• INTERMÈDE LXVIII

     

    INTERMÈDE LXVIII

    La Liberté guidant le peuple (1831), Eugène Delacroix : sans doute le plus célèbre tableau représentant une femme au cœur d'une Révolution (ici, celle de 1830)

     

     

    I. Manon Roland, l'égérie des Girondins

     

    INTERMÈDE LXVIII

     

    Manon Philpon ou Philippon, voit le jour le 17 mars 1754. Elle est la fille de Gatien Philpon, maître graveur place Dauphine à Paris. Très intelligente, Manon montre dès son plus jeune âge qu'elle a un caractère ferme et résolu. Très vite, on se rend compte aussi des dispositions de la petite pour les études : elle a un esprit vif et enthousiaste, propice à l'étude. A huit ans déjà, elle se passionne pour Plutarque, dont elle lit La Vie des Hommes illustres. Il restera son auteur préféré. Elle lit également des auteurs plus récents tels que Bossuet, Massillon, Montesquieu ou encore, Voltaire. C'est grâce au livre de Rousseau, La Nouvelle Héloïse, qu'elle parvient à se consoler du profond chagrin qu'elle ressent à la mort de sa mère.
    Lorsqu'elle est un peu plus grande, la jeune Manon refuse d'entrer au couvent et se passionne pour les idées républicaines qui commencent à faire surface et qui l'a imprégnée depuis le début de ses études, notamment grâce à ses lectures. En 1774, la jeune Manon, âgée de vingt ans, séjourne quelques temps au château de Versailles. Ulcérée par le mépris dans lequel les nobles tiennent les bourgeois, la jeune femme en conçoit pour eux une haine tenace qu'elle n'oubliera plus.
    A la mort de sa mère, la jeune Manon s'est consacrée à ses études mais aussi à la tenue du ménage de son père. Jolie, assez séductrice, la jeune fille a de nombreux soupirants mais elle refuse toutes les promesses de mariage dans un premier temps. C'est en 1776, à l'âge de 22 ans, qu'elle fait la connaissance de Jean Marie Roland de la Platière, vertueux et sérieux, et de vingt ans son aîné. Ils ont de nombreux points communs : par exemple, Manon peut se placer comme son égal tant sur un niveau intellectuel que sur celui du caractère. Le 4 février 1780, après de multiples hésitations, Manon épouse finalement Jean Marie Roland. De cette union naîtra une fille, un an plus tard, en 1781 : elle se nomme Eudora.
    Pour autant, la vie conjugale n'enchante pas vraiment la jeune femme. Son mari finit par la négliger, à ne plus se préoccuper de ses propres aspirations tandis qu'il se sert d'elles pour ses propres recherches dans le cadre de son travail (il est inspecteur des manufactures). « Mariée dans tout le sérieux de la raison », avouera-t-elle dans ses Mémoires, « je ne trouvais rien qui m’en tirât ; je me dévouais avec une plénitude plus enthousiaste que calculée. À force de ne considérer que la félicité de mon partenaire, je m’aperçus qu’il manquait quelque chose à la mienne ».
    Le ménage habite tout d'abord la ville d'Amiens avant de déménager dans la région lyonnaise. Dans les premiers temps de leur mariage, d'ailleurs, Manon écrit quelques articles à caractère politique pour le Courrier de Lyon. Le couple gagne finalement Paris en 1791 et la Révolution donne à Manon l'occasion de mettre enfin un terme à cette vie conjugale qu'elle juge terne et monotone. Enthousiasmée par le mouvement révolutionnaire qui est alors en plein développement, elle s'y investit avec passion et commence à acquérir un rôle de plus en plus actif.
    Manon décide alors de mettre en place un salon, qui devient le rendez-vous des politiques influents du moment tels que Brissot, Pétion ou encore, un certain Robespierre. Manon se trouve au milieu de tous ces hommes qui font la politique de la France et préside son salon. Elle a des relations importants au sein du parti girondin, qui permettent à son mari de devenir Ministre de l'Intérieur, le 23 mars 1792. Le couple s'installe à l'hôtel ministériel de la rue Neuve-des-Petits-Champs et Manon devient littéralement l'égérie des Girondins. Manon tombe d'ailleurs amoureuse d'un certain Buzot, qui fait partie du cercle d'influents qui gravite à l'hôtel ministériel, mais elle reste pourtant fidèle à son mari, qu'elle aime comme un père. Aux côtés de ce dernier, d'ailleurs, elle joue un rôle prépondérant, rédigeant notamment la lettre dans laquelle Roland demande au roi Louis XVI de revenir sur son veto. Cette lettre provoque le renvoi de Roland le 13 juin 1792, à peine trois mois après son arrivée au ministère. Son mari retrouve son portefeuille après le 10 août et Manon est alors plus influente que jamais. Elle est révoltée par les Massacres de Septembre mais, au contraire de Thérésia Cabarrus, par exemple, elle ne réagit pas. Par contre, elle voue à Danton une haine qui grandit de jour en jour. Aussi entière dans ses affections que dans ses inimitiés, Manon Roland attaque Danton de plus en plus violemment, par la voix de Buzot, son amoureux transi. Comprenant d'où viennent ces attaques, voilà ce que dire le tribun Danton : « Nous avons besoin de ministres qui voient par d’autres yeux que ceux de leur femme ». Manon devient littéralement furieuse contre lui. Mais la Montagne en profite pour attaquer Jean Marie Roland, qu'ils surnomment « Coco Roland ». Manon devient alors « Madame Coco » ou « la reine Coco ».
    Le ministre de l'Intérieur finit par démissionner et Manon décide de s'éloigner de la politique mais aussi de Buzot, qui est épris d'elle et qu'elle aime également. Le 31 mai 1793 a lieu la proscription des Girondins mais elle n fuit pas, alors qu'elle aurait pu le faire, comme Buzot ou son mari, entre autres, qui préfèrent s'éloigner le temps que passe l'orage. Jean Marie Roland s'échappe vers Rouen, mais Manon, elle, se laisse arrêter le 1er juin 1793, à son domicile de la rue de la Vieille Bouclerie, à Paris. Elle est incarcérée à la prison de l'Abbaye. Détâchée de la vie, elle est aussi libérée de la présence de son mari et ressent son emprisonnement comme un soulagement. Elle l'écrit d'ailleurs à Buzot : « Je chéris ces fers où il m’est libre de t’aimer sans partage ». Elle est libérée 3 semaines plus tard, le 24 juin. Mais, une heure plus tard, elle est de nouveau arrêtée et placée à Sainte-Pélagie avant de gagner la Conciergerie, où elle restera cinq mois. En prison, elle bénéficie du respect de ses gardiens et de certains privilèges dont ne peuvent jouir d'autres prisonniers. Elle peut ainsi avoir du matériel pour écrire et elle peut aussi recevoir des visites occasionnelles de ses amis. C'est dans sa cellule de la Conciergerie qu'elle écrit son Appel à l'impartiale postérité, ses Mémoires destinés à sa fille Eudora.
    Elle est finalement jugée le 8 novembre 1793...Un peu avant, le mois précédent, une autre prisonnière de la Conciergerie a été jugée et menée à la guillotine : c'est l'ancienne reine Marie-Antoinette...Le procès, mené par le Tribunal Révolutionnaire, se déroule entre 9 heures et 14 heures 30. L'exécution est prévue pour le soir même. C'est avec un calme et une sérénité étonnants, presque de la joie, que Manon se laisse entraîner vers l'échafaud. Passant devant la statue de la Liberté, installée pour commémorer la journée du 10 août 1792, elle aurait dit : « Ô Liberté, comme on t'a jouée ! » ou encore « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! ».
    Deux jours plus tard, le 10 novembre, Jean Marie Roland, toujours réfugié loin de Paris, apprend la mort de son épouse. Il se suicide, à Bourg-Beaudoin, dans l'Eure, sur la route entre Rouen et Paris. Buzot, l'amant platonique de Manon, ne l'apprend qu'en juin 1794 et se donne lui aussi la mort, alors qu'il est réfugié en Gironde, près de Saint-Emilion.
    La fille de Manon et Jean Marie Roland, Eudora, devenue orpheline à l'âge de douze ans, est recueillie par Jacques Antoine Creuzé-Latouche. Après la mort de celu-ci en 1800, c'est un grand admirateur de Manon Roland, le botaniste et minéraliste Louis-Augustin Bosc qui se chargea de l'éducation de la petite. Elle épousera Pierre Léon Champagneux, autre admirateur de sa mère.

    II. Olympe de Gouges, la féministe

    INTERMÈDE LXVIII

    Olympe de Gouges, dont le nom de naissance est Marie Gouze, voit le jour le 7 mai 1748 dans la ville de Montauban. Considérée comme une pionnière du féminisme, elle est la rédactrice de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, sous la Révolution. Mais revenons à ses premières années. Marie est la fille de Pierre Gouze, un bourgeois de Montauban, boucher, et d'Anne Mouisset, une fille de drapier. Le couple s'est marié en 1731. Anne Mouisset, née en 1712, avait pour parrain Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, avec qui elle aurait entretenu une liaison amoureuse. Certains ont affirmé qu'il était le père naturel de Marie. Le fait que Pierre Gouze n'ait pas signé l'acte de baptême de sa petite fille pourrait peut-être attester la bâtardise de l'enfant, mais nous n'en avons aucune preuve.
    En 1765, à l'âge de 16 ans, Marie est mariée à un traiteur parisien du nom de Louis-Yves Aubry. Il est officier de bouche de l'Intendant et, probablement, un client récurrent de la boucherie familiale des Gouze. Quelques mois après le mariage, la jeune Marie donne naissance à un fils, qu'elle prénomme Pierre. Peu de temps après, son mari meurt. Déçue par cette expérience conjugale, Marie décide de rester veuve et de ne pas se remarier. Elle va même jusqu'à qualifier le mariage comme le « tombeau de la confiance et de l’amour ». En société, Marie se met à porter couramment le nom de Marie-Olympe : elle signe plusieurs textes de ce nom, d'ailleurs. Parfois, elle se fait seulement appeler Olympe et ajoute une particule à son nom, qu'elle écrit parfois Gouges : Olympe de Gouges est née.
    Comme rien ne la rattache à Montauban, hormis sa mère, qu'elle aidera financièrement par la suite, Olympe décide de monter à Paris rejoindre sa soeur aînée, Jeanne. Au début des année 1770, elle est à Paris, accompagnée de son fils à qui elle fait donner une éducation sérieuse et soignée. C'est pendant ce séjour parisien qu'elle change définitivement de nom et adopte son célèbre pseudonyme qui ne la quittera plus.
    A Paris, Olympe rencontre Jacques Biétrix de Rozières, directeur d'une puissance compagnie de transports militaires. Il lui propose le mariage mais elle refuse. Pour autant, leur relation va perdurer jusqu'à la Révolution. C'est grâce au soutien financier de son compagnon qu'Olympe va pouvoir mener une vie de vraie bourgeoise parisienne. Dès 1774, elle figure d'ailleurs dans l'Almanach de Paris ou annuaire des personnes de condition. Dans la capitale, elle est demeure rue des Fossoyeurs.
    Issue de la bourgeoise aisée par sa mère, Anne Mouisset, Olympe avait reçu dès son plus jeune âge une éducation solide, qui lui permet de s'intégrer rapidement aux cercles de l'élite parisienne et de s'y sentir à l'aise. Dans les salons qu'elle fréquente, elle rencontre de nombreux hommes de lettres, ce qui lui donne envie de prendre la plume, elle aussi. Sa filiation supposée avec Lefranc de Pompignan, dont la réputation de dramaturge n'était plus à faire (sa pièce Didon avait récolté un franc succès), lui a sans doute permis d'entrer plus facilement dans le monde des lettres.
    Support privilégié des idées nouvelles, le théâtre demeure tout de même étroitement surveillée par l'Etat. Cela n'empêche pas Olympe de monter sa propre troupe, qui possède des décors et ses costumes. C'est un théâtre itinérant qui se produisait à Paris et dans la région. En 1787, c'est le marquis de La Maisonfort qui rachète le théâtre d'Olympe. Mais celle-ci conserve une partie de la troupe, dans laquelle jouait d'ailleurs son propre fils, Pierre Aubry.
    La pièce qui rendit célèbre Olympe est L'Esclavage des Noirs, publiée en 1792 mais inscrite au répertoire de la Comédie-Française dès 1785, sous le titre de Zamore et Mirza ou L'Heureux Naufrage. Cette pièce avait pour but d'attirer l'attention sur le sort des esclaves noirs dans les colonies. On peut penser que cette pièce fit l'effet d'un caillou dans la mare de l'Ancien Régime, qui ne songeait aucunement en mettre en cause l'esclavage. De plus, le Code Noir, édicté par Louis XIV était alors encore en vigueur et de nombreuses familles en tiraient alors un bénéfice considérable.
    En septembre 1785, Olympe de Gouges, qui s'était plainte de passe-droits et craignait de voir sa pièce escamotée, se plaignit de ses comédiens. L'un d'eux, Florence, se sentit insulté et en référa à son entourage. Le baron de Breteuil et le maréchal de Duras, gentilshommes de la Chambre mais aussi ministres, saisirent l'occasion et envoyèrent Olympe à la Bastille avant de retirer la pièce du répertoire de la Comédie-Française. Mais, grâce à ses protecteurs, notamment le chevalier Michel de Cubières, dont le frère était favori de Louis XVI, la lettre de cachet fut révoquée.
    Avec la Révolution, la Comédie-Française devient plus autonome. La pièce d'Olympe est enfin représentée, quatre ans après son inscription au répertoire. Malgré les changements politiques, le lobby colonial reste très actif et Olympe doit faire face à des harcèlements, des pressions, des menaces. Pour autant, elle persiste et signe : en 1790, elle compose une nouvelle pièce sur le même thème, intitulée Le Marché des Noirs. Cela vaudra à Olympe d'être inscrite au titre abolitionniste, dans la liste de l'abbé Grégoire, « Liste des Hommes courageux qui ont plaidé la cause des malheureux Noirs », en 1808.
    En 1788, le Journal général publie deux brochures à caractère politique écrites par Olympe de Gouges. Elle y expose par exemple son projet d'impôt patriotique, développé dans sa Lettre au Peuple. Sa seconde brochure est intitulée les « Remarques patriotiques, par l’auteur de la Lettre au Peuple ». Elle y expose un vaste programme de réformes sociales. Ces écrits furent ensuite suivis d'autres brochures, dans lesquelles elle s'adressait aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, à savoir les Clubs patriotiques, Mirabeau ou encore, La Fayette et Necker, pour qui elle avait beaucoup d'admiration. Olympe défend aussi le principe de monarchie constitutionnelle. En 1790, elle s'installe à Auteuil, où un important salon littéraire se tenait sous l'égide d'Anne-Catherine Helvétius. Elle amménage dans un appartement rue du Buis et y demeurera jusqu'en 1793. Olympe est en relation avec le marquis de Condorcet et son épouse, Sophie de Grouchy, elle rejoint les Girondis, dès 1792. Elle y fréquente les Talma, mais aussi le marquis et la marquise de Villette, Louis-Sébastien Mercier, Michel de Cubières et bien d'autres encore...Avec eux, elle devient républicaine mais ne soutient pas pour autant la mort de Louis XVI. D'ailleurs, le 16 décembre 1792, Olympe se propose pour assister Malesherbes dans la défense du roi, mais sa demande est rejetée avec mépris.
    Olympe va donc se consacrer à la défense des femmes dans la Révolution. Elle considère par exemple que les femmes sont tout à fait capables d'assumer des tâches qui sont traditionnellement confiées aux hommes. Par exemple, elle demande à ce que les femmes soient associées aux débats politiques et de société. Puis, elle rédige sa fameuse Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, qu'elle adresse en premier lieu à la reine Marie-Antoinette, pour, dit-elle, protéger « son sexe » qu'elle estime malheureux. Dans cette déclaration, calquée sur celle des Droits de l'Homme publiée en 1789, elle affirme l'égalité des droits civils et politiques pour les deux sexes, insistant aussi pour que l'on rendît à la femme des droits naturels que les préjugés avaient fini par lui retirer. Ainsi, elle écrit cette phrase, qui reste sans doute la plus célèbre de sa Déclaration : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. ». C'est Olympe de Gouges également qui obtint la première que les femmes soient associées aux commémorations nationales : La Fête de la Loi en 1792 puis la commémoration de la Prise de la Bastille le 14 juillet 1792.
    Elle demande aussi l'instauration du divorce (le premier et le seul droit conféré aux femmes par la Révolution) qui fut adopté sous la pression des Girondins. Elle demande aussi la suppression du mariage religieux qui serait remplacé par une sorte de contrat civil. Très avance sur son époque, Olympe de Gouges militait aussi pour la libre recherche de la paternité et la reconnaissance des enfants nés hors mariage. C'est véritablement révolutionnaire et particulièrement moderne pour l'époque !
    C'est elle aussi qui fut la première à théoriser, dans les grandes lignes, le système de la protection maternelle et infantile, que l'on connaît encore aujourd'hui. Olympe s'indignait en effet de voir les femmes accoucher dans des hôpitaux ordinaires, où les soins n'étaient pas adaptés. Elle demande la création de maternités. Elle est aussi sensible à la pauvreté endémique qui touche la France de la fin du XVIIIème siècle et demande la création d'ateliers nationaux où les plus pauvres, sans emploi, pourraient travailler. Elle demande aussi l'institution de foyers pour les mendiants.
    En 1793, Olympe s'attaque violemment à ceux qu'elle considère comme responsables des massacres du 2 et 3 septembre 1792, qui l'ont révoltée. Voilà ce qu'elle écrit : « le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle vise particulièrement Marat, l'un des signataires de la circulaire du 3 septembre qui proposait d'étendre les massacres à toutes les prisons de France. Elle soupçonne aussi Robespierre d'aspirer à la dictature et elle l'interpelle à plusieurs reprises dans différents écrits. Cela lui valut une dénonciation de Bourdon de l'Oise au Club des Jacobins.
    Au printemps 1793, elle dénonce la montée en puissance de la dictature du parti de la Montagne, estimant que c'est un véritable danger, à l'instar de Vergniaud, par exemple. Après la mise en accusation du parti Girondin dans son ensemble, le 2 juin 1793, Olympe de Gouges écrit au président de la Convention, où elle s'indignait de cette mesure, qu'elle considérait comme un attentat contre les principes démocratiques (cette lettre est datée du 9 juin 1793). Ce courrier est censuré.
    Le 6 août 1793, Olympe est déférée devant le Tribunal Révolutionnaire. En effet, elle n'a pas respecté la loi de mars 1793 sur la répression des écrits remettant en causa le principe républicain. Par la suite, elle est incarcérée. Malade, à la suite d'une blessure qui s'est infectée à la prison de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Olympe demande des soins. Elle est envoyée à l'infirmerie de la Petite-Force, où elle partage la cellule d'une condamnée à mort en sursis, qui prétend être enceinte et se nomme Madame de Kolly. En octobre, Olympe met en gage ses bijoux au Mont-de-Piété et parvient à être transférée à la maison de santé de Marie-Catherine Mahay, sorte de prison pour riches où le régime est un peu plus souple. Olympe est désormais désireuse de justifier ses actes et elle le fait en réclamant sa mise en jugement dans deux affiches qu'elle réussit à faire sortir clandestinement de sa prison. La première s'appelle « Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire ». L'autre, « Une patriote persécutée », est son dernier texte. Ces affiches sont largement diffusées et remarquées par les inspecteurs de police qui les signalent aussitôt.
    Le matin du 2 novembre 1793, Olympe est traduite devant le Tribunal Révolutionnaire. Elle est interrogée plus que sommairement et ne bénéficie pas de la défense d'un avocat, dont elle a été privée. Mais elle se défend avec finesse, adresse et intelligence. Elle est condamnée à la peine capitale pour avoir tenté de rétablir un autre gouvernement autre « un et indivisible ». Olympe se déclare alors enceinte, sûrement pour gagner du temps ! Il est vrai, que dans sa dernière prison, elle avait eu une relation avec un homme...les médecins consultés ne peuvent affirmer s'il y'a effectivement une grossesse. Mais Fouquier-Tinville, lui, décrète que la condamnée n'est pas enceinte. Olympe profite alors du peu de temps qui lui reste avant son exécution pour écrire à son fils, Pierre.
    Elle monte sur l'échafaud avec courage et dignité, selon les témoignages de l'époque et contrairement à ce que prétendaient l'auteur des mémoires apocryphes du bourreau Sanson ou encore, des historiens comme Michelet. Elle aurait dit, avant que la lame ne tombe : « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. » Elle avait alors 45 ans.
    Par la suite, son fils, adjudant, craignant d'être inquiété pour les actions de sa mère, la renie publiquement dans une profession de voie civique. Le procureur de la Commune de Paris, Pierre-Gaspard Chaumette fustigea Olympe de Gouges : cette « virago, la femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes [...] Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois. Et vous voudriez les imiter ? Non ! Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d’estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c’est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes. »
    Le personne d'Olympe de Gouges sort de la caricature après 1945. Mais ce n'est pas en France qu'elle est le plus étudiée, c'est surtout aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon ! En France, ce sont surtout des érudits régionalistes qui se sont intéressés à la figure d'Olympe de Gouges. Depuis octobre 1989, à l'instigation de l'historienne Catherine Marand-Fouquet, plusieurs pétitions ont demandé le transfert du corps d'Olympe au Panthéon, nécropole des grands hommes de la République. Plusieurs municipalités françaises, dont Paris dans le 3e arrondissement, ont voulu rendre hommage à Olympe de Gouges en baptisant de son nom des établissements scolaires ou des voies publiques.

    III. Charlotte Corday : elle a assassiné Marat !

    INTERMÈDE LXVIII

    Charlotte Corday, née Marie-Anne-Charlotte de Corday d'Armont voit le jour le 27 juillet 1768 en Normandie, à Saint-Saturnin-des-Ligneries. L'Histoire a retenu son nom pour avoir assassiné le montagnard Jean-Paul Marat.
    Charlotte est le troisième enfant de Jacques-François de Corday d'Armont, gentilhomme normand et ancien lieutenant aux armées du roi et de Charlotte-Marie-Jacqueline de Gautier des Authieux de Mesnival. Charlotte est aussi l'arrière-arrière-arrière-petite-fille du dramaturge Pierre Corneille, par la fille de ce dernier. Sa famille est noble mais déclassé et la légende qui veut qu'elle se soit introduite chez Marat grâce à ses relations familiales est fausse. Charlotte vit dans une petite maison qui ne paye pas de mine près de Vimoutiers : elle y passera toute son enfance. Les Corday ont eu cinq enfants dont quatre survivront à la petite enfance.
    Confronté à divers conflits familiaux concernant la répartition de l'héritage entre lui et ses frères, Jacques-François déménage à Caen, la grande ville la plus proche. En 1782, il perd sa femme. Charlotte a quatorze ans. Il se trouve alors dans la difficulté, et, comme bon nombre d'autres membres de la petite noblesse, il cherche à placer ses quatre enfants. Refusée quelques années plus tôt par la maison de Saint-Cyr, réservée aux filles de la noblesse désargentée, Charlotte est placée, avec sa sœur cadette à l'abbaye des Dames de Caen, qui se doit d'accueillir les jeunes filles issues de la noblesse mais pauvres. Elle y reste jusqu'en février 1791 et y reçoit une éducation plus que soignée. Lorsqu'elle en sort, Charlotte a 23 ans. Le vote de la loi établissant la Constitution Civile du clergé entraîne la suppression des ordres religieux et donc, par ricochet, la fermeture des couvents déclarés biens nationaux.
    Charlotte aime lire et ses lectures sont sérieuses. Elle lit beaucoup d'auteurs classiques et montre une vraie curiosité intellectuelle. Son père lui prête quelques livres de Rousseau ou encore, Montesquieu. On peut donc supposer que Charlotte a acquis une certaine culture philosophique et politique, chose fréquente, au demeurant, chez les femmes de la noblesse. Charlotte, d'ailleurs, admire les philosophes, mais elle n'en dénigre pas moins la religion et reste très pieuse. Elle cultive le goût du sacrifice, de la mort jeune et de la foi intérieure. C'est au nom de cette foi, portée à son comble, qu'elle vivra son exécution, à l'âge de 24 ans (dix jours plus tard, elle allait avoir 25 ans...).
    Un de ses parents, Frédéric de Corday, fera plus tard d'elle ce portrait : « Charlotte avait le feu sacré de l’indépendance, ses idées étaient arrêtées et absolues. Elle ne faisait que ce qu’elle voulait. On ne pouvait pas la contrarier, c’était inutile, elle n’avait jamais de doutes, jamais d’incertitudes. Son parti une fois pris, elle n’admettait plus de contradiction. Son oncle, le pauvre abbé de Corday m’en a parlé dans les mêmes termes, comme d’une personne qui avait un caractère d’homme. Elle avait, en outre un esprit assez railleur, assez moqueur… Elle était susceptible de sentiments nobles et élevés, de beaux mouvements. Avec l’énergie dont elle était douée, elle s’imposait et n’en faisait jamais qu’à sa tête. Quoique dans la famille les femmes soient toutes énergiques, il n’y en avait pas qui eussent un caractère aussi décidé, aussi capable. Si elle eût commandé un régiment, elle l’eût bien mené, cela se devine . »
    Rendue au siècle, selon l'expression, la jeune femme de 23 ans retourne vivre chez son père, qui avait vendu entre temps la ferme du Ronceray, où Charlotte était née et où elle avait passé toute son enfance, pour acheter de nouveaux fermages dit « la ferme des Bois ». Mais, dès juin 1791, Charlotte Corday quitte la campagne pour retourner vivre à Caen, chez sa tante, Madame de Bretteville-Gouville, rue des Carmes. La jeune femme défend ses idées constitutionnelles au milieu de royalistes convaincus. C'est là qu'elle apprit avec stupeur la fuite du roi et de la famille royale à Varennes, fuite qui provoqua un fort émoi en France.
    A la suite des massacres de septembre, en 1792, Charlotte découvre avec fureur que le député montagnard Jean-Paul Marat se réjouit de ces massacres, qu'il propose d'ailleurs d'étendre à toutes les prisons de France. Marat est vilipendé par les Girondins et par une autre femme qui n'hésite pas, depuis Paris, à prendre la plume : Olympe de Gouges, qui surnomme d'ailleurs Marat le « boutefeu Marat ».
    Convaincue que la France doit en être débarrassée, Charlotte est confortée dans son idée lorsqu'elle entend le député girondin Pezenas déclamer contre Marat : « Faites tomber la tête de Marat et la patrie est sauvée ». Le 9 juillet 1793, Charlotte quitte Caen pour le quartier du Palais-Royal, à Paris. Elle descend à l'hôtel de la Providence, rue des Vieux-Augustins, le 11 juillet. Munie d'une lettre d'introduction signée par le député Barbaroux, elle se rend chez le député Claude Romain Lauze de Perret qui lui fait un bon accueil. Dans la conversation, il lui apprend que Marat, souffrant d'une maladie de peau qui le mine, ne se présente plus à la Convention. Dans la matinée du 13 juillet, elle cherche par deux fois à se faire introduire dans la maison de celui que l'on surnomme l'Ami du Peuple. En vain. C'est alors qu'elle a l'idée de lui faire parvenir un billet, au message bref : « Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite. J’attends votre réponse. ». En fin de journée, comme son premier billet n'a pas eu de réponse, Charlotte insiste, elle en rédige un second : « Je vous ai écrit ce matin, Marat, avez-vous reçu ma lettre ? Je ne puis le croire, puisqu'on m'a refusé votre porte ; j’espère que demain vous m'accorderez une entrevue. Je vous le répète, j'arrive de Caen ; j'ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. D'ailleurs je suis persécutée pour la cause de la liberté ; je suis malheureuse, il suffit que je le sois pour avoir droit à votre protection. ».
    Charlotte, munie de son billet, quitte alors sa chambre et prend un fiacre pour se rendre au numéro 20 de la rue des Cordeliers, où loge Marat. Dans son corsage, elle avait caché un couteau de cuisine, acheté le matin même, pour 40 sous, dans la boutique du coutelier Badin, au Palais-Royal. Il est environ 7 heures du soir, ce 13 juillet 1793, quand Charlotte se présente une nouvelle fois devant la porte de Marat.
    Donnons la parole à Lamartine, qui, au XIXème siècle, imagina comme suit l'attentat de Charlotte Corday contre Marat :
    « Elle descendit de voiture du côté opposé de la rue, en face de la demeure de Marat. Le jour commençait à baisser, surtout dans ce quartier assombri par des maisons hautes et par des rues étroites. La portière refusa d’abord de laisser pénétrer la jeune inconnue dans la cour. Celle-ci insista néanmoins et franchit quelques degrés de l’escalier, rappelée en vain par la voix de la concierge. À ce bruit, la maîtresse de Marat entrouvrit la porte, et refusa l’entrée de l’appartement à l’étrangère. La sourde altercation entre ces femmes, dont l’une suppliait qu’on la laissât parler à l’Ami du peuple, dont l’autre s’obstinait à barrer la porte, arriva jusqu’aux oreilles de Marat. Il comprit, à ces explications entrecoupées, que la visiteuse était l’étrangère dont il avait reçu deux lettres dans la journée. D’une voix impérative et forte, il ordonna qu’on la laissât pénétrer.
    Soit jalousie, soit défiance, Albertine Marat obéit avec répugnance. Elle introduisit la jeune fille dans la petite pièce où se tenait Marat, et laissa, en se retirant, la porte du corridor entrouverte, pour entendre le moindre mot ou le moindre mouvement de son frère.
    Cette pièce était faiblement éclairée. Marat était dans son bain. Dans ce repos forcé de son corps, il ne laissait pas reposer son âme. Une planche mal rabotée, posée sur la baignoire, était couverte de papiers, de lettres ouvertes et de feuilles commencées.
    Charlotte évita d’arrêter son regard sur lui, de peur de trahir l’horreur de son âme à cet aspect. Debout, les yeux baissés, les mains pendantes auprès de la baignoire, elle attend que Marat l’interroge sur la situation de la Normandie. Elle répond brièvement, en donnant à ses réponses le sens et la couleur propres à flatter les dispositions présumées du journaliste. Il lui demande ensuite les noms des députés réfugiés à Caen. Elle les lui dicte. Il les note, puis, quand il a fini d’écrire ces noms : " C’est bien ! dit-il de l’accent d’un homme sûr de sa vengeance, avant huit jours ils iront tous à la guillotine ! "
    À ces mots, comme si l’âme de Charlotte eût attendu un dernier forfait pour se résoudre à frapper le coup, elle tire de son sein le couteau et le plonge, avec une force surnaturelle, jusqu’au manche dans le cœur de Marat. Charlotte retire du même mouvement le couteau ensanglanté du corps de la victime et le laisse glisser à ses pieds. - « À moi ! ma chère amie ! à moi ! », s'écrie Marat, et il expire sous le coup. »
    Charlotte, qui n'a pas fui après avoir poignardé Marat, est maîtrisée par Simone Evrard, la maîtresse de l'Ami du Peuple et les gens de la maison appelés au secours. Protégée de la foule en furie, Charlotte est conduite non loin d'ici, à la prison de l'Abbaye, où elle est fouillée. Quelques objets personnels sont trouvés ainsi qu'une feuille de papier pliée en huit, dans laquelle elle expliquait son geste.
    Dès le 15 juillet, Charlotte est transférée à la Conciergerie et comparaît le lendemain au Tribunal Révolutionnaire. C'est Jacques Bernard Marie Montané, assisté des juges Foucault, Roussillon et Ardouin, qui préside le tribunal. Fouquier-Tinville, comme à son habitude, occupait sa place d'accusateur public. L'avocat choisi par l'accusée est un girondin, Doulcet de Pontécoulant, mais ce dernier ne répond pas à l'invitation qui lui est adressée. Le président nomme donc d'office Chauveau-Lagarde comme défenseur de Charlotte. Après lecture de l'acte d'accusation et l'audition des divers témoins, on donna lecture de la lettre écrite à son père le 16 juillet et qui avait été interceptée. Charlotte y explique en ses termes son geste irrémédiable : « Pardonnez-moi, mon cher papa, d’avoir disposé de mon existence sans votre permission. J’ai vengé bien d’innocentes victimes, j’ai prévenu bien d’autres désastres. Le peuple, un jour désabusé, se réjouira d’être délivré d’un tyran. Si j’ai cherché à vous persuader que je passais en Angleterre, c’est que j’espérais garder l’incognito, mais j’en ai reconnu l’impossibilité. J’espère que vous ne serez point tourmenté. En tout cas, je crois que vous auriez des défenseurs à Caen. J’ai pris pour défenseur Gustave Doulcet : un tel attentat ne permet nulle défense, c’est pour la forme. Adieu, mon cher papa, je vous prie de m’oublier, ou plutôt de vous réjouir de mon sort, la cause en est belle. J’embrasse ma sœur que j’aime de tout mon cœur, ainsi que tous mes parents. N’oubliez pas ce vers de Corneille :
    Le Crime fait la honte, et non pas l’échafaud !
    C’est demain à huit heures, qu’on me juge. Ce 16 juillet. »
    Charlotte Corday est donc conduite à l'échafaud dès le lendemain, 17 juillet 1793 : dix jours plus tard, elle aurait fêté ses 25 ans. A sa mort, les jacobins pensent que Charlotte Corday n'a pas pu agir par conscience politique mais par amour pour un homme. En conséquence, on fait vérifier sa virginité, mais à leur grand dam, elle est déclarée vierge (virgo intacta). Son corps est transféré au cimetière de la Madeleine tandis que son crâne est conservé par le bourreau Sanson avant d'être mis à Roussin Corbeau de Saint Albin, le secrétaire de Danton. Le crâne de Charlotte Corday sera acquis par la famille Bonaparte et se trouverait désormais chez les descendants du prince Radziwill.
    Le cimetière de la Madeleine ayant été désaffecté en 1794, les ossements de Charlotte Corday ont été transférés aux Catacombes de Paris.

    IV. Thérésia Cabarrus, héroïne du Directoire

    INTERMÈDE LXVIII

    Thérésia Tallien, aussi appelée Thérésa, est née le 31 juillet 1773 au palais de San Pedro à Carabanchel Alto, à Madrid. Elle est surtout connue pour avoir été une salonnière et personnalité de la Révolution Française.
    Son nom de naissance est Juana Maria Ignazia Thérésa Cabarrus et elle est la fille du financier François Cabarrus, fondateur de la banque San Carlos en 1782. Il est anobli en 1789 par Charles IV d'Espagne, avec le titre de comte. Sa mère, Maria Antonia Galabert, est la fille d'un industriel français établi en Espagne. La famille Cabarrus est originaire de la Navarre espagnole et vient au début du xviie siècle se fixer à Capbreton
    Jusqu'à l'âge de trois ans, la petite fille est élevée par une nourrice, en Espagne, puis elle est ramenée à Carabanchel par son grand-père. Elle ne va pourtant rester que deux ans dans sa famille avant de partir pour la France, où elle est élevée par des religieuses de 1778 à 1783, soit jusqu'à ses dix ans. En 1785, âgée de 12 ans, elle peut revenir, provisoirement, au château de sa famille à Madrid.
    Thérésa est déjà une très jolie enfant et elle est remarquée par l'un des jeunes frères de sa mère qui demande sa main à François Cabarrus. Ce dernier est scandalisé et chasse aussitôt son beau-frère. Il décide aussi de renvoyer Thérésa à Paris, pour y parfaire son éducation et surtout, trouver un mari. Cette fois, sa mère l'accompagne.
    Thérésa tombe d'abord amoureuse d'Alexandre Laborde : les deux adolescents se plaisent beaucoup mais Jean-Joseph Laborde, qui est marquis, considère que marier son fils à une Cabarrus serait une mésalliance. Le mariage ne se fera donc pas, malgré l'attirance mutuelle des deux jeunes gens. Finalement, comme François Cabarrus veut renforcer ses positions en France, il marie sa fille, le 21 février 1788, avec Jean Jacques Devin de Fontenay, conseiller à la troisième chambre des enquêtes du Parlement de Paris. L'époux est également le fils d'un président de la Chambre des Comptes et le petit-fils d'une Lecoulteux, une très riche et puissante famille. La jeune mariée n'a que 15 ans et elle apporte en dot 500 000 livres, ce qui est peu au regard des biens de l'époux, estimés à 800 000 livres, plus les revenus de sa charge qui sont estimés à 60 000 !
    Jeune mariée, Thérésa est présentée à la Cour de Louis XVI. Jean Jacques et Thérésa de Fontenay se rendent aussi en Espagne, patrie de la jeune femme, où un accueil chaleureux est réservé à Thérésa. Dans le même temps, son mari, qui se sent méprisé, écourte leur voyage.
    De retour à Paris, Thérésa devient l'ornement de la bonne société du Marais. Ainsi, dans ses salons, elle reçoit le général La Fayette, les trois frères Lameth, Félix Lepeltier de Saint-Fargeau, Antoine de Rivarol, Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau et bien d'autres encore...En 1789, la jeune femme s'affilie à la loge maçonnique Olympique. Moderne, Thérésa s'enthousiasme pour les idées à la mode et participe même à a fête de la Fédération en 1789.
    Le 2 mai 1789, Thérésa, âgée de seize ans, donne naissance à un fils, prénommé Théodore. Le père putatif de l'enfant pourrait être Félix Lepeltier de Saint-Fargeau, mais nous n'en avons pas la preuve formelle. Au début des années 1790, Thérésa doit faire face au malheur de son père, qui subit un revers de fortune. Il est arrêté le 21 juin 1790, et détenu avec une extrême rigueur. En novembre 1792, son époux, Devin de Fontenay, qui a épuisé toute sa dot se voit dans l'obligation d'émigrer. Un an plus tard, ils se rendent en famille, avec leur petit garçon, à Bordeaux. Elle lui fait cadeau de tous ses bijoux puis Devin de Fontenay abandonne femme et enfant après que le divorce ait été prononcé le 5 avril 1793.
    Thérésa, jusque là amatrice de plaisir, de mode et de fêtes, devient bienfaitrice des pauvres et, lors de la persécusion des Girondins elle refuse de rejoindre l’Espagne. Thérésa est alors enfermée au château du Hâ (ou Fort du Hâ), à Bordeaux. La ville est alors complètement soumise aux rigueurs de la Montagne, qui poursuit avec acharnement les derniers Girondins et les partisans de ces derniers. Thérésa intervient alors auprès des révolutionnaires pour faire libérer des membres de sa famille mais aussi, d'autres victimes de la Terreur, comme les Boyer-Fonfrède.
    Début décembre 1793, elle est donc emprisonnée au Fort du Hâ où elle doit faire face à des conditions de détention particulièrement difficiles. Elle s'adresse alors par écrit Jean-Lambert Tallien, représentant gouvernemental en mission, et qui l'a déjà aidé. Elle réclame sa liberté et tente de l'intéresser à son sort.
    Tallien est séduit par la beauté de la piquante Espagnole...Il la fait aussitôt libérer et s'installer avec elle. Thérésa, qui a beaucoup d'influence sur lui, en use et abuse pour protéger tous ceux qu'elle peut. Le dévouement de la jeune femme lui vaudra le surnom de Notre-Dame de Bon Secours. En décembre 1793, toujours, elle écrit un Discours sur l'éducation, par la citoyenne Thérésa Cabarrus, lu lors de la séance tenue au temple de la Raison de Bordeaux, le 1er décadi du mois de nivôse qui est jour de la fête nationale et qui est célébrée à l'occasion de la reprise de la ville de Toulon par les armées de la République.
    Mais, en voulant à tout force sauver des vies, Thérésa va finir par mettre en danger la sienne. La liaison de Tallien avec une riche aristocrate, qui plus est, espagnole, fait grand bruit et provoque le scandale. Tallien est obligé de revenir à Paris pour se justifier. Thérésa quitte Bordeaux et le rejoint. Elle est en effet devenue suspecte dans la ville girondine, après le décret du 16 avril, interdisant les nobles de séjourner à Paris et dans les ports. Mais, à la suite d'un ordre signé par Robespierre, Collot d'Herbois et Prieur de la Côte d'Or, elle est de nouveau arrêtée et, cette fois, enfermée à la prison de la Force, puis à la prison des Carmes. C'est là qu'elle aurait rencontré Joséphine de Beauharnais, une Martiniquaise mariée en France. Celle-ci aurait écrit sur un mur de sa geôle, un message, contresigné par Thérésa elle-même : « Liberté, quand cesseras-tu d’être un vain mot ? Voilà dix-sept jours que nous sommes enfermées. On nous dit que nous sortirons demain, mais n’est-ce pas là un vain espoir ? ».
    Sur le point de passer en jugement et donc, de monter à l'échafaud (les prisons des Carmes et de la Force sont célèbres pour être les antichambres de la guillotine), Thérésa adresse un message à Tallien : : « Je meurs d'appartenir à un lâche. ». Cette missive le détermine à entrer dans la conjuration qui est en train de se nouer contre Robespierre, l’instigateur de la Terreur. Il s'illustre, le 9-Thermidor, à la tribune de la Convention, où il empêche Saint-Just, partisan de Robespierre, de prendre la parole.
    Libérée, Thérésa hérite d'un nouveau surnom : Notre-Dame de Thermidor, car la révolution thermidorienne sauve de nombreuses vies. William Pitt le Jeune, en Angleterre, en apprenant l'action de Thérésa qui a poussé Tallien à agir, s'exclame : « Cette femme serait capable de fermer les portes de l’enfer ».
    De nouveau installée à Paris, Thérésa tient salon. C'est elle qui lance la mode néo-grecque, qui fera fureur sous le Directoire. Elle apprend le dessin avec Jean-Baptiste Isabey et épouse Tallien le 26 décembre 1794. Ils auront une fille, Rose Thermidor, qui naît en 1795.
    Son mariage avec Tallien lui vaut un nouveau surnom : Notre-Dame de Septembre. En effet, si son époux est en partie responsable des massacres, elle, les as condamnés. Elle est ulcérée par la conduite de son époux envers des prisonniers, qui ont été fusillés et elle confie à une amie : « Trop de sang dans les mains de cet homme, je fus à jamais dégoûtée de lui ». Elle finit par se séparer de lui en 1795 mais ne divorce qu'en 1802. Elle aura plusieurs autres enfants, avec différents amants et avec son troisième époux.
    En 1796, les biens des époux Devin de Fontenay sont vendus et, l'année suivante, Thérésa, devenue une figure influente, rencontre Lazare Hoche et Juliette Récamier, dont elle devient une amie proche. En 1797 toujours, Thérésa devient la maîtresse de Paul Barras, homme fort du Directoire, qui a aussi des bontés pour Rose de Beauharnais, future Joséphine...D'ailleurs, dans son château de Grosbois, où Thérésa fait figure de maîtresse de maison, il reçoit Rose, mais aussi madame de Mailly, madame de Chateaurenard, Cambacerès, Talleyrand, Fouché, Choderlos de Laclos, Juliette Récamier, entre autres...
    Au même moment, Thérésa a la joie d'apprendre que son père est sorti de prison et que des mesures de réhabilitation ont été prises. Le 20 décembre 1797, Thérésa accouche d'un enfant de Barras, mais il meurt à la naissance.
    A l’automne de 1798, Thérésa rencontre le riche financier Gabriel-Julien Ouvrard lors d'une partie de chasse donnée à Grosbois, chez Barras. Il semble que ce soit ce dernier qui ait jeté sa maîtresse entre les bras du financier, comme il le fera par la suite pour Joséphine avec un certain Bonaparte...Quoi qu'il en soit, on voit désormais Thérésa s'afficher régulièrement avec Ouvrard. Entre 1800 et 1804, ils ont quatre enfants : Clémence, en 1800, Jules Adolphe Edouard, en 1801, Clarisse Gabriel Thérésa en 1802 et Stéphanie Caroline Thérésa en 1803. Ils naissent tous rue de Babylone, à Paris, où Gabriel-Julien Ouvrard a installé sa maîtresse. A noter que les deux premiers enfants, nés avant le divorce de Thérésa et Tallien, sont considérés comme les enfants de celui-ci. En effet, Jules Adolphe Edouard, qui devient médecin, est connu sous le nom de Jules Adolphe Edouard Tallien de Cabarrus.
    Sous le Directoire également, Thérésa rencontre un petit général corse, Bonaparte. Elle n'aura pas de liaison avec lui mais le prend en quelque sorte sous sa protection, voyant son indigence. Ainsi, elle lui fait fournir du drap par l'intendance car son uniforme est, juge-t-elle, en très mauvais état. Lorsqu'elle le revoit paraître avec un nouvel uniforme flambant neuf, elle lui lance : « Eh bien, mon ami, vous les avez eues vos culottes ! ». La plaisanterie n'est pas, on s'en doute, au goût de Bonaparte et elle fera d'ailleurs rire tous ses futurs ennemis ! Il semble que Bonaparte ait tenté de faire la Cour à Thérésa mais la jeune femme n'y prêta aucune attention. Alors, le général corse se serait rabattu sur la meilleure amie de Notre-Dame de Septembre, Joséphine de Beauharnais, qui sera son grand amour.
    Le coup d'Etat du 18-Brumaire met un terme à la carrière publique de la Merveilleuse. Bonaparte, qui l'a pourtant autrefois beaucoup aimée mais n'a pas supporté d'être moqué par elle, ne l'accueille pas à sa Cour. Leurs relations sont particulièrement tendues. Il écrira même une fois à Joséphine : « Je te défends de voir madame Tallien, sous quelque prétexte que ce soit. Je n'admettrai aucune excuse. Si tu tiens à mon estime, ne transgresse jamais le présent ordre ». Devenu empereur, il lui refuse un jour une invitation pour le bal des Tuileries, au prétexte qu'elle avait « eu deux ou trois maris, et des enfants de tout le monde ».
    Repoussée par la société officielle, Thérésa fait alors la connaissance de madame de Staël, laide mais à l'esprit particulièrement fin et aiguisé. Elle est née Germaine Necker, elle est la fille de l'ancien ministre de Louis XVI. C'est chez elle que Thérésa va faire la connaissance du prince de Chimay. Il sera son troisième époux : ils se marient le 9 août 1805.
    Thérésa et François Joseph de Riquet de Caraman, prince de Chimay, vivent entre Paris et les Pays-Bas. Le prince possède, en actuelle Belgique, le château de Chimay. C'est là que Thérésa achève sa vie le 15 janvier 1835. Elle est enterrée avec son dernier époux dans la sacristie de l'église locale. Elle aura trois enfants de son troisième mariage : deux garçons et une fille. François-Joseph-Philippe, né en 1808 deviendra le 17ème prince de Chimay en 1843.

    V. Théroigne de Méricourt, la révolutionnaire folle

    INTERMÈDE LXVIII

    Anne-Josèphe Terwagne, surnommée Théroigne de Méricourt, est née le 13 août 1762 à Marcourt, dans l'actuelle Belgique et ancienne principauté de Liège. Elle est connue pour avoir été une femme politique française et une figure de la Révolution Française.
    Anne-Josèphe est la fille de Pierre Terwagne, laboureur de son état à Xhoris et d'Elisabeth Lahaye, originaire de Marcourt. Anne-Josèphe, plus tard prénommée Lambertine est confiée à diverses tantes, dès l'âge de cinq ans, lorsqu'elle perd sa mère puis à un couvent. Elle a douze ans lorsqu'elle revient chez son père, qui s'est remarié depuis. Et, l'année suivante, à cause d'une mésentente avec sa belle-mère, Anne-Josèphe s'enfuit pour ne plus jamais y revenir. Elle se fait vachère, à Sougné-Remouchamps puis servante dans une maison bourgeoise. Au fil des ans, la jeune Anne-Josèphe devient ce que l'on pourrait appeler une demi-mondaine. Elle est remarquée, à l'âge de 17 ans, par une femme du monde d'origine anglaise, nommée Madame Colbert. Cette dernière fait de la jeune fille sa dame d'honneur.
    Anne-Josèphe va aller vivre à Paris puis à Londres, où elle tente une carrière de chanteuse. Elle est séduite par un officier anglais. Elle se rend ensuite en Italie où elle connaît des aventures multiples. Elle se trouve à Naples lorsqu'elle apprend la convocation des Etats Généraux en France, en 1789. Elle se jette alors de toutes ses forces dans le tourbillon révolutionnaire en gagnant la France dès le 11 mai 1789. Elle participe, deux mois plus tard, à la prise de la Bastille. C'est à ce moment-là qu'elle prend le nom de Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, sous lequel elle sera désormais la plus connue. Au mois d'octobre 1789, portant le sabre à la main et un pistolet à la ceinture, Théroigne de Méricourt conduit le cortège des insurgés qui se rendent à Versailles pour réclamer le « boulanger, la boulangère et le petit mitron » (Louis XVI, Marie-Antoinette et le Petit Dauphin Louis). On dit que Théroigne, dans cet épisode, aurait servi de modèle à Eugène Delacroix pour sa Liberté dans sa célèbre toile La Liberté Guidant le Peuple. C'est elle qui présente les réclamations du peuple à la reine Marie-Antoinette, qu'elle considère avec mépris.
    A Paris, où Théroigne est connue sous diverses dénominations (« la Belle Liégeoise », de « l'Amazone rouge » ou de « la furie de la Gironde »), elle tient un salon, rue de Boulay, où se réunissent Siéyès, Camille Desmoulins, Pétion, Brisson, Fabre d'Eglatine et d'autres...Cependant, celui qu'elle affectionne le plus est son amoureux transi, Romme...
    C'est d'ailleurs aec lui qu'elle crée le « Club des Amis de la loi », qui se fond dans le célèbre Club des Cordeliers. Fin 1790, la chance tourne. Théroigne n'est plus une égérie qu'on admire. Elle est endettée et, qui plus est, accusée d'avoir participé aux excès des 5 et 6 octobre 1789, restés dans l'Histoire comme les « Journées d'Octobre 1789 ». Théroigne est raillée par la presse et les chansonniers et choisit de revenir s'installer non loin de Liège, dans sa région natale. C'est là qu'elle est arrêtée, dans la nuit du 15 au 16 février 1791, par les agents du nouveau pouvoir autrichien. Elle est soupçonnée, effectivement, d'avoir voulu assassiner la reine Marie-Antoinette, qui, comme tout le monde le sait, est autrichienne. Théroigne est aussi envoyée dans le Tyrol, où elle est internée dans la forteresse de Kufstein, sous le nom de Madame de Theobald. Elle est interrogée pendant des semaines par les transfuges du chancelier Kaunitz qui soupçonne Théroigne de vouloir organiser un vaste complot révolutionnaire contre les principautés de Liège et les Pays-Bas autrichiens. Mais, finalement, elle est liberée 9 mois plus tard par l'empereur Léopold II. Cette séquestration a eu au moins le mérite de lui rendre toute sa popularité en France, où elle revient à la fin de l'année 1791.
    Le 26 janvier 1792, elle fait son entrée aux Jacobins et se range du côté de Brissot, défendant la République contre les royalistes, qu'elle appelle dédaigneusement le « parti des aristocrates », mais également contre les bourgeois qui souhaiteraient voir les femmes au foyer et ne se mêlant pas de politique. Cela va lui valoir des amis même du côté de la Révolution...
    Infatiguable, Théroigne est tous les combats. Favorable à la guerre, au printemps de 1792, elle tente de créer une armée exclusivement composée de femme : la « phalange d'amazones ». Au mois d'août 1792, elle participe à l'invasion du palais des Tuileries, à Paris, où la famille royale résidait depuis son départ de Versailles. Elle pousse la foule à massacrer le pamphlétaire François-Louis Suleau.
    En mai 1793, à l'Assemblée, Théroigne de Méricourt est de nouveau mise en accusation. On l'accuse de soutenir Brissot, qui est le chef de file du partie des Girondins, pas vraiment en odeur de sainteté à ce moment-là. Elle est prise à partie par des femmes jacobines qui la traitent de brissotine et de girondine. Elles s'emparent d'elle, la déshabillent et la fessent publiquement, jusqu'à l'intervention de Marat, qui fait cesser ce pugilat.
    Cