• « La mort ne m'intéresse pas. La mienne non plus. »

    Couverture Colette

     

     

     

     

         Publié en 2008

      Éditions Folio (Biographies)

      397 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Non, meussieur Vili, non, Claudine ce n'est pas Unetelle, ni Mme Chose, ni Mlle Truc ou Machin-Chouette...Non, meussieur Vili, Claudine, c'est moi. »

    Colette (1873-1954) qui signa d'abord « Gabrielle Colette », puis Colette Willy puis Colette Jouvenel, puis Colette, qui aurait pu signer Colette Goudeket et ne le fit jamais, a été l'un des écrivains les plus célèbre et les plus admirés de son temps. Elle a séduit les publics les plus simples comme les plus raffinés. Auteur de nombreux romans et nouvelles, elle fut aussi mime, danseuse nue, actrice, journaliste, rédactrice de journaux à scandale, conférencière, esthéticienne. Sa vie privée, une fois débarrassée de ses légendes, de ses maris, de ses amants et des amantes, vaut bien un roman : celui d'une écrivaine éprise avant tout de liberté.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    De Colette, on connaît l’image de la vieille dame aux yeux fardés, au début des années 1950 ou celle de la jeune meneuse de revue à la plastique irréprochable et peu vêtue des années 1910 (notamment dans « Rêve d’Egypte » qui fit scandale). Le nom de Colette encore aujourd’hui rappelle les grandes heures de la littérature du début du XXème siècle comme un certain parfum de scandale. Témoin d’un temps riche (la Belle Epoque puis les Années Folles) et définitivement révolu à la veille de sa mort, Colette a laissé une œuvre personnelle et unique et le souvenir d’un destin foisonnant.
    Née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (où l’on peut aujourd’hui visiter la maison d’enfance de Colette, qui habitera à jamais ses souvenirs et donnera  naissance à certaines de ses plus belles pages, entre souvenirs d'enfance, journal intime et nostalgie), fille de Sido (Sidonie Landoy) et du capitaine Colette, Sidonie-Gabrielle, dite « Gabri » et considérée par sa mère comme « un joyau tout en or », grandit dans une nature sauvage et exubérante, au milieu d’une fratrie recomposée (sa mère avait eu des enfants d’un premier mariage) et en harmonie avec un environnement campagnard et rural qu’elle chérira toute sa vie et qu’elle mettra souvent en scène dans ses œuvres.
    Mariée trois fois au cours de sa vie, c’est sa première union avec Henry Gauthier-Villars, dit Willy, qui l’amène jusqu’à Paris. Paris qu’elle ne quittera jamais plus, sans pour autant se départir de son origine provinciale et de son fort accent bourguignon qu’elle gardera toute sa vie. Willy, c’est le mari, l’amant, le meilleur ami et le mentor, le mauvais ange aussi, ou du moins est-il présenté comme cela dans les œuvres de Colette qui suivent leur brutale séparation. Il est celui qui encouragera Colette à écrire, le seul signataire de ses premières œuvres certes (les Claudine, avant d’être signées Colette et Willy, ne seront signées que de son nom à lui) mais malgré tout celui par qui l’écriture arrive dans la vie de Colette et durablement – puisqu’elle sera auteure mais aussi journaliste, collaborant avec de nombreuses revues tout au long de sa carrière.

    Colette, dans la pantomime Rêve d’Égypte, qui fit scandale en 1907


    Touche à tout, curieuse de tout et croquant la vie à pleine dents, Colette est l’archétype de la femme libre et émancipée de ce début de XXème siècle, couchant avec autant d’hommes que de femmes, menant sa vie sans entraves et sans jamais se mettre de limites. Meneuse de revue, chanteuse, danseuse, se produisant parfois très peu vêtue dans des pièces scandaleuses, voyageant partout en province, entretenant une liaison suivie avec Missy, nièce naturelle de Napoléon III qui mène une vie d’homme, évoluant avec aisance dans le tout-Paris, Colette donne l’impression d’avoir mené une existence tourbillonnante au milieu de laquelle, parfois, s’intercalent des périodes d’écritures qui donneront lieu à des œuvres incontournables et intemporelles : les Claudine, Le Blé en Herbe, La Chatte, Chéri
    Si vous étiez par exemple tentés par le film biographique (biopic) sorti il y a quelques années, avec Keira Knightley, j’ai trouvé pour ma part qu’il était bien trop moderne et trop féministe au sens contemporain du terme pour vraiment présenter la Colette historique avec objectivité. Certes, c’est très visuel et agréable à suivre mais pas forcément un bon reflet de la réalité.
    La biographie de Madeleine Lazard, agréable à lire et fluide, embrasse la destinée de Colette dans sa globalité et sans contresens ou vision trop contemporaine : de la jeunesse sauvageonne en Puisaye jusqu’aux rues de Paris, de ses trois unions (avec Willy puis avec Henry de Jouvenel dont elle aura une fille, Colette, dite « Bel-Gazou » puis avec Maurice Goudeket) en passant par sa relation à la maternité, à l’écriture et au féminisme (contrairement à ce que l’on pourrait penser et malgré l’éducation de sa mère, qui l’était, Colette n’a jamais revendiqué un quelconque féminisme et manifestait même un mépris avoué envers les suffragettes), tout y est. Il n’y a pas que la Colette écrivaine décrite ici, mais la femme dans son ensemble. Si je connaissais son histoire dans les grandes lignes, j’ai apprécié de la redécouvrir ici. La biographie de Madeleine Lazard est considérée comme une référence et on comprend pourquoi.
    Si vous aimez Colette ou bien que vous la découvrez tout juste, cette biographie peut être un bon moyen d’en apprendre plus sur elle et sur la vie éclectique qu’elle a menée, sans jamais se préoccuper des autres ni de leur jugement. On prend la mesure de l’intensité de sa vie, de l’amour qu’elle vouait au fait d’exister, de profiter, de jouir tout simplement des plaisirs qui lui étaient offerts : plaisirs amoureux ou plaisirs de la table, plaisir aussi de faire ce que l’on veut quand ses semblables n’en ont pas le droit ou, tout simplement, ne songent même pas à s'en donner le droit. On a le sentiment qu’à une époque où cela n’allait pas de soi, Colette a pris sa vie à bras le corps, elle s’est « prise en charge » elle-même et malgré ses trois mariages, n’a jamais forcément « appartenu » à ses époux, bien qu’elle ait su se montrer très éprise, notamment du séduisant Jouvenel, surnommé « Sidi » et qui sera le père de son unique enfant ou encore du fils de ce dernier, Bertrand (de trente ans son cadet), avec lequel elle entretiendra une relation brève mais passionnée et qui lui inspirera Le Blé en Herbe, où le jeune héros, Phil, s’éprend de la dame en blanc, la mystérieuse Mme Dalleray.
    Passionnant, voilà le mot qui peut nous venir spontanément à la lecture de ce destin que l’on peut dire exceptionnel par bien des aspects. Si je n’y ai rien découvert de forcément inédit (hormis la vision nuancée et objective de Willy, dont l’image est aujourd’hui noircie par les propos tenus par Colette après leur divorce), j’ai malgré tout pris plaisir à m’évader dans cette lecture à la rencontre de cette écrivaine dont je chéris l’œuvre depuis de nombreuses années et qui m’a toujours donné l’impression d’avoir été comme l’un des derniers témoins de cette France ancestrale et encore rurale de la fin du XIXème siècle (la description de l’école dans les Claudine par exemple, y est pour nous, lecteurs du XXIème siècle, délicieusement rétro), qui est vouée à disparaître dans le sang de la Grande Guerre, la France de Millet et de Courbet qui deviendra bientôt celle des cabarets et du tourbillon étourdissant de l’entre-deux-guerres.

