• « Il y a tant de choses dans ce monde pour chacun d'entre nous, si nous avons seulement les yeux pour les voir, le cœur pour les aimer, les mains pour les cueillir. »

    Couverture Anne, tome 3 : Anne quitte son île / Anne de Redmond

     

         Publié en 2021

      Date de publication originale : 1915

      Titre original : Anne of the Island 

      Autre titre français : Anne quitte son île 

      Éditions Monsieur Toussaint Louverture 

      335 pages 

      Troisième tome de la saga Anne de Green Gables

     

     

     

    Résumé : 

    À dix-huit ans, Anne va pouvoir réaliser son rêve : poursuivre des études universitaires. Elle quitte l'île du Prince Édouard pour l'université de Redmond, en Nouvelle-Écosse. Elle va y nouer de nouvelles amitiés, rencontrer des personnages attachants et connaître sa première tentation amoureuse. Y cédera-t-elle ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Anne a dix-huit ans et s’apprête à entrer à l’université de Redmond, à Kinsgport. Cela signifie qu’elle va devoir s’éloigner de son cher Avonlea et de l’univers familier qui a été le sien jusqu’ici. Partagée entre anxiété et impatience, la jeune femme commence à envisager son avenir. Alors que son amie d’enfance Diana Barry s’apprête à se marier, que de nombreuses jeunes femmes de leur âge se fiancent et abordent leur future vie de femme mariée et de mère de famille, Anne et son amie Priscilla foulent les bancs de l’université, où notre héroïne retrouve un autre de ses amis d’enfance, Gilbert Blythe, qui est loin de la laisser indifférente. A Redmond, les deux jeunes femmes rencontrent la truculente et fantasque Philippa Gordon, surnommée Phil, avec laquelle elles vont se lier d’amitié. Dans une joyeuse camaraderie adolescente, les jeunes étudiantes découvrent une nouvelle vie et s’y installent avec exaltation.
    Anne de Redmond est le troisième tome de la saga Anne de Green Gables et, pour la première fois (pas tout à fait la première mais du moins, la plus longue) nous nous éloignons vraiment des Pignons verts et d’Avonlea, sur l’île du Prince-Edouard, où Anne vit depuis qu’elle a été adoptée à l’âge de onze ans par un frère et une sœur non mariés, Matthew et Marilla Cuthbert. C’est là que la petite orpheline à l’imagination débordante a fini de grandir, dans une famille aimante et bienveillante, où elle s’est fait des amis, à forgé sa nouvelle vie. Après avoir étudié à Queens puis enseigné à l’école d’Avonlea, qu’elle-même a fréquenté avec Diana, Gilbert et les autres, Anne s’envole vers de nouvelles aventures. A Kingsport, loin de chez elle, elle découvre avec intimidation l’effervescence d’une grande université mais aussi le sentiment d’être privilégiée, quand tant de jeunes femmes n’ont pas encore la chance de pouvoir aller longtemps à l’école.

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    Dans Anne de Redmond, Anne et Gilbert ont bien grandi


    Si l’atmosphère est un peu différente des deux premiers tomes, Anne de Redmond reste pour moi un petit bijou de douceur, un petit bonbon. Ça se lit avec une vitesse étonnante et en même temps l’univers est d’une telle richesse que l’on n’a aucune impression de superficialité. Alors oui, encore une fois le récit est bien ancré dans son époque (on le voit notamment aux très nombreuses citations religieuses issues des Évangiles ou des Ancien et Nouveau Testaments) mais il est aussi en même temps intemporel : la découverte de l’université et de sa vie souvent communautaire pour Anne, Priscilla et Phil est la même pour tous les étudiants du monde, à toutes les époques. Les premiers émois amoureux également…
    Anne a gagné en maturité et est plus raisonnable mais elle n’a rien perdu de son ancienne spontanéité. Ainsi, on la voit tomber véritablement amoureuse d’une maison à Kingsport, on la voit encore s’émerveiller des beautés simples du monde et on s’en émerveille à notre tour dans son sillage : quand on lit Anne, le ciel d’été est plus bleu, la brume verte des arbres au printemps est plus verdoyante, les feuilles des érables en automne plus flamboyantes.
    Pour moi, Anne de Redmond est encore une fois une réussite. Est-ce que j’ai ressenti le même élan que pour Anne de Green Gables et Anne d’Avonlea ? Peut-être pas. Après le coup de cœur ressenti pour le premier, je dois dire que l’enthousiasme de la découverte s’est quelque peu dilué mais sans être jamais déçue pour autant. Je n’ai certes pas eu de véritable coup de cœur pour Anne de Redmond mais qu’est-ce que je me suis sentie bien dans cette lecture. Retrouver Anne et son univers, c’est comme revenir à la maison, c’est retrouver des personnages familiers et une petite communauté canadienne du début du XXème siècle très attachante. Les paysages décrits sont dépaysants tout en étant étrangement familiers et la multitude des personnages tous différents les uns des autres nous les fait tous aimer – ou moins –, comme tous les humains que nous avons croisés ou croiserons dans nos vies.
    J’avais un peu peur de me sentir moins proche d’Anne : la maturité et l’âge aidant, je me suis dit qu’elle serait peut-être moins fantasque et moins attachante que la petite Anne de onze ans à l’imaginaire débordant que l’on découvre dans Anne de Green Gables. Moins fantasque et plus posée, elle l’est assurément. Désormais étudiante en littérature, Anne envisage son monde de manière plus rationnelle que l’enfant qu’elle était il y a encore peu d’années mais n’est pas moins attachante, au contraire. J’ai aimé la suivre dans ses nouvelles aventures et je suis persuadée que la jeune femme qu’elle va devenir sera tout autant digne d’intérêt que la petite fille que nous avons laissée derrière nous avec, il faut être honnête, une petite pointe de nostalgie.

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    Dans la série Netflix Anne with an E, la jeune actrice irlandaise Amybeth McNulty incarne Anne Shirley

    En Bref :

    Les + : s'il se passe moins de choses dans ce tome et qu'Anne, à dix-huit ans, est plus raisonnable et moins fantasque, ça reste un véritable plaisir de la retrouver. L'univers est si doux, on le déguste comme un petit bonbon et on ne voit pas le temps passer. 
    Les - :
    selon moi, aucun. Encore une fois.


    Anne de Green Gables, tome 3, Anne de Redmond ; Lucy Maud Montgomery

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

     

    • Envie de découvrir les premières aventures d'Anne ? Découvrez ci-dessous mes avis sur les deux premiers tomes : 

     

    Anne de Green Gables 

    Anne d'Avonlea 


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  • « Ces nouveaux tourments qui semblent se préparer, ce n'est pas pour moi seule que je les redoute ; s'il était possible qu'en amour l'un des deux fût heureux quand l'autre souffre, la route du dévouement serait toute tracée et facile à suivre ; mais il n'en est pas ainsi, vous le voyez bien : je ne puis avoir un instant de douleur que vous ne le ressentiez. Me voilà donc entraînée à gâter votre vie, moi qui voulais rendre la mienne inoffensive, et je commence à faire un malheureux ! Non, Palmer, croyez-moi ; nous pensions nous connaître, et nous ne nous connaissions pas. »

    Elle et lui ; George Sand

     

     

        Publié en 2022

        Editions RBA (collection Romans Éternels)

        Date de parution originale : 1859

      233 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Une transposition romanesque de la passion du poète Alfred de Musset avec la romancière. C'est une aventure romantique et passionnée qu'ils vivent ici sous les traits de Laurent et Thérèse. Du triomphe de la passion jusqu'à son triste déclin, les amants vont se découvrir, s'aimer et se déchirer, au fil d'une histoire fantasque, où la jalousie et la mort ne sont jamais loin des plus ardents désirs.

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1859, paraît un roman autobiographique de Sand, souvent considéré comme une réponse à La Confession d’un enfant du siècle de Musset et la version de l’autrice de la relation passionnée mais tumultueuse qui l’a unie pendant plusieurs années à Musset, qu’elle rencontre en 1833.
    Dans ce roman, tout est vrai et rien n’est vrai. George Sand y devient Thérèse Jacques et Musset, Laurent de Fauvel. Les deux héros ne sont plus des auteurs mais des peintres. On ne sait pas grand chose de leur passé si ce n’est que Laurent, relativement jeune, a entretenu de nombreuses liaisons toutes assez fugaces. Thérèse quant à elle, a connu un mariage malheureux – ce qui fut aussi le cas de Sand, mal mariée à Casimir Dudevant, dont elle se séparera après avoir donné naissance à deux enfants, Maurice en 1823 et Solange, en 1828. Lorsque le roman s’ouvre, on comprend vaguement que Thérèse et Laurent sont déjà liés, qu’ils se connaissent et s’estiment, peut-être parce qu’ils exercent la même activité. Il semble que Laurent soit aussi quelque peu jaloux de Thérèse et doute de son propre talent. Petit à petit, leur relation évolue, Laurent se déclare à Thérèse, qui ne semble pas indifférente. Pourtant, le bonheur est de courte durée : la maturité de la jeune femme semble incompatible avec l’instabilité de Laurent, qui se manifeste par des sautes d’humeur, des paroles parfois blessantes puis un retour de flamme tout aussi passionné. Thérèse, elle, semble constante et maternelle envers ce jeune homme qu’elle aime et à qui elle pardonne tout. Jusqu’à ce qu’un jour, un événement inattendu finisse par la libérer définitivement des chaînes amoureuses que Laurent a tissées autour d’elle…
    L’histoire de Thérèse et Laurent m’est souvent apparue, au cours de ma lecture, comme violente et toxique. Il n’y a rien de beau dans cette histoire qui semble plus celle d’une dépendance qu’une véritable relation. Laurent est excessif en tout, il aime mais il aime mal, essayant d’assujettir Thérèse et de ne la garder que pour lui. Ses crises de colère semblent être le fruit d’un manque de confiance en soi et d’un manque d’estime de lui-même mais n’excusent en rien les mots qu’il peut avoir contre Thérèse. En exergue, c’est une figure presque sacrificielle qui nous apparaît, celle d’une femme habituée à faire passer les autres avant elle et qui ne répond pas, drapée dans une volonté de faire le bien de celui qu’elle appelle parfois – et c’est parlant – son « enfant » ou son « pauvre enfant ».

    Indiana de George Sand : la déclaration d'amour de Raymon | La Compagnie  Affable

    Alfred de Musset et George Sand incarnés par Benoît Magimel et Juliette Binoche dans Les Enfants du siècle, de Diane Kurys (1999)


    Le point d’orgue et de basculement de l’intrigue est le voyage exécrable en Italie, sous la pluie et dans le froid, où le manque d’argent se couple à l’humeur terrible d’un Laurent paranoïaque et en proie à de vieux démons qui lui causent de véritables maux physiques.
    Ce roman, même s’il n’est pas des plus joyeux, me réconcilie pourtant avec la plume de George Sand, que j’avais découverte il y a plusieurs années avec La Petite Fadette : je me souviens que je n’avais pas été spécialement emballée et je n’avais pas retenté. Étrangement, j’étais plutôt intéressée par la femme derrière que l’autrice. Elle et lui est donc une redécouverte complète et, si je me suis un peu ennuyée au début, je me suis petit à petit prise au jeu et j’ai apprécié cette lecture qui fait réfléchir sur la complexité des sentiments amoureux et les montre aussi sans fard : on est bien loin ici d’une romance qui finirait bien quoi qu’il arrive. On comprend vite que ce ne sera pas le cas ici, car Thérèse et Laurent s’aiment, mais s’aiment mal et cet amour trop toxique semble dès le départ condamné, voué au malheur. Sous couvert de fiction, George Sand analyse avec justesse mais sans concession une histoire qui la touche pourtant au premier chef puisqu’elle en a été partie prenante. Certes, lorsqu’elle écrit Elle et lui, sa séparation avec Musset remonte à plusieurs années mais il n’est pas évident, surtout à cette époque-là et pour une femme, de coucher sur papier une histoire comme celle-là, qui n’a rien de conventionnel – et pour cause, on ne le dira jamais assez, la fiction ne dépasse pas souvent la réalité. Et c’est aussi se mettre à nu, ce qui n’est pas toujours évident.
    Étonnamment, et parce que j’avais le souvenir de La Petite Fadette qui ne m’avait pas touchée, j’ai été assez vite séduite par la plume : je dirais même que j’ai été plus vite séduite par la plume que par l’intrigue. Mêlant fiction, récit autobiographique et réflexions philosophiques universelles et qui nous parlent, à plus de 150 ans de distance, Elle et lui est un roman intemporel, qui parle de l’emprise amoureuse qui peut, malheureusement, dans les cas les plus funestes, finir tragiquement et il est bon, encore aujourd’hui, de le garder en esprit. George Sand, depuis le XIXème siècle où elle-même s’éveillait à un début de conscience féministe et égalitaire, nous y aide.

    George Sand et Alfred de Musset, une passion à Venise

     

    En Bref :

    Les + : un roman intemporel qui raconte avec nuance une histoire vraie sous couvert de fiction, sans occulter le plus laid, sans privilégier le plus beau. 
    Les - :
    un début un peu confus, mi-narratif mi-épistolaire qui m'a légèrement ennuyée. 

     


    Elle et lui ; George Sand

        Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • « C’est que depuis que je vous ai vue, je ne sais comment ni pourquoi, vous avez pris une place dans ma vie, c’est que j’ai eu beau chasser votre image de ma pensée, elle y est toujours revenue, c’est qu’aujourd’hui quand je vous ai rencontrée, après être resté si longtemps sans vous voir, vous avez pris sur mon cœur et mon esprit un ascendant plus grand encore, c’est qu’enfin, maintenant que je vous connais, vous m’êtes devenu indispensable, et que je deviendrais fou, non pas seulement si vous ne m’aimez pas, mais si vous ne me laissez pas vous aimer. »

    La dame aux camélias ; Alexandre Dumas fils

     

     

     

        Publié en 2021

       Date de publication originale : 1848

       Éditions RBA (collection Romans Éternels)

       251 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Ce roman, dont Alexandre Dumas fils tira aussi un drame, est inspiré de l'existence authentique de Marie Duplessis. Merveilleusement belle et intelligente, cette courtisane fut adorée du Tout-Paris et de l'auteur lui-même. Il dut renoncer à elle, car il n'était pas assez riche. Verdi fit de ce drame un opéra sublime, La Traviata.
    Armand et Marguerite vivent un amour immense qui survit à tous les obstacles et à toutes les tromperies. Le père d'Armand interdit cet amour inconvenant. Mais rien n'aura empêché le bonheur d'aimer, la virginité retrouvée, l'argent et les conventions dédaignés. L'amour véritable, c'était pour Marguerite l'espoir, le rêve et le pardon de sa vie. Tout lui fut donné, mais à quel prix !

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le postulat de départ de La dame aux camélias est simple comme bonjour : un jeune homme remarque au théâtre une jeune femme. Elle lui plaît, on la lui présente. La belle affecte une moquerie espiègle et une indifférence de façade. Le jeune homme est tout à fait charmé. Il veut la voir, ils se revoient, elle tombe sous le charme à son tour et succombe.
    Sauf que voilà : si Armand, le jeune héros du roman est un pur produit de ce XIXème siècle français, issu d'une famille provinciale respectable, à l'aise sans être opulente, a tout du bon parti et ferait un gendre tout à fait convenable, il n'en va pas de même pour l'objet de ses désirs, la piquante Marguerite Gautier.
    Car Marguerite (qui a pris pour habitude de porter à son corsage des camélias blancs lorsqu'elle est disponible pour ses amants, rouges lorsqu'elle est indisposée et ne peut donc recevoir) n'est pas ce que l'on pourrait qualifier de femme comme il faut. Elle est ce que l'on va qualifier pudiquement, avec euphémisme, une femme entretenue. Une demi-mondaine, une cocotte ou, plus crument, une « grande horizontale », comme on pouvait appeler ces femmes qui, dans la seconde moitié du XIXème siècle, firent fortune en monnayant leurs charmes. Marguerite a donc des protecteurs qui la font vivre et lui permettent de mener grand train : elle a un attelage qui lui permet d'aller se promener aux Champs-Élysées et de se montrer, elle vit dans un appartement confortable et n'a besoin de rien. En somme, Marguerite a su s'élever de la condition modeste qui était la sienne dans son enfance et sa prime jeunesse, même si c'est au détriment de sa réputation car, dans une époque corsetée et rigide, une femme entretenue est une femme perdue. 
    Mais Armand est amoureux, d'un amour passionnel, dévorant : pour Marguerite, il est prêt à tout, sauf à la partager. Sauf que pour continuer à vivre comme elle le fait, à l'abri du besoin, sortant chaque soir, mangeant les mets les plus fins, Marguerite ne peut quitter ses protecteurs, souvent des nobles, qui financent les moindres de ses caprices. Cyniques, les cocottes ? Plutôt pragmatiques. Mais parce que même la femme revenue de tout est capable un jour d'amour pur et désintéressé, Marguerite finit par s'éprendre elle aussi d'Armand et se trouve alors écartelée entre le désir de la vie rangée et respectable qu'il lui propose et les étourdissements de la vie mondaine qu'elle mène depuis de nombreuses années. Et peu importe que cette vie ait peu à peu consumé ses forces car la beauté éthérée de Marguerite, loin d'être naturelle,  est surtout la conséquence de la maladie pulmonaire qui lui consume les bronches et la fait cracher le sang...
    Tout semble donc se liguer contre les amoureux : le passé de Marguerite est une tâche indélébile, la famille bourgeoise d'Armand est un obstacle et surtout, la maladie insidieuse, qui fait son œuvre lentement, scelle d'elle-même la destinée des deux amants. Armand et Marguerite s'aimeront, sincèrement, fiévreusement, mais ils ne s'aimeront pas longtemps parce que l'univers entier a comploté contre eux pour les séparer irrémédiablement.
    Raconté par deux narrateurs (un narrateur anonyme, qui découvre l'histoire de Marguerite Gautier après la mort de cette dernière, alors que ses biens sont vendus aux enchères puis par Armand lui-même), La dame aux camélias est un roman intéressant, sans jugement et qui n'est pas sans rappeler, dans certains de ses aspects, le Nana de Zola, qui dépeint lui aussi l'existence d'une courtisane de luxe, Anna Coupeau, dite Nana, dans le Paris de la seconde moitié du XIXème siècle. Il est très probable que ce soit un roman fortement autobiographique (« N'ayant pas encore l'âge où l'on invente, je me contente de raconter. » dit-il au début du roman), Alexandre Dumas fils y décrivant pudiquement et sous couvert d'une histoire de fiction, sa propre liaison avec Marie Duplessis, qui serait le modèle de Marguerite : née en 1824, morte à vingt-trois ans comme l'héroïne du roman, Marie entretiendra une relation avec Alexandre Dumas fils entre septembre 1844 et août 1845. En 1846, elle épouse l'un de ses protecteurs sincèrement épris d'elle,  le comte de Perregaux, mais ne peut renoncer à sa vie passée. Elle mourra finalement indigente à Paris en février 1847.

     

    Portrait de Marie Duplessis, amante d'Alexandre Dumas fils de 1844 à 1845 et probable modèle de Marguerite Gautier


    Il y a quelque chose de tragique dans ce roman car il commence par la fin : je ne vous divulgue rien en vous disant que le roman s'ouvre sur la dispersion aux enchères des biens d'une demi-mondaine récemment décédée, afin d'éponger ses dettes. C'est autour de cet événement tragique que tout le reste du roman s'articule, le narrateur anonyme étant finalement amené à rencontrer Armand, l'amant inconsolable et pour qui le regret est d'autant plus amer qu'il avait touché du doigt le rêve d'offrir à Marguerite une vie respectable. On sait donc dès le départ que cet amour est voué à l'échec et que toutes les préventions sociales qu'auront à affronter les deux amoureux ne sont rien face à la mort qui broie tout et sépare tout. Le temps de Marguerite est compté et ses hésitations lui en font perdre d'autant plus. Pourtant Armand, dans l'exaltation de l'amoureux, ne doutera jamais. La chute n'en sera que plus dure pour lui.
    La dame aux camélias est un roman mélancolique mais sans pathos, la description d'un monde qui n'est pas respectable à l'époque mais qui se fait ici sans jugement. Jamais un seul mot dur n'est dit contre Marguerite ou contre ces femmes qui gagnent leur vie en vendant leurs charmes. Au contraire même, c'est presque avec un regard indulgent, celui d'un homme probablement séduit lui-même par une de ces cocottes, qu'Alexandre Dumas nous raconte Marguerite, la rendant ainsi attachante. Celle-ci n'est ni une créature vénale ni une femme cruelle, ni même une débauchée de la pire espèce. Marguerite est une femme qui a fait des choix de vie, ne les regrette pas et s'y tient, malgré l'opprobre de la société. En cela, elle est en quelque sorte une femme émancipée pour son temps mais aussi, paradoxalement, tenue sans cesse sous la coupe d'hommes puissants puisque dépendant d'eux pour vivre.
    Quand on connaît Alexandre Dumas père et son œuvre enlevée, pleine du souffle de la grande Histoire, qu'il prend toujours plaisir à distordre et à remanier pour les besoins de ses intrigues, on peut être surpris par l'oeuvre plus conventionnelle du fils, qui n'en est pas moins intéressante. D'ailleurs, la postérité ne s'y est pas trompée, offrant dans de nombreuses adaptations, le rôle de Marguerite à des actrices aussi réputées que Sarah Bernhardt, Isabelle Adjani, Isabelle Huppert ou encore Greta Garbo. Enfin, le roman de Dumas fils inspirera au célèbre Verdi l'une de ses oeuvres d'opéra les plus connues, La Traviata, en 1853.

    En Bref :

    Les + : le récit d'une très belle histoire d'amour, sans aucun jugement. Marguerite est certes une mondaine et une femme entretenue, mais elle n'en est pas moins une femme. J'ai aussi beaucoup aimé la plume de l'auteur. 
    Les - :
    j'aurais aimé en savoir plus sur le passé de Marguerite et sa jeunesse, avant qu'elle ne devienne courtisane, ce qui l'aurait rendue je pense, encore plus attachante. 


     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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  • « Je pense que les jours les plus beaux et les plus agréables ne sont pas ceux où il se produit un événement splendide ou extraordinaire, mais ceux qui nous apportent de petites joies simples l'une à la suite de l'autre, comme des perles glissant d'une ficelle. »

    Couverture Anne, tome 2 : Anne d'Avonlea

     

     

         Publié en 2021

      Date de publication originale : 1909

      Titre original : Anne of Avonlea

      Éditions Monsieur Toussaint Louverture

      344 pages

     

     

     

     

    Résumé :

    À la mort de son père adoptif, Anne renonce à ses études pour se consacrer à l'enseignement. Institutrice à l'école d'Avonlea, elle exerce son métier avec fougue et passion. Mais l'arrivée de deux jumeaux, orphelins eux aussi, va troubler sa sérénité car ils vont lui en faire voir de toutes les couleurs.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Si le premier tome était un petit bonbon, bijou de douceur et de souvenirs d’enfance, ce deuxième tome est une réelle douceur sucrée, réconfortante et qui fait chaud au cœur.
    Après avoir laissé Anne et Marilla dans une situation assez triste à la fin du premier volume (même s’il y a énormément de beaux moments dans Anne de Green Gables, les coups durs n’en sont pas absents pour autant, comme dans la vie), nous les retrouvons plus heureuses au début de ce deuxième volume. Les plaies sont pansées et la vie reprend son cours, sans pour autant oublier les absents. Et Anne, qui a fait le choix de rester à Avonlea auprès de Marilla, s’apprête à devenir institutrice dans l’école du village, dont elle fréquentait elle-même les bancs il n’y a pas encore si longtemps. Et la toute jeune femme découvre avec étonnement qu’il ne suffit pas d’être restée une enfant dans sa tête pour les comprendre parfaitement.
    Au même moment, la maison de Green Gables s’apprête aussi à accueillir un grand bouleversement, avec l’arrivée de Davy et Dora Keith, six ans tous les deux, lointains parents des Cuthbert qui, orphelins de mère, sont recueillis par Anne et Marilla. Et si la petite Anne Shirley à son arrivée à Avonlea, avait plus d’un tour dans son sac, elle va constater que Davy n’est pas en reste et fait preuve d’une imagination débordante quand il s’agit de faire des bêtises !
    A part cela, on retrouve dans ce deuxième tome ce qui a fait le succès du premier : la chronique savoureuse d’une petite communauté de l’île du Prince-Édouard à la fin du XIXème siècle, le quotidien des familles qui la peuplent, des jeunes écoliers ou des jeunes adultes qui, comme Anne ou encore son amie Diana, Gilbert et tous les autres, s’apprêtent à faire leur vie, qui en se mariant ou en allant fréquenter l’université…
    Et bien sûr, ce qui fait la force de cette série, c’est son héroïne : je crois que je n’ai jamais connu de personnage aussi attachant (et surtout, attachant immédiatement) qu’Anne. Rêveuse, pleine d’imagination mais aussi parfois tête en l’air ou maladroite (après l’épisode de la teinture pour cheveux ou de la liqueur de groseilles de Marilla, si savoureux dans le premier tome, on se prend encore à sourire devant les bourdes et petites maladresses d’Anne qui a beau être maintenant une institutrice, n’en reste pas moins une grande enfant), elle nous fait rire ou nous attendrit tour à tour. Il y a chez elle quelque chose de terriblement vrai, de terriblement authentique et on se dit que Lucy Maud Montgomery devait vraiment beaucoup aimer son personnage pour nous communiquer une telle envie de l’aimer à notre tour !

    Anne With an E : si la série revient, on ne pourra plus jamais revoir cette  histoire d'amour


    En finissant le premier tome, sachant qu’Anne serait plus grande dans le tome 2, déjà presque une adulte, c’est vrai que j’avais un peu peur de me sentir un peu plus éloignée d’elle…c’est ça aussi l’autre atout majeur de cette série : la capacité à s’identifier, même en étant un lecteur adulte, à un personnage de onze ans et de s’en sentir si proche. Donc, je craignais presque de ne pas retrouver la Anne que j’avais tant aimée. Inutile de vous dire que mes craintes étaient loin d’être fondées puisque dès les premières pages, j’ai eu l’impression de revoir une vieille amie, perdue de vue depuis quelques mois et que je retrouvais avec grand plaisir et comme si je ne l'avais jamais quittée, finalement.
    D’une étonnante modernité, description fine et pleine de compréhension pour les enfants dont l’imaginaire est ici si bien rendu – on pourrait presque dire que la série d’Anne de Green Gables est un vibrant hommage à l’enfance et à ses apprentissages –, on se surprend parfois à se demander si cette œuvre date bien de 1909, tant elle est encore actuelle et, finalement, d’une portée universelle (même si les nombreuses allusions à la Bible, aux textes des Apôtres ou aux Psaumes peut effectivement nous rappeler que ce roman a été écrit il y a un peu plus de cent ans).
    Anne n’a pas fini de nous réjouir, c’est tout ce que je peux vous dire à la fin de ma lecture d’Anne d’Avonlea. A nouveau, cet opus se termine tout en s’ouvrant et sa fin n’en est pas vraiment une, peut-être le commencement d’autre chose et, déjà, on regarde vers Anne de Redmond, où la jeune femme va découvrir l’université et une nouvelle vie en Nouvelle-Écosse, loin d’Avonlea et de Green Gables.

    En Bref :

    Les + : ce deuxième volume est une véritable douceur...certains lecteurs disent que ce livre fait chaud au cœur et c'est exactement ça. Quel bonheur de retrouver Anne, Avonlea et tous les personnages. Ce tome est peut-être plus nostalgique que le premier mais tout aussi agréable à lire. J'ai encore une fois passé un excellent moment. 
    Les - :
    Aucun ! C'était tellement agréable, une lecture vraiment réconfortante et douce. 


     

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      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • « Le fantôme approchait d'un pas lent, grave et silencieux. Quand il fut arrivé près de Scrooge, celui-ci fléchit le genou, car cet esprit semblait répandre autour de lui, dans l'air qu'il traversait, une terreur sombre et mystérieuse. »

     

     

      Publié en 2018

      Date de publication originale : entre 1843 et 1845

      Titre original : A Christmas carol / The Chimes /      The cricket on the heart

      Editions Archipoche

      328 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    C'est l'un des mérites de Dickens d'avoir remis Noël à l'honneur. Hissant le 25 décembre au rang de meilleur jour de l'année, il fit de cette fête celle de la famille et de la générosité. 
    Le célèbre Cantique de Noël (1843) conte la rédemption de Scrooge, vieil avare égoïste, ennemi des réjouissances, dont trois fantômes vont attendrir le coeur. 
    Les Carillons (1844) et Le Grillon du foyer (1845), paraboles sur les bienfaits du bonheur domestique, mettent à l'honneur la dinde, les cadeaux et le sapin, devenus les symboles de ce jour de joie. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Qu'on l'ait déjà lu ou pas, si on parle des fêtes de Noël, de l'Angleterre et du XIXème siècle...l'équation est assez facile à résoudre, non ? Evidemment, on pense à Dickens. 
    Dickens, aussi connu pour ses romans plus sociétaux comme David Copperfield, La Petite Dorrit ou Oliver Twist est aussi l'auteur classique que l'on associe le plus aux fêtes de Noël et à leur magie, dont Dickens est parfois considéré comme l'inventeur. Oui, oui, rien que ça. 
    A l'origine, les contes de Noël de Dickens, écrits et publiés entre 1843 et 1845 sont au nombre de cinq : Un chant de Noël (A Christmas Carol), Les Carillons (The Chimes), Le Grillon du foyer (The cricket on the Heart), La Bataille de la vie (The battle of life), L'homme hanté ou le Pacte du fantôme (The Haunted Man or the Ghost's Bargain).
    Cette édition collector des éditions Archipoche, avec une jolie couverture en relief, rassemble les trois premiers, dont le plus célèbre, celui qui a été le plus adapté et le plus diffusé, Un Chant de Noël, qui met en scène le personnage d'Ebenezer Scrooge (incarné par Jim Carey pour Disney par exemple, ou féminisé dans un roman graphique publié en 2022), un vieil homme avare et aigri qui ne sait que répondre « Sottises ! » lorsqu'on lui parle de Noël et de ses réjouissances. Mais, un 24 décembre, alors qu'il se trouve seul dans son froid et lugubre petit appartement, il reçoit la visite d'un fantôme, celui de Jacob Marley, son ancien associé, mort exactement sept ans plus tôt et qui avertit Scrooge de la venue de trois autres esprits...leur mission est d'amener Scrooge à aimer les fêtes de Noël mais surtout, à savoir et apprécier de faire le bien autour de lui, en dispensant un peu de son cher argent mais aussi un peu de son temps, dans un but de partage, de charité et de communion propres à l'esprit des fêtes de fin d'année. 
    Ce conte est probablement celui dans lequel l'atmosphère de Noël (avec les vitrines illuminées, les dindes dorées, la neige sur les toits, les cloches des églises qui tintinnabulent...) est la plus palpable et il est intéressant de la mêler à quelque chose de plus sombre, de plus inquiétant, avec les personnages des esprits. Du coup, l'atmosphère n'en est que plus lumineuse et la rédemption de Scrooge, plus belle encore. Car au-delà de l'amendement du vieil homme, qui reçoit une terrible mais aussi édifiante leçon, ce conte démontre que chaque être humain ne peut pas avoir en lui que du mauvais et aura toujours au fond de lui un cœur pur et bon (souvent hérité de l'enfance, d'ailleurs) qui ne demande qu'à se réveiller. Ode aussi à la nostalgie et aux souvenirs, Un Chant de Noël fait vibrer la corde sensible de l'enfance, toujours propice à se réveiller en nous au moment des fêtes de fin d'année. 

     

    Ebenezer Scrooge et le fantôme de Marley par Fred Barnard 


    A l'instar d'Un Chant de Noël, Les Carillons est aussi un conte en forme de leçon de vie dispensée à ses dépends au personnage de Toby Veck, qui n'est pas un mauvais homme en soi et est même un père attentif et aimant pour sa jeune fille de 21 ans, Marguerite, dite Meg. Mais coupable un jour d'avoir énoncé un jugement lapidaire et sans pitié, il est rappelé à l'ordre par des esprits qui lui dispensent la plus terrible des leçons et lui permettent ainsi de se racheter et de faire preuve de compassion pour son prochain (car ce qui lui paraît insupportable si cela devait arriver à l'un des siens et notamment à sa fille Meg l'est aussi pour les autres). Si le thème de Noël n'apparaît pas clairement dans ce conte, on peut cependant faire le lien avec l'idée de partage, de compassion, de bonté. J'ai mis un peu de temps à comprendre ce deuxième conte qui m'a paru assez confus au départ. Il m'a parfois fallu revenir en arrière et relire certains passages pour être bien sûre de n'avoir rien raté. 
    Le Grillon du foyer, troisième et dernier tome présenté ici est certainement celui qui m'a le plus ennuyée...disons que mon intérêt pour le lire est vraiment allée decrescendo : alors que j'ai beaucoup aimé Un chant de Noël, je me suis sentie beaucoup moins investie dans ma lecture des Carillons et j'avoue que Le Grillon du foyer m'a paru vraiment très confus et totalement éloigné de l'esprit de Noël. Certes, ce n'était pas déplaisant et on retrouve encore ici l'amendement des plus mauvais au profit des coeurs purs mais à part ça...l'esprit de Noël n'y était pas. 
    Sans avoir été déçue, j'avoue que cette lecture me laisse assez perplexe et j'en ressors mitigée. Je me vois bien relire chaque année Un Chant de Noël pour me mettre dans l'ambiance des fêtes (et parce qu'il m'a vraiment fait retrouver mon âme d'enfance) mais c'est beaucoup moins évident pour Les Carillons et Le Grillon du foyer, dont je garde plutôt une sensation de confusion. 
    Pour autant, je n'ai pas détesté et, moi qui n'avais jamais lu Dickens avant cela, j'en ai beaucoup aimé la plume
    Une découverte donc en demi-teinte mais avec une mention très spéciale pour Un Chant de Noël et Ebenezer Scrooge

    Charles Dickens Illustrations for The Chimes

     

    Le personnage de Toby « Trotty » Veck dans Les Carillons 

    En Bref :

    Les + : sans aucun doute la plume de l'auteur, vive et sautillante et le message dispensé, percutant et destiné à faire réfléchir sans être trop moralisateur pour autant. 
    Les - :
    un recueil inégal, dont le premier conte est passionnant et totalement dans l'ambiance de Noël, alors que c'est moins évident pour les deux suivants, plus confus à mon sens et un peu moins captivants quoique très bien écrits. 


     

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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