• « Viens ! oh ! viens voyager dans les rêves,
    Au delà du possible, au delà du connu !  »

    Les Fleurs du Mal ; Charles Baudelaire

    Publié en 2009

    Date de publication originale : 1857

    Editions Le Livre de Poche (collection Les Classiques de Poche)

    374 pages

    Résumé :

    Avec Les Fleurs du Mal commence la poésie moderne : le lyrisme subjectif s'efface devant cette « impersonnalité volontaire » que Baudelaire a lui-même postulée ; la nature et ses retours cycliques cèdent la place au décor urbain et à ses changements marqués par l'Histoire, et il arrive que le poète accède au beau par l'expérience de la laideur. Quant au mal affiché dès le titre du recueil, s'il nous apporte la preuve que l'art ici se dénoue de la morale, il n'en préserve pas moins la profonde spiritualité des poèmes. 
    D'où la stupeur que Baudelaire put ressentir quand le tribunal de la Seine condamna la première édition de 1857 et l'obligea à retrancher six pièces du volume. En 1861, la seconde édition fut augmentée de trente-cinq pièces, puis Baudelaire continua d'écrire pour son livre d'autres poèmes encore. Mais après la censure, c'est la mort qui vint l'empêcher de donner aux Fleurs du Mal la forme définitive qu'il souhaitait - et que nous ne connaîtrons jamais. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Quand on ouvre un recueil comme Les Fleurs du Mal, c'est presque avec un léger frisson d'excitation et de curiosité, comme si on ouvrait un livre défendu, fleurant bon le scandale. Bien sûr, aujourd'hui ce livre est considéré comme un très grand classique de la littérature française, peut-être même mondiale. Qui ne connaît pas Les Fleurs du Mal ? L'aspect quelque peu scandaleux de l'oeuvre passe au second plan, bien après ses qualités littéraires. On a cependant l'impression de faire une lecture particulière, un peu à part. Hors normes.
    Unique recueil de poèmes de Baudelaire, Les Fleurs du Mal englobent presque toute sa production poétique, de 1840 jusqu'à l'année de sa mort, 1867. Publiés dès 1857, les poèmes de Baudelaire scandalisent la société corsetée et bien-pensante de l'époque, ce qui lui vaudra d'ailleurs un procès retentissant. Il faudra d'ailleurs que l'impératrice Eugénie intercède elle-même en faveur du poète pour qu'il voie son amende minorée. Six pièces du recueil sont censurées. Par la suite enrichi de nouveaux poèmes, Les Fleurs du Mal seront rééditées par trois fois et les poèmes censurés publiés en Belgique. Il faudra cependant attendre 1949 pour une réhabilitation complète de l'oeuvre de Baudelaire.
    Pour moi, pendant très longtemps, Baudelaire n'a été associé qu'à un seul de ses poèmes, le très beau A une Passante, que je cite souvent, sans trop savoir pourquoi cependant, comme l'un de mes poèmes préférés. J'ai étudié beaucoup de poésie à l'école et notamment au lycée mais jamais Les Fleurs du Mal, à l'exception dudit poème, qui m'avait fait très forte impression et que j'ai d'ailleurs relu avec beaucoup d'émotions : j'ai eu l'impression de revenir dix ans en arrière et de sentir l'odeur de ma salle de Français en Première. Une vraie madeleine de Proust que ce poème très court mais exaltant !
    Lire Les Fleurs du Mal n'a cependant jamais fait partie de mes objectifs de lectrice. Ne l'ayant jamais lu au lycée, cette lecture ne me préoccupait pas vraiment, je ne me disais pas que je devais absolument lire ce livre. Non. Et je l'ai acheté par hasard, un jour où je me suis dit que, quand même, lire de la poésie, surtout celle - là, me permettrait d'élargir un peu mes horizons et, utilisons donc une expression à la mode, de sortir de ma zone de confort.
    Il est très difficile de chroniquer un livre comme celui-ci. C'est étrange, mais j'ai beaucoup de mal à vous en parler, surtout, à trouver les mots justes pour décrire mon ressenti, à l'issue de cette lecture. Par exemple, il m'est très difficile de dire si j'ai aimé ou pas, peut-être parce qu'une telle lecture est au-delà de ça, en fait. Peut-on réellement dire : j'ai aimé Les Fleurs du Mal ou je n'ai pas aimé Les Fleurs du Mal, et surtout, pourquoi ?

    Certainement la plus célèbre photographie de Baudelaire, prise en 1862 par Etienne Carjat


    J'avoue qu'en démarrant cette lecture, mes certitude de lectrice ont été mises à rude épreuve. Moi qui suis très habituée aux romans, démarrer un recueil de poèmes est forcément assez original, voire déroutant. C'est étrange de pouvoir lire un livre comme on veut, revenir sur nos pas, tourner les pages... ou pas. J'ai été surprise aussi par la grande variété de ces poèmes et, en même temps, par la subtile corrélation qui s'établit entre eux tous et les insère dans ce fameux mouvement dit romantique, dont ils sont, assurément, l'un des meilleurs symboles ! L'inspiration de Baudelaire est multiple et on fait parfois des bonds de géant, d'un sujet à un autre ! Entre lyrisme, et trivialité, Baudelaire traité de tous les sujets, les plus universaux comme les plus spécifiques à l'époque où il vit, qui est riche et mute sans cesse, entraînant un essor spectaculaire annonçant notre société contemporaine et, en même temps, générant aussi une misère endémique qui nourrit assurément l'inspiration négative voire morbide de l'auteur. Dans cet aspect extrêmement pessimiste de l'oeuvre et de la personnalité de Baudelaire, j'ai retrouvé un autre grand écrivain, Chateaubriand. Comme chez l'auteur malouin, on ne ressort pas de la lecture des poèmes de Baudelaire enchanté et léger, loin de là ! Mais quand on aime les mots, les livres, les classiques, je pense qu'on se laisse volontiers emporter par cette lecture. Certes, elle n'est pas évidente, je dirais même que, parfois, elle s'avère ardue et ce n'est certainement pas un hasard s'il m'a fallu quinze jours pour venir à bout d'un recueil qui, finalement, n'est pas si conséquent que cela. Mais je crois que ce temps consacré au livre était nécessaire, je l'ai lu doucement, à mon rythme et j'en ai savouré les mots. J'ai découvert l'univers éclectique de Baudelaire mais conduit cependant par une ligne directrice : ce fameux spleen, presque consubstantiel à l'oeuvre baudelairienne. J'ai parfois été surprise par ses poèmes très osés, au ton presque cru ou même dégoûtée parfois par des images triviales. J'ai été emballée par d'autres poèmes, par leur douceur contrastant avec la violence que recèlent certains autres.
    Je suis passée par toute une gamme d'émotions et de sentiments en lisant Les Fleurs du Mal, mais, si une chose est sûre, c'est bien celle-là : c'est une lecture que je ne regrette pas et que je recommande même chaleureusement. Amoureux des classiques et des beaux textes, cette lecture est faite pour vous !

