• « Je ne pourrais pas vivre en repos si je quittais de vue un seul instant ma chère Providence. »

    Madame de Sévigné ; Stéphane Maltère

    Publié en 2013

    Editions Folio (collection Biographies)

    352 pages 

    Résumé :

    « Je suis une biche aux bois, éloignée de toute politesse. »

    Marie de Sévigné (1626-1696) est un écrivain sans le savoir : rien ne préparait le millier de lettres qu'elle a écrites à voir le jour sous le nom d'oeuvre. Mais l'épistolière la plus célèbre de France est une femme au destin particulier : orpheline de bonne heure, elle échappe au couvent pour recevoir une éducation dont elle tirera tout le profit dans la société du XVIIe siècle au sein de laquelle elle brille par son esprit et son naturel. Témoin privilégié de son temps, de la Fronde au règne de Louis XIV, elle est surtout, lettre après lettre, l'historienne de sa propre vie, partagée entre son devoir et sa passion maternelle. Roger de Bussy-Rabutin, auteur féroce, ne s'y est pas trompé, qui écrit au sujet de sa cousine : « Rien n'est plus beau que ses lettres ; l'agréable, le badin et le sérieux y sont admirables ; on dirait qu'elle est née pour chacun de ces caractères. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Madame de Sévigné fut, comme la Palatine un peu plus tard, une figure marquante du XVIIème siècle littéraire. Elle n'est pourtant pas écrivaine, au sens propre du terme, elle n'a pas écrit de roman comme son amie Madame de La Fayette ni même de mémoires, comme son cousin Bussy-Rabutin. Mais sa formidable correspondance est aujourd'hui admiré comme un véritable travail littéraire de qualité, tant par les historiens que par les amateurs de lettres. Madame de Sévigné, pour les premiers, fait en effet partie des sources historiques de premier plan puisqu'elle est contemporaine d'un siècle riche et dont elle voit, de ses propres yeux, tous les événements majeurs. Pour les seconds, elle ne peut être qu'une source d'une admiration non feinte car sa correspondance, bien que pas vraiment réfléchie en soi mais par conséquent éminemment sincère et percutante, servi par un style parfait et qui s'ignore peut-être, touche presque à la perfection.
    Née en 1626, sous le règne de Louis XIII, à Paris, la future madame de Sévigné, naît Marie de Rabutin-Chantal. Sa grand-mère paternelle n'est autre que la célèbre Jeanne de Chantal, qui sera canonisée au siècle suivant et qui a, de son vivant, a fondé l'Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, conjointement avec François de Sales.
    La famille maternelle de la petite Marie sent plus la routure : sa mère, Marie de Coulanges, est issue d'une noblesse de robe récente mais qui a de l'argent. L'enfant la perd à l'âge de trois ans, elle perdra aussi son père dans l'enfance. Elle est fille unique, confiée à un conseil de famille qui s'occupe de son éducation, regardée de près notamment par sa grand-mère, Jeanne de Chantal, depuis son couvent. Elle sera élevée avec ses cousins dans la famille de son oncle Philippe de Coulanges qui veillera à ce que la petite fille, au même titre que ses propres enfants, reçoive la meilleure éducation possible.
    A dix-huit ans, Marie de Rabutin épouse Henri de Sévigné, de bonne noblesse bretonne. L'union, bien assortie au premier abord mais décevante pour la jeune marquise quand elle s'apercevra que son époux la trompe, est couronnée par deux naissances : celle de Françoise, d'abord, la future madame de Grignan, idole de sa mère vieillissante et Charles, qui reprendra le titre paternel à la mort d'Henri... Veuve de bonne heure, madame de Sévigné ne se remarie pas pour se consacrer d'abord à elle-même puis à ses enfants, dont elle prend grand soin.
    Le reste de la vie de madame de Sévigné se déroule entre les cercles mondains de la capitale, la Cour, où elle est reçue de temps en temps et où elle aura même le bonheur d'applaudir sa fille dans les ballets dansés par la toute jeune famille royale -le roi, son frère, Henriette d'Angleterre etc...-, et son château breton des Rochers, son havre de paix, où elle aime à se ressourcer. Plus tard, sa vie s'organisera aussi autour d'un lieu plus méridional, le château de Grignan, en Provence, où elle retrouvera sa fille, mariée à François Adhémar Castellane de Monteil de Grignan, de bonne noblesse provençale.

    Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (tableau de Claude Lefebvre, XVIIème siècle)


    Madame de Sévigné est aussi un formidable témoin du temps. Née en 1626 et morte en 1696 elle est un témoin de premier plan du règne de Louis XIV. Elle assiste ainsi à la Fronde, pendant laquelle ses proches se retrouvent parfois dans des camps antagonistes. Elle est aux premières loges quand Fouquet, un ami proche, est arrêté à la suite de sa somptueuse fête donnée à Vaux-le-Vicomte au mois d'août 1661. Elle assiste aussi à la naissance de Versailles, à la monarchie absolue et solaire de Louis XIV et, en même temps, aux bouleversements qui ébranlent le pays : les guerres extérieures, les révoltes intérieures, la révocation de l'Edit de Nantes en 1685. En parallèle, madame de Sévigné, qui vieillit, voit arriver de nouvelles générations, celle de ses petit-enfants et notamment les enfants de Françoise, sa fille adorée, objet presque unique de son amour maternel qui virerait à l'obsession. Toute sa correspondance, ou presque, est adressée à Françoise...quelques lettres le sont aussi à son cousin Bussy-Rabutin mais une grande partie de son travail d'épistolière est en effet destiné à la fille qui est loin d'elle et qu'elle aime à en mourir. Pour autant, malgré le caractère privé et intime de ces lettres, Marie de Sévigné reste un témoin d'un temps révolu au regard aigu et sans concession.
    Tout ceci transparaît parfaitement bien dans cette biographie inédite de la grande épistolière. Stéphane Maltère a su cerner le personnage et, en émaillant son propos d'un grand nombre d'extraits de lettres de la marquise, restituer ce qu'elle était, ce qu'elle avait de plus instinctif...la personnalité de cette femme morte depuis plusieurs siècles est presque palpable...on la sent près de nous, proche de nous, comme un témoin bienveillant de notre lecture. Elle est vive et devient rapidement captivante grâce à une certaine complexité qui exclut toute fadeur. Le style de l'auteur, sobre sans être trop simple, allant droit au but, se marie qui plus est parfaitement avec celui, plus pêchu, de la marquise
    On s'attache à madame de Sévigné, on s'attache à ses pas...qui pourrait dire ensuite que les figures historiques féminines ne sont pas intéressantes ?
    Lisez cette biographie, vous verrez que ce n'est pas le cas.

    Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan, l'unique fille et adorée de la marquise 

     

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie facile d'accès ; le sujet est inédit mais n'en est pas moins intéressant.
    Les - :
    Aucun.
     


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  • « La figure symbolique du Roi doit demeurer indemne, en dépit des défaillances de l'homme à qui la Providence a confié la couronne, en dépit de la fatalité même. »

    Histoire des Reines de France, Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI, mère de Charles VII ; Philippe Delorme

    Publié en 2003

    Editions Pygmalion (collection Histoire des Reines de France)

    320 pages 

    Résumé :

    L'Histoire de France n'a pas été uniquement écrite par les rois et les hommes. Les femmes, et avant tout les reines, même si beaucoup d'entre elles n'ont jamais exercé le pouvoir, ont régné sur le cœur et l'esprit de leur peuple. C'est leur histoire, non la « petite Histoire » mais davantage une HISTOIRE DE FRANCE AU FÉMININ, qui est contée ici avec pittoresque et véracité. Certes, les rois ont fait la France, mais les reines, sans avoir choisi leur destin, souvent cruel, l'ont peut-être aimée encore davantage. 

    Epouse infidèle, mère dénaturée, reine félonne : tel est le triple réquisitoire que l'historiographie traditionnelle dresse contre Isabeau de Bavière, la femme du roi Charles VI. N'a-t-elle pas été la maîtresse de son beau-frère, le duc d'Orléans ? N'a-t-elle pas abandonné son mari, le pauvre roi fou, et renié son propre fils, le futur Charles VII ? N'a-t-elle pas signé le honteux traité de Troyes qui vendit la France à l'Angleterre ? Face à l'éclatante figure de Jeanne d'Arc, la sainte Pucelle, la reine Isabeau a été peinte comme l'ange noir du XVe siècle.                                                                     Aujourd'hui, Philippe Delorme rouvre le dossier. Non pour réhabiliter l'épouse de Charles VI, mais simplement pour rétablir la vérité. Car les archives d'époque montrent une souveraine bien différente de sa caricature. Entraînée dans le tourbillon de la fatalité, sans autorité réelle, désarmée devant les intrigues incessantes des princes du sang, elle s'est toujours efforcée d’œuvrer pour la paix et la réconciliation. Au tribunal de l'Histoire, elle ressemble moins à une coupable qu'à une victime. Et c'est la destinée mouvementée d'une femme complexe et intelligente que nous raconte Philippe Delorme avec talent.   

     Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Isabeau de Bavière est assurément l'une des souveraines de France qui jouit de la plus mauvaise réputation. Par manque de sources d'époque, donc par manque d'informations, romanciers et historiens ont été tentés de broder et, malheureusement, certaines assertions, sorties de cerveaux romanesques ont fini, avec le temps, par devenir des vérités historiques ou du moins que l'on croit telles. Une mauvaise interprétation des sources d'époque déjà mentionnées ont également participé à fausser, et durablement, l'image d'une reine qui s'avère finalement être toute autre que celle que l'on veut bien nous donner d'habitude.
    Le nom d'Isabeau de Bavière est en effet, pour la postérité, entaché d'un doux parfum de scandale...n'est-elle pas une reine adultère, qui aurait trompé effrontément son époux malade avec son propre frère, le duc d'Orléans ? De lui, n'aurait-elle pas eu, en 1407, un enfant qui serait devenu Jeanne d'Arc -thèse complètement fantaisiste et absolument réfutée par les historiens aujourd'hui mais qui a fait les beaux jours de beaucoup de romanciers et amateurs de scandale ? N'est-ce pas elle, avide d'argent, de belles parures et...d'amants, qui faisait jeter ces derniers à la Seine, dans un sac cousu ? Enfin, ne s'est- elle pas rendu coupable d'avoir vendu le royaume de France aux Anglais, par le traité de Troyes en 1420, reniant ainsi le Dauphin Charles, son propre fils ? D'aucuns ont voulu voir, de façon bien raccourcie d'ailleurs, dans ce reniement, un aveu de la bâtardise du futur Charles VII ce qui, avouons le, aurait été bien maladroit de la part de la reine que de proclamer l'infortune de Charles VI d'une manière aussi officielle.
    On se rend compte finalement que la réalité est tout autre. Isabeau, née entre 1369 et 1371 -cette dernière date est la plus communément donnée mais il semblerait que la jeune princesse soit née plutôt en 1369-, est la première fille et second enfant du duc Etienne III de Bavière et de la milanaise Thadée Visconti. C'est à l'instigation de son oncle, Frédéric de Bavière, que la jeune fille sera poussée sur le devant de la scène matrimoniale française : en effet, le roi Charles VI, qui règne depuis 1380 sur le pays des Lys, n'a pas encore vingt ans. Âgé de deux ou trois ans de plus qu'Isabeau, le jeune roi a cependant besoin d'être marié, et vite. Le trône a besoin d'héritiers et, pour cela, le jeune homme doit organiser rapidement ses noces. Plusieurs princesses européennes, anglaises, castillanes, lorraines, allemandes, autrichiennes, lui seront proposées...c'est finalement le portrait de la petite Bavaroise, âgée de quatorze ans qui va retenir son attention. Nous ne savons pas à quoi ressemblait Isabeau de Bavière dans sa prime jeunesse ; il semblerait seulement qu'elle ait plus hérité des traits italiens de sa mère que de ceux, germaniques, de son père. Peut-être brune, typée, Isabeau devait dénoter au milieu des beautés blondes de son temps...toujours est-il qu'après une rencontre en chair et en os à Amiens, en juillet 1385, le jeune roi de France, sensuel et aimant les femmes, va se déclarer tout à fait satisfait et disposé à épouser la jeune femme que son père, le duc Etienne a rechigné à laisser partir, l'aimant tendrement. Isabeau sera donc reine de France. Les premières années de son union -assez originale pour l'époque, il faut bien le dire-, seront relativement heureuses et paisibles. Charles VI, malgré quelques incartades manifeste une tendre déférence à sa jeune épouse qui lui répond avec des sentiments tous aussi sincères. Ils auront plus de dix enfants dont la plupart atteindront l'âge adulte. Mais bien vite, l'état de santé du roi se détériore. Victime en 1392 d'une première attaque d'un mal qui ne le quittera plus, Charles VI s'enfonce progressivement dans ce que l'on appelait au Moyen Âge folie et que l'on qualifierait plutôt aujourd'hui de schizophrénie. Ainsi, la reine est projetée dans un monde sans pitié, celui de la politique, alors qu'elle n'a pas été préparée à un tel rôle ; sa position est également particulièrement malaisée car en lieu et place d'une véritable régence, comme l'a exercé auparavant Blanche de Castille et comme devront l'assumer à l'avenir Catherine ou Marie de Médicis ainsi qu'Anne d'Autriche, Isabeau, flanquée du frère et des oncles du roi, assume un pouvoir temporaire et souvent remis en question par le roi lui-même lorsque celui-ci sort de ses crises qui peut, à l'envi, révoquer telle ou telle décision. La jeune femme se verra ensuite confrontée à la lutte intestine des Armagnacs et Bourguignons, qui la contraint au double-jeu et aux adhésions politiques fluctuantes. En parallèle, Isabeau, qui est aussi une femme, doit assumer l'opulente famille qu'elle a donné au roi et parfois affronter la douleur de perdre un enfant.

     

    Représentation fictive et postérieure de la reine Isabeau de Bavière


    Isabeau de Bavière survivra treize ans à son époux, auquel elle est restée fidèle, malgré tout ce que l'on a pu en dire. Elle n'est à ce moment-là plus qu'une douairière, une reine fatiguée qui a été contrainte de ratifier le traité de Troyes de 1420, léguant sous forme viagère le royaume des Lys à celui des Léopards, non pas, comme on l'a dit, à cause de la bâtardise de Charles VII mais bien à cause de l'implication malheureuse du dauphin dans la mort du duc de Bourgogne, survenue en 1419 et qui vengeait, soi-disant, celle de Louis d'Orléans. Elle aura eu le temps de voir la situation se retourner favorablement envers l'héritier naturel, son fils, qui, amené par Jeanne d'Arc, sera sacré à Reims, à l'instar de ses ancêtres, en 1429. Elle aura aussi eu le bonheur de connaître son petit-fils, le roi d'Angleterre, qui, au-delà des querelles entre les deux royaumes, était avant tout le fils de sa fille préférée, Catherine, l'une des puînés -mais elle ne le fit certainement pas asseoir elle-même sur le trône prévu pour lui lors de son couronnement à Notre-Dame en proclamant remplacer ainsi une race débile par une race glorieuse.
    On a en fait beaucoup glosé sur la personnalité méconnue de cette femme, c'est en tous cas ce que le livre de Philippe Delorme permet de comprendre. Cette biographie n'est pas une hagiographie, pas non plus une réhabilitation. On réhabilite quelqu'un après un procès : on réhabilite Jeanne d'Arc, Marie- Antoinette, Dreyfus...Isabeau de Bavière n'a jamais été clairement accusée de quoi que ce soit, hormis de manière insidieuse et perfide, au moyen de la calomnie, qui est vieille comme le monde. On rétablit donc une vérité, avec un œil neutre -quoique relativement chaleureux-, une étude objective des sources contemporaines et des textes postérieurs, truffés de préjugés et de fausses assertions -à commencer par la fameuse histoire d'Isabeau écrite par le marquis de Sade sous le prisme, cela ne nous étonnera pas, d'une sexualité libertine et débridée.
    La période n'est pas forcément facile à comprendre, notamment à cause des alliances et renversements desdites alliances, des liens familiaux etc mais l'auteur a simplifié au maximum pour ne pas perdre le lecteur dans une fluctuation de dates et d'événements. Se concentrant essentiellement sur le personnage d'Isabeau, inséré ensuite habilement dans son contexte, Philippe Delorme réfute et démonte patiemment toutes les idées reçues, toutes les légendes qui continuent de planer et de ternir l'image de cette femme qui s'avère en fait intéressante. Reine perdue dans un pays étranger, dont elle mettra du temps à comprendre les rouages, confrontée à la maladie spectaculaire de son époux et à l'exercice réel du pouvoir alors que son rôle se cantonnait essentiellement, jusque là, à de la représentation, il est sûr que la situation d'Isabeau de Bavière en aurait fait frémir bien d'autres. Elle eut cependant le courage et la patience nécessaire pour devenir un pion stratégique sur l'échiquier politique national -pour utiliser un anachronisme- et même européen. En lisant cette biographie on se rend compte que, loin d'être la femme lubrique et perverse, mère dénaturée, que les anciens auteurs ont voulu nous dépeindre, Isabeau de Bavière, malgré des erreurs -mais qui n'en commet pas ?- fut un animal politique plutôt remarquable, sachant jouer entre les clans, utilisant à son profit les querelles des Armagnacs et des Bourguignons. Elle fit parfois des choix malheureux, certes et si on ne peut pas réécrire l'Histoire, on est cependant en droit de penser que, sans elle, peut-être l'Histoire de notre pays en aurait été changée.
    Cette biographie complète et exhaustive est à mon avis un ouvrage important pour en apprendre un peu plus, tant sur cette femme que sur son époque en général.

     

    Miniature d'époque (entre 1410 et 1414) représentant vraisemblablement la reine Isabeau de Bavière

     

    En Bref :

    Les + : une biographie exhaustive et complète, agréable à lire, qui plus est.
    Les - :
     Aucun.
     


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  • « En ma fin est mon commencement. » Devise de Marie Stuart

    Les Derniers Jours des Reines ; Jean Sévillia, Jean-Christophe Buisson

    Publié en 2015

    Editions Perrin en partenariat avec Le Figaro Histoire

    398 pages

    Résumé :

    Comment sont mortes les souveraines les plus célèbres de l'Histoire ? Du suicide de Cléopâtre au dramatique accident d'Astrid de Belgique en passant par la décapitation de Marie Stuart et de Marie-Antoinette, l'assassinat d'Agrippine, de Sissi et d'Alexandra de Russie, ou l'agonie édifiante de Catherine de Médicis, Anne d'Autriche, Catherine II, la reine Victoria ou l'impératrice Eugénie, les meilleurs historiens et écrivains d'histoire racontent leurs derniers jours dans des textes incisifs où la limpidité du récit s'appuie sur des enquêtes puisées aux meilleures sources. 

    Toujours tragiques, souvent brutales, parfois spectaculaires, inattendues ou interminables, leurs fins se ressemblent par une même dignité, une civilité monarchique de l'adieu, exaltée par la conscience que ces reines avaient de leur rang, et leur volonté commune d'édifier la postérité après avoir marqué leur temps. Comme si toutes se retrouvaient dans la fière devise de Marie Stuart : « En ma fin est mon commencement. »

    « Une fresque du pouvoir suprême au féminin, de l'Antiquité au XXe siècle » : c'est ainsi que Jean-Christophe Buisson et Jean Sévillia définissent cet ouvrage collectif de prestige qu'ils ont dirigé et qui fera date, autant par ses qualités littéraires que par le regard innovant qu'il porte sur les ultimes instants de ces femmes dont les règnes ont changé le monde à jamais. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après Les Derniers Jours des Rois, paru l'an dernier sous la direction de Patrice Gueniffey, Jean Sévillia, journaliste connu notamment pour ses chroniques dans Le Figaro Histoire et pour avoir écrit un gros volume intitulé Histoire Passionnée de la France, a imaginé, avec son acolyte Jean-Christophe Buisson, spécialiste des Balkans et directeur adjoint de la rédaction du même Figaro Histoire, de rédiger le pendant au féminin de ce livre. Et le résultat est donc ces Derniers Jours des Reines, au cœur duquel se sont rassemblées de très bonnes plumes :  des historiens de renom, comme Georges Minois, s'associent à des plumes plus journalistiques ou narratives, comme celles de Jean des Cars ou Simone Bertière, dont la réputation n'est plus à faire.
    De l'Antiquité au XXème siècle, l'Histoire du monde est émaillé de reines, de souveraines, d'impératrices...si certaines ont marqué les annales de leur vivant, pour d'autres, c'est la mort qui va les transcender. C'est le cas de Cléopâtre, par exemple, dont on se souvient surtout qu'elle est morte piquée par un aspic dissimulé dans un panier de figues -même si c'est faux. De son accomplissement politique, de son gouvernement sur l'Egypte au Ier siècle av. J-C, on ne connaît finalement que peu de choses. La mère de Néron, Agrippine la Jeune, assassinée sur l'ordre de son propre fils, gagne donc une aura post mortem tandis que son fils est marqué de la tâche infamante du matricide. Au XVIIIème siècle, il y'eut Marie-Antoinette, vilipendée, haïe de son vivant, insultée jusqu'au passage du tombereau qui l'amenait à la guillotine et qui devint finalement une icône, une martyre, dès le moment où son cœur cessa de battre.

    Les Derniers Jours des Reines ; Jean Sévillia, Jean-Christophe Buisson

     Isabelle la Catholique dictant son testament, par Eduardo Rosales (1864)


    Et puis aussi, au fil des temps, la mort des reines, comme celle des rois, devient un instrument de pouvoir à part entière, le dernier moment que les têtes couronnées peuvent contrôler et instrumentaliser à bon escient. On meurt en public et on meurt aux yeux du public, comme on paraderait dans un dernier bal, malgré la fatigue, les années, la douleur : c'est le cas par exemple d'Isabelle de Castille et Anne d'Autriche qui, toutes deux rongées par des cancers, offreront au monde et à leurs courtisans l'exemple d'une mort lente, douloureuse, mais ô combien édifiante car marquée du sceau de la religion. Certaines se révéleront grandes dans leurs derniers moments : on ne peut qu'admirer le courage de la mère de Néron, qui se dresse, consciente de son sort, devant le centurion venu la tuer au nom de son fils et à qui elle dira, dans un dernier sursaut de cynisme : « Frappe au ventre c'est là que j'ai porté César ! »  La mort de Cléopâtre, même si elle advient alors que tout s'effondre autour d'elle montre le caractère déterminé d'une femme prête à tout pour sortir de scène dans la dignité sans être traînée comme une vaincue dans le cortège humiliant du triomphe de son ennemi, le futur Auguste. Celle de Marie-Antoinette, tête folle et frivole dans sa jeunesse, montre une femme qui ne peut que susciter la pitié, raidie par la douleur, physique et morale mais aussi assommée par les épreuves et qui pourtant, fait face. La mort de Sissi, elle, résonne en nous comme, sinon une cruauté, du moins une ironie de l'Histoire car cette femme va trouver la mort au cours de l'une des ses incessantes errances qui lui permettaient de survivre à son quotidien. Luigi Luccheni crut assassiner en elle le principe même de la monarchie, qu'il haïssait, en bon anarchiste. Il n'assassina en fait qu'une femme, avide de liberté et qui en avait de toute façon assez de la vie...quant à la reine Draga de Serbie, dont l'assassinat survint au tout début du XXème siècle, il représente en quelque sorte le point d'orgue de l'aversion et de la détestation que le peuple porta à cette souveraine qui sut si habilement manipuler le roi Alexandre, de douze ans son cadet et qui devint le pantin de cette femme sans scrupules. Enfin, le drame de Küssnacht, qui coûta la vie à la belle reine Astrid de Belgique reste ce qu'il est : un drame injuste mais dramatiquement courant et qui tendait de toute façon à se banaliser en même temps que l'automobile...pour autant, ce fut une perte affreuse et tragique pour tout un pays, pour un homme, le roi des Belges et pour leurs trois enfants, dont le plus jeune, le futur Albert II, n'avait qu'un an à peine au décès de sa mère. Le dernier chapitre, consacré d'ailleurs à Astrid, est un très bel hommage, à une femme mal connue hors des frontières de Belgique mais qui était assurément une belle personne. Quant au chapitre consacré à la reine Victoria, souveraine emblématique de l'Empire britannique, dont la longévité n'a pour l'instant été battue que par sa descendante Elizabeth II, il nous donne à voir la mort d'une femme usée, qui s'éteint doucement de vieillesse, comme le commun des mortels, sans avoir cherché à rendre spectaculaires ses derniers moments ; elle meurt en matriarche et en mère de la patrie et on la pleurera comme il se doit...
    Pas morbide du tout -même si, effectivement, on pourrait s'y attendre-, ce livre nous permet tout simplement d'en apprendre un peu plus sur le bien-mourir qui caractérise les têtes couronnées, du moins lorsqu'elles ont encore le temps, la volonté et la lucidité d'orchestrer leurs dernières apparitions. Un livre qui, assurément, comme son pendant masculin, fera date. 

    La Mort de Cléopâtre par André Rixens

     

    En Bref :

    Les + : un livre au sujet délicat mais qui s'avère finalement intéressant et servi par de jolies plumes.
    Les - :
    Aucun !
     


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  • « Idolâtré, identifié aux Dieux de l'Olympe, rival heureux des héros de la légende ou de l'histoire, il est si différent, si au-dessus de la masse de ses sujets que face à lui les lois communes n'ont plus cours. »

    Les Reines de France au Temps des Bourbons, tome 2, Les Femmes du Roi-Soleil ; Simone Bertière

     

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche 

    608 pages

     

    Résumé :

    Prolongement de la passionnante fresque des Reines de France, couronnée par le prix d'Histoire Chateaubriand-La-Vallée-aux-Loups, ce volume, qui peut être lu de façon autonome, fait revivre le plus long règne de notre histoire. Des deux femmes de Louis XIV, l'une, l'insignifiante Marie-Thérèse d'Espagne, a le titre de reine, mais pas la vocation. Françoise de Maintenon, son épouse secrète, a les capacités, mais sa naissance obscure lui interdit de prétendre au titre. Entre elles, la galerie des maîtresses, tour à tour comblées de faveurs et sacrifiées, illuminées et brûlées par la personnalité écrasante du Roi-Soleil : Marie Mancini, l'amour perdu de ses vingt ans ; la tendre Louise de la Vallière, dont la disgrâce sera un chemin de croix ; l'éclatante Montespan, éclaboussée par la sinistre affaire des Poisons, et bien d'autres encore. En arrière-plan, la Cour de Versailles...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Si les deux règnes précédents ont généré deux fortes personnalités féminines -Marie de Médicis puis sa belle-fille, Anne d'Autriche-, il n'en est pas de même sous le règne de Louis XIV. La timide et effacée Marie-Thérèse n'aura aucun rôle politique, aucun rôle diplomatique non plus et s'éteindra jeune, à même pas cinquante ans, alors que le règne de son époux a encore de beaux jours devant lui...il aurait donc été délicat de ne proposer qu'une biographie de Marie-Thérèse car il n'y a finalement pas beaucoup à dire sur elle. Enfermée dans le carcan traditionnel d'une reine, elle ne sera pas même une représentante efficace de la couronne qu'elle avait ceinte à son mariage. Et, de sa mort en 1683 jusqu'au mariage du jeune Louis XV en 1725, il n'y aura plus de reine en France. D'autres femmes la remplaceront, non pas en dignité, mais dans les faits, auprès du roi, qui tend à devenir la figure omnisciente de la monarchie française. Simone Bertière a donc opté pour un livre plus général que les précédents qui tournaient essentiellement autour des figures royales. Mais le XVIème siècle avait Anne de Bretagne ; il eut aussi Catherine de Médicis. Le premier XVIIème siècle eut Marie de Médicis, controversée mais qui sut tout de même s’accommoder de la régence qu'elle se vit confiée à la mort brutale d'Henri IV en 1610 et surtout, il eut Anne d'Autriche, la propre mère de Louis XIV, qui protégea férocement le patrimoine de son fils et fera traverser à la France sans trop d'encombres la période agitée de la Fronde. Après elles, malheureusement, la pauvre Marie-Thérèse fait pâle figure. C'est pour cette raison que, dans ce livre, hormis la reine et sa tante, l'incontournable Anne d'Autriche, mère aimante et écoutée, nous allons faire la connaissance de tout un essaim féminin gravitant et cela jusque dans ses dernières années, autour du Roi-Soleil. Louis XIV ne fut certainement pas un amateur ni même un promoteur de la femme, comme avaient pu l'être avant lui Henri IV ou François Ier...Henri IV avait eu beau être un bon administrateur et un grand roi, il n'en resta pas moins soumis à ses sens et à ses maîtresses, qu'il adulait et qui n'hésitaient pas à le manipuler au besoin tant le jugement du roi pouvait s'avérer aveugle quand il était amoureux. On n'imagine pas non plus Louis XIV prononcer de belles phrases comme son lointain prédécesseur le roi François, à la gloire des femmes ( « Une cour sans dames serait comme un jardin sans fleurs ») ni même écrire des lettres pleines de bons sentiments et de formules amoureuses comme son grand-père Henri IV. Il ne s'exposera pas au ridicule qui fut celui, parfois, du Vert-Galant quand il était amoureux et se moquait donc de tout ! Mais Louis XIV aima assurément les femmes...il en avait besoin. Homme sensuel, il a besoin d'une femme dans son lit et, quand il s'avère que la reine déçoit dans ce domaine, il prendra des maîtresses. Mais on se rend vite compte aussi que, malgré sa misogynie assez instinctive et typique de l'époque, le cercle du roi, jeune ou vieux, sera peuplé de beaucoup de femmes dont l'Histoire a perpétué le souvenir, soit parce qu'elles étaient de caractère, soit parce qu'elles étaient scandaleuses, soit parce qu'elles étaient amoureuses.

    Louis14-Family.jpg

     Louis XIV et sa famille travestis en Dieux de l'Olympe par Jean Nocret (1670) : y sont notamment représentées, au centre Anne d'Autriche, à droite Marie-Thérèse, au fond les cousines du roi, sous les traits des Trois Grâces et, à gauche, Henriette d'Angleterre. 


    La première, bien sûr, c'est la mère. Anne d'Autriche, l'Espagnole, poursuivie dans sa jeunesse par la méfiance de Louis XIII et de son ministre Richelieu, coupable de faux pas qui flirtaient avec la trahison, ne fut véritablement française qu'à la naissance de son premier fils en 1638 puis lorsqu'elle doit, pour lui, assurer la régence. Elle sera une figure tutélaire, tant pour Louis que pour son jeune frère Philippe, une mère moderne -dans le sens actuel du terme-, qui n'hésita pas à prendre en charge complètement l'éducation de ses enfants et les réprimandant au besoin, même le jeune roi. Louis XIV l'aima d'un amour filial fort et passionné et il pleura beaucoup cette mère qui s'éteignit après une longue lutte contre un cancer du sein, en 1666. Et peut-être parce que le jeune homme qui allait épouser sa cousine, en 1660, s'attendait à trouver chez cette jeune infante espagnole une copie de sa mère, la déception n'en fut que plus forte quand Marie-Thérèse, bien que fille de roi et élevée dans le but de faire une reine de France, s'avéra finalement incapable de relever avec brio la mission qu'on lui assignait.
    Sur le plan amoureux, enfin, les femmes ne vont cesser de virevolter, de la prime adolescence du roi jusqu'à son âge mûr, où il s'assagira réellement. Il y'eut celles qu'il aima, celles qui ne furent que des passades, des relations purement charnelles pour satisfaire un besoin, une envie. Parmi les favorites qui peuvent se targuer d'avoir été aimées, il y'eut d'abord Louise de la Vallière, jeune femme timide et effacée, bien loin de l'idée que l'on se fait d'une favorite. Elle n'avait rien d'une Agnès Sorel, rien non plus d'une Gabrielle d'Estrées ou d'une Henriette d'Entragues. Jolie à sa façon, un peu boiteuse, elle avait surtout pour elle d'aimer le roi d'un amour sincère et désintéressé, qui plut au jeune Louis XIV, qui, tout roi qu'il était, n'avait pas d'amis mais que des serviteurs. Il y'eut aussi, bien sûr, la passion de jeunesse, violente et achevée cruellement au moment du mariage espagnol, avec la nièce de Mazarin, la jeune et très italienne Marie Mancini. Et il y'eut enfin la flamboyante Montespan, qui fut, comme certain auteurs aiment à le dire métaphoriquement, l'été épanoui du Roi-Soleil. Elle lui donna plusieurs enfants qui firent souche et dont le sang déjà mêlé fusionna ensuite, par des unions, avec le sang très bleu des cousins royaux. Ces enfants, qui n'avaient pu, dans leur prime jeunesse, être reconnus, avaient été élevés loin de la Cour par une femme réputée pour son peu d'importance, cette veuve Scarron dont les origines n'étaient pas claires et le premier mariage moins encore. Cette femme, c'est Madame de Maintenon et elle connut certainement le destin et l'ascension les plus flamboyants de cette fin de siècle en devenant le dernier amour et l'épouse morganatique du roi. Compagne de la maturité et du grand âge, elle survivra au roi et sera donc la dernière à l'accompagner dans ses derniers moments.

     Le Renoncement de Louise de La Vallière, par Jean Nocret (XVIIème siècle)

    Et, dans un cercle plus élargi, il nous faut tourner les yeux vers ces femmes qui furent plus ou moins proches du roi, mais sans pour autant partager sa couche, parce qu'elles étaient, au choix, filles, belle-soeurs, belle-filles ou petite-filles du grand roi. On peut penser, bien évidemment, à la vive Henriette d'Angleterre, propre belle-sœur de Louis XIV, avec laquelle il flirta un peu avant de tomber sous le charme de Louise de la Vallière. Cette jeune femme, qui avait fui son pays toute jeune et n'avait pas connu son père, le roi Charles Ier, décapité par son peuple en 1649, brûla la vie par les deux bouts avant de s'éteindre, foudroyée brutalement à vingt-six ans. Elle fut remplacée par Elisabeth-Charlotte, une Allemande au fort caractère, connue sous le nom de « Madame Palatine », qui sut s'attirer un temps l'amitié du roi puis son agacement. Louis XIV se montra aussi très proche de ses filles, nées de ses liaisons avec mademoiselle de La Vallière et madame de Montespan. Il aima beaucoup Marie-Anne, très belle, l'unique fille de Louise. Il fit surtout office d'arbitre entre les très colériques et orgueilleuses filles de la Montespan. Il essaya avec beaucoup de bonne volonté de faire une place à Marie-Anne Victoire, sa belle-fille venue de Bavière et il aima d'un amour d'un grand-père la petite Marie-Adélaïde de Savoie, la jeune épouse de son petit-fils le duc de Bourgogne, qu'il pleura lorsqu'elle mourut brutalement en 1712. Et au-dessus de toutes ces figures qui tournoient dans un monde si rapide qu'il broie les plus fragiles où celles qui ont le malheur de faire un faux pas, c'est assurément plus l'ombre brune de Madame de Maintenon qui plane que celle, plus éthérée, de la blonde Marie-Thérèse, vite morte et vite oubliée. Et pourtant, comme pour d'autres, son malheur aura été d'aimer follement cet époux qu'on lui donnait après qu'elle en ait rêvé depuis sa plus tendre enfance et la chute ne sera certainement que plus cruelle et plus affreuse pour la pauvre reine quand, toute sotte qu'elle fut, elle se rendra compte que l'amour chevaleresque de son cousin au moment de leur union n'avait été qu'une comédie qu'on lui avait fait habilement jouer...

    File:Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France.jpg

     Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France, par Charles et Henri Beaubrun (XVIIème siècle)


    Elles furent donc nombreuses, ces femmes et elles firent, à leur manière, à leur échelle et selon leur moyen, le règne du Roi-Soleil. Il aurait été en effet difficile d'analyser l'aspect féminin de ce dernier sous le seul prisme de l'image de la reine, qui ne peut soutenir la comparaison avec celles qui l'ont précédée. Marie-Thérèse n'a pas régné, ne s'est pas montrée digne des grandes vues dont elle devenait la bénéficiaire mais aussi la gardienne, en se mariant. Figure trop pâle, elle ne peut, à elle seule, soutenir le propos de l'auteure et c'est donc pour cette raison que Simone Bertière a inséré dans son livre d'autres femmes, incontournables et que l'on ne peut raisonnablement pas exclure au risque de livrer une vision fausse du règne de Louis XIV. Que serait-il, en effet, sans Madame de Maintenon, qui fut le soutien des vieux jours et la compagne de l'âge mûr, celle qui réussit la prouesse d'assagir un roi sensuel et passionné. Et le livre n'en est donc que plus intéressant, d'autant plus que beaucoup de ces femmes furent appelées, à un moment ou à un autre, à jouer le rôle vacant de la reine. Et même si celui-ci tendait à s'amoindrir, il restait le second, après celui du roi et Louis XIV en gratifia donc certaines ; par là-même il les gratifiait de sa confiance et d'une véritable faveur. Au début de son mariage, la jolie Henriette remplaça parfois une Marie-Thérèse déficiente et quand celle-ci eut finalement rejoint le tombeau, Louis XIV propulsa sur le devant de la scène des jeunes femmes comme la Dauphine ou la duchesse de Bourgogne qui s'en tirèrent avec plus ou moins de brio.
    Bel essai sur un règne long et compliqué mais qui a le mérite d'être suffisamment bien documenté, tant en sources historiques qu'en travaux plus contemporains et peut donc être analysé de façon suffisamment critique pour être pertinente, ce livre est intéressant et facile à lire. On déplorera seulement quelques passages parfois un peu confus, mais Les Femmes du Roi-Soleil n'en reste pas moins une bonne introduction pour ceux qui veulent se renseigner sur Louis XIV ou, tout simplement, pour les amateurs du Grand-Siècle.

    En Bref :

    Les + : un livre passionnant, bien écrit et bien documenté.
    Les - : quelques passages un peu confus.

     


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  • « A quoi nous servirait de nous être aimées en ce monde si nous devions être séparées toute une éternité ? »

    « Je meurs d'amour pour toi... » Lettres à l'archiduchesse Marie-Christine, 1760-1763 ; Isabelle de Bourbon-Parme

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche (collection La Lettre et à la Plume)

    256 pages

    Résumé :

    Isabelle de Bourbon-Parme, petite-fille de Louis XV, épousa en 1760 le futur empereur Joseph II. Cette jeune femme d'une intelligence exceptionnelle séduisit la cour de Vienne et tomba éperdument amoureuse de...sa belle-sœur, l'archiduchesse Marie-Christine.
    Ses lettres et billets, découverts par Elisabeth Badinter -qui les présente ici dans une passionnante introduction-, révèlent une personnalité hors du commun, douée d'un véritable talent d'écriture. Et l'on suit jour après jour les tourments de la passion de cette princesse pleine d'esprit qui mourra à vingt-deux ans. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Née le 31 décembre 1741 à Madrid, Isabelle est la fille de don Philippe, fils du roi d'Espagne Philippe V et d'Elisabeth de France, fille aînée de Louis XV -pour la petite anecdote, elle est le premier petit-enfant du roi de France qui devient ainsi grand-père à l'âge surréaliste de...trente-et-un ans ! !
    Espagnole par la naissance, doublement française par le sang -elle est Bourbon par son père comme par sa mère et descend deux fois de Louis XIV-, italienne et allemande par la culture, Isabelle de Bourbon-Parme est une princesse surprenante à bien des égards. Cosmopolite, polyglotte, européenne avant la lettre, elle est mariée à dix-neuf ans au futur empereur Joseph II, qui, contre toute attente, va tomber follement amoureux de sa jeune épouse, qui lui donnera une fille. Elle-même, prônant un féminisme presque violent, ne sera jamais amoureuse de son époux mais le fut sans aucun doute -ou du moins eut-elle une très forte amitié pour elle-, de Marie-Christine, sa belle-sœur.
    Sa correspondance qui, jusqu'ici n'avait été que peu exploitée voire censurée, pour la liberté de ton adoptée dans certaines lettres, est donc ici redécouverte et très bien présentée par Elisabeth Badinter, dans une excellente préface. Très endommagée par le naufrage du bateau qui la transportait et qui quitta les Pays-Bas en 1792, lors du soulèvement contre Marie-Christine et son époux Albert de Saxe-Teschen, gouverneurs de la province au nom de l'Autriche, la correspondance d'Isabelle de Bourbon-Parme est très incomplète, souvent non datée et archivée de façon tout à fait fantaisiste, ce qui conduit donc à un véritable casse-tête lorsqu'il s'agit de la publier. Les tâches et l'encre fanée ainsi que l'aisance d'Isabelle dans plusieurs langues qui la font ainsi passer de l'une à l'autre dans un même billet ou utiliser des tournures d'une langue dans une autre, n'ont pas non plus aidé au travail des personnes ayant travaillé à l'élaboration de cette édition moderne. Rafraîchie, ponctuée -ce qui n'était pas forcément évident au XVIIIème siècle-, et corrigée -l'orthographe de l'époque était en effet souvent assez fantaisiste voire phonétique malgré l'évident talent d'écriture de la jeune femme-, la collection La Lettre et la Plume nous livre donc ici un document rare et qui nous permet, sans voyeurisme aucun, d'entrer dans l'intimité d'une princesse qui mériterait d'être mieux connue. Très intelligente, dotée d'un sens critique acéré et de convictions tout aussi assurées, Isabelle eut un destin tragique mais elle aurait assurément, si elle avait vécu, été un digne successeur de Marie-Thérèse et une représentante irréprochable de l'Empire. Mais cette princesse que l'on pourrait presque penser maudite, mourut à vingt-deux ans. Elle laissa une famille adoptive inconsolable et un veuf éploré qui reporta toute son attention et son amour sur l'unique enfant que l'unique femme qu'il eût jamais aimé, lui donna. Cette mélancolie morbide qui transparaît sans arrêt sous la gaieté et l'humour apparents des lettres d'Isabelle sont peut-être un héritage de son grand-père maternel, Louis XV, connu pour avoir été un grand dépressif devant l’Éternel.

    L'Archiduchesse Marie-Christine (1742-1798), peinte en 1765, peintre anonyme


    Pour le reste, ses lettres sont relativement redondantes, des déclarations toujours très enflammées envers sa belle-sœur Marie-Christine à qui, on le sent, Isabelle s'était très attachée. De celle-ci, nous ne savons que peu de choses, du moins pour ce qui est de sa psychologie, il est donc difficile de savoir si les deux jeunes femmes, qui n'avaient que cinq mois de différence, se sont retrouvées dans une analogie de caractères et de pensées. Mais on sait que Marie-Thérèse s'attacha très vite à sa petite belle-fille, comme elle l'était aussi de sa fille Marie-Christine, dont elle était proche. La preuve s'il en est, elle fut la seule archiduchesse à pouvoir se marier selon son corps tandis que toutes ses autres sœurs -à commencer par la petite Marie-Antoinette-, n'étaient, malgré l'affection de leur mère, considérées que comme des pions politiques et des moyens d'arracher des alliances aux puissances voisines. Y'avait-il donc chez les deux jeunes femmes une certaine ressemblance qui les a réunies dans l'affection et l'estime de l'Impératrice et, tout naturellement, à fait d'elles des amies ? Car malgré la présentation, qui fait d'Isabelle une femme amoureuse d'une autre femme, je pense qu'il faut plutôt voir dans cette relation entre Isabelle et sa belle-sœur une grande amitié, peut-être mâtinée d'humour et de joutes sexuelles épistolaires -certaines lettres d'Isabelle sont en effet assez lestes- et l'absence des réponses de Marie-Christine, méconnues à ce jour et certainement perdues, ne permet malheureusement pas de mettre les lettres et les billets d'Isabelle en exergue et de les analyser ainsi à travers un prisme différent. Alors Isabelle et Marie-Christine ont-elles réellement entretenu une relation saphique, ont-elle passé le pas de la simple correspondance ? On sait que Marie-Christine fut amoureuse deux fois au cours de sa vie et deux fois d'hommes. Le premier, dont elle fut très éprise, Louis de Wurtemberg, fut éconduit par ses parents mais elle parvint à arracher à l'Impératrice la promesse de pouvoir choisir son mari et ce fut donc certainement par affection, par inclination, que Marie-Christine choisit finalement, en 1766, d'épouser Albert de Saxe-Teschen. Il est donc difficile de voir en Marie-Christine une femme attirée par une de ses semblables. Pour ce qui est d'Isabelle, par contre, le doute peut effectivement subsister. Victime d'un mariage arrangé, comme beaucoup de princesses du temps, elle n'a pas de mots assez durs pour dénoncer ce sacrifice et surtout, après sa mort, dans ses papiers, furent découverts de violentes diatribes comme les hommes, papiers dont l'Impératrice prit connaissance mais qu'elle refusa toujours de montrer à Joseph II tant ils recelaient de violence contre les hommes. Alors la princesse Isabelle, une lesbienne ? Pourquoi pas. Même si le mot n'existait pas encore et que l'on avait du mal à l'époque à imaginer deux femmes se livrant ensemble à la sexualité, le saphisme n'était pas nouveau pour autant et l'on en accusera plus tard Marie-Antoinette dans des pamphlets ce qui prouve que, même si l'on croyait la chose inconcevable, on n'y pensait pas moins pour autant. Le doute perdurera sans doute toujours mais, malgré cela, ce sont de belles lettres qui nous est donné de lire, de belles preuves d'amitié, de gaieté et d'un certain optimisme, malgré l'ombre omniprésente de la mort qui plane au-dessus d'Isabelle...Cette correspondance apporte encore une autre facette à un siècle qui n'en est donc que plus riche.

    Isabelle de Bourbon-Parme par Jean-Marc Nattier

    En Bref :

    Les + : une correspondance presque inédite et intéressante, marquée par le réel talent d'écriture d'Isabelle.
    Les - :
    des lacunes qui rendent parfois la lecture laborieuse ; des redondances.


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