans plus tard, la très puritaine Françoise d'Aubigné, plus connue sous le nom de Mme de Maintenon. Mais, entre ces deux unions, il a beaucoup aimé, ce roi « séducteur, sémillant, trousseur et bon vivant » qui avait fait des femmes le plus bel ornement de sa cour. Dans cette chronique galante, on les rencontrera toutes : ses maîtresses, la fragile Louise de La Vallière au destin tragique, la redoutable Athénaïs de Montespan ; à ses amoureuses déçues, la petite Marie-Thérèse, et la grande Mademoiselle ; sans oublier ses liaisons plus éphémères…

    Une mine d'anecdotes hilarantes ou tragiques, une extraordinaire galerie de portraits, servies par la verve de Michel de Decker.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Lire un énième livre sur les passions qui ont jalonné la longue existence du Roi-Soleil peut apparaître comme du réchauffé... mais attention ! Il y'a réchauffé et réchauffé : celui qui se bonifie et celui qui est franchement indigeste. Et on ne peut pas dire que le livre de Michel de Decker relève de cette catégorie-là bien au contraire ! Il appartiendrait plutôt à la première et plutôt deux fois qu'une !
    Pourtant, on en a dit et redit sur les amours du Roi-Soleil et, aujourd'hui, trois cents après la mort de ce monarque emblématique, leur chronologie et déroulement sont plutôt bien connus. Toute la vie de Louis XIV fut émaillée de figures féminines, importantes ou qui le sont moins mais comptent tout de même. De manière générale, la première affection est celle qui liera cet enfant tardif et miraculeux à sa mère, la reine Anne d'Autriche. Et puis, à partir de l'âge de treize ans, celui qui sera un jour le Roi-Soleil, découvre l'amour charnel et qu'on peut aimer autrement que comme un fils aime sa mère. Il est déniaisé assez tôt par une certaine baronne de Beauvais, surnommée Cateau la Borgnesse : ce surnom nous renseigne assez bien sur les attraits physiques de la dame et on se doute qu'ils ne devaient pas être très nombreux ! À cela s'ajoute l'âge, car celle qui fut mandatée par la reine-mère pour enseigner au jeune roi les choses de l'amour n'était forcément pas une donzelle fraîche émoulue du couvent !
    Cette défloration en règle, qui permet aussi de s'assurer que le jeune corps royal fonctionne bien, marque les débuts d'une longue carrière amoureuse. Louis XIV parfois, combina plusieurs liaisons, il fut bigame voire polygame à certaines périodes de sa vie. Pour autant, on ne peut pas vraiment dit qu'il est un promoteur de la femme comme avaient pu l' être avant lui son lointain prédécesseur, le roi François Ier ou son grand-père, Henri IV, qui, en plus de besoins sexuels importants perdait tout entendement dès qu'il était amoureux, n'hésitant pas parfois à se ridiculiser pour les beaux yeux d'une dame ! Le Vert Galant a laissé une correspondance amoureuse relativement importante et dans lequel, parfois, il s'humilie et devient pieux serviteur de ses maîtresses. Rien de tout ça chez Louis XIV qui peut parfois se montrer très froid voire odieux et n'hésite pas, surtout dans la seconde moitié de sa vie, à accumuler les liaisons ou à délaisser sans aucune autre forme de procès et surtout sans se soucier des principales intéressées.
    Il faut dire que, très vite, la vie amoureuse du Roi est sacrifiée à la raison d'État ; il est un jeune amoureux à peine sorti de l'adolescence, découvrant avec ravissement les joies d'un béguin partagé avec la jeune nièce de son ministre Mazarin, quand la paix avec l'Espagne est négociée puis signée. Bien souvent, une paix s'accompagne d'une alliance plus étroite encore, une alliance matrimoniale. La paix des Pyrénées de 1659 ne déroge pas à la règle puisque le jeune roi est promis à la famille aînée du roi d'Espagne, la douce et effacée Marie-Thérèse qui ne parviendra jamais à donner un tant soit peu de lustre à sa fonction de reine ni à être une bonne ambassadrice de la royauté française.