    Colette en 1932 dans son appartement parisien des Champs-Élysées

     

    En Bref :

    Les + : cette biographie se lit comme un roman ! Fluide, bien écrite, on ne s'ennuie pas une seconde ! D'ailleurs, la vie de Colette, écrivaine, meneuse de revue, journaliste, grande amoureuse, n'est-elle pas un roman ?
    Les - : aucun point négatif à soulever !


    Colette ; Madeleine Lazard

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « La proximité spirituelle entre deux êtres aspire à s'exprimer physiquement, mais l'expression physique engloutit la proximité spirituelle. »

    Couverture Lou-Andrés Salomé

     

    »

     

     

         Publié en 2008

      Editions Folio (collection Biographie)

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Être seule, vivre intérieurement pour soi, est pour moi un besoin aussi impérieux que le contact et la chaleur humaine. Besoins aussi forts et passionnés l'un que l'autre, mais séparés et sujets au changement et à l'alternance, et c'est précisément cela qui paraît infidèle et inconstant. »

    Romancière, essayiste, psychanalyste, Lou Andreas-Salomé (1861-1937) est avant tout un esprit libre. A vingt ans, elle fait le pari d'une amitié philosophique avec Nietzsche, et joue avec le feu de son amour. A trente, compagne de Rilke, elle le guide sur la voie de la création, et se dérobe à sa passion. A quarante, elle est accueillie par Freud comme sa disciple la plus intelligente, et lui fait accepter ses hérésies. Femme parmi les hommes, elle a rêvé d'un « monde de frères », de mariage sans sexualité, de maternité sans procréation, d'inconscient sans pulsion de mort. Philosophie, poésie et psychanalyse ont été les instruments d'une seule grande affirmation : le lien indissoluble entre l'individu et la vie, tout entière. Lou Andreas-Salomé n'aura eu qu'une obsession - qui est aussi le titre d'une de ses nouvelles : « le Retour au Tout ». 

     

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Lou Andreas-Salomé...voilà un nom qui nous évoque vaguement quelque chose, sans qu'on puisse forcément le resituer. Personnellement, il m'évoquait la photographie d'une jeune femme au regard pénétrant. Elle a un demi-sourire et des mèches folles sur les oreilles et semble regarder l'objectif sans le voir. Elle n'est pas spectaculairement belle mais semble porter en elle une autre beauté, plus profonde et moins palpable.
    Lou, je la connaissais comme amie de Nietzsche, muse et amante de Rainer Maria Rilke, comme disciple de Freud. J'ai eu envie de savoir ce qui se cachait derrière tout cela. L'Histoire est cruelle avec les femmes parce qu'elle les oublie ou les ternit, même les plus puissantes, les plus savantes ou les plus fascinantes. Si vous étudiez l'Histoire de l'Art, par exemple, on vous parlera plus volontiers du Caravage que d'Artemisia Gentileschi, qui sont pourtant presque contemporains. Si vous abordez la science, on vous parlera sûrement plus spontanément d'Einstein ou de Pierre Curie que de l'épouse de celui-ci (quoique Marie Curie ait réussi à conquérir une notoriété qui transcende son sexe) ou de Lise Meitner.
    Il en est de même pour Lou Andreas-Salomé, présentée comme le faire-valoir de trois hommes : muse, disciple, amie, elle est finalement réduite à une petite partie de ce qu'elle fut vraiment.
    Cette biographie de Dorian Astor, philosophe, musicologue et germaniste spécialiste de Nietzsche tend justement à redonner une place plus propre à Lou, qui traversa toute la fin du XIXème siècle et mourut à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, passant ses dernières années dans une Allemagne nazie qui surenchérit en violence.
    Née en 1861, Lou von Salomé ou Lioulia von Salomé (en russe) voit le jour à Saint-Pétersbourg mais elle n'est pas russe. Son père Gustav von Salomé est allemand et a même de lointaines origines huguenotes et provençales : ses ancêtres ont quitté la France après la révocation de l'Edit de Nantes, partant vers l'est de l'Europe où ils se fixent, entre l'Allemagne et les pays baltes. Sa mère, Louise Wilm, est d'origine allemande et danoise. La famille von Salomé est donc très cosmopolite et Lou, dans sa jeunesse, a la bougeotte, sillonnant l'Europe de long en large, de Paris à Saint-Pétersbourg, en passant par l'Allemagne, l'Italie et la Suisse.
    Très tôt, la jeune femme montre un certain intérêt pour les lettres, l'écriture puis la philosophie. Elle est très jeune encore quand elle rencontre Nietzsche, brillant penseur mais torturé, qui terminera sa vie dans la folie. Probablement amoureux de Lou, il s'en consumera tandis que la belle cruelle (sans le vouloir peut-être) continue de papillonner et de se refuser. Elle sera une épouse peu conventionnelle pour Friedrich-Carl Andreas qu'elle épouse en 1887, refusant profondément l'acte sexuel et la maternité biologique. Elle sera l'amie et la compagne de Rainer Maria Rilke, poète allemand presque maudit qui aurait eu sa place en pleine époque romantique. La fin de sa vie sera marquée par l'étude et la pratique de la psychanalyse dans le sillage de Sigmund Freud, dont elle sera d'ailleurs la disciple peut-être la plus assidue et la plus proche.

