• Borgia, tome 2, La concubine du Vatican ; Kate Quinn

    « Toute ma vie, j'ai été un trophée. Les trophées sont là pour être exhibés, pour inspirer l'envie. Ou même le désir. Mais pas l'amour. »

    Couverture La concubine du Vatican

     

     

        Publié en 2014 aux Etats-Unis

      En 2018 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Lion and the Rose

      Éditions Pocket

      659 pages 

      Deuxième tome de la saga Borgia

     

     

     

    Résumé :

    De retour à Rome, Giulia Farnese, maîtresse officielle du pape et désormais mère d'une petite fille, doit face aux nouveaux dangers qui menacent son clan. Sa cuisinière et confidente, Carmelina, est rattrapée par son secret : les membres du couvent d'où elle s'est enfuie pourraient bientôt la retrouver...
    Son garde du corps, Leonello, est quant à lui bien décidé à mettre fin à la série de meurtres qui secoue la ville depuis le retour des Borgia, et à confondre l'assassin mystère qui a tué son amie Anna. 
    L'étau se resserre autour de Giulia et de ses compagnons, qui ne peuvent compter que les uns sur les autres...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1494. L'ancien cardinal Rodrigo Borgia est parvenu à ses fins : depuis deux ans, c'est lui qui règne sur les destinées de la Sainte Eglise apostolique et romaine, sous le nom d'Alexandre VI. Mais saint, le nouveau souverain pontife est loin de l'être. Là où ses prédécesseurs cachaient pudiquement - mais sans tromper personne -, sous le nom de neveux et nièces les enfants qu'ils avaient engendré avec leurs maîtresses, le pape Borgia lui, exhibe fièrement sa portée de petits fauves prêts à s'entre-dévorer et à devenir tout puissants. Et tandis que les deux aînés, César et Juan luttent sans cacher leur animosité mutuelle pour passer l'un devant l'autre, les deux cadets, Lucrèce et Joffre sont des pions manipulables à l'envi par leur redoutable père ou leurs ambitieux frères, à commencer par le rusé mais foncièrement intelligent cardinal Borgia, César, bien décidé à devenir l'homme fort de la famille à la place de son frère le duc de Gandie, vautré dans la luxure, le stupre et la violence facile. 
    Dans cette Rome en proie à une corruption sans faille, où le poison et le sexe font la loi au Vatican, une jolie perle blonde se détache : en cette année 1494, jeune mère d'une petite fille, Laura, la maîtresse du pape n'a jamais été si belle, ni si puissante. Très épris de sa jeune amante qui pourrait être sa fille, Alexandre VI en a fait une presque reine. Cette jeune femme, c'est Giulia Farnese, sœur d'un futur pape (Paul III, Alessandro Farnese, qui restera pour toujours le pape du Concile du Trente et de la Contre-Réforme), épouse d'un parent des Borgia, le très beau mais très lâche Orsino Orsini, qui a accepté de jouer les paravents aux amours du pape et de sa jolie épouse. Maîtresse en titre, favorite comblée de bienfaits, Giulia est aussi un objet de scandale car si, sous Alexandre VI, l'Eglise n'a jamais été aussi décadente - ou du moins, ne l'a-t-elle jamais été si ouvertement depuis longtemps -, le peuple ne manque pas de regarder avec une certaine répulsion celle que l'on surnomme « la Bella » mais aussi, de manière moins respectueuse, « l'épouse du Christ », la mettant ainsi au même niveau que ces Borgia dont on se plaira, même au cours des siècles suivants, à véhiculer une légende noire qui les élèvera quasiment au rang de mythe : inceste, poison, enfants illégitimes, meurtres et violence émaillent ainsi la destinée fulgurante mais fugace de cette famille d'origine espagnole et dont le pouvoir sera aussi vaste et étendu que bref. Après la mort d'Alexandre VI au début des années 1500 et la disparition de son fils César, la famille Borgia disparaîtra progressivement dans les limbes de l'Histoire, mais pas sa réputation, qui ne cessera d'être enjolivée, à grand renfort de fausses informations et rumeurs mais qui, toutes, auraient pu être vraies tant le nom de Borgia est encore synonyme de licence, de corruption et de péchés

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    Tableau La dame à la licorne de Luca Longhi, portrait probable de Giulia Farnese (début du XVIème siècle)


    Mais Giulia, comme Lucrèce, que son père manipule comme un pion mariable selon ses alliances du moment, se débarrassant de ses fiancés ou de ses époux dès lors qu'ils ne lui sont plus utiles, n'est que le jouet de plus grand qu'elle. Certes, elle a sur le pape vieillissant un ascendant certain, mais qui, elle le sait, ne sera pas éternel : la beauté est certes une carte maîtresse pour la favorite du pape mais, intelligente, Giulia sait qu'elle ne pourra pas toujours compter dessus. L'âge du pape qui ne sera pas éternel lui non plus, la pousse à assurer ses arrières. Mais rien n'est simple dans une ville où la mort rôde à chaque coin de rue, sous la forme de la lame affûtée d'un homme de main ou dans n'importe quelle coupe de vin servie par une main malintentionnée - si l'on pense souvent au sexe débridé quand on évoque les Borgia, à tel point que les élucubrations de certains auteurs ont fini par faire d'une vérité l'inceste de Lucrèce avec ses frères ou son père, la sulfureuse famille pontificale est aussi associée à un poison particulièrement violent et toxique, la cantarella -, et il faut savoir naviguer à vue dans ce nid de serpents où personne n'est à l'abri, même ceux qui semblent les plus intouchables. 
    Second volume de la série Borgia de Kate Quinn, La Concubine du Vatican conclue cette brève saga en apothéose. Déjà, l'étoile des Borgia commence à pâlir : l'insolent et effrayant Juan, duc de Gandie puis gonfalonier des armées pontificales, tout-puissant car se sachant soutenu par son père dont il est le fils préféré, croisera plus fort que lui en 1497 et sera repêché sans vie dans le Tibre, comme n'importe quel vulgaire prostituée ou homme du peuple, lardé de maints coups de couteau. La mort brutale de son fils préféré sera pour le pape une déchirure profonde et sincère qui le poussera à s'amender et à entamer des réformes. Il semblerait que sa séparation d'avec sa maîtresse officielle, Giulia Farnese, soit concomitante à peu de choses près, avec ce décès. La jeune femme, toujours mariée à Orsino Orsini, s'installera dans la petite cité de Carbognano, dont la fille Laura héritera à la mort d'Orsini, vers 1500. Il semble qu'après cette séparation, Giulia ne renouera jamais avec Alexandre VI et n'aura pas d'autres enfants, malgré un second mariage dont on sait peu de choses. Comme les Borgia, dont la destinée fut si proche de la sienne, son nom finira par disparaître progressivement. L'Histoire ne retient d'elle que sa beauté et les quelques années pendant lesquelles elle fut l'amante d'Alexandre VI, objet de convoitise pour les hommes et mariée à un lâche contre une belle somme d'argent pour devenir le jouet d'un pape à qui on ne refusait rien et qui ne se refusait rien. 
    Si vous vous souvenez des deux séries sur les Borgia qui sont sorties il y a une dizaine d'années chez Showtime (The Borgias) et Canal + (Borgia), vous en retrouverez un peu l'ambiance dans ces romans où les fleurets ne sont pas mouchetés, où les dames sont soit licencieuses, soit prudes soit jouets de plus puissants et plus ambitieux qu'elles, où les hommes s’entre-tuent pour le pouvoir et l'argent. La Rome de la fin du XVème siècle n'a rien à envier à la Rome Antique de Néron, de Commode ou de Septime Sévère et la Ville Sainte ne l'est qu'en apparence car même les couloirs du Vatican bruissent de complots en tous genres et sont parfois le théâtre de meurtres sanglants ou de sensuelles étreintes. 
    D'ailleurs, comme son prédécesseur Le Serpent et la Perle, La Concubine du Vatican se lit étonnamment vite et facilement. On croirait regarder un film ou une série : tout y est très visuel et j'ai vraiment, littéralement dévoré ce roman, à ma plus grande surprise d'ailleurs. Ma lecture du premier tome remontant à quelques années, j'en gardais un bon souvenir certes, mais je ne me souvenais pas d'avoir autant aimé. La Concubine du Vatican est un très bon roman historique, exploitant à merveille les filons du genre. Dosant savamment ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, dans une recette équilibrée et cohérente, l'autrice prend un plaisir évident à faire évoluer ses personnages et à jouer avec la chronologie. J'ai apprécié grandement d'avoir une postface où l'autrice explique ses choix et ses parti-pris, notamment lorsqu'il s'agit de distordre quelque peu l'Histoire établie ou de modifier ici ou là un nom ou une date. 
    Comme elle le souligne elle-même en fin de volume, les Borgia sont désormais devenus un mythe. On ne peut pas envisager l'histoire de la papauté et de la Rome du XVème siècle sans en passer par l'étude de cette sulfureuse famille qui, si l'on prend le temps de se documenter, ne le fut finalement pas plus qu'une autre à la même époque. Les Borgia ne furent ni les seuls assassins, ni les seuls empoisonneurs, encore moins les seuls ambitieux d'une époque foisonnante où tout devenait possible et où la frontière entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel du pape ne fut jamais aussi mince et poreuse. 
    On ne peut nier que, près de 530 ans après le règne d'Alexandre VI sur la papauté, le simple nom de Borgia aujourd'hui est vendeur. Mais tout dépend de ce que l'on en fait derrière. Et Kate Quinn a su s'en débrouiller admirablement, je dois dire. Récit nuancé et servi par des dialogues qui font mouche, par l'alternance de trois voix (celle de Giulia, de son garde du corps Leonello et de la cuisinière Carmelina) qui lui donnent un véritable rythme, La Concubine du Vatican est un roman historique visuel et enlevé comme je les aime, dans lesquels on peut se projeter sans peine. Alors que l'autrice avait peiné à me convaincre il y a dix ans avec La Maîtresse de Rome, roman certes divertissant mais aux inégalités et défauts évidents, je dois dire qu'elle démontre ici tout son talent. Bref, je regretterais presque qu'il n'y ait pas un troisième tome, car je l'aurais probablement lu avec un plaisir non dissimulé. 

    Borgia, tome 2, La concubine du Vatican ; Kate Quinn

    Giulia Farnese (Lotte Verbeek) et Lucrèce Borgia (Holliday Grainger) dans la série The Borgias

    En Bref :

    Les + : tout y est : la réputation sulfureuse des Borgia, l'ambiance pleine de soufre et de sang de la Rome des années 1490. J'ai passé un excellent moment avec cette lecture, qui m'a très agréablement surprise. Le livre se lit comme on regarderait un film ou un épisode de série.
    Les - : la fin, peut-être un peu trop romancée et pas forcément nécessaire mais qui en soi ne m'a pas déplu pour autant.


    Borgia, tome 2, La concubine du Vatican ; Kate Quinn

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

    • Vous voulez découvrir la destinée de Giulia Farnese en long, en large et en travers ? Commencez par Le Serpent et la Perle, qui relate sa rencontre avec le sulfureux pape Borgia. Mon avis juste ici.

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