     

    Athénaïs de Montespan et Louise de la Vallière


    À vingt-et-un ans, Louis XIV est sommé de choisir entre sa passion, la jeune Marie Mancini et la raison d'État. Il choisira et si la seconde s'en portera bien, la première connaîtra une désillusion à la hauteur de ses espérances tandis que la vie sentimentale du Roi en prendra un sacré coup. Aima-t-il, par la suite, comme il aima Marie ? C'est peu probable. Qu'il ait aimé ses maîtresses, qu'il ait aimé Madame de Maintenon, dont il fit son épouse morganatique en 1683 est indéniable. Mais plus jamais il n'aima avec la même sincérité et la même spontanéité que lorsqu'il était amouraché de la petite Italienne.
    Dans ce livre se croisent toutes ces grandes figures sont les noms, trois-cent-cinquante ans plus tard, nous sont encore très familiers : la douce et tendre Louise de la Valliere, obsédée par le péché et qui se fera religieuse au Carmel ; la flamboyante Athénaïs de Montespan, qui donnera toute une flopée d'enfants illégitimes au roi, enfants élevés dans la douceur d'une maison de Vaugirard par la pieuse et discrète veuve Scarron celle-là même qui était appelée au grand destin qu'on lui connaît après avoir connu la misère et être née dans une prison.
    Il y'eut les autres aussi, passades ponctuelles, mères de bâtards aussi vite oubliés qu'elles l'étaient elles-mêmes. Jeune marié, déjà lassé d'une épouse insipide, le jeune Louis flirta avec la mutine Henriette d'Angleterre, sa cousine et épouse de son frère, le très homosexuel Philippe. Celle que son frère surnommait affectueusement Minette et qui devait mourir à vingt-six ans fut supplantée par sa propre fille d'honneur, La Vallière, qui elle-même dut ensuite laisser la place à La Montespan, maîtresse emblématique mais qui fut à son tour doublée, par l'ingenue Angélique de Fontanges puis, plus durablement par Madame de Maintenon qui sut assurément tirer son épingle du jeu parce que ce n'est quand même pas permis à tout le monde de se faire épouser par le Roi-Soleil !
    Je ne sais pas si vous connaissez Michel de Decker... peut-être que oui, sans avoir pourtant lu un de ses livres. Si vous regardez Secrets d'Histoire, vous l'avez déjà certainement croisé ! Personnellement, je suis une fan de sa manière de raconter l'Histoire ! Il est toujours très drôle et a toujours le bon mot ! J'ai découvert ses biographies un peu décalées en lisant ses productions sur Gabrielle d'Estrées, la fameuse favorite d'Henri IV et sur la princesse de Lamballe, grande amie de Marie-Antoinette et j'ai été conquise : j'ai souri et même ri à plusieurs reprises ! J'ai été instantanément séduite par son style unique ! Michel de Decker est historien de formation donc il allie à des informations solides une chaleur que tous les auteurs n'ont pas, malheureusement. Émaillés d'anecdotes toutes plus truculentes les unes que les autres, ses livres sont assurément hors normes et pourraient, je pense, réconcilier bien des gens avec l' Histoire.
    Son livre sur Louis XIV ne déroge pas à la règle et cette pour cette raison que je vous disais en début de chronique qu'il y'a réchauffé et réchauffé ! Ici, nous n'apprenons rien que nous ne savons déjà, si l'on s'intéresse un tant soit peu à Louis XIV, à son règne, à sa vie privée. Parce qu'il est l'un des personnages de notre Histoire dont la -longue- existence est particulièrement bien documentée, il n'y a plus grand chose à apprendre sur le Roi-Soleil... et pourtant... lire un livre comme celui de Michel de Decker c'est presque le redécouvrir, en quelque sorte.
    Vous l'aurez certainement compris, j'ai passé un bon moment avec ce livre ! Pas révolutionnaire en soi, effectivement, il n'en est pas moins intéressant. Encore une fois, j'ai ri et souri et aimé les parallèles assez justes et subtils que l'auteur ne manque jamais d'établir entre nos ancêtres et nous, nous montrant finalement de la condition humaine ne change jamais foncièrement. Deux trois coquilles d'impression ont été relevées au cours de ma lecture mais vraiment pas de quoi fouetter un chat !
    Si je vous le conseille ? Je pense que la réponse coule de source : c'est un grand oui ! Des auteurs comme Michel de Decker il n'y en a pas beaucoup alors découvrez-le, vous ne serez pas déçu !

    Marie Mancini, nièce de Mazarin et premier amour du Roi...

    En Bref :

    Les + : c'est toujours aussi sympa de lire un livre de Michel de Decker, surtout par rapport au style inimitable de l'auteur ! 
    Les - : Aucun ! 


    4 commentaires
  • « La pensée a beau mépriser la force, quand la force l'opprime en la faisant taire, c'est un martyre sans consolation. »

    Héloïse et Abélard, la gloire, l'amour et la spiritualité ; Elie Durel

    Publié en 2015

    Editions Geste 

    296 pages

    Résumé :

    Au début du XIIe siècle, Pierre Abélard, le péripatéticien (partisan de la philosophie d'Aristote) du Pallet, en Haute-Bretagne, est, à Paris, un maître célèbre dans l'art du trivium (grammaire, rhétorique, dialectique). Homme plutôt chaste, totalement investi dans son art philosophique, l'ambitieux Abélard fait la conquête d'Héloïse, une noble et belle jeune fille lettrée et cultivée, dont la sensualité l'enflamme. L'amour vécu par Héloïse et Abélard est alors l'expression la plus parfaite de ce qui rapproche un homme et une femme : le désir sensuel, la passion fusionnelle, la communion de pensée et l'admiration. D'Héloïse, on a pu dire qu'elle est « la femme qui inventa l'amour », tant elle a su transmuer le sentiment amoureux en passion absolue. Emportés dans la même spirale passionnelle étourdissante, Héloïse et Abélard sont aussi les témoins de la prodigieuse révolution des mœurs qui se produit à l'aube de ce XIIe siècle, véritable renaissance de la France. Mais, par vengeance, Abélard subit une cruelle mutilation. Le couple uni par les liens du mariage fait alors profession religieuse pour suivre le chemin de la spiritualité. L'essor intellectuel de la rive gauche de la Seine remonte à l’enseignement de Pierre Abélard sur la colline Sainte-Geneviève, à Paris où le latin était alors la langue officielle. Ce quartier deviendra le Quartier latin.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Quelle histoire d'amour médiévale et peut-être même de tous les temps est plus connue que celle-ci ? Elle prend un tout autre relief, en plus, quand on sait que l'histoire, longue et passionnelle, qui unit Heloise et Abelard, a bien existé. Nous sommes là dans l'un de ces exemples qui illustrent bien que, parfois, la réalité peut dépasser la fiction. Personnellement, je ne serais jamais plus fascinée par Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette que par Héloïse et Abélard.
    On connaît tous une version plus ou moins édulcorée de cette histoire : le chanoine Fulbert oncle de la jeune fille, à la recherche d'un maître pour parfaire l'éducation de sa jeune nièce, jette son dévolu sur l'un des écolâtres les plus célèbres de Paris, Abélard, originaire de Bretagne et qui n'a pas hésité à tenir tête à des maîtres de la philosophie, comme Roscelin de Compiègne ou Guillaume de Champeaux. La suite, on la connaît : le maître et l'élève, que près de vingt ans séparent, tombent éperdument amoureux l'un de l'autre. Un amour aussi sentimental que charnel, bien éloigné de la fin'amor à la mode à l'époque puisque naîtra un fils de leur union : Pierre Astrolabe. On connaît aussi la terrible vengeance du chanoine Fulbert et le châtiment qu'il inflige alors à Abélard : l’émasculation, purement et simplement.
    Malgré les revers, Abélard et Héloïse ne se sépareront jamais vraiment et, dans la seconde partie de leur vie, communieront dans une même fois, en fondant le Monastère du Paraclet, où Héloïse mourra, dans les années 1160.
    Le livre d'Elie Durel apporte un nouvel éclairage à cette histoire emblématique. On a beaucoup écrit sur Héloïse et Abélard et eux-mêmes ont laissé une importante correspondance, qui nous est parvenue. S’écartant quelque peu de l' histoire passionnelle et très spontanée qu'on a à l'esprit en général quand on songe à Héloïse et Abélard, Elie Durel nous présente en fait une Héloïse déjà plus ou moins séduite par le personnage d'Abélard et son intelligence, avant même que son oncle ne les présente l'un à l'autre. Quant à Abélard, génie de la dialectique, homme déjà mûr quand il rencontre celle qui va devenir sa jeune maîtresse envers et contre tout, peu porté sur les relations amoureuses, c'est presque par calcul qu'il