• « Les douze Césars s'inscrivent dans une histoire de famille particulièrement complexe. Ils ne peuvent être réduits à une succession de biographies se chevauchant plus ou moins. Ils forment ensemble la fresque humaine la plus cynique du Haut-Empire et sans doute l'une des plus captivantes de l'histoire de l'Occident. »

    Couverture La véritable histoire des douze Césars

     

     

     

      Publié en 2019

      Éditions Pocket (collection Documents et Essais)

      480 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Sous le principat d'Hadrien, l'historiographe Suétone écrit les biographies des premiers Césars, de Jules César à Domitien, retraçant ainsi près de cent-cinquante ans d'histoire. Virginie Girod, forte de sa connaissance intime de la période, met avec talent ses pas dans ceux de Suétone et raconte la véritable saga des douze Césars faite de trahisons, de manipulations et d'amours déçues.
    Comment Auguste et Vespasien ont-ils pris Rome en passant pour des modèles de vertu ? Pourquoi Tibère, Caligula et Néron ont-ils sombré dans la tyrannie ? Claude était-il un idiot ou un administrateur génial ? De chapitre en chapitre, les mythes sur les Césars volent en éclats, laissant place à leur humanité dans toute sa complexité.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au début du IIème siècle de notre ère, l’historiographe Suétone, sous le principat d’Hadrien, rédige une vie des Douze Césars (De vita duodecim Caesarum), racontant ainsi les destinées de douze dirigeants romains, de Jules César à Domitien. Scindé en huit livres et publié entre 119 et 122, La vie des Douze Césars de Suétone inaugure un nouveau genre littéraire historique qui inspirera d’autres historiens (Hérodien, Aurelius Victor) et d’autres travaux comme L’histoire Auguste.
    C’est sur ce texte devenu une référence pour l’étude de l’Antiquité romaine, que la jeune historienne Virginie Girod, spécialiste de l’histoire des femmes et notamment de la sexualité sous la Rome antique, s’appuie pour rédiger à son tour ses Vies des douze Césars, forte d’une méthodologie différente et actualisé. Car si Suétone a le mérite d’être le premier à dresser les portraits de ces dirigeants de Rome qui, un jour, deviendront mythiques, il cède malgré tout assez souvent à l’anecdote, sans forcément vérifier ni étayer son propos.
    De la Rome Antique, on retient souvent des images issues de la bande dessinée, de la fiction, des films… Les gladiateurs, les courses de char, les grands banquets et les orgies, les heures interminables aux thermes, la décadence… Tout n’y est pas vrai mais tout n’est pas faux non plus, loin de là et on s’en rend compte en lisant le texte de Virginie Girod. Quels dirigeants incarnent mieux l’ivresse du pouvoir et la décadence qu’il peut entraîner que les Césars ? De Jules César, qui n'est pas empereur mais dans les pas duquel se placera par la suite Auguste, son petit-neveu, jusqu’à Domitien, second fils de Vespasien, c’est plus de cent ans d’histoire romaine brossée dans ce volume. Les premiers empereurs ont imprimé durablement leur marque, créant ou développant un nouveau mode de gouvernement. Chacun s’appropriera le pouvoir à sa manière et le modèlera. Il y a ceux dont l’Histoire conserve un souvenir positif, pour leur justesse, leur intelligence politique, leur exercice nuancé du pouvoir : c’est le cas d’Auguste ou encore, de Vespasien, le premier des Flaviens. D’autres incarnent bien ce mythe de la Rome antique ivre de sang, de violence, de sexe et d’exagération : Tibère, Caligula, Néron, Vitellius, Domitien…
    De la seconde moitié du Ier siècle av. J-C jusqu’au début du IIème siècle de notre ère, Virginie Girod nous amène à la rencontre de chacun d’entre eux. Loin de relater uniquement leur principat, que leur bilan soit positif ou négatif, l’auteure remonte à l’enfance de tous ces empereurs, apportant aussi une dimension psychologique à son récit : et si les événements traversés dans le jeune âge avaient eu une influence sur la conception et l’exercice du pouvoir pour tous ces hommes devenus adultes et dirigeants ? La concurrence entre Domitien et son aîné Titus a-t-elle conditionné le second, le plaçant sans cesse dans une infériorité douloureuse, comme l’absence d’intérêt connue par Tibère dans ses jeunes années a pu générer le manque de confiance ressenti par l’empereur, le poussant à se retirer sans cesse loin du pouvoir ? Le malheur brutal enduré par la famille de Caligula après des années florissantes a-t-il aussi induit la violence du jeune empereur, dont les excès semblent sans limites ? En « analysant » ses Césars, essayant de les comprendre sans les excuser pour autant, ni les juger, Virginie Girod les rend plus humains, malgré leurs côtés les plus déplaisants : oui, il est quand même difficile de trouver Néron, matricide avoué, sympathique… pour autant, les empereurs de Rome ne sont pas plus monstrueux ni plus dégénérés que d’autres. L’époque contemporaine n’a-t-elle pas elle aussi son lot de dirigeants violents, cyniques et sinistres, à l’instar des dictateurs du XXème siècle ?

    La mort de Néron par Vasiliy Smirnov (1888)


    Malgré des redites et des répétitions (forcément, les destins des Césars se fondent les uns dans les autres et un même événement se retrouve forcément dans plusieurs biographies : la mort d’Auguste, par exemple, conditionne l’accès au pouvoir de Tibère et on retrouve donc cet événement dans la biographie d’Auguste comme dans celle de Tibère), on se prend vite au jeu ! Même si je ne suis pas passionnée par l’Histoire antique en général, j’avoue avoir pris grand plaisir à lire ce livre en forme de catalogue biographique qui nous promène avec aisance dans l’Histoire : la passion de l'auteure est communicative. Le style de l’auteure est dynamique, très actuel et Virginie Girod déconstruit habilement les mythes qui continuent d’entourer, souvent d’une aura assez négative, la figure des Césars : certes, Néron était mégalomane mais il n'a pas mis le feu à Rome en 64, comme il n’a pas battu à mort son épouse enceinte, non Claude n’était pas l’abruti manipulable à l’envi, jouet de son ambitieuse femme Agrippine…
    Et pourtant, il y a un côté assez cinématographique et grandiloquent qu’on ne peut pas nier… quand on dit que la réalité prend souvent le pas sur la fiction, c’est vrai. Même le romancier à l’imagination la plus prolifique n’aurait peut-être pas pu imaginer des personnages aussi intéressants et complexes que les Césars.
    En bonne spécialiste des femmes, Virginie Girod laisse aussi dans son livre une grande place aux figures féminines qui ont jalonné l’histoire des premiers Césars et notamment des Julio-Claudiens : Livie, figure hiératique, première Augusta, Agrippine l’Ancienne et sa fille, Agrippine la Jeune, qui paiera son ambition et son amour du pouvoir par une mort ordonnée par son propre fils, Julie, l’unique fille d’Auguste et épouse de Tibère, Acté et Poppée, respectivement maîtresse et épouse de Néron, à la beauté débridée et sensuelle…
    Bref, La véritable histoire des Douze Césars est un livre de vulgarisation historique mais qui s’appuie sur la rigueur de l’historien et une méthodologie contemporaine fiable et cohérente. Il n’en reste pas moins que l’œuvre de Suétone a été un terreau fertile pour l’auteure, qui prend visiblement un grand plaisir à sortir des limbes de l’Histoire ces grandes figures que la légende noire a fini par marquer d’un halo monstrueux et bien sombre que Virginie Girod se plaît à nuancer sans pour autant réhabiliter. Une lecture agréable, riche et en même temps plaisante et divertissante.

    Livre ancien ouvert

    Une Vie des Douze Césars de Suétone, imprimée à Lyon en 1569

    En Bref :

    Les + : bien écrit, avec un style jeune et dynamique, qui dépoussière un peu l'Histoire, ce livre est riche et apporte beaucoup d'informations, tout en étant plaisant et divertissant.
    Les - :
    des répétitions, des redites, malgré tout nécessaires au vu du découpage du livre.


     La véritable histoire des Douze Césars ; Virginie Girod

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     

     

     

     


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  • « Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des rares femmes de l'histoire qui aient gouverné et incarné leur pays durant quarante ans. Dotée d'un pouvoir absolu comme Élisabeth Ière d'Angleterre ou Catherine II de Russie, elle dut, contrairement à celles-ci, négocier durant tout son règne avec sa féminité. Alors qu'Élisabeth et Catherine ont vécu et régné comme des hommes, Marie-Thérèse d'Autriche fit une large place à l'épouse amoureuse ainsi qu'à la mère aimante et soucieuse de ses enfants. »

    Couverture Le pouvoir au féminin

     

     

     

       Publié en 2018

         Éditions Le Livre de Poche 

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Les Français connaissent mal celle qui fut la mère de Marie-Antoinette. Pourtant, Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des plus grandes figures tutélaires de son pays. Je l'ai découverte par sa correspondance privée, dans laquelle elle se révèle guerrière, politique avisée, mère tendre et sévère. C'est une femme au pouvoir absolu, hérité des Habsbourg, qui régna pendant quarante ans sur le plus grand empire d'Europe. Et, ce faisant, elle eut à gérer trois vies : épouse d'un mari adoré et volage, mère de seize enfants, souveraine d'un immense territoire. Cette gageure qu'aucun souverain masculin n'eut à connaître, j'ai voulu tenter de la comprendre. Cette femme incomparable en son temps, qui inaugure une nouvelle image de la souveraineté et de la maternité, ressemble, sous certains aspects, aux femmes du XXIe siècle.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on pense à Marie-Thérèse d’Autriche, c’est d’abord sa fille Marie-Antoinette, reine de France, qui nous vient à l’esprit. Ou peut-être le nom va-t-il nous évoquer une autre reine, l’épouse de Louis XIV, qui s’appelait Marie-Thérèse d’Autriche, elle aussi.
    Ici, il s’agit bien de la mère de Marie-Antoinette, la reine de Bohême et impératrice, Marie-Thérèse, qui traverse un siècle passionnant : le XVIIIème siècle. Née en 1717, héritant des possessions paternelles en 1740, elle meurt en 1780, détentrice d’un pouvoir et d’une aura inégalés. Plus encore que son mari, François-Etienne de Lorraine, elle est l’incarnation du Saint-Empire, pourtant foncièrement masculin mais qu’elle incarnera mieux que tout autre. Se passionner pour le XVIIIème siècle, c’est forcément un jour s’intéresser à cette ère des femmes, dans une époque encore profondément misogyne et patriarcale.
    Le destin de Marie-Thérèse d’Autriche est accidenté et rien moins que facile : il semble même qu’elle soit le fruit d’une sorte de malédiction des Habsbourg d’Autriche qui, en ce début du XVIIIème siècle, ne parviennent pas à avoir de fils. Sa tante comme sa mère seront affligées d’une sorte de « stérilité royale » puisqu’aucune des deux ne donneront de fils à leurs époux. Une obsession et un échec terribles pour ces femmes dont le destin était tout tracé : être mères et surtout, de garçons. On s’imagine mal aujourd’hui que l’absence d’enfants mâles pouvait aller jusqu’à menacer la vie des impératrices, la répudiation étant le moindre mal ! Marie-Thérèse aura une sœur, des cousines, mais pas de frères. D’où la décision de son père Charles VI de promulguer la Pragmatique Sanction, destinée à donner à son aînée, Marie-Thérèse, la possibilité d’hériter des possessions familiales (Hongrie, Bohême) à son décès. C’est ce qui advient au décès brutal de Charles VI en 1740. Pourtant, la succession ne se fera pas en douceur, au contraire, puisqu’elle engendrera une guerre violente, la Guerre de Succession d’Autriche, qui menacera directement les territoires des Habsbourg. Et pourtant, de ce conflit et même des suivants, Marie-Thérèse saura toujours s’en tirer grandie, plus forte. Les difficultés du début du règne affermiront à jamais l’impératrice, qui ne l’est que par mariage mais, que par association, on n’appellera jamais plus autrement même si elle ne détint jamais la réalité du pouvoir impérial, exclusivement masculin par essence.
    Elle traversa aussi des orages et la fin de sa vie fut triste, marquée par des affections physiques et une mélancolie qu’on qualifierait aujourd’hui de dépression chronique, par une opposition violente aussi avec son fils Joseph II avide de pouvoir et d’indépendance par rapport à son omnipotente mère, mais elle a cependant marqué d’un sceau indélébile l’Histoire de l’Europe : elle est celle qui tint tête malgré l’adversité à un souverain misogyne et ambitieux, Frédéric II, elle est l’artisane d’un renversement des alliances qui brisa les lignes diplomatiques en Europe depuis le début de l’époque moderne… elle est un véritable chef d’État.

    Illustration.

    L'un des portraits les plus connus de Marie-Thérèse par Martin Van Meytens en 1759, où elle est représentée avec le sceptre et la couronne de saint Etienne, symbolisant son pouvoir sur la Hongrie


    Dans ce livre, qui n’est ni tout à fait un essai, ni tout à fait une biographie mais un peu des deux à la fois, Elisabeth Badinter, essayiste féministe et connue notamment pour ses travaux sur la maternité, s’interroge sur le pouvoir au féminin et ce qu’il implique, surtout à une époque où il n’allait pas de soi – de toute façon, le pouvoir féminin va-t-il du choix aujourd’hui ? On peut en douter et le patriarcat a encore de beaux jours devant lui, malgré la lutte féministe plus mobilisée que jamais. Pour faire une comparaison un peu anachronique, Marie-Thérèse comme ses paires les impératrices de Russie ou encore Madame de Pompadour (favorite du roi Louis XV et diplomate de l’ombre), est « la femme qui travaille » et qui doit concilier une vie privée (épouse et mère la concernant) à une vie publique et professionnelle en quelque sorte. Or, ce qui est compliqué aujourd’hui, l’est encore plus à l’époque. Comment tirer son épingle du jeu sur une scène géopolitique largement dominée par les hommes ? Comment faire de ses désavantages apparents des atouts ? Marie-Thérèse se révèlera un formidable animal politique, d’autant plus admirable qu’elle ne fut pas formée à l’être, comme souvent l’étaient ses homologues masculins, préparés à leur « métier de roi ».
    Marie-Thérèse joue dans la même catégorie que le roi de Prusse, le roi de France ou encore le roi d’Angleterre… jalouse de son pouvoir, elle n’accorde à son époux, qu’elle aime pourtant tendrement et auquel elle sera fidèle jusqu’à la mort de François-Etienne en 1765 (ce qui ne sera pas son cas à lui, puisque l'empereur aimait les femmes et ne s'en cachait pas), qu’un pouvoir symbolique et dont il s’accommode, n’ayant pas la même fibre politique que son épouse. C’est elle qui tient effectivement les rênes du pouvoir et si son mari l’incarne, c’est elle qui l’exerce en sous-main, avec efficacité. Et pourtant, Marie-Thérèse est confrontée à un autre aspect de la vie d’une femme qu’un souverain masculin ne connaîtra jamais : la maternité. Mère prolifique, conjurant la malédiction qui avait touché sa tante, l’impératrice Wilhelmine de Brunswick-Lünebourg puis sa mère, Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel, qui n’avaient pas eu de fils, elle sera surtout attentive à sa progéniture, menant dans le privé une vie presque bourgeoise auprès de son époux et de leurs enfants, personnifiée par ce fameux tableau où l’on voit la famille royale installée dans un salon, l’impératrice vêtue de bleue installée dans un fauteuil à l’image de son mari et entouré des enfants, jusqu’aux plus jeunes, encore dans les langes. Marie-Thérèse sut concilier, pas toujours de manière aisée mais certainement d’une main de maître, les deux aspects de sa vie : souveraine exerçant le pouvoir et mère d’une famille nombreuse puisqu’elle mit au monde seize enfants dont dix atteindront l’âge adulte.
    Si vous ne connaissez pas le destin de Marie-Thérèse ou dans les grandes lignes, cette biographie peut être intéressante pour démarrer. Elle n’est ni trop historique, ni bâclée pour autant et apporte l’essentiel des informations chronologiques, biographiques, diplomatiques. Elle nous permet de cerner le personnage sous toutes ses facettes et Marie-Thérèse en sort encore grandie parce que, comme toutes les femmes, elle eut toujours plus à prouver qu’un homme détenteur du même pouvoir. Mais, contrairement à d’autres femmes qui firent des choix radicaux, mettant parfois leur féminité de côté au profit d’un pouvoir « viril » et d’une incarnation plus masculine, Marie-Thérèse sut toujours jouer de sa féminité et ne délaissa pas pour autant son rôle d’épouse et de mère, qu’elle exerça avec autant de zèle que le pouvoir sur ses états et même sur l’Empire en général.
    La plume d’Élisabeth Badinter est fluide, agréable à lire et cette biographie bien documentée, appuyée notamment sur des correspondances privées. Une belle découverte, que l’amoureuse du XVIIIème siècle que je suis a pris grand plaisir à lire.

    La famille impériale par Martin Van Meytens : l'idée originale de Marie-Thérèse est d'adapter ce tableau au gré des nouvelles naissances, faisant représenter les nouveaux-nés au fur et à mesure.

    En Bref :

    Les + : une biographie bien documentée et intéressante, qui entreprend de raconter Marie-Thérèse d'Autriche par tous les aspects de son règne et son essence même, celle de femme et de mère. On retrouve là un sujet cher à Élisabeth Badinter et qui donne un autre éclairage aux règnes des femmes dans l'Histoire, souvent bien ignorées
    Les - : pas vraiment de point négatif à soulever pour moi. C'était une lecture agréable, riche et documentée.


    Le pouvoir au féminin : Marie-Thérèse d'Autriche 1717-1780 L'impératrice-reine ; Elisabeth Badinter

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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  • « La mort ne m'intéresse pas. La mienne non plus. »

    Couverture Colette

     

     

     

     

         Publié en 2008

      Éditions Folio (Biographies)

      397 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Non, meussieur Vili, non, Claudine ce n'est pas Unetelle, ni Mme Chose, ni Mlle Truc ou Machin-Chouette...Non, meussieur Vili, Claudine, c'est moi. »

    Colette (1873-1954) qui signa d'abord « Gabrielle Colette », puis Colette Willy puis Colette Jouvenel, puis Colette, qui aurait pu signer Colette Goudeket et ne le fit jamais, a été l'un des écrivains les plus célèbre et les plus admirés de son temps. Elle a séduit les publics les plus simples comme les plus raffinés. Auteur de nombreux romans et nouvelles, elle fut aussi mime, danseuse nue, actrice, journaliste, rédactrice de journaux à scandale, conférencière, esthéticienne. Sa vie privée, une fois débarrassée de ses légendes, de ses maris, de ses amants et des amantes, vaut bien un roman : celui d'une écrivaine éprise avant tout de liberté.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    De Colette, on connaît l’image de la vieille dame aux yeux fardés, au début des années 1950 ou celle de la jeune meneuse de revue à la plastique irréprochable et peu vêtue des années 1910 (notamment dans « Rêve d’Egypte » qui fit scandale). Le nom de Colette encore aujourd’hui rappelle les grandes heures de la littérature du début du XXème siècle comme un certain parfum de scandale. Témoin d’un temps riche (la Belle Epoque puis les Années Folles) et définitivement révolu à la veille de sa mort, Colette a laissé une œuvre personnelle et unique et le souvenir d’un destin foisonnant.
    Née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (où l’on peut aujourd’hui visiter la maison d’enfance de Colette, qui habitera à jamais ses souvenirs et donnera  naissance à certaines de ses plus belles pages, entre souvenirs d'enfance, journal intime et nostalgie), fille de Sido (Sidonie Landoy) et du capitaine Colette, Sidonie-Gabrielle, dite « Gabri » et considérée par sa mère comme « un joyau tout en or », grandit dans une nature sauvage et exubérante, au milieu d’une fratrie recomposée (sa mère avait eu des enfants d’un premier mariage) et en harmonie avec un environnement campagnard et rural qu’elle chérira toute sa vie et qu’elle mettra souvent en scène dans ses œuvres.
    Mariée trois fois au cours de sa vie, c’est sa première union avec Henry Gauthier-Villars, dit Willy, qui l’amène jusqu’à Paris. Paris qu’elle ne quittera jamais plus, sans pour autant se départir de son origine provinciale et de son fort accent bourguignon qu’elle gardera toute sa vie. Willy, c’est le mari, l’amant, le meilleur ami et le mentor, le mauvais ange aussi, ou du moins est-il présenté comme cela dans les œuvres de Colette qui suivent leur brutale séparation. Il est celui qui encouragera Colette à écrire, le seul signataire de ses premières œuvres certes (les Claudine, avant d’être signées Colette et Willy, ne seront signées que de son nom à lui) mais malgré tout celui par qui l’écriture arrive dans la vie de Colette et durablement – puisqu’elle sera auteure mais aussi journaliste, collaborant avec de nombreuses revues tout au long de sa carrière.

    Colette, dans la pantomime Rêve d’Égypte, qui fit scandale en 1907


    Touche à tout, curieuse de tout et croquant la vie à pleine dents, Colette est l’archétype de la femme libre et émancipée de ce début de XXème siècle, couchant avec autant d’hommes que de femmes, menant sa vie sans entraves et sans jamais se mettre de limites. Meneuse de revue, chanteuse, danseuse, se produisant parfois très peu vêtue dans des pièces scandaleuses, voyageant partout en province, entretenant une liaison suivie avec Missy, nièce naturelle de Napoléon III qui mène une vie d’homme, évoluant avec aisance dans le tout-Paris, Colette donne l’impression d’avoir mené une existence tourbillonnante au milieu de laquelle, parfois, s’intercalent des périodes d’écritures qui donneront lieu à des œuvres incontournables et intemporelles : les Claudine, Le Blé en Herbe, La Chatte, Chéri
    Si vous étiez par exemple tentés par le film biographique (biopic) sorti il y a quelques années, avec Keira Knightley, j’ai trouvé pour ma part qu’il était bien trop moderne et trop féministe au sens contemporain du terme pour vraiment présenter la Colette historique avec objectivité. Certes, c’est très visuel et agréable à suivre mais pas forcément un bon reflet de la réalité.
    La biographie de Madeleine Lazard, agréable à lire et fluide, embrasse la destinée de Colette dans sa globalité et sans contresens ou vision trop contemporaine : de la jeunesse sauvageonne en Puisaye jusqu’aux rues de Paris, de ses trois unions (avec Willy puis avec Henry de Jouvenel dont elle aura une fille, Colette, dite « Bel-Gazou » puis avec Maurice Goudeket) en passant par sa relation à la maternité, à l’écriture et au féminisme (contrairement à ce que l’on pourrait penser et malgré l’éducation de sa mère, qui l’était, Colette n’a jamais revendiqué un quelconque féminisme et manifestait même un mépris avoué envers les suffragettes), tout y est. Il n’y a pas que la Colette écrivaine décrite ici, mais la femme dans son ensemble. Si je connaissais son histoire dans les grandes lignes, j’ai apprécié de la redécouvrir ici. La biographie de Madeleine Lazard est considérée comme une référence et on comprend pourquoi.
    Si vous aimez Colette ou bien que vous la découvrez tout juste, cette biographie peut être un bon moyen d’en apprendre plus sur elle et sur la vie éclectique qu’elle a menée, sans jamais se préoccuper des autres ni de leur jugement. On prend la mesure de l’intensité de sa vie, de l’amour qu’elle vouait au fait d’exister, de profiter, de jouir tout simplement des plaisirs qui lui étaient offerts : plaisirs amoureux ou plaisirs de la table, plaisir aussi de faire ce que l’on veut quand ses semblables n’en ont pas le droit ou, tout simplement, ne songent même pas à s'en donner le droit. On a le sentiment qu’à une époque où cela n’allait pas de soi, Colette a pris sa vie à bras le corps, elle s’est « prise en charge » elle-même et malgré ses trois mariages, n’a jamais forcément « appartenu » à ses époux, bien qu’elle ait su se montrer très éprise, notamment du séduisant Jouvenel, surnommé « Sidi » et qui sera le père de son unique enfant ou encore du fils de ce dernier, Bertrand (de trente ans son cadet), avec lequel elle entretiendra une relation brève mais passionnée et qui lui inspirera Le Blé en Herbe, où le jeune héros, Phil, s’éprend de la dame en blanc, la mystérieuse Mme Dalleray.
    Passionnant, voilà le mot qui peut nous venir spontanément à la lecture de ce destin que l’on peut dire exceptionnel par bien des aspects. Si je n’y ai rien découvert de forcément inédit (hormis la vision nuancée et objective de Willy, dont l’image est aujourd’hui noircie par les propos tenus par Colette après leur divorce), j’ai malgré tout pris plaisir à m’évader dans cette lecture à la rencontre de cette écrivaine dont je chéris l’œuvre depuis de nombreuses années et qui m’a toujours donné l’impression d’avoir été comme l’un des derniers témoins de cette France ancestrale et encore rurale de la fin du XIXème siècle (la description de l’école dans les Claudine par exemple, y est pour nous, lecteurs du XXIème siècle, délicieusement rétro), qui est vouée à disparaître dans le sang de la Grande Guerre, la France de Millet et de Courbet qui deviendra bientôt celle des cabarets et du tourbillon étourdissant de l’entre-deux-guerres.

    Colette en 1932 dans son appartement parisien des Champs-Élysées

     

    En Bref :

    Les + : cette biographie se lit comme un roman ! Fluide, bien écrite, on ne s'ennuie pas une seconde ! D'ailleurs, la vie de Colette, écrivaine, meneuse de revue, journaliste, grande amoureuse, n'est-elle pas un roman ?
    Les - : aucun point négatif à soulever !


    Colette ; Madeleine Lazard

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « La proximité spirituelle entre deux êtres aspire à s'exprimer physiquement, mais l'expression physique engloutit la proximité spirituelle. »

    Couverture Lou-Andrés Salomé

     

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         Publié en 2008

      Editions Folio (collection Biographie)

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Être seule, vivre intérieurement pour soi, est pour moi un besoin aussi impérieux que le contact et la chaleur humaine. Besoins aussi forts et passionnés l'un que l'autre, mais séparés et sujets au changement et à l'alternance, et c'est précisément cela qui paraît infidèle et inconstant. »

    Romancière, essayiste, psychanalyste, Lou Andreas-Salomé (1861-1937) est avant tout un esprit libre. A vingt ans, elle fait le pari d'une amitié philosophique avec Nietzsche, et joue avec le feu de son amour. A trente, compagne de Rilke, elle le guide sur la voie de la création, et se dérobe à sa passion. A quarante, elle est accueillie par Freud comme sa disciple la plus intelligente, et lui fait accepter ses hérésies. Femme parmi les hommes, elle a rêvé d'un « monde de frères », de mariage sans sexualité, de maternité sans procréation, d'inconscient sans pulsion de mort. Philosophie, poésie et psychanalyse ont été les instruments d'une seule grande affirmation : le lien indissoluble entre l'individu et la vie, tout entière. Lou Andreas-Salomé n'aura eu qu'une obsession - qui est aussi le titre d'une de ses nouvelles : « le Retour au Tout ». 

     

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Lou Andreas-Salomé...voilà un nom qui nous évoque vaguement quelque chose, sans qu'on puisse forcément le resituer. Personnellement, il m'évoquait la photographie d'une jeune femme au regard pénétrant. Elle a un demi-sourire et des mèches folles sur les oreilles et semble regarder l'objectif sans le voir. Elle n'est pas spectaculairement belle mais semble porter en elle une autre beauté, plus profonde et moins palpable.
    Lou, je la connaissais comme amie de Nietzsche, muse et amante de Rainer Maria Rilke, comme disciple de Freud. J'ai eu envie de savoir ce qui se cachait derrière tout cela. L'Histoire est cruelle avec les femmes parce qu'elle les oublie ou les ternit, même les plus puissantes, les plus savantes ou les plus fascinantes. Si vous étudiez l'Histoire de l'Art, par exemple, on vous parlera plus volontiers du Caravage que d'Artemisia Gentileschi, qui sont pourtant presque contemporains. Si vous abordez la science, on vous parlera sûrement plus spontanément d'Einstein ou de Pierre Curie que de l'épouse de celui-ci (quoique Marie Curie ait réussi à conquérir une notoriété qui transcende son sexe) ou de Lise Meitner.
    Il en est de même pour Lou Andreas-Salomé, présentée comme le faire-valoir de trois hommes : muse, disciple, amie, elle est finalement réduite à une petite partie de ce qu'elle fut vraiment.
    Cette biographie de Dorian Astor, philosophe, musicologue et germaniste spécialiste de Nietzsche tend justement à redonner une place plus propre à Lou, qui traversa toute la fin du XIXème siècle et mourut à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, passant ses dernières années dans une Allemagne nazie qui surenchérit en violence.
    Née en 1861, Lou von Salomé ou Lioulia von Salomé (en russe) voit le jour à Saint-Pétersbourg mais elle n'est pas russe. Son père Gustav von Salomé est allemand et a même de lointaines origines huguenotes et provençales : ses ancêtres ont quitté la France après la révocation de l'Edit de Nantes, partant vers l'est de l'Europe où ils se fixent, entre l'Allemagne et les pays baltes. Sa mère, Louise Wilm, est d'origine allemande et danoise. La famille von Salomé est donc très cosmopolite et Lou, dans sa jeunesse, a la bougeotte, sillonnant l'Europe de long en large, de Paris à Saint-Pétersbourg, en passant par l'Allemagne, l'Italie et la Suisse.
    Très tôt, la jeune femme montre un certain intérêt pour les lettres, l'écriture puis la philosophie. Elle est très jeune encore quand elle rencontre Nietzsche, brillant penseur mais torturé, qui terminera sa vie dans la folie. Probablement amoureux de Lou, il s'en consumera tandis que la belle cruelle (sans le vouloir peut-être) continue de papillonner et de se refuser. Elle sera une épouse peu conventionnelle pour Friedrich-Carl Andreas qu'elle épouse en 1887, refusant profondément l'acte sexuel et la maternité biologique. Elle sera l'amie et la compagne de Rainer Maria Rilke, poète allemand presque maudit qui aurait eu sa place en pleine époque romantique. La fin de sa vie sera marquée par l'étude et la pratique de la psychanalyse dans le sillage de Sigmund Freud, dont elle sera d'ailleurs la disciple peut-être la plus assidue et la plus proche.

    Image dans Infobox.

    La photographie la plus célèbre de Lou, prise à la fin du XIXème siècle


    Lou Andreas-Salomé est aussi une femme de lettres, une romancière et une poète. Autrement dit, une intellectuelle complète, mais dont l'oeuvre et l'apport sont peu à peu tombés dans l'oubli : quand on parle philosophie, la cite-t-on nommément ? Idem pour la psychanalyse, dont la figure tutélaire reste Freud.
    Cette biographie n'a pas pour prétention d'expliquer Lou Andreas-Salomé mais apporte quelques éclairages afin de mieux la comprendre. Elle reste quand même relativement mystérieuse et impénétrable.
    Evidemment, de part l'activité de l'auteur, ce livre est empreint de philosophie et de notions parfois abstraites. J'avoue que la philosophie n'est pas le domaine où je me sens le plus à l'aise et je me suis sentie parfois un peu perdue. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette biographie est costaud et, peut-être n'est-elle pas forcément à recommander en introduction, quand on ne connaît rien au personnage. Oui, elle est ambitieuse et riche, passionnante par bien des aspects mais pas forcément facile d'accès. Au moins, si vous voulez vous lancer, vous voilà prévenus.
    Malgré tout, cette plongée dans un siècle (ou fin de siècle) plein d'émulation intellectuelle et artistique dont l'âge d'or prend brutalement fin avec les deux conflits mondiaux, est intéressante. Lou Andreas-Salomé a vécu à une époque où tout semblait possible, fréquenté pléthore de personnages qui, à leur manière, ont marqué l'histoire du monde, des arts, de la littérature, des sciences. Elle-même a mis son formidable esprit au service d'une théorisation et conceptualisation du monde et de la société, réfléchissant, écrivant, philosophant.
    Par bien des aspects de sa personnalité, Lou Andreas-Salomé est un personnage un peu hybride : née dans une bonne société, la société pétersbourgoise dans la révolution, elle est aussi bohème et marginale, menant une vie des plus condamnables aux yeux de ses contemporains. Parce que le XIXème siècle n'est pas encore complètement débarrassé de ces traditions corsetées et empreintes de religion qui condamnent et jugent sans appel. Lou Andreas-Salomé mènera sa vie comme elle l'entend, régentant ses relations avec les hommes, se livrant non pas aux tâches notoirement attribuées aux femmes : elle ne sera ni une bonne épouse au sens sociétal du terme ni une mère, car elle refusera la maternité.
    Pour autant, Lou Andreas-Salomé, bien que les fréquentant, n'est pas féministe. Elle ne prend jamais position et ne sera jamais militante. A son grand regret, elle ne se retrouve pas dans le système matrimonial de son temps ce qui la conduit à rejeter le mariage par défaut mais pas réellement par choix. La non-maternité ne se caractérise pas non plus chez elle par un absence de désir mais plus par une aversion instinctive de l'acte sexuel ce qui pousse encore aujourd'hui ses biographes à se poser la question de sa virginité : si Lou eut probablement des amants, il est très possible qu'elle ne découvrit la facette charnelle de l'amour que tardivement et que celle qui fut, dans sa jeunesse, présentée comme une femme fatale, menant les hommes à la baguette et prenant plaisir à les voir à ses pieds, n'était en fait qu'une jeune vierge surtout avide de comprendre le monde et de dénouer les liens complexes des relations homme-femme. Tout au long de sa vie, elle fut surtout un être de savoir et d'intelligence, accumulant les cordes à son arc et qui s'intéressa à maints domaines différents avant de se consacrer presque uniquement à la psychanalyse, qu'elle apprit consciencieusement avant de l'exercer.
    Parce que j'aime les biographies fortement ancrées dans le contexte, peut-être cela m'a manqué un peu ici mais je comprends la démarche de l'auteur qui, en tant que philosophe a évidemment mis l'humain au premier plan. Evidemment, Dorian Astor n'a pas pu faire l'impasse sur le contexte historique mais celui-ci n'est pas aussi présent que je l'espérais. Cela dit, la biographie est cohérente et implacablement logique (comme l'esprit de Lou, même si sa logique ne fut pas toujours celle des autres). On découvre un destin littéralement anti-conformiste, qui n'entre dans aucune case et sur lequel on ne peut poser aucune étiquette formatée. Lou Andreas-Salomé est un concept à elle toute seule et une femme prodigieusement intelligente qui resta jusqu'à la fin de sa vie pilotée par son esprit. Elle a connu le meilleur comme le pire de l'humanité et disparaît alors que la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale se profile déjà à l'horizon en nuages menaçants : elle aura par exemple eu la tristesse d'assister à la récupération de la philosophie nietzschéenne par le régime nazi, aidé en cela par la propre sœur de Nietzsche qui fut l'une des plus irréductibles adversaires de Lou Andreas-Salomé.
    La vie de Lou est aussi riche que ce livre qui a le mérite de se concentrer uniquement sur elle, en faisant passer justement, le temps de 300 pages, les hommes en arrière-plan pour lui laisser le devant de la scène. Parce que Lou n'est pas qu'une disciple, une muse, une inspiratrice, une maîtresse ou une amie. Elle est avant tout une femme de lettres, une essayiste, une philosophe et une psychanalyse. Pas comme un homme : juste comme toutes les femmes devraient être présentées dans l'Histoire, pour ce qu'elles font. 

    Rilke à Lou Andreas-Salomé - Lettre du 12 mai 1904 | OLIVIER DOUVILLE

    Lou et Rainer Maria Rilke, qui fut un ami de longue date après avoir été un amoureux transi

    Bref :

    Les + : une biographie qui explique sans tout dévoiler, préservant le voile de mystère dans lequel Lou Andreas-Salomé, de son vivant, s'était dissimulée volontairement, un travail qui, surtout, la remet sur le devant de la scène pour ses travaux intellectuels et non pas pour sa féminité ou sa relation aux hommes.  
    Les - :
    je ne sais pas si l'on peut dire que l'aspect très philosophique de cette biographie est un point négatif. Pas vraiment car il est logique et cohérent de le retrouver ici mais j'avoue que certains notions m'ont totalement échappé.


    Lou Andreas-Salomé ; Dorian Astor 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Ces destinées étouffées, ces voix réduites au silence, ces aventures inconnues ou mort-nées, ces talents avortés, commencent aujourd'hui enfin à resurgir de l'ombre et leurs héroïnes à s'installer au Panthéon de nos gloires. Et parmi elles, une des plus oubliées et qui pourtant, plus que tout autre, mérite la reconnaissance des femmes : Olympe de Gouges. »

    Couverture Ainsi soit Olympe de Gouges

     

     

     

         Publié en 2013

      Editions Le Livre de Poche

      160 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Homme, es-tu capable d'être juste ? 
    C'est une femme qui t'en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. 
    Dis-moi ce qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe ? ta force ? tes talents ? »

    Parce qu'en 1791 elle est la première en France à formuler une Déclaration des droits de la femme qui pose le principe de l'égalité des deux sexes, parce qu'elle a osé revendiquer toutes les libertés, y compris sexuelle, et qu'elle a réclamé, notamment, le droit au divorce et à l'union libre, Marie Gouze, dite Olympe de Gouges, monte sur l'échafaud en 1793. L'auteure d'Ainsi soit-elle et de La Touche étoile rend hommage à celle qui demeure une pionnière, la première féministe moderne. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on évoque Olympe de Gouges, on pense évidemment à la Révolution française, à sa fin sur l'échafaud...on pense aussi à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, adressée en 1791 à la reine Marie-Antoinette elle-même et dont on a retenu le lapidaire : « si une femme a le droit de monter à l'échafaud, elle devrait avoir le droit de monter à la tribune ». En un mot, Olympe de Gouges est, dans l'imaginaire commun, celle qui a inspiré le féminisme moderne, même si le mot n'existe pas à l'époque.
    Née Marie Gouze à Montauban en 1748, rien ne prédestine la future Olyme de Gouges à devenir une pasionaria (d'autres ont dit une enragée ou une virago) de la cause des femmes. Fille reconnue de Pierre Gouze, bourgeois de Montauban et de son épouse Anne Olympe Mouisset. Mais il est très probable que le père naturel d'Olympe ait été Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, parrain de sa mère, marquis et homme de lettres connu notamment pour sa tragédie Didon, jouée pour la première fois en 1734. Le grand-père maternel d'Olympe avait été son précepteur.
    La jeunesse d'Olympe est celle de toutes les jeunes femmes de sa classe : elle a dix-sept ans lorsqu'elle est donnée en mariage à Louis-Yves Aubry, traiteur parisien de trente ans son aîné qu'elle finira par prendre en aversion, mais auquel elle donnera un fils, Pierre Aubry de Gouges. Peu instruite mais malgré tout intelligente et dotée d'une véritable capacité de réflexion, Olympe écrira ses textes les plus incisifs comme elle parle et prendra fait et cause pour la Révolution, qui sera son révélateur et son bourreau puisqu'elle sera, comme Manon Roland quelques jours après elle, conduite au rasoir national, au début du mois de novembre 1793, convaincue de trahison. Partisane de l'abolition de l'esclavage et de l'égalité des hommes et des femmes dans la société, elle s'essaye d'abord au théâtre (où ses idées transparaissent déjà, comme dans Zamore et Mirza, où elle se pose en abolitioniste convaincue) avant de se lancer dans des textes plus engagés et surtout politisés.
    Le XVIIIème siècle a beau être celui des Lumières, il n'en est pas moins rétrograde concernant la question des droits des femmes. Celles-ci n'ont dans la société d'autre place que celle d'épouse, de mère, de fille ou de soeur. Il y'a bien des femmes de lettres (les salonnières comme Madame de Genlis, Madame du Deffand entre autres) ou des femmes savantes (on peut penser à la célèbre Emilie du Châtelet, maîtresse de Voltaire et traductrice de Newton, mathématicienne de renom) mais celle-ci sont l'exception qui confirme la règle. Olympe de Gouges s'élève contre cet état de fait, contre l'oppression naturelle du sexe masculin qui cantonne les femmes à un rôle mineur et insignifiant et surtout contre le fait que les femmes semblent avoir accepté docilement ce traitement injuste. Avec des phrases incisives, elle plaide pour le droit des femmes, le droit au divorce, la reconnaissance civile, l'accès aux soins (notamment pour les femmes en couches, très nombreuses encore à mourir en donnant naissance à leurs enfants au XVIIIème siècle). Parce que ses idées, avant-gardistes, qui, parfois, ont plus d'un siècle d'avance, parce que ses idées sont celles que les féministes du XXème siècle, celles du XXIème aussi continuent de brandir, Olympe est vue comme la première de toutes. Elle ne pouvait évidemment se définir ainsi, à une époque où le mot n'existait pas. Mais celles qui sont arrivées après ne s'y sont pas trompées en lui décernant la palme de la primauté. Fut-elle la seule ? Fut-elle réellement la première ? Probablement pas. Elle est en tout cas celle qui alla jusqu'au bout et paya de sa vie son engagement, pas seulement pour les femmes, mais pour toutes les minorités. Olympe de Gouges a probablement inspiré les mouvements féministes qui se développèrent après la Première Guerre Mondiale et surtout, dans les années 1960 et 1970...

    Olympe de Gouges se lève pour l'émancipation des femmes | L'Humanité


    A ce titre, Benoîte Groult est l'une de ses héritières. Décédée à il y'a un peu plus de cinq ans, elle est l'une des féministes françaises du XXème siècle les plus connues, avec Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi, sa soeur Flora Groult, avec laquelle elle écrivit notamment Journal à quatre mains.
    Née en 1920, elle ne s'engage que tardivement, dans les années 1970, alors qu'un vent libertaire souffle sur les femmes : c'est l'époque du MLF, des manifestations où les femmes brûlent leurs soutien-gorges et même si cela peut s'avérer anecdotique,c'est surtout un moyen comme un autre (et hautement symbolique) de dénoncer la toute-puissance et l'hégémonie du patriarcat. Cinquante ans plus tard, n'est-ce pas toujours d'actualité, même si des avancées notables ont eu lieu depuis ? Plus marquant, c'est aussi le moment où la contraception, grâce à la loi Neuwirth, se popularise. Les femmes peuvent prendre le contrôle de leur corps, décider du moment où elles veulent devenir mères ou de ne pas le devenir du tout, ce qui autrefois, n'était pas une option. Surtout, en 1974, la loi Veil donne aux Françaises le droit à l'avortement. C'est une époque de grandes avancées et d'une véritable émulation pour les mouvements féministes, tandis que, inversement proportionnelle, la misogynie se crispe aussi dans un réflexe de protection réactionnaire...Benoîte Groult a connu tout cela et s'est engagée. En 1975, elle a publié un essai féministe Ainsi soit elle, qui s'est vendu à 1 million d'exemplaires. Trois ans plus tard, elle fonde F Magazine avec Claude Servan-Schreiber.
    Elle était donc très bien placée pour écrire sur Olympe de Gouges, aucun doute là-dessus. Ainsi soit Olympe de Gouges n'est pas une biographie au sens académique ou historique du terme : la jeunesse de la future égérie des femmes n'y est abordée que succinctement, en quelques chapitres à peine. C'est bien évidemment l'engagement futur d'Olympe, via ses pièces de théâtre puis ses productions révolutionnaires, qui intéresse l'auteure. Il s'agit finalement plus d'une analyse des mécanismes qui amenèrent cette femme somme toute comme les autres à devenir la fondatrice d'un mouvement appelé à grandir, à se développer, pour devenir la communauté que l'on connaît aujourd'hui et qui continue de se battre pour que, chaque jour, les droits chèrement acquis soient conservés. Et dans un monde instable où les crises succèdent aux crises et aux doutes, les droits des femmes sont les premiers menacés.
    Si vous cherchez une biographie très documentée et fournie d'Olympe de Gouges, ce n'est pas ce que vous donnera ce livre. Mais, au contraire, vous aurez accès aux textes les plus importants d'Olympe, à commencer par La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, encore si actuelle, deux-cent-trente ans après sa rédaction.
    Avec Ainsi soit Olympe de Gouges, j'ai découvert l'univers des écrits féministes. C'est incisif et sans fards, on sent poindre sous la plume le propre engagement et la propre colère (légitime) de Benoîte Groult, militante et qui s'insurge contre la place biaisée que l'Histoire fait aux femmes.
    Je n'ai malheureusement pas été autant passionnée que je l'aurais espéré en démarrant cette lecture. La preuve, c'est que j'ai mis cinq jours pour lire un livre qui ne fait même pas deux-cents pages. Il faut dire aussi que se plonger dans les textes d'Olympe de Gouges, bien qu'avec une graphie révisée, n'est pas toujours forcément aisé. Le style du XVIIIème siècle n'est pas toujours très facile d'accès. Malgré tout, cela reste une lecture enrichissante et instructive et c'est ce que j'en retiendrai en dernier lieu.

    Olympe de Gouges, femme engagée, esprit libre

    Extrait du roman graphique Olympe de Gouges de Catel et Bocquet (2012)

     

    En Bref :

    Les + : un écrit féministe intéressant, qui décrit assez bien l'engagement de celle qui a inspiré le féminisme moderne et qui, par certains aspects, avait plus d'un  siècle d'avance sur son temps.
    Les - :
    peut-être la forme du livre, avec une courte introduction et les textes d'Olympe en deuxième partie. J'ai eu l'impression de lire deux blocs distincts alors qu'une explication DANS le texte aurait peut-être plus passionnante...


    Ainsi soit Olympe de Gouges ; Benoîte Groult 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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