    Image dans Infobox.

    La photographie la plus célèbre de Lou, prise à la fin du XIXème siècle


    Lou Andreas-Salomé est aussi une femme de lettres, une romancière et une poète. Autrement dit, une intellectuelle complète, mais dont l'oeuvre et l'apport sont peu à peu tombés dans l'oubli : quand on parle philosophie, la cite-t-on nommément ? Idem pour la psychanalyse, dont la figure tutélaire reste Freud.
    Cette biographie n'a pas pour prétention d'expliquer Lou Andreas-Salomé mais apporte quelques éclairages afin de mieux la comprendre. Elle reste quand même relativement mystérieuse et impénétrable.
    Evidemment, de part l'activité de l'auteur, ce livre est empreint de philosophie et de notions parfois abstraites. J'avoue que la philosophie n'est pas le domaine où je me sens le plus à l'aise et je me suis sentie parfois un peu perdue. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette biographie est costaud et, peut-être n'est-elle pas forcément à recommander en introduction, quand on ne connaît rien au personnage. Oui, elle est ambitieuse et riche, passionnante par bien des aspects mais pas forcément facile d'accès. Au moins, si vous voulez vous lancer, vous voilà prévenus.
    Malgré tout, cette plongée dans un siècle (ou fin de siècle) plein d'émulation intellectuelle et artistique dont l'âge d'or prend brutalement fin avec les deux conflits mondiaux, est intéressante. Lou Andreas-Salomé a vécu à une époque où tout semblait possible, fréquenté pléthore de personnages qui, à leur manière, ont marqué l'histoire du monde, des arts, de la littérature, des sciences. Elle-même a mis son formidable esprit au service d'une théorisation et conceptualisation du monde et de la société, réfléchissant, écrivant, philosophant.
    Par bien des aspects de sa personnalité, Lou Andreas-Salomé est un personnage un peu hybride : née dans une bonne société, la société pétersbourgoise dans la révolution, elle est aussi bohème et marginale, menant une vie des plus condamnables aux yeux de ses contemporains. Parce que le XIXème siècle n'est pas encore complètement débarrassé de ces traditions corsetées et empreintes de religion qui condamnent et jugent sans appel. Lou Andreas-Salomé mènera sa vie comme elle l'entend, régentant ses relations avec les hommes, se livrant non pas aux tâches notoirement attribuées aux femmes : elle ne sera ni une bonne épouse au sens sociétal du terme ni une mère, car elle refusera la maternité.
    Pour autant, Lou Andreas-Salomé, bien que les fréquentant, n'est pas féministe. Elle ne prend jamais position et ne sera jamais militante. A son grand regret, elle ne se retrouve pas dans le système matrimonial de son temps ce qui la conduit à rejeter le mariage par défaut mais pas réellement par choix. La non-maternité ne se caractérise pas non plus chez elle par un absence de désir mais plus par une aversion instinctive de l'acte sexuel ce qui pousse encore aujourd'hui ses biographes à se poser la question de sa virginité : si Lou eut probablement des amants, il est très possible qu'elle ne découvrit la facette charnelle de l'amour que tardivement et que celle qui fut, dans sa jeunesse, présentée comme une femme fatale, menant les hommes à la baguette et prenant plaisir à les voir à ses pieds, n'était en fait qu'une jeune vierge surtout avide de comprendre le monde et de dénouer les liens complexes des relations homme-femme. Tout au long de sa vie, elle fut surtout un être de savoir et d'intelligence, accumulant les cordes à son arc et qui s'intéressa à maints domaines différents avant de se consacrer presque uniquement à la psychanalyse, qu'elle apprit consciencieusement avant de l'exercer.
    Parce que j'aime les biographies fortement ancrées dans le contexte, peut-être cela m'a manqué un peu ici mais je comprends la démarche de l'auteur qui, en tant que philosophe a évidemment mis l'humain au premier plan. Evidemment, Dorian Astor n'a pas pu faire l'impasse sur le contexte historique mais celui-ci n'est pas aussi présent que je l'espérais. Cela dit, la biographie est cohérente et implacablement logique (comme l'esprit de Lou, même si sa logique ne fut pas toujours celle des autres). On découvre un destin littéralement anti-conformiste, qui n'entre dans aucune case et sur lequel on ne peut poser aucune étiquette formatée. Lou Andreas-Salomé est un concept à elle toute seule et une femme prodigieusement intelligente qui resta jusqu'à la fin de sa vie pilotée par son esprit. Elle a connu le meilleur comme le pire de l'humanité et disparaît alors que la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale se profile déjà à l'horizon en nuages menaçants : elle aura par exemple eu la tristesse d'assister à la récupération de la philosophie nietzschéenne par le régime nazi, aidé en cela par la propre sœur de Nietzsche qui fut l'une des plus irréductibles adversaires de Lou Andreas-Salomé.
    La vie de Lou est aussi riche que ce livre qui a le mérite de se concentrer uniquement sur elle, en faisant passer justement, le temps de 300 pages, les hommes en arrière-plan pour lui laisser le devant de la scène. Parce que Lou n'est pas qu'une disciple, une muse, une inspiratrice, une maîtresse ou une amie. Elle est avant tout une femme de lettres, une essayiste, une philosophe et une psychanalyse. Pas comme un homme : juste comme toutes les femmes devraient être présentées dans l'Histoire, pour ce qu'elles font. 

    Rilke à Lou Andreas-Salomé - Lettre du 12 mai 1904 | OLIVIER DOUVILLE

    Lou et Rainer Maria Rilke, qui fut un ami de longue date après avoir été un amoureux transi

    Bref :

    Les + : une biographie qui explique sans tout dévoiler, préservant le voile de mystère dans lequel Lou Andreas-Salomé, de son vivant, s'était dissimulée volontairement, un travail qui, surtout, la remet sur le devant de la scène pour ses travaux intellectuels et non pas pour sa féminité ou sa relation aux hommes.  
    Les - :
    je ne sais pas si l'on peut dire que l'aspect très philosophique de cette biographie est un point négatif. Pas vraiment car il est logique et cohérent de le retrouver ici mais j'avoue que certains notions m'ont totalement échappé.


    Lou Andreas-Salomé ; Dorian Astor 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Ces destinées étouffées, ces voix réduites au silence, ces aventures inconnues ou mort-nées, ces talents avortés, commencent aujourd'hui enfin à resurgir de l'ombre et leurs héroïnes à s'installer au Panthéon de nos gloires. Et parmi elles, une des plus oubliées et qui pourtant, plus que tout autre, mérite la reconnaissance des femmes : Olympe de Gouges. »

    Couverture Ainsi soit Olympe de Gouges

     

     

     

         Publié en 2013

      Editions Le Livre de Poche

      160 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Homme, es-tu capable d'être juste ? 
    C'est une femme qui t'en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. 
    Dis-moi ce qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe ? ta force ? tes talents ? »

    Parce qu'en 1791 elle est la première en France à formuler une Déclaration des droits de la femme qui pose le principe de l'égalité des deux sexes, parce qu'elle a osé revendiquer toutes les libertés, y compris sexuelle, et qu'elle a réclamé, notamment, le droit au divorce et à l'union libre, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, monte sur l'échafaud en 1793. L'auteure d'Ainsi soit-elle et de La Touche étoile rend hommage à celle qui demeure une pionnière, la première féministe moderne. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on évoque Olympe de Gouges, on pense évidemment à la Révolution française, à sa fin sur l'échafaud...on pense aussi à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, adressée en 1791 à la reine Marie-Antoinette elle-même et dont on a retenu le lapidaire : « si une femme a le droit de monter à l'échafaud, elle devrait avoir le droit de monter à la tribune ». En un mot, Olympe de Gouges est, dans l'imaginaire commun, celle qui a inspiré le féminisme moderne, même si le mot n'existe pas à l'époque.
    Née Marie Gouze à Montauban en 1748, rien ne prédestine la future Olyme de Gouges à devenir une pasionaria (d'autres ont dit une enragée ou une virago) de la cause des femmes. Fille reconnue de Pierre Gouze, bourgeois de Montauban et de son épouse Anne Olympe Mouisset. Mais il est très probable que le père naturel d'Olympe ait été Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, parrain de sa mère, marquis et homme de lettres connu notamment pour sa tragédie Didon, jouée pour la première fois en 1734. Le grand-père maternel d'Olympe avait été son précepteur.
    La jeunesse d'Olympe est celle de toutes les jeunes femmes de sa classe : elle a dix-sept ans lorsqu'elle est donnée en mariage à Louis-Yves Aubry, traiteur parisien de trente ans son aîné qu'elle finira par prendre en aversion, mais auquel elle donnera un fils, Pierre Aubry de Gouges. Peu instruite mais malgré tout intelligente et dotée d'une véritable capacité de réflexion, Olympe écrira ses textes les plus incisifs comme elle parle et prendra fait et cause pour la Révolution, qui sera son révélateur et son bourreau puisqu'elle sera, comme Manon Roland quelques jours après elle, conduite au rasoir national, au début du mois de novembre 1793, convaincue de trahison. Partisane de l'abolition de l'esclavage et de l'égalité des hommes et des femmes dans la société, elle s'essaye d'abord au théâtre (où ses idées transparaissent déjà, comme dans Zamore et Mirza, où elle se pose en abolitioniste convaincue) avant de se lancer dans des textes plus engagés et surtout politisés.
    Le XVIIIème siècle a beau être celui des Lumières, il n'en est pas moins rétrograde concernant la question des droits des femmes. Celles-ci n'ont dans la société d'autre place que celle d'épouse, de mère, de fille ou de soeur. Il y'a bien des femmes de lettres (les salonnières comme Madame de Genlis, Madame du Deffand entre autres) ou des femmes savantes (on peut penser à la célèbre Emilie du Châtelet, maîtresse de Voltaire et traductrice de Newton, mathématicienne de renom) mais celle-ci sont l'exception qui confirme la règle. Olympe de Gouges s'élève contre cet état de fait, contre l'oppression naturelle du sexe masculin qui cantonne les femmes à un rôle mineur et insignifiant et surtout contre le fait que les femmes semblent avoir accepté docilement ce traitement injuste. Avec des phrases incisives, elle plaide pour le droit des femmes, le droit au divorce, la reconnaissance civile, l'accès aux soins (notamment pour les femmes en couches, très nombreuses encore à mourir en donnant naissance à leurs enfants au XVIIIème siècle). Parce que ses idées, avant-gardistes, qui, parfois, ont plus d'un siècle d'avance, parce que ses idées sont celles que les féministes du XXème siècle, celles du XXIème aussi continuent de brandir, Olympe est vue comme la première de toutes. Elle ne pouvait évidemment se définir ainsi, à une époque où le mot n'existait pas. Mais celles qui sont arrivées après ne s'y sont pas trompées en lui décernant la palme de la primauté. Fut-elle la seule ? Fut-elle réellement la première ? Probablement pas. Elle est en tout cas celle qui alla jusqu'au bout et paya de sa vie son engagement, pas seulement pour les femmes, mais pour toutes les minorités. Olympe de Gouges a probablement inspiré les mouvements féministes qui se développèrent après la Première Guerre Mondiale et surtout, dans les années 1960 et 1970...

    Olympe de Gouges se lève pour l'émancipation des femmes | L'Humanité


    A ce titre, Benoîte Groult est l'une de ses héritières. Décédée à il y'a un peu plus de cinq ans, elle est l'une des féministes françaises du XXème siècle les plus connues, avec Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi, sa soeur Flora Groult, avec laquelle elle écrivit notamment Journal à quatre mains.
    Née en 1920, elle ne s'engage que tardivement, dans les années 1970, alors qu'un vent libertaire souffle sur les femmes : c'est l'époque du MLF, des manifestations où les femmes brûlent leurs soutien-gorges et même si cela peut s'avérer anecdotique,c'est surtout un moyen comme un autre (et hautement symbolique) de dénoncer la toute-puissance et l'hégémonie du patriarcat. Cinquante ans plus tard, n'est-ce pas toujours d'actualité, même si des avancées notables ont eu lieu depuis ? Plus marquant, c'est aussi le moment où la contraception, grâce à la loi Neuwirth, se popularise. Les femmes peuvent prendre le contrôle de leur corps, décider du moment où elles veulent devenir mères ou de ne pas le devenir du tout, ce qui autrefois, n'était pas une option. Surtout, en 1974, la loi Veil donne aux Françaises le droit à l'avortement. C'est une époque de grandes avancées et d'une véritable émulation pour les mouvements féministes, tandis que, inversement proportionnelle, la misogynie se crispe aussi dans un réflexe de protection réactionnaire...Benoîte Groult a connu tout cela et s'est engagée. En 1975, elle a publié un essai féministe Ainsi soit elle, qui s'est vendu à 1 million d'exemplaires. Trois ans plus tard, elle fonde F Magazine avec Claude Servan-Schreiber.
    Elle était donc très bien placée pour écrire sur Olympe de Gouges, aucun doute là-dessus. Ainsi soit Olympe de Gouges n'est pas une biographie au sens académique ou historique du terme : la jeunesse de la future égérie des femmes n'y est abordée que succinctement, en quelques chapitres à peine. C'est bien évidemment l'engagement futur d'Olympe, via ses pièces de théâtre puis ses productions révolutionnaires, qui intéresse l'auteure. Il s'agit finalement plus d'une analyse des mécanismes qui amenèrent cette femme somme toute comme les autres à devenir la fondatrice d'un mouvement appelé à grandir, à se développer, pour devenir la communauté que l'on connaît aujourd'hui et qui continue de se battre pour que, chaque jour, les droits chèrement acquis soient conservés. Et dans un monde instable où les crises succèdent aux crises et aux doutes, les droits des femmes sont les premiers menacés.
    Si vous cherchez une biographie très documentée et fournie d'Olympe de Gouges, ce n'est pas ce que vous donnera ce livre. Mais, au contraire, vous aurez accès aux textes les plus importants d'Olympe, à commencer par La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, encore si actuelle, deux-cent-trente ans après sa rédaction.
    Avec Ainsi soit Olympe de Gouges, j'ai découvert l'univers des écrits féministes. C'est incisif et sans fards, on sent poindre sous la plume le propre engagement et la propre colère (légitime) de Benoîte Groult, militante et qui s'insurge contre la place biaisée que l'Histoire fait aux femmes.
    Je n'ai malheureusement pas été autant passionnée que je l'aurais espéré en démarrant cette lecture. La preuve, c'est que j'ai mis cinq jours pour lire un livre qui ne fait même pas deux-cents pages. Il faut dire aussi que se plonger dans les textes d'Olympe de Gouges, bien qu'avec une graphie révisée, n'est pas toujours forcément aisé. Le style du XVIIIème siècle n'est pas toujours très facile d'accès. Malgré tout, cela reste une lecture enrichissante et instructive et c'est ce que j'en retiendrai en dernier lieu.

    Olympe de Gouges, femme engagée, esprit libre

    Extrait du roman graphique Olympe de Gouges de Catel et Bocquet (2012)

     

    En Bref :

    Les + : un écrit féministe intéressant, qui décrit assez bien l'engagement de celle qui a inspiré le féminisme moderne et qui, par certains aspects, avait plus d'un  siècle d'avance sur son temps.
    Les - :
    peut-être la forme du livre, avec une courte introduction et les textes d'Olympe en deuxième partie. J'ai eu l'impression de lire deux blocs distincts alors qu'une explication DANS le texte aurait peut-être plus passionnante...


    Ainsi soit Olympe de Gouges ; Benoîte Groult 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • « Du même âge, à quelques mois près (sauf pour l’une d’elles), elles sont romancières, journalistes, comédiennes, et dans le cas de Colette, tout cela à la fois. Elles appartiennent au monde marginal, sulfureux, de la littérature et du spectacle. Mariées, démariées, remariées ou en compagnonnage, leur existence à de quoi étonner, voire choquer une époque encore très bourgeoise. Elles ont souvent enfreint l’ordre moral et défié les bonnes mœurs. Elles les défient toujours. »

    Couverture Colette et les siennes

     

     

     

       Publié en 2018

      Editions Le Livre de Poche

      480 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Août 1914. Dans un joli chalet du XVIe arrondissement, Colette, la romancière, la journaliste célèbre, fait venir ses amies les plus proches. Il y'a Marguerite Moreno, la comédienne ; Annie de Pène, la chroniqueuse et presque soeur ; Musidora, dite Musi, bientôt la première vamp du cinéma. Ces quatre femmes libres qui portent les cheveux courts et délaissent le corset n'oublient pas le ciel de Paris où passent les dirigeables, ni leur travail, ni les hommes. Elles vont vers l'être aimé, quel qu'il soit. Au coeur de l'histoire, sanglante et sauvage, elles affirment leur personnalité, leur amitié et leur insoumission. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Eté 1914. La mobilisation générale vide la France de sa population masculine. A Paris, rue Cortambert, l’écrivaine Colette se réfugie avec un cercle d’amies dans un chalet appartenant à son époux Henry de Jouvenel : il y’a là l’actrice Marguerite Moreno, la romancière et journaliste Annie de Pène et la jeune Musidora (surnommée « le petit Musi »), qui sera un jour la première vamp du cinéma français. Elles se sont rencontrées, trouvées au gré de leurs pérégrinations d’avant la guerre. Le monde du spectacle ou celui des lettres les ont rapprochées.
    La Belle Epoque se termine, une nouvelle ère se profile. Elle va naître dans l’horreur et dans le sang des tranchées de la Grande Guerre. Pour Dominique Bona, dont la réputation de biographe n’est plus à faire, c’est le point départ d’une biographie « chorale », centrée sur Colette certes, mais qui fait aussi la part belle à ses trois amies, qu’on redécouvre ou qu’on découvre, tout simplement. Personnellement, je ne connaissais ni Annie de Pène (dont l’œuvre, relativement réputée de son vivant, est aujourd’hui tombée dans l’oubli), ni Marguerite Moreno qui joua notamment dans Le Capitaine Fracasse d’Alberto Cavalcanti en 1929 ou incarna la reine Anne d’Autriche dans Vingt ans après d’Henri Diamant-Berger en 1922. Quant à Musidora, la plus jeune du quatuor, celle que les trois autres considèrent presque « maternellement » (elle a seize ans de moins que Colette), élevée par un père artiste et une mère aux idées féministes déjà bien affirmées, elle fera carrière au cinéma et connaîtra la gloire avec le film Les Vampires de Louis Feuillade ou encore, Judex, film muet tourné en 1916.
    Dominique Bona aborde tous les aspects des vies hors-normes de ces quatre femmes. Est-il encore besoin de présenter Colette ? Sur certains aspects de sa vie, oui. Par exemple, je ne connaissais pas du tout l’épisode de la rue Cortambert et j’ai apprécié de découvrir l’existence de ce cénacle féminin, soudé par les épreuves et qui tente de tromper l’angoisse et la peine dans une certaine routine du quotidien. Pour le reste, c’est avec plaisir que j’ai retrouvé la petite sauvageonne de Saint-Sauveur devenue, par son mariage avec Willy, une parfaite parisienne. Devenue romancière et journaliste, mariée à Henry de Jouvenel, dont elle a eu une fille (la petite Colette, surnommée « Bel-Gazou », qui ne parviendra jamais à tisser de vrais liens avec sa mère), Colette est une femme déjà mûre qui a goûté aux plaisirs de la vie : amours féminines, amants, spectacles de music-hall (en compagnie de Missy qui fut peut-être son plus grand amour) où elle apparaît à moitié nue ou grimée en momie, rien ne l’a effrayée. Mais Colette, contrairement à ce que l’on pourrait croire, peut-être à cause d’un contresens trop contemporain, n’est pas féministe et sera toujours farouchement opposée au mouvement des suffragettes contre lequel elle n’aura jamais de mots assez durs. Colette est une bonne vivante, une amoureuse de la vie et de ses plaisirs, voilà tout. Ses compagnes ne sont pas en reste non plus. Amitié, vie maritale, maternité, tout est abordé du point de vue de l’une ou de l’autre. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces quatre femmes n’ont pas un destin banal. Déjà, elles connaissent toutes la notoriété : pour leur plume (Colette et Annie) ou pour leur talent de comédienne (Musidora et Marguerite). Elles ont également une existence à rebours de celle des femmes de l’époque : insoumises, libres, ne répugnant ni aux amantes ni aux maîtresses (contrairement à l'homosexualité masculine, le lesbianisme n'est pas mal vu au début du XXème siècle), osant avouer sans fards que la maternité est une corvée et ne les fait pas rêver ou que le mariage n'est pas une fin en soi. La Première Guerre Mondiale et l’onde de choc qu’elle entraîne changeront bien des choses et la Belle Epoque laissera place aux Années Folles, pour le meilleur et pour le pire. Pour les quatre amies, rien ne sera jamais plus comme avant : pour Colette, c’est le temps des désillusions amoureuses, de la vieillesse qui arrive et qu’elle accepte si mal au point de se consoler dans les bras d’un très jeune homme (comme dans Chéri, un roman au souffle de scandale mettant en scène l’histoire d’amour de Léa de Lonval, que l’on qualifierait aujourd’hui de « cougar » avec un jeune homme qui a l’âge d’être son fils) pour Marguerite Moreno, celui des deuils. Pour Musidora, après le succès cinématographique, les temps de vaches maigres arrivent, la galère aussi. Elles ne pourront jamais retrouver leur ancien mode de vie ni leur ancien train de vie, surtout. Après la folie de la jeunesse, l’étourdissement d’un monde burlesque et quasi décadent, le temps de la nostalgie, des souvenirs, de la maturité et de la vieillesse arrive…Pour Annie de Pène, l'histoire s'arrête brutalement en pleine épidémie de grippe espagnole, en 1918, laissant Colette orpheline de celle qu'elle appelait affectueusement « mon  Annie d'enfance » avec laquelle elle partageait sa passion de l'écriture. 
    J’ai aimé la forme de cette biographie, qui n’est pas vraiment chronologique ni très linéaire. Étrangement, alors que le sujet me passionnait (et m’a passionnée, cela va sans dire, en amoureuse de Colette que je suis), je n’ai pourtant pas lu aussi vite que je le pensais. J’ai eu l’impression que mon rythme de lecture se calquait un peu à la narration, qui est finalement relativement lente mais sans que cela ne me lasse. Au contraire : j’ai aimé découvrir alternativement les trois amies, j’ai retrouvé avec nostalgie Colette, que j’ai découverte au lycée (son univers me rappellera toujours une France d’antan disparue, celle de Claudine et de la Belle Epoque mais aussi des souvenirs très personnels), j’ai lu avec intérêt les chapitres consacrés aux trois autres, qui ne sont pas en reste.
    En résumé, Colette et les siennes m’a beaucoup plu. Un livre que j’ai trouvé original, différent de ce que l’on a l’habitude de lire. Une biographie qui n’est pas qu’une biographie, la chaleur du roman se couplant à une analyse fine et documentée. Je ne connaissais pas Dominique Bona et je ne regrette pas la découverte : ce ne sera probablement pas le dernier livre d’elle que je lirai, ça c’est certain et c’est avec joie et enthousiasme, enrichie d’une mine d’informations, que j’ai refermé ce livre.

    UN QUATUOR EN FEMMES MAJEURES : COLETTE ET LES SIENNES

    Les quatre femmes de la rue Cortambert : Colette, Annie de Pène, Marguerite Moreno et Musidora, la plus jeune du quatuor, considérée par les autres comme une fille de substitution. 

    En Bref :

    Les + : une biographie chorale qui part d'un événement en particulier (la déclaration de guerre) pour dérouler, en amont et en aval de cet événement, les destinées hors du commun de quatre femmes qui ont marqué les esprits de leur temps.
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever...il m'a juste fallu un peu de temps pour m'habituer au récit un peu lent qui caractérise cette biographie.


    Colette et les siennes ; Dominique Bona

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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  • « George Sand ? Le nom de l'une des femmes les plus célèbres de la littérature française suscite volontiers, aujourd'hui encore, l'admiration ou l'agacement. On ne l'apprécie guère ou on l'aime beaucoup, on dévore ses romans ou on les ignore. Les ignorants semblent les plus nombreux. »

     

     

     

         Publié en 2013 

      Editions Folio (collection Biographies)

      384 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Je suis l'enfant de mon siècle ; j'ai subi ses maux, j'ai partagé ses erreurs, j'ai bu à toutes ses sources de vie et de mort. »

    Amandine-Aurore-Lucile Dupin (1804 - 1876), devenue George Sand en 1832, avec la publication d'Indiana, fut dès l'enfance imprégnée des traditions et des légendes de son Berry natal. Observatrice attentive de son temps, elle fume la pipe, s'habille en homme, affiche ses convictions républicaines, est l'amante enflammée de Musset et de Chopin, en un mot fait scandale. Son oeuvre, de Consuelo à La Mare au diable, en passant par La Petite Fadette, culmine dans Histoire de ma vie, et fonde un genre littéraire : l'autobiographie au féminin. Amoureuse éperdue de la vie, George Sand écrit en 1831 à Sainte-Beuve : « Vivre ! Que c'est bon ! malgré les chagrins, les maris, l'ennui, les dettes, les parents, les cancans, malgré les poignantes douleurs. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Que sait-on, que connaît-on aujourd’hui de George Sand, en dehors du pseudonyme masculin adopté au début des années 1830 et ses romans champêtres, auxquels on réduit bien souvent une œuvre bien plus vaste et éclectique ?
    George Sand fait partie de ces figures que l’Histoire et la postérité se sont plu à oublier parce qu’elles sont femmes. A côté des grands auteurs français du XIXème siècle, Maupassant, Zola, Balzac, Flaubert et les autres, George Sand fait presque figure d’anecdote. Quand on prend le temps d’en apprendre plus sur elle, on se rend bien compte qu’au final, elle est tout sauf cela.
    Quand elle naît au tout début du XIXème siècle, celle qui est encore Amantine-Aurore Dupin de Francueil porte déjà dans ses veines l’essence d’un destin assez exceptionnel et hors du commun : en elle, se mêlent le sang noble de son père, Maurice Dupin de Francueil et celui, plus modeste et populaire de sa mère Sophie Delaborde. Par son père Maurice, elle descend du célèbre maréchal de Saxe (1696 – 1750), héros de Fontenoy et fils illégitime du futur roi de Pologne Auguste II et de sa maîtresse Aurore de Koenigsmark. Sa grand-mère, Marie-Aurore de Saxe, naît des amours du militaire avec Marie Geneviève Rinteau, dite Mademoiselle de Verrières. Par la lignée du père, George Sand partage une parenté, certes lointaine mais bien présente, avec les derniers rois Bourbons, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, dont la mère était une princesse de Saxe et une nièce du maréchal. Du côté de la mère, l’ascendance est plus modeste et la réputation un peu moins bonne : avant de se ranger et d’épouser Maurice Dupin de Francueil, Sophie Delaborde, issue d’une lignée de maîtres paulmiers et oiseliers parisiens, a eu des enfants hors mariage et mené une vie visiblement assez trouble. La future George Sand concentre donc en elle une double ascendance, populaire et aristocratique, qui la marquera profondément.
    Bien que née à Paris, l’enfance de la petite Aurore se passera en partie à Nohant, domaine de l’Indre que sa grand-mère a acquis à la fin du XVIIIème siècle. Elle a un peu plus de quatre ans quand son père meurt, en septembre 1808. On pense souvent que le pseudonyme masculin sera adopté par la femme de lettres au début de sa carrière, comme ont pu le faire les sœurs Brontë en Angleterre mais si on ne connaît pas un peu l’histoire de George Sand, on se rend compte que cette double-identité, cette dualité qui la fait osciller toute sa vie entre homme et femme, remonte à bien plus loin que cela : folle de douleur d’avoir perdu son fils unique, Marie-Aurore Dupin reporte toute son affection sur sa petite-fille, la seule héritière légitime de son fils. Elle l’habille en garçon, en fait le double de son père au même âge. De là à voir un certain déterminisme chez la future George Sand, qui adopte le costume masculin avec facilité, il n’y a qu’un pas. Son enfance est marquée par le bonheur des jeux au grand air, les promenades dans le parc de Nohant, la fréquentation des petits paysans berrichons comme des jeunes nobles de la région mais aussi par une existence morne auprès d’une grand-mère « d’un autre temps » qui vit comme avant la Révolution. Qui plus est, Marie-Aurore n’aime pas sa belle-fille, Sophie Delaborde, à laquelle elle reproche sa réputation légère et qu’elle refuse de voir habiter Nohant après la mort de son fils. La petite Aurore grandit donc entre l’insouciance d’une enfance campagnarde et le tourment que lui cause l’inimitié tenace qui oppose les deux femmes qu’elle aime le plus au monde, sa mère et sa grand-mère, qui l’élève et lui donne une éducation.
    L’adolescence d’Aurore est faite de moments troubles, de moments de spleen, de mélancolie, la jeune fille est parfois traversée par un profond mal-être et des idées suicidaires. Puis, l’âge venant, on va la caser, comme cela se fait à l’époque pour toute jeune fille, on commence à lui chercher un mari…ce sera Casimir Dudevant, originaire du Quercy, avec qui elle aura deux enfants : Maurice et Solange. Peu heureuse en amour, vite déçue par un mari avec lequel elle n’a que peu d’atomes crochus, Aurore entame sa métamorphose. Elle commence à écrire, elle commence à prendre ses aises avec les sacro-saints liens du mariage, n’hésitant pas à les transgresser et à prendre des amants : le premier, Jules Sandeau, avec lequel elle écrit au tout début de sa carrière, lui laisse son nom, en partie tronqué. Désormais, Aurore Dupin, épouse Dudevant, mère de deux enfants, fait la place à Sand. Pour compléter le pseudonyme, elle se prénomme elle-même George, sans s, comme les rois d’Angleterre George III et George IV. Nous sommes en 1832 et une femme de lettres est née. Une femme engagée aussi, une femme politisée, avec des convictions déterminées et une opinion tranchée.

    Domaine de George Sand — Wikipédia

     

    Le château de Nohant, dans l'Indre, où George Sand passe une partie de son enfance et revient souvent à l'âge adulte.


    Après la lecture de cette biographie, difficile de réduire Sand à ses seuls « romans champêtres » dont le plus connu est La Petite Fadette, qui se passe en plein cœur du Berry. Difficile aussi de la réduire à ce seul pseudonyme masculin, qui veut tout dire et rien dire et qui ne s’explique finalement qu’en allant chercher au plus loin dans les souvenirs d’une petite fille devenue un peu garçon par la douleur de sa grand-mère. Et enfin, on se rend compte que la réduire à ses seuls amants est un véritable non-sens, particulièrement agaçant d’ailleurs quand on sait que la plupart des auteurs masculins du temps ont entretenu des liaisons plus ou moins légitimes dont on ne leur tient pas rigueur. Quand on évoque Zola, par exemple, se souvient-on plus volontiers de ses romans ou de sa liaison avec Jeanne Rozerot ? Ce sont ses livres que l’on évoque en premier, immanquablement. Quand on évoque Sand, on va plutôt parler de sa relation extraconjugale avec Musset ou avec Chopin et on oublie allègrement qu’avant tout, George S and est un « romancier » comme elle aime à se décrire elle-même. Un romancier et une véritable épistolière de talent, qui n’hésite pas à donner son avis, à militer par les mots.
    Cultivée, instruite, politisée, féministe à bien des égards (au contraire d’une Colette, par exemple, qui n’aura pas de mots assez durs contre les suffragettes et les femmes cherchant à s’émanciper, n’hésitant pas à dire de ces derniers « Les femmes libres ne sont pas des femmes »), George Sand a toute sa place dans le panthéon des grands auteurs du XIXème siècle. Analyste de génie, elle sublime et transcende le sentiment humain, fustige avec force le mariage tout en n’admettant pas, l’âge venant, la conduite plus que dissolue de sa fille Solange (qui se fait entretenir), écrit et réfléchit sur la politique de son temps, qu’elle comprend bien et juge avec justesse. Les romans « champêtres » eux, donnent à voir une France d’antan, une description fine et sans condescendance ni fausse compréhension du monde paysan que Sand a côtoyé enfant et continue de côtoyer à Nohant, dont elle a hérité après la mort de sa grand-mère.
    A ma grande honte, je me suis rendu compte en lisant ce livre, que comme beaucoup de monde ce qui me venait à l’esprit quand j’évoquais George Sand, ce sont des poncifs un peu éculés et franchement pas représentatifs de la complexité du personnage. Il y’a plus de dix ans, j’ai lu La Petite Fadette dont je n’ai pas gardé à l’époque un souvenir impérissable. Depuis, je n’ai croisé Sand que de loin en loin…comme tout le monde, je connaissais la liaison tumultueuse avec Musset, puis celle plus maternelle, qui l’unit à Chopin, virtuose du piano qui se consume de maladie (il mourra en 1849 de la tuberculose)…je connaissais Nohant que j’aimerais bien visiter un jour, je connaissais son attachement au Berry, ses romans champêtres qui en découlent. J’étais loin de connaître la femme politisée, très au courant, suffisamment en tout cas pour livrer une analyse en toute objectivité des décisions du pouvoir en place, j’étais loin de connaître aussi la féministe, opposée au mariage, s’élevant déjà à sa manière contre le patriarcat, une femme que l’on peut sans nul doute prendre pour modèle aujourd’hui ou citer en exemple, alors qu’elle est née il y’a plus de deux cents ans et qu’à l’époque, on était loin d’avoir véritablement une conscience féministe et militante.
    George Sand est un personnage accompli, une femme bien de son époque mais qui a déjà un pied un peu plus loin et voit un peu plus loin que ses contemporains.
    Cette biographie est loin d’être une énorme anthologie un peu indigeste, au contraire, elle est très abordable. En peu de pages (je m’entends, cette biographie sans compter les annexes compte à peu près trois-cent-cinquante pages), Martine Reid parvient à faire le tour de son sujet : George Sand y est abordée dans toute sa complexité mais aussi ses paradoxes, car elle est humaine et nous sommes faits de paradoxes.
    Toujours est-il que l’on ressort de cette lecture en se disant que le panthéon de la culture oublie volontiers les femmes et que c’est une erreur.
    Autre chose également : cette lecture m’a donné envie de retenter le coup avec ses romans et de la relire, avec certainement un autre angle de vue que celui que je pouvais avoir il y’a plus de dix ans quand j’ai lu pour la première fois La Petite Fadette qui ne m’a, comme je vous le disais, pas laissé un excellent souvenir (sans que je l'aie détesté pour autant, entendons-nous bien). Est-ce que je lirai autrement les romans de George Sand maintenant que je la connais mieux et que j’ai découvert sa démarche créative ? Probablement, oui. Je ressors donc de cette lecture tout à fait satisfaite puisqu’elle a entièrement comblé mes attentes.

    Fichier:George Sand by Nadar, 1864.jpg — Wikipédia

    L'un des portraits les plus connus de George Sand : en 1864, douze ans avant sa mort, elle est photographiée par Nadar

     

    En Bref :

    Les + : une biographie claire, pas trop longue, synthétique mais complète, un style agréable. 
    Les - :
    aucun point négatif à soulever !


    George Sand ; Martine Reid

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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