tente de séduire la jeune fille, avant d'être pris à son propre jeu. Du moins est-ce ainsi que j'ai compris les propos de l'auteur. Avouez qu'on s'éloigne pas mal de l'histoire très romantique qu'on nous présente souvent mais elle n'en est pas pour autant moins vraisemblable. Pierre Abélard et Héloïse d'Argenteuil ayant vécu il y'a aujourd'hui près de mille ans, il sera très difficile de savoir exactement comment a démarré leur histoire mais je dois vous avouer que l'hypothèse d'Elie Durel m'a complètement convaincue. Au fond, il nous livre une vision plus pragmatique de l'histoire d'Héloïse et Abélard mais qui s'accorde aussi très bien avec ce que l'on connaît des deux personnages, à savoir, leur côté très cérébral et intellectuel qui les pousse tous deux et surtout Abélard, à conceptualiser et théoriser leurs sentiments à l'extrême quitte à manquer de spontanéité voire à se montrer froid et calculateur.
    Quant au chanoine Fulbert l'auteur lui prête une ruse et une malice qu'on ne doit pas souvent lui attribuer... et si, questionne Elie Durel, le chanoine avait, au final, complètement été au fait de la relation naissante entre Héloïse et son professeur et avait essayé de s'en servir afin de pousser Abélard à épouser la jeune femme ? Seulement, se sentant trahi par Abélard, il aurait ensuite cherché à se venger de lui... pourquoi pas ? Que Fulbert ait bien été le dindon de la farce comme on le présente souvent ou bien plus fin qu'on ne l'imagine mais malgré tout doublé par Abélard, certainement nous ne le saurons jamais mais les deux postulats fonctionnent.
    Avec ce livre, qui n'est pas le fait d'un historien mais est écrit avec chaleur (on ressent tout l'investissement de l'auteur dans son projet), j'ai appris le nom des parents d’Héloïse... jusqu'ici et ce n'est pourtant pas faute d'avoir lu sur ce couple mythique, la jeune femme était avant tout présentée comme la nièce de Fulbert uniquement et son surnom d'Argenteuil lui venait du couvent où elle avait passé son enfance et son adolescence. Avec ce livre j'ai appris que la jolie Héloïse était en fait apparentée, par son père à la famille de Garlande, qui fraye dans l'entourage royal et par sa mère à la noble lignée des Montmorency. Née en 1095, un an seulement avant le départ de son père en Terre Sainte, la petite a vu le jour hors des liens du mariage. Placée au couvent avec sa fille, Hersende de Montmorency devait y attendre le retour de son jeune amant pour contracter une union en toute légalité. Elle n'attendit pas et prit le voile. Héloïse restera à Argenteuil où elle sera élevée et recevra une éducation soignée, parachevée ensuite par son oncle Fulbert. J'ai beau chercher, je ne crois pas que le nom de ses parents ait été précisé dans les productions romanesques que j'ai pu lire... Héloïse est donc d'une ascendance bien plus noble que je ne le pensais de prime abord.
    L'auteur, originaire d'une région proche de la région natale d'Abélard a retracé également de façon très minutieuse le parcours de ce jeune noble breton au devenir assez atypique puisqu'il n'embrasse ni la carrière des armes ni celle de l'Église, qui sont pourtant, alors, les deux voies de prédilection des nobles. La situation de ses parents est assez particulière également puisque sa mère est la fille aînée du seigneur du Pallet, la place forte où Abélard vit le jour, probablement en 1079, donc son héritière. Et pourtant, c'est son jeune frère qui devient ensuite châtelain du Pallet, aidé par sa sœur et par son beau-frère. Pierre n'est donc pas un héritier en puissance et va choisir une carrière philosophique, qui le conduira à être l'un des écolâtres les plus réputés de Paris. Brillant et intelligent, Abélard se bâtit un avenir solide, remis en question plus tard par sa liaison scandaleuse avec Héloïse. Il finira finalement par choisir l'Église, qu'il avait pourtant dédaignée au moment de se lancer dans ses études. Ce ne sera cependant pas un choix, ni pour l'un ni pour l'autre, d'ailleurs.

     

    Les Amours d'Héloïse et Abélard, par Jean Vignaud (1819)


    La liaison en elle-même est relativement bien connue. Très moderne, elle ne nous choque pas aujourd'hui mais avait un caractère très scandaleux à l'époque. Nous sommes au XIIème siècle et c'est alors le fin'amor des troubadours qui triomphe. Or ce courant est avant tout basé sur des liaisons platoniques et sur l’idéalisation de la femme. Il n'a jamais été contesté que l'histoire d’Héloïse et Abélard a été tout sauf platonique ! Au contraire, elle fut très charnelle et assumée comme telle, à une époque où on ne revendiquait pas de sexualité à plus forte raison si on était une femme. Héloïse en cela est très moderne et en avance sur son temps, non seulement par sa connaissance assez pointue de son propre corps et de son fonctionnement mais aussi parce qu'elle assumera sa liaison aussi sulfureuse soit-elle aux yeux des contemporains et assumera surtout d'y avoir cherché et trouvé du plaisir physique.
    C'est d'ailleurs l'un des aspects qui m'a toujours le plus fascinée dans l' histoire entre Héloïse et Abélard parce que j'y ai toujours vu une modernité hors-du-commun : un couple du XIIème siècle, même savant, qui s’émancipe autant des préceptes religieux a de quoi interpeller à mon avis. C'est surtout le personnage d’Héloïse qui diffère beaucoup de celui des autres femmes de son temps, d'abord par la connaissance parfaite qu' elle a de son corps, comme je le souligne déjà plus haut mais aussi des mécanismes de la reproduction. Héloïse sait donc ce qu'il faut faire pour ne pas tomber enceinte et connaît des moyens contraceptifs. Pour elle, la relation est avant tout charnelle et, si elle sait comment on tombe enceinte, elle sait aussi que cette partie de son corps peut lui apporter un plaisir physique indéniable. Dans leur couple, si Abélard trouve une réponse à ses pulsions sexuelles, qu'on ne viendrait de toute façon pas lui reprocher parce qu'il est un homme, Héloïse n'est pas en reste. Elle est faite pour l'amour et aime le faire. J'ai toujours trouvé fascinant et assez fou ce personnage de femme tellement en avance sur son temps, car ce que prône Héloïse, ce n'est, ni plus ni moins, que ce que revendiquent les femmes depuis moins de cinquante ans.
    Avec l'amour charnel, l'autre important propos du livre concerne les intellectuels du Moyen Âge. Quoi de plus normal, quand on parle d'Abélard qui est certainement, tous siècles confondus, l'un de nos lettrés les plus brillants ? Appelé à une carrière importante, qu'il remet en cause d'ailleurs en se lançant à corps perdu dans sa liaison avec Héloïse, Abélard personnifie ce Moyen Âge savant qu'on ne met pas souvent en avant malheureusement. Le XIIème siècle est pourtant une période importante pour les lettres : les troubadours donnent à la poésie ses lettres de noblesse tandis que l'enseignement de la philosophie attire à Paris des étudiants de toute l'Europe, preuve s'il en est, qu'on n'a pas attendu l'humanisme pour redécouvrir les textes de l'Antiquité et que le Moyen Âge ne méconnaissait pas son héritage. Certes, la philosophie est alors soumise, comme tous les enseignements, à l'Église et à ses dogmes, certaines doctrines scientifiques pouvant vite être considérées comme hérétiques et les intellectuels ayant alors maille à partir avec le clergé. Mais on se rend compte, à la lecture de ce livre, qui déroule assez précisément la carrière d'Abélard avant sa rencontre avec Héloïse et même après, que le Moyen Âge n'est pas si obscur qu'on a bien voulu le dire et qu'il a eu ses génies, dont fait assurément partie Pierre Abélard. Héloïse est, elle aussi, l'une des femmes les plus érudites de son temps, instruite en bien des matières qu'on ne daignait pas, en temps normal, enseigner aux femmes. En cela aussi, elle est avant-gardiste et préfigure en quelque sorte les femmes modernes. 
    Ce livre m'a plu parce qu'il associe des informations précises et des recherches solides, menées localement ou de façon plus large, à un style très chaleureux... à l'aide, notamment de la correspondance entre Héloïse et Abélard, Elie Durel établit des dialogues, assez surprenants au premier abord mais qui ne dénaturent pas pour autant le propos.
    J'ai été surprise de voir que la chronologie adoptée par l'auteur différait de celle communément admise. Ainsi, dans le livre d'Elie Durel, la liaison amoureuse démarre en 1115 et non pas 1113, l’émasculation d'Abélard intervient en 1119 et non pas 1117 et le petit Pierre Astrolabe, unique enfant du couple naît au printemps 1117 au lieu de l'automne 1116. Si j'ai d'abord été étonnée, au final, cette chronologie reste assez logique elle aussi et n'est pas plus fantaisiste qu'une autre. De toute façon, vu l'écart de temps qui nous sépare aujourd'hui des personnages, il sera difficile d'établir une chronologie absolument irréfutable.
    Très basé sur la psychologie, le livre nous apporte un éclairage un peu plus universel de cette belle histoire qui, d'abord calculée devint par la suite un chamboulement des sens tant pour la maîtresse que pour l'amant.
    Une lecture assez agréable, une bonne introduction pour ceux qui voudraient en apprendre un peu plus sur ces personnages mythiques.

    En Bref :

    Les + : une très bonne introduction, pour en apprendre un peu plus sur des personnages mythiques, de manière bien plus pragmatique que la version romantique que l'on connaît et qui n'est peut-être pas complètement vraie.
    Les - :
    quelques coquilles d'impression, dommage. 

     


    4 commentaires


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