• Elle et lui ; George Sand

    « Ces nouveaux tourments qui semblent se préparer, ce n'est pas pour moi seule que je les redoute ; s'il était possible qu'en amour l'un des deux fût heureux quand l'autre souffre, la route du dévouement serait toute tracée et facile à suivre ; mais il n'en est pas ainsi, vous le voyez bien : je ne puis avoir un instant de douleur que vous ne le ressentiez. Me voilà donc entraînée à gâter votre vie, moi qui voulais rendre la mienne inoffensive, et je commence à faire un malheureux ! Non, Palmer, croyez-moi ; nous pensions nous connaître, et nous ne nous connaissions pas. »

    Elle et lui ; George Sand

     

     

        Publié en 2022

        Editions RBA (collection Romans Éternels)

        Date de parution originale : 1859

      233 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Une transposition romanesque de la passion du poète Alfred de Musset avec la romancière. C'est une aventure romantique et passionnée qu'ils vivent ici sous les traits de Laurent et Thérèse. Du triomphe de la passion jusqu'à son triste déclin, les amants vont se découvrir, s'aimer et se déchirer, au fil d'une histoire fantasque, où la jalousie et la mort ne sont jamais loin des plus ardents désirs.

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1859, paraît un roman autobiographique de Sand, souvent considéré comme une réponse à La Confession d’un enfant du siècle de Musset et la version de l’autrice de la relation passionnée mais tumultueuse qui l’a unie pendant plusieurs années à Musset, qu’elle rencontre en 1833.
    Dans ce roman, tout est vrai et rien n’est vrai. George Sand y devient Thérèse Jacques et Musset, Laurent de Fauvel. Les deux héros ne sont plus des auteurs mais des peintres. On ne sait pas grand chose de leur passé si ce n’est que Laurent, relativement jeune, a entretenu de nombreuses liaisons toutes assez fugaces. Thérèse quant à elle, a connu un mariage malheureux – ce qui fut aussi le cas de Sand, mal mariée à Casimir Dudevant, dont elle se séparera après avoir donné naissance à deux enfants, Maurice en 1823 et Solange, en 1828. Lorsque le roman s’ouvre, on comprend vaguement que Thérèse et Laurent sont déjà liés, qu’ils se connaissent et s’estiment, peut-être parce qu’ils exercent la même activité. Il semble que Laurent soit aussi quelque peu jaloux de Thérèse et doute de son propre talent. Petit à petit, leur relation évolue, Laurent se déclare à Thérèse, qui ne semble pas indifférente. Pourtant, le bonheur est de courte durée : la maturité de la jeune femme semble incompatible avec l’instabilité de Laurent, qui se manifeste par des sautes d’humeur, des paroles parfois blessantes puis un retour de flamme tout aussi passionné. Thérèse, elle, semble constante et maternelle envers ce jeune homme qu’elle aime et à qui elle pardonne tout. Jusqu’à ce qu’un jour, un événement inattendu finisse par la libérer définitivement des chaînes amoureuses que Laurent a tissées autour d’elle…
    L’histoire de Thérèse et Laurent m’est souvent apparue, au cours de ma lecture, comme violente et toxique. Il n’y a rien de beau dans cette histoire qui semble plus celle d’une dépendance qu’une véritable relation. Laurent est excessif en tout, il aime mais il aime mal, essayant d’assujettir Thérèse et de ne la garder que pour lui. Ses crises de colère semblent être le fruit d’un manque de confiance en soi et d’un manque d’estime de lui-même mais n’excusent en rien les mots qu’il peut avoir contre Thérèse. En exergue, c’est une figure presque sacrificielle qui nous apparaît, celle d’une femme habituée à faire passer les autres avant elle et qui ne répond pas, drapée dans une volonté de faire le bien de celui qu’elle appelle parfois – et c’est parlant – son « enfant » ou son « pauvre enfant ».

    Indiana de George Sand : la déclaration d'amour de Raymon | La Compagnie  Affable

    Alfred de Musset et George Sand incarnés par Benoît Magimel et Juliette Binoche dans Les Enfants du siècle, de Diane Kurys (1999)


    Le point d’orgue et de basculement de l’intrigue est le voyage exécrable en Italie, sous la pluie et dans le froid, où le manque d’argent se couple à l’humeur terrible d’un Laurent paranoïaque et en proie à de vieux démons qui lui causent de véritables maux physiques.
    Ce roman, même s’il n’est pas des plus joyeux, me réconcilie pourtant avec la plume de George Sand, que j’avais découverte il y a plusieurs années avec La Petite Fadette : je me souviens que je n’avais pas été spécialement emballée et je n’avais pas retenté. Étrangement, j’étais plutôt intéressée par la femme derrière que l’autrice. Elle et lui est donc une redécouverte complète et, si je me suis un peu ennuyée au début, je me suis petit à petit prise au jeu et j’ai apprécié cette lecture qui fait réfléchir sur la complexité des sentiments amoureux et les montre aussi sans fard : on est bien loin ici d’une romance qui finirait bien quoi qu’il arrive. On comprend vite que ce ne sera pas le cas ici, car Thérèse et Laurent s’aiment, mais s’aiment mal et cet amour trop toxique semble dès le départ condamné, voué au malheur. Sous couvert de fiction, George Sand analyse avec justesse mais sans concession une histoire qui la touche pourtant au premier chef puisqu’elle en a été partie prenante. Certes, lorsqu’elle écrit Elle et lui, sa séparation avec Musset remonte à plusieurs années mais il n’est pas évident, surtout à cette époque-là et pour une femme, de coucher sur papier une histoire comme celle-là, qui n’a rien de conventionnel – et pour cause, on ne le dira jamais assez, la fiction ne dépasse pas souvent la réalité. Et c’est aussi se mettre à nu, ce qui n’est pas toujours évident.
    Étonnamment, et parce que j’avais le souvenir de La Petite Fadette qui ne m’avait pas touchée, j’ai été assez vite séduite par la plume : je dirais même que j’ai été plus vite séduite par la plume que par l’intrigue. Mêlant fiction, récit autobiographique et réflexions philosophiques universelles et qui nous parlent, à plus de 150 ans de distance, Elle et lui est un roman intemporel, qui parle de l’emprise amoureuse qui peut, malheureusement, dans les cas les plus funestes, finir tragiquement et il est bon, encore aujourd’hui, de le garder en esprit. George Sand, depuis le XIXème siècle où elle-même s’éveillait à un début de conscience féministe et égalitaire, nous y aide.

    George Sand et Alfred de Musset, une passion à Venise

     

    En Bref :

    Les + : un roman intemporel qui raconte avec nuance une histoire vraie sous couvert de fiction, sans occulter le plus laid, sans privilégier le plus beau. 
    Les - :
    un début un peu confus, mi-narratif mi-épistolaire qui m'a légèrement ennuyée. 

     


    Elle et lui ; George Sand

        Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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