    En Bref : 

    Les + : un univers très personnel et une belle plume. 
    Les - : 
    pas vraiment de points négatifs à soulever. 

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

     Thème d'avril, « Haut de forme et queue-de-pie », 4/12


    5 commentaires
  • « Quand la jeunesse et le désespoir viennent à se réunir, on ne peut dire à quelles fureurs ils porteront, ou quelle sera leur résignation subite; on ne sait si le volcan va faire éclater la montagne, ou s’il s’éteindra tout à coup dans ses entrailles. »

    Cinq-Mars ; Alfred de Vigny

    Publié en 2012

    Date de parution originale : 1827

    Editions Folio (collection Classique) 

    594 pages 

    Résumé : 

    1640 : un procès de sorcellerie. Un bûcher. Un complot. Louis XIII défaillant d'amour, de culpabilité et de haine devant son jeune et gracieux favori. Richelieu remontant le Rhône dans un bateau tapissé de velours cramoisi qui traîne derrière lui l'embarcation où Cinq-Mars et de Thou enchaînés sont conduits au supplice : leur mort signifiera la fin de la vieille noblesse écrasée par le pouvoir et la raison d'Etat. Dans la foulée de Walter Scott et en attendant Dumas, Cinq-Mars est le premier en date, le plus dramatique et sans doute le plus réussi des romans historiques français. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis : 

    Publié en 1827, le Cinq-Mars d'Alfred de Vigny est considéré comme le premier roman historique français, avant les grandes fresques de Dumas ou de Hugo. Le XIXeme siècle permet aux auteurs français de s'intéresser à un genre littéraire auquel ils n'auraient pas pu toucher auparavant. Sous l'ancien Régime, il aurait été hors de question de mettre en scène la Cour et les souverains, à moins de le faire, comme Madame de Lafayette dans La Princesse de Clèves, en déguisant son propos. Après la Révolution, tout est possible et Alfred de Vigny sera l'un des premiers à expérimenter le genre. Il prépare aussi en quelque sorte le terrain aux grands romans feuilletons de la seconde moitié du siècle et qui ont eu tant de succès, un succès qui ne se dément d'ailleurs pas : qui n'a pas frémi avec Esmeralda, qui ne s'est pas laissé emporter par la fougue des Trois Mousquetaires, qui n'est pas tombé amoureux en même temps que Buckingham de la jeune reine Anne d'Autriche, abandonnée dans son jardin d'Amiens ? Qui ne s'est pas non plus laissé séduire par la reine Margot ou par la dame de Monsoreau ? Les romans historiques français du XIXème siècle ont beaucoup de charme, je trouve. Bien sûr, ils sont totalement fantaisistes mais... C'est ça aussi qui fait tout leur intérêt, à mon avis !
    Le Cinq-Mars de Vigny a été cependant totalement occulté par les autres, très connus. Pour ma part, c'est totalement par hasard que je l'ai découvert il y'a quelques années, sans jamais en avoir entendu parler auparavant mais je me suis intéressée à ce roman grâce à sa figure centrale : Henri Coiffié de Ruzé d'Effiat, marquis de Cinq-Mars.
    J'ai une opinion assez ambivalente du personnage. Le nom de Cinq-Mars fait aussitôt naître à mon esprit l'image d'un jeune homme très beau, un peu fat, vain et orgueilleux qui, par désillusion et déception, va se retourner contre la main qui l'a nourri et fait s'élever, trahison et ingratitude qu'il paiera de sa vie. Mais je ne peux aussi m'empêcher de nuancer cette image et de me dire que, peut-être, Cinq-Mars n'a été qu'un objet, aisément manipulable et qui a permis à plus grand que lui de mener à bien intrigues et conspirations, à une époque passée maîtresse en la matière. Cinq-Mars a laissé son nom à la toute dernière conspiration contre Richelieu, en 1642, qui visait à se débarrasser du ministre de Louis XIII mais aussi à s'entendre avec l'Espagne. Pour la postérité, il porte la tâche de cette conjuration mais, comme Chalais avant lui, Cinq-Mars a certainement assumé et payé de sa vie une conspiration qui n'est pas réellement ou du moins, pas totalement son oeuvre. On a usé de son mécontentement et, une fois la conjuration découverte, on l'a envoyé payer tout seul. Mort à vingt-deux ans à peine, après avoir connu une ascension fulgurante et la faveur assumée du roi, Cinq-Mars qui n'est, à l'origine, qu'un petit noble de province comme il y'en avait tant à l'époque et qui ne s'élevèrent jamais au dessus de leur condition.
    Alors justement, ce fameux Cinq-Mars, qui inspira suffisamment Vigny pour qu'il lui consacre un roman, qui est-il ?
    Avant de nous intéresser plus particulièrement au roman, quelques petits points historiques. Ben oui, déformation professionnelle et puis, si vous me lisez, vous savez que j'aime bien ça !
    Henri Coiffié de Ruzé d'Effiat naît en 1620, d'Antoine Coëffier-Ruzé, marquis d'Effiat et de Marie de Fourcy. Son père était un ami proche de Richelieu qui a l'idée, en 1639, de présenter le jeune homme à Louis XIII. Après avoir faire s'éloigner de la Cour mademoiselle de La Fayette puis Marie de Hautefort, le tout puissant ministre a l'idée d'installer près du roi un favori masculin qu'il manipulerait à sa guise, comptant sur le lien qui l'unissait autrefois au père de Cinq-Mars pour s'attacher le jeune homme. Mais, en trois ans, Cinq-Mars devient un électron libre : il déçoit le roi en passant du temps chez la courtisane Marion de Lorme et se met le cardinal à dos après s'être mis en tête d'épouser Marie de Gonzague, d'un rang bien plus élevé que le sien. Il sera ensuite le représentant d'une énième conjuration contre Richelieu, la dernière et servira brillamment ce dernier qui pourra, à l'occasion de son jugement et de son exécution, le 12 septembre 1642, manifester une dernière fois de son pouvoir. C'est le dernier coup d'éclat d'un soleil couchant puisque Richelieu va mourir moins de trois mois plus tard. Exécuté en même temps que son ami de Thou, Cinq-Mars est resté, pour la postérité, le renégat qui a voulu vendre la France à l'Espagne, l'ingrat qui, après s'être élevé très haut, en a voulu plus encore et a conspiré par dépit.

    Richelieu traînant ses prisonniers sur le Rhône, tableau de Paul Delaroche (1829)


    Cinq-Mars est un personnage romantique avant la lettre et nul doute qu'il ait inspiré un auteur du XIXème, époque romantique par excellence : sa beauté, le tragique de son destin, la fulgurance de son passage et de son ascension, comme un éphémère météore, son exécution à vingt ans et le courage dont il fit preuve sur l'échafaud...Tout y est. Et Alfred de Vigny a trouvé dans ce destin un terreau fertile dans lequel il a fait pousser l'intrigue du premier roman historique français !
    Malheureusement, il a fallu que j'attende les ultimes chapitres pour que mon intérêt ouvre un oeil et se dise : « ah tiens ? Mais c'est intéressant, ça. »
    Mais c'est arrivé bien trop tard. Je ne dis pas que l'auteur n'a pas de talent et que le roman est sans intérêt, loin de là. Seulement, je l'ai trouvé un peu plat, pas aussi dynamique et enlevé qu'un bon Dumas, par exemple. Je m'attendais à un roman de cape et d'épée que je n'ai pas eu. L'orientation un peu plus romantique, qui fait de Cinq-Mars un héros presque sacrificiel et expiatoire, avec dès le départ des prémonitions qui semblent annoncer sa propre fin ne m'a pas gênée pour autant mais j'ai trouvé que les deux premiers tiers du livre étaient très longs. Cinq-Mars n'est finalement pas toujours au centre du récit, il disparaît souvent au profit d'autres personnages... Je n'ai pas non plus compris pourquoi l'auteur a choisi de se servir de l'affaire des possédées de Loudun comme trame à son roman. Certes, l'arrivée de Cinq-Mars alors que la ville est en ébullition et que le prêtre Urbain Grandier est en passe d'être jugé puis brûlé vif rappelle la fin imminente et similaire du héros. Mais que de fréquents rappels à cette histoire soient faits... Non vraiment, je n'en ai pas réellement vu l'utilité. Le destin de Cinq-Mars est court mais suffisamment dense pour se suffir à lui - même à mon avis.
    Parlons du style, maintenant. Si vous me suivez depuis longtemps ou que vous me lisez régulièrement, vous savez que j'aime beaucoup les classiques et notamment pour la qualité des textes et le savoir-faire des auteurs qui semble presque inné ! Nos auteurs du XIXème sont talentueux et méritent d'être lus : il y'avait à l'époque une vraie qualité de la langue, qu'on n'a peut-être plus aujourd'hui ou, du moins, qu'on ne retrouve plus aussi systématiquement. Chacun à un univers propre mais intéressant. J'aime les textes classiques pour leur force et leur capacité à sublimer les mots. J'ai retrouvé ça chez Vigny : un vrai talent, une écriture intéressante mais parfois un peu alambiquée, peut-être. D'où parfois, des moments où je me suis surprise à lire mécaniquement et à ne vraiment pas comprendre ce que j'avais sous les yeux. Le roman demande beaucoup de concentration, que je n'ai peut-être pas eue au bon moment, malheureusement.
    Je ressors de cette lecture avec un sentiment assez étrange. J'ai conscience que ce que j'ai écrit plus haut peut vous faire douter et que vous vous dites que je n'ai pas aimé. En fait, c'est plus compliqué que ça ! Disons que certaines choses m'ont déplu, mais j'ai trouvé cette lecture intéressante par bien des aspects. Lire un classique historique pour nous, lecteurs contemporains, c'est un peu comme une mise en abyme : c'est l'Histoire qui parle d'Histoire. Né en 1797, Alfred de Vigny a traversé l'Empire puis a vu les Bourbons restaurés. Il écrit sous le règne de Charles X, descendant direct de ce Louis XIII au centre de l'intrigue et qui fit du jeune Cinq-Mars son favori. Il est clair que la vision qu'on avait de l'Histoire à cette époque n'est pas la même qu'aujourd'hui. La discipline n'est plus considérée ni abordée de la même manière. Au XIXème siècle, l'Histoire se raconte avec beaucoup de fougue, mais on la romance à souhait, même dans les livres qui se veulent scientifiques. C'est souvent par eux, d'ailleurs, qu'ont été forgées et véhiculées des légendes noires. C'est le cas pour Louis XIII et Richelieu, qui apparaissent dans ce roman exactement tels qu'on les percevait au XIXème : le machiavélique et tout puissant ministre, prêt à tout pour arriver à ses fins, le roi faible, malléable et manipulable, suspendu comme un pantin aux moindres désirs et décisions de son éminence rouge. S'il y'a un peu de vrai là dedans il y'a aussi beaucoup de faux et on sait aujourd'hui que la relation qui a uni Louis XIII à Richelieu est plus complexe. J'ai retrouvé aussi chez Vigny, comme chez Dumas aussi, d'ailleurs, cette absence d'hésitation à manipuler les faits et les dates à sa convenance quoique cela soit peut-être moins flagrant chez Vigny. Cela ne me dérange pourtant pas. Un roman historique bien documenté et aussi proche de la réalité que possible est très intéressant mais cela ne me gêne pas quand l'imaginaire et la fiction prend le dessus, dans la mesure où c'est assumé et qu'on commet l'erreur sciemment. Dans ce roman, j'ai retrouvé tous ces grands personnages qui ont gravité, de manière plus ou moins proche, autour de Cinq-Mars, le dernier favori de Louis XIII, le dernier coup de génie de Richelieu. On retrouve dans ce roman la pieuse mère du héros, la maréchale d'Effiat, l'ami fidèle jusque dans la mort, de Thou, l'amoureuse sincère mais promise à un trône, Marie de Gonzague. Les Grands dominent l'intrigue : le roi, son ministre, la reine, Gaston d'Orléans etc... Brigands prêts à tout, moniales immaculées viennent compléter le tableau qui s'avère effectivement chargé mais qui fonctionne.
    Il y'a beaucoup de bonnes choses dans ce roman. Beaucoup de points positifs, malheureusement, j'ai trouvé qu'ils arrivaient un peu tard et c'est dommage. Je déplore aussi que le personnage qui est censé être le héros disparaisse parfois de longs moments au profit d'autres personnages sans grand intérêt pour le développement de l'intrigue.
    Mais j'ai aimé cette touche de romantisme que l'auteur a donné à Cinq-Mars ! Oui, c'est anachronique mais ça marche ! Il y'a du Werther et du Chateaubriand dans ce favori royal ! Finalement quand on y pense, c'est vrai et c'est donc cohérent. J'ai aimé aussi que l'auteur oriente tout son roman vers la fin, pressentie et inéluctable grâce à des signes ou des présages qui émaillent le récit et avertissent autant le lecteur que Cinq-Mars de la fin qui l'attend.
    Le roman est plutôt efficace et bien senti. C'est un bon roman historique, un bon classique mais qui n'a pas su me convaincre complètement pour autant. Il m'a manqué un petit quelque chose pour me sentir réellement investie. 

    En Bref : 

    Les + : l'intrigue et la fiction historique qu'en fait Vigny, cohérente et vraisemblable. 
    Les - : j'ai trouvé beaucoup de longueurs aux deux premiers tiers du roman et je me suis un peu ennuyée ; le style, pas forcément très facile d'accès tant qu'on est pas habitué. 

     


    2 commentaires
  • « Ne promettrons-nous pas tous, alors, d'aller jusqu'au bout de notre amère voie ? »

    Dracula ; Bram Stoker

     

     Publié en 1897 en Angleterre ; en 2009 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : Dracula

    Editions Le Livre de Poche

    604 pages 

    Résumé :

    Jonathan Harker, jeune notaire, est envoyé en Transylvanie pour rencontrer un client, le comte Dracula, nouveau propriétaire d'un domaine à Londres. A son arrivée, il découvre un pays mystérieux et menaçant, dont les habitants se signent au nom de Dracula. 
    Malgré la bienveillance de son hôte, le jeune clerc ne peut qu'éprouver une angoisse grandissante. Très vite, il se rend à la terrifiante évidence : il est prisonnier d'un homme qui n'est pas un homme. Et qui partira bientôt hanter les nuits de Londres...Grand classique de la littérature de vampires, best-seller de tous les temps après la Bible, Dracula est une source d'inspiration inépuisable. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Au lycée, j'ai lu une version abrégée de Dracula. Une lecture qui me suffisait amplement à cette date-là, je dois bien l'avouer. J'avais aimé cette lecture et, au départ, je n'ai ressenti aucun sentiment de frustration. Celle-ci est venue bien après, quand je me suis dit que c'était dommage, quand même, de n'avoir jamais eu la version intégrale entre les mains.
    Eh bien, voilà ! C'est chose faite ! J'ai ENFIN lu Dracula, le texte intégral et, bien sûr -ce dont je me doutais de toute façon avant même d'ouvrir le livre-, j'ai beaucoup aimé ! Ce roman est culte, c'est un classique de la littérature anglaise et de la littérature fantastique en général !
    Ai-je réellement besoin de vous présenter ce roman ? Je ne pense pas : sans l'avoir lu, je suis sûre que vous le connaissez, ne serait-ce qu'un petit peu, peut-être au travers du cinéma ou des diverses adaptations.
    Mais on va quand même en dire quelques mots. Au XIXème siècle, donc, un jeune notaire anglais, Jonathan Harker, est mandaté pour se rendre en Transylvanie, au beau milieu des Carpates, à la rencontre d'un mystérieux client ayant acheté une demeure à Londres. Là, il se heurte à un pays extrêmement différent du sien, encore très marqué par les superstitions et les croyances ancestrales, que le jeune homme n'est pas loin de prendre, au départ, pour de l'idolâtrie (« J'ai lu quelque part que toutes les superstitions du monde sont rassemblées dans le fer à cheval des Carpates, comme si elles formaient les limites d'un tourbillon où se concentrent les imaginations populaires. » ). Puis il arrive enfin au château du comte Dracula ou tout se complique. Prisonnier de cette vieille forteresse, Jonathan va assister à des choses qui dépassent son entendement... Et si les croyances ancestrales étaient finalement bien plus fondées qu'elles n'en ont l'air ?
    Bram Stoker, comme beaucoup d'auteurs du XIXème siècle surfe en quelque sorte sur une vague qui marche très bien à l'époque : le fantastique. Edgar Allan Poe en est un bon représentant, Mary Shelley également... En France, ce sont des auteurs comme Maupassant, Gautier ou encore Barbey d'Aurevilly qui s'essaient aux romans ou nouvelles fantastiques. Même Dumas commettra une fameuse Dame des Carpates, preuve que le genre, alors, est florissant ! Fantômes, revenants, vampires, loup-garous et autres événements inexpliqués y ont la part belle et font vendre. Comme aujourd'hui. Personnellement, je ne suis pas fan de bit lit et ne l'ai jamais été. Le fantastique n'est pas mon genre de prédilection et, disons le tout de suite, si jamais je dois m'y frotter, je préfère encore la version de Stoker que celle de Meyer : je n'ai rien contre Twilight, ne l'ayant pas lu, mais cette version un peu trop contemporaine ne me tente pas. Quitte à lire une histoire de vampires, autant se tourner vers les classiques.
    Stoker s'inspire là d'un mythe bien connu et qui terrifie l'humanité depuis des siècles : celui du vampire, monstre à apparence humaine qui ne vit qu'une fois la nuit tombée et se nourrit du sang de victimes qu'il contamine peu à peu. Si les romans modernes ont participé à rendre le personnage presque glamour, je vous garantis qu'il n'en est absolument rien dans ce roman ! Dracula est terrifiant à souhait et correspond bien à l'archétype du vampire et à l'image qu'on se fait du personnage, même si, paradoxalement, c'est justement le Dracula de Bram Stoker qui a fixé l'image courante.
    L'auteur s'inspire là de légendes et croyances intemporelles parce que le vampire se retrouve, sous diverses formes, dans toutes les civilisations et régions du monde : il est très lié, notamment, au mystère du sang et à l'inquiétude de la mort et de l'après. Connu dès l'Antiquité, avec les personnages de Lilith ou Lamia, sensuels quand ils s'incarnent en figures féminines, le vampire se retrouve dans les civilisations pré colombiennes, comme en Afrique, en Amérique comme en Asie. En Europe, c'est surtout à partir du XVIIIème siècle que le mythe se popularise même si le vampire est présent dans les légendes slaves dès le Moyen Âge.
    Quant au fameux voïvode de Valachie, Vlad III, qui fit régner la terreur en Transylvanie sous son règne, empalant systématiquement ses ennemis, il reste très associé au mythe du vampire de part surtout la proximité de son surnom, dracul -qui signifie dragon en roumain-, et parce que Bram Stoker en a fait le modèle de son propre personnage. Le Dracula du roman est en effet censé avoir vécu au temps de la domination turque sur les Carpates et les avoir combattus, ce qui présente une certaine analogie avec le personnage historique et authentique. Le voïvode reste donc associé au mythe de part cet amalgame, sans l'avoir été de son vivant.
    Au XXème siècle, c'est ensuite le cinéma qui s'empare du mythe : en 1922, Murnau réalise le fameux Nosferatu ; Bela Lugosi interprétera un inquiétant suceur de sang dans le film de Tod Browning en 1931 ; Roman Polanski, dans les années 1960, met en scène sa jeune épouse Sharon Tate, dans Le Bal des Vampires tandis que le roman de Stoker est adapté à merveille par Coppola. Quant aux romans de Anne Rice, ils connaîtront un succès qui ne se dément pas, notamment grâce aux adaptations cinématographiques. Aujourd'hui, romans, films et séries télévisées, notamment destinés aux adolescents et qui donnent une vision plus positive des vampires ou à tout le moins, moins effrayante, se popularisent sans cesse.

    Bela Lugosi dans le film de Tod Browning (1931) : son costume évoque celui des nobles austro-hongrois du XIXème siècle 


    Le vampire est donc un personnage très connu mais qui ne cesse de susciter chez nous une certaine angoisse et Bram Stoker sait distiller celle-ci à merveille. Il joue sur nos peurs les plus enfouies, tout cela dans une ambiance noire et tendue qui participe bien sûr à créer un certain malaise chez le lecteur, malaise qui ne nous quitte plus. Et pourtant, l'histoire de Dracula est archi-connue : même sans avoir lu le roman on connaît l'histoire. Et pourtant, on ne peut s'empêcher de se faire happer par l'ambiance et tout le brouillard qu'elle véhicule... On ressent la même angoisse que les personnages, notre esprit rationnel est mis à aussi rude épreuve que la leur !
    C'est là justement l'un des tours de force de l'auteur : son intrigue est, en elle-même, tellement vraisemblable au départ qu'on finit par se dire : est-ce que ça pourrait exister ? Est-ce qu'une telle chose pourrait réellement, rationnellement exister ? L'auteur arriverait presque à nous faire douter !
    Les personnages, justement, luttent justement tout au long du roman, entre leur esprit pragmatique et leur rationalité fondamentalement humaine -qui est aussi une manière de protection-, et l'idée irrépressible que tout ce à quoi ils sont confrontés est vrai, complètement réel. Ils sont tiraillés entre ce que leur dicte leur esprit et ce qu'ils ressentent au fond d'eux mais qu'ils rejettent, comme un relent d’idolâtrie ou de superstitions. La phrase de Van Helsing, prononcée alors qu'il se bat pour sauver Lucy, est éloquente : « Ne craignez même pas de  considérer l'impossible ! »
    On suit donc tout au long du roman leur prise de conscience, qui se fait progressivement et les terrifie ( « Parfois, vous ne permettez pas à vos yeux de voir ni à vos oreilles d'entendre et vous ne vous encombrez pas de tout ce qui transcende votre vie quotidienne. Ne croyez-vous pas qu'il existe des forces que vous ne pouvez comprendre - ce qui n'exclut pas leur existence ? » ). Nous, en temps que lecteurs, nous sommes vite happés par l'ambiance et la tension : tout y est pour nous faire froid dans le dos... Le château en ruines perdu au fin fond de la forêt des Carpates, les loups, le brouillard, des vaisseaux fantômes, d'immenses chauve-souris, des fous à lier... Bram Stoker maîtrise son intrigue à merveille, ainsi que ses personnages. Ils sont tous attachants pour diverses raisons et, au - dessus d'eux, domine le comte, qu'on ne peut assurément pas qualifier d'attachant mais qui est fascinant de charisme. Dracula est sans nul doute terrifiant mais il a aussi quelque chose de très attirant et on finit par rechercher sa présence, tout en la redoutant.
    En même temps, au sein même du marasme, on sent vite l'espoir poindre, notamment grâce à la science, qui se développe beaucoup à l'époque et notamment la médecine, représentée par le professeur Van Helsing et le docteur Seward. Le vampirisme qui atteint successivement Lucy Westenra puis Mina Harker, la femme de Jonathan est abordée comme une maladie, sérieuse, certes, mais pas incurable. A travers la figure des deux médecins, c'est finalement le triomphe de la modernité sur les croyances anciennes et sur les peurs les plus enfouies et surtout sur l'idée que tout est fatalité : rien n'est impossible, pas même le fait de lutter contre un vampire, à partir du moment où la science se met au service d'un tel combat.
    Seward et Van Helsing ne sont pas des super héros et ils ne sont pas exempts de périodes de doutes, d'impuissance et de terreurs, mais ils ont aussi la conviction inébranlable qu'ils peuvent faire quelque chose, qu'ils en ont les moyens, ce qui est une arme puissante.
    J'ai aussi aimé le personnage de Mina, peut-être parce qu'elle est le seul personnage féminin que l'on suit jusqu'au bout et qui est partie prenante de la lutte contre Dracula. Elle est forte et a beaucoup de courage : en cela, elle est admirable. J'ai aussi apprécié la relation qui l'unit à son mari, Jonathan.
    Dracula est un roman très abouti, certainement l'un des meilleurs romans fantastiques du XIXème siècle. Bram Stoker a effectué là un excellent travail et son roman est servi par un style unique où dominent tour à tour la gravité et l'humour, la terreur la plus noire puis l'espoir. Il maîtrise aussi très bien l'art de la description : les paysages grandioses et sauvages de Transylvanie se déploient sous nos yeux. Puis c'est le Londres victorien qui s'offre à nous.
    Cette lecture ne laisse assurément pas indifférent. On aime ou pas... C'est vrai que certains passages sont peut-être un peu longs parfois, bien que, personnellement, je n'ai ressenti aucune lassitude au cours de ma lecture.
    J'ai vraiment eu l'impression de redécouvrir le texte et j'ai beaucoup aimé l'alternance des points de vue grâce à la présentation en forme de journaux intimes ! Je le connaissais déjà un peu, ce texte, mais je me suis aperçue que les versions abrégées suppriment aussi des passages extrêmement importants et pour lesquels un résumé de quelques lignes ne suffit pas. Dracula est un tout,on ne peut réellement dissocier ce qui est important de ce qui ne l'est pas. Au final, tout, dans l'intrigue, présente un intérêt pour nous, lecteurs, pour notre compréhension.
    Je me suis vraiment laissée allée dans cette intrigue, non sans délices. J'ai tellement aimé frissonner et avoir peur ! J'ai tourné la dernière page ravie d'avoir enfin lu une version intégrale de ce roman. Je déplore quelques coquilles d'impression. A part ça, rien à dire. 

    Keanu Reeves (Jonathan Harker) et Gary Oldman (Dracula) dans le film de Francis Ford Coppola (1993)

    En Bref :

    Les + : un roman bien mené, effrayant à souhait. Bram Stoker sait assurément parfaitement jouer avec nos peurs les plus enfouies. 
    Les - :
    quelques coquilles d'impression. 

     

     

     


    4 commentaires
  • « L'amour, la haine, vous n'avez qu'à choisir, tout couche sous le même toit ; et vous pouvez, doublant votre existence, caresser d'une main et frapper de l'autre. »

    Les Liaisons Dangereuses ; Pierre Choderlos de Laclos

    Publié en 2008

    Date de parution originale : 1782

    Editions Folio (collection Plus Classiques)

    478 pages

    Résumé : 

    La jeune Cécile Volanges quitte son couvent pour faire l’apprentissage du monde et épouser le comte de Gercourt, mais une de ses parentes, la marquise de Merteuil, entend profiter de ce projet de mariage pour se venger d’une infidélité que lui a faite autrefois Gercourt. Elle charge donc son complice, le vicomte de Valmont, de pervertir Cécile avant ses noces. Mais loin de Paris, dans le château de sa vieille tante, Valmont s’est de son côté mis en tête de séduire la dévote présidente de Tourvel, et une idylle bientôt se noue entre la « petite Volanges » et le jeune Danceny.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Les Liaisons Dangereuses est un monument de notre paysage littéraire français. C'est indéniable et je pense que cette lecture est presque incontournable pour tout amoureux de littérature.
    En ce qui concerne ma rencontre avec ce grand classique, je dois dire qu'elle fut des plus houleuses et des plus conflictuelles.
    Pour cela, il faut remonter en 2008. Je suis alors en Terminale L et Les Liaisons Dangereuses sont au programme du BAC... et me voici donc entamant courageusement la lecture de ce grand classique, du haut de mes dix-sept ans... certes je n'étais pas une lectrice novice mais il est clair que mon rythme de lecture n'était pas le même à cette date qu'il ne l'est aujourd'hui. Et surtout, même si j'aimais déjà ce genre, les classiques étaient surtout pour moi, et avant tout, des lectures scolaires.
    J'ai bien fait cependant de donner une deuxième chance à ce roman. Non seulement parce qu'il en vaut la peine mais aussi parce que je me suis rendu compte combien la sensibilité chez une même personne peut changer du tout au tout en quelques années. Il est sûr que je n'ai absolument pas abordé cette lecture cette année comme je l'avais abordée en 2008. Déjà, la notion de lecture plaisir était totalement absente lors de ma première lecture. La notion d'obligation, elle par contre, était bien présente. Aujourd'hui, c'est parce que j'en avais envie que j'ai repris cette lecture et parce que je savais qu'après une rencontre chaotique, j'aimerais ce livre, parce qu'il ne pouvait en être autrement... si, il y'a neuf ans, le XVIIIème siècle était pour moi une époque comme une autre ou une epoque parmi d'autres, tout a changé depuis : est-il possible de mesurer l'amour inconditionnel et la passion excessive que je porte à ce siècle ? Aurais-je pu le deviner à l'époque ? Certainement pas, comme je n'aurais pas pu deviner non plus que le tableau qui illustre mon édition faisait partie de l'oeuvre d'un peintre dont je tomberais amoureuse au cours de mes études... 
    Bref... si tout était réuni, la première fois, pour que cette lecture ne soit pas transcendante, tout cette fois, était assurément réuni pour qu'au contraire cette lecture me ravisse de bout en bout...
    Est-il besoin de présenter Les Liaisons et ses personnages qui, aujourd'hui, sont entrés dans l'Histoire ? Qui n'a jamais entendu parler de la subtile mais peu vertueuse Marquise de Merteuil, du roué Vicomte de Valmont, de l'innocent Chevalier Danceny, de la dévote Présidente de Tourvel et de la naïve Cécile de Volanges ?
    Tout est réuni pour qu'un drame se noue entre nos différents personnages, un drame qui changera à jamais leurs existences à tous et en perdra certains, irrémédiablement. Et tout ça, pour une sombre histoire de vengeance qui finira par se retourner brutalement contre ses instigateurs.
    Assurément, les personnages sont pour beaucoup dans l'intérêt que l'on peut avoir pour le livre. Ils ne font pas tout mais sont prépondérants et représentent tous leur siècle, à leur manière. Les libertins Valmont et Merteuil sont les émules de ce siècle des Lumières qui s’émancipe tandis que la présidente de Tourvel, confite en dévotion et la petite Volanges, naïve adolescente fraîchement tirée du couvent par une mère qui ne souhaite la voir entrer dans le monde que pour la marier représentent l'autre face d'une époque tellement complexe et paradoxale et considérée justement comme obscurantiste par les intellectuels, à commencer par les philosophes des Lumières, bien souvent cités par Laclos (cette phrase de Madame de Mertueil, libertine de corps, mais aussi d'esprit, est révélatrice : « Ma tête seule fermentait ; je ne désirais pas de jouir, je voulais savoir ; le désir de m'instruire m'en suggéra les moyens. » ). Quel siècle en effet, mieux que le XVIIIème siècle, est tout et son contraire ? Epoque d'émulation culturelle et scientifique et, en même temps, époque de crispation religieuse ? Époque libertine ou l'on revendique tout autant la connaissance que la jouissance du corps et, en même temps, où la vertu, surtout féminine, est portée aux nues ?

    Résultat de recherche d'images pour "les liaisons dangereuses"


    Les Liaisons Dangereuses représente tout ça et le roman est servi par un style certes ardu mais si plaisant pour toute personne qui, comme moi, porte un intérêt à l'époque. Certes, il n'est pas aussi facile à aborder qu'un style contemporain mais c'est justement ce qui fait toute sa force. Lors de ma première lecture, c'est très certainement l'un des aspects du roman qui m'avait posé problème : la difficulté du style m'avait gênée et m'avait fait perdre tout intérêt pour le reste de l'intrigue, même si j'étais consciente de sa grande qualité littéraire.
    Aujourd'hui, c'est avec volupté que je me suis plongée dans la lecture de ce texte. Un grand texte. Tous les ingrédients sont réunis pour que l'histoire soit intéressante, bien qu'assez difficile. Le côté épistolaire peut rebuter un peu au premier abord et instaurer une certaine distance entre le lecteur et les personnages. On ne peut certes pas dire que l'on s'y attache réellement mais ils ont tous un intérêt singulier, même ceux qui peuvent paraître les plus insipides. La rouerie de Merteuil et Valmont est sidérante à souhait, la naïveté de Cécile et de Danceny, exaspérante jusque ce qu'il faut !!
    C'est la prise de pouvoir du vice contre la vertu et, en même temps, le vice qui, lentement est en train de se retourner contre lui-même. Cela dit, si les plus coupables se retrouvent cruellement punis, les innocents manipulés n'en payent pas moins le prix et parfois, tout aussi chèrement que ceux qui avaient le plus à se reprocher. Laclos n'épargne aucun de ses personnages et la coupe sera bue jusqu'à la lie. 
    La tension dramatique monte crescendo et le lecteur se sent alors partie prenante d'une intrigue qui pourtant, par ses codes, par son langage, ne peut lui être qu'on-ne-peut-plus étrangère -je parle des lecteurs contemporains, bien sûr, il n'en allait sûrement pas de même pour les lecteurs du XVIIIeme siècle. Assurément que cet aspect du roman est sa grande force. La correspondance n'aurait certainement aucun intérêt si elle finissait autrement. 
    Le fait que cette correspondance soit de plus présentée -et adroitement- comme une correspondance authentique, récupérée par l'auteur et mise en forme par lui, si on sait pourtant que c'est faux, n'en force pas moins l'allure du récit et fait aussi partie intégrante de son intérêt, à mon avis. J'ai aimé cet aspect du récit qui le fait passer pour un échange réel et nous fait louvoyer entre doutes et certitudes -même si les notes de bas de page nous détrompe au cas où l'on conserverait longtemps un reste de doute.
    Cette lecture, froide, cynique et en même temps éminemment complexe, personnifie assurément bien toutes les facettes de son siècle. Les Liaisons Dangereuses est un roman peut-être un peu difficile de prime abord, qui se mérite mais se donne ensuite, à ce qui sait l'apprécier à sa juste valeur.
    Voilà un exemple de relecture qui a porté ses fruits et me conforte dans l'idée qu'il y'a un temps pour un tout et assurément aussi, un temps bien défini pour découvrir tel ou tel livre. Je suis passée devant cette lecture sans forcément m'y attarder la première fois mais c'était pour mieux l'embrasser la seconde fois.
    Je ressors de cette lecture absolument ravie et encore plus amoureuse du XVIIIème siècle, si tant est que cela soit possible... parce qu'au train où je vais, cela va finir par friser l'obsession !!! 

    En Bref :

    Les + : une histoire d'un cynisme rare, des personnages ciselés, la complexité d'une époque saisie avec finesse : assurément un grand texte.
    Les - :
    un style peut-être un peu ardu au premier abord.

    Les Liaisons Dangereuses ; Pierre Choderlos de Laclos

    Bingo littéraire du printemps

     


    8 commentaires
  • « Mes années sont mes secrétaires ; quand l'une d'entre elles vient à mourir, elle passe la plume à sa puînée, et je continue de dicter ; comme elles sont sœurs, elles ont à peu près la même main.  »

    Mémoires d'Outre-Tombe, livres XIII à XXIV ; François-René de Chateaubriand

     

    Publié en 2001

    Date de publication originale : 1849

    Editions Le Livre de Poche (collection Les Classiques de Poche)

    798 pages

    Deuxième tome des Mémoires d'Outre-Tombe

    Résumé : 

    Le temps du Consulat et de l'Empire qui couve cette deuxième partie des Mémoires, Chateaubriand le définissait comme celui de sa carrière d'écrivain. Et ce sont en effet de belles années de fécondité littéraire, puisque alors s'écrivent Atala, le Génie du Christianisme et Les Martyrs. Mais comme toujours s'entrecroisent l'histoire privée et l'histoire publique que les deuils ici réunissent : en 1803, la mort de Pauline de Beaumont à Rome dans les bras de l'écrivain-diplomate, et, en 1804, l'assassinat du duc d'Enghien qui entraîne la rupture avec Napoléon. Un empereur détesté, et pourtant assez admiré pour que la seconde partie de ce volume en retrace longuement la vie et que sa disparition contresigne la fin d'un monde : « Pourquoi ai-je survécu au siècle et aux hommes à qui j'appartenais par la date de ma vie ? Pourquoi ne suis-je pas tombé avec mes contemporains, les derniers d'une race épuisée ? Pourquoi suis-je demeuré seul à chercher leurs os dans les ténèbres et la poussière d'une catacombe remplie ? Je me décourage de durer. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En janvier dernier, après beaucoup d'hésitations, j'ai enfin sorti de ma PAL le premier volume des mémoires de Chateaubriand.
    Au final, j'avais été très agréablement surprise par ce livre et j'avais eu rapidement envie de sortir le deuxième tome des rayonnages de ma bibliothèque. C'est chose faite.
    Ce livre m'a occupée un bon moment et je me suis surprise à lire bien moins rapidement que d'habitude. Je crois que ce rythme un peu plus lent s'imposait de toute manière.
    On ne se plonge pas dans un classique, à plus forte raison, des mémoires, comme dans un roman contemporain. Je crois que ce temps que j'ai pris et m'a donc fait délaisser un peu le reste de ma PAL était nécessaire, afin de bien prendre la mesure de ce livre, très riche. Prendre son temps ne veut pas dire pour autant qu'on le perd.
    Mémoires d'Outre-tombe est une oeuvre majeure de notre paysage littéraire classique, une oeuvre qui traverse les époques mais est encore très lue et très étudiée. Pour moi qui n'ai jamais ouvert un livre de Chateaubriand pendant ma scolarité, il était évident que ces livres feraient un jour partie de ma vie de lectrice. J'ai commencé par hasard par ses mémoires. Cela dit, je n'exclus pas de lire un jour certains de ses romans.
    Dans ce deuxième et avant-dernier volume des mémoires, nous retrouvons les livres XIII à XXIV et nous quittons le XVIIIème siècle pour le XIXème. François-René de Chateaubriand, en ce début des années 1800, n'est plus un émigré. Il a regagné la mère patrie, après avoir passé plusieurs années en Angleterre. Issu d'une famille de la noblesse bretonne, hostile aux idées de la Révolution, il a intégré l'Armée des Princes avant de s'installer en Angleterre, dont il ne rentrera qu'à l'avènement du Consulat, qui marque les dernières années de la Révolution et amorce l'Empire. Si le nom de Chateaubriand est bien vite radié des listes des émigrés, il n'en est pas pour autant un fidèle de Napoléon, dont il n'hésite pas à condamner sévèrement certaines de ses actions dans ses mémoires.
    Dans ce second volume, après s'être attelé dans le premier à la relation de la prime jeunesse, de l'adolescence et de l'entrée dans l'âge adulte -mouvementée pour Chateaubriand puisqu'elle coïncide avec les débuts de la Révolution-, l'auteur évoque pour nous les débuts de sa renommée littéraire et de sa carrière politique, qui démarre à Rome, en 1803, comme secrétaire d'ambassade auprès du cardinal Fesch, oncle maternel de Bonaparte. Carrière politique qui ne cessera ensuite de croître puisque Chateaubriand, sous la Restauration, occupera un siège de ministre et traversa les premières décennies mouvementées, politiquement parlant, du XIXème siècle en étant aux premières loges.
    Ce qui caractérise aussi Chateaubriand, c'est qu'il aima beaucoup voyager et ne s'en priva pas. Ainsi, dans le premier tome des Mémoires d'Outre-tombe, il nous entraînait à sa suite dans les forêts encore sauvages du Canada et de la jeune Amérique. Là, en sa compagnie, nous découvrons, grâce au voyage qu'il entreprit entre 1806 et 1807, dans le bassin méditerranéen et qui l'emmena jusqu'en Terre Sainte, l'aspect de cette partie du globe, avec ses traditions et ses curiosités : lire Chateaubriand, c'est voir se réveiller un monde endormi depuis si longtemps !
    Mais il nous raconte aussi ses périples plus locaux, en terre de France, en Provence par exemple, sur les traces de Laure et de Pétrarque ou encore en Savoie, dans les pas de Rousseau.
    Globe-trotter, Chateaubriand donne parfois à ses mémoires des allures de carnets de voyage, dans la plus pure tradition des grands explorateurs et j'avoue avoir beaucoup aimé cet aspect de son oeuvre.
    Autre aspect de l'oeuvre qui m'a, très vite, sauté aux yeux, c'est l'aspect politique, que j'ai déjà soulevé plus haut. Celle-ci n'était pas absente dans le premier volume, puisque Chateaubriand y raconte la Révolution. Mais ici, c'est la relation d'une politique dont il est acteur à laquelle l'auteur s'attache. Comme Lamartine, Chateaubriand est un drôle d'animal, avec de multiples casquettes, si l'on peut dire. Et le poète, le romancier s'efface, dans ces livres, derrière l'homme politique, accompli ou en devenir. Chateaubriand fait ses armes dans l'opposition, sous l'Empire, puisqu'il n'hésite pas à s'opposer assez franchement à Napoléon. Puis Chateaubriand, pur produit de cette noblesse provinciale attachée aux principes monarchiques, ancien combattant de l'Armée des Princes, anéanti par l'exécution sommaire et allant à la rencontre de toutes les règles de l'honneur du duc d'Enghien, dans les fossés de Vincennes, se montrera un serviteur zélé des Bourbons restaurés. C'est cependant sous l'Empire, un régime qu'il condamne dans ses mémoires, que l'auteur d'Atala et René, devient un politique, au détriment de sa carrière littéraire qui prend fin relativement tôt, au début des années 1810...

    Le Premier Consul traversant le col du Grand Saint-Bernard, par Jacques-Louis David (1801)


    Ce qui m'a aussi beaucoup surprise dans cet opus, c'est que Chateaubriand s'éloigne du principe essentiel des mémoires, qui est de se raconter. Il se fait en quelque sorte historien voire historiographe de l'Empire et des années qui le précèdent. En cela, on fait un bond dans le temps puisque l'auteur délaisse le XIXème siècle pour revenir au XVIIIème ! C'est cependant avec beaucoup de fantaisie et d'approximations que Chateaubriand nous dresse là un portrait de Napoléon et de son temps : lapsus et dates erronées se succèdent, heureusement détrompées par les notes de bas de page ! Mais c'est avec beaucoup de gravité et d'émotion qu'il nous rapporte la mort du duc d'Enghien, certaines pièces du procès et les réactions que cette exécution inique entraîna, avec beaucoup de justesse aussi qu'il juge le bilan de Napoléon Ier : en cela, toutes ses réflexions ne sont pas dénuées de sens et certaines même, sont particulièrement fondées. On peut donc pardonner à Chateaubriand quelques fantaisies chronologiques.
    Ce tour plus général, s'il m'a surprise, ne m'a pas gênée pour autant. Au contraire, on s'éloigne un peu du romantisme et du pessimisme qui caractérisaient les premiers livres des Mémoires et qui peuvent surprendre voire lasser, parce qu'un peu redondants.
    Chateaubriand n'est cependant pas un historien et sa méthode est bien loin d'être parfaite mais on sent chez lui la volonté de rapporter des événements marquants, pas encore très éloignés dans le temps mais qui sont déjà en passe de devenir historiques et incontournables. La relation de cette époque, en bascule entre l'ancienne et la vieille France et qui forge la nation contemporaine donne lieu à de subtils et très justes commentaires, qui ne font d'ailleurs que confirmer l'immense talent de l'auteur. Car si Chateaubriand n'est qu'un piètre historien, il est dans nul doute un grand homme de lettres !
    Justement, venons-en au style. Si vous avez lu ma chronique du premier tome qui contient les livres I à XII, vous avez certainement remarqué que ce qui m'avait énormément plu, c'était justement ce style, inimitable et très personnel, que je ne connaissais absolument pas : style très chaleureux, vivant, mais soigné, émaillé de latinismes, anglicismes, provincialismes et autres néologismes, le style de Chateaubriand est unique !
    C'est bien simple, j'avais presque eu l'impression de lire un roman ! J'ai retrouvé cette sensation dans le deuxième opus, malgré un début qui m'a un peu moins captivée : j'ai donc mis pas mal de temps pour passer les cents premières pages. Ensuite, j'ai enchaîné plus facilement et les chapitres se sont déroulés de façon bien plus fluide, même si l'aspect très général de l'oeuvre, assez opposé à l' idée que je me fais des mémoires, n'a pas laissé de me surprendre !
    Il est vrai que Chateaubriand traverse une époque tellement riche en événements divers qu'il aurait été encore plus surprenant qu'il les passe sous silence : la Révolution, le Consulat, l'Empire puis la Restauration des Bourbons, après les Cent-Jours et Waterloo font aujourd'hui partie des événements fondateurs du XIXème siècle français et de l'époque contemporaine. J'ai aimé les voir au travers des yeux de Chateaubriand. C'est l'homme politique et non plus l'homme de lettres qui écrit, ici. Les événements prennent donc le pas sur la vie personnelle.
    Vous l'aurez certainement compris, loin de me rebuter, cet aspect du livre m'a plu et je ressors de cette lecture aussi enthousiasmée que lors de ma lecture du premier tome ! Chateaubriand est décidément un auteur dont j'apprécie l'univers ainsi que le style littéraire, qui a une vraie qualité, du relief et une personnalité, ce qui est extrêmement important à mon sens.
    Mémoires d'Outre-tombe fait partie de ces classiques qu'on est heureux d'avoir lu au moins une fois dans sa vie, même si, effectivement, ce sont des livres qui peuvent faire peur et dissuader au premier abord. 

    En Bref :

    Les + : des mémoires surtout orientées sur la politique mais particulièrement intéressants et qui éclairent le début du XIXème siècle français d'un jour nouveau ; un style toujours aussi parfait.
    Les - :
      un début un peu lent à démarrer...en d'autres termes, des premiers chapitres un peu difficiles à lire, mais qui laissent heureusement la place à quelque chose de bien plus intéressant par la suite. 

    Mémoires d'Outre-Tombe, livres XIII à XXIV ; François-René de Chateaubriand

    Bingo littéraire du printemps

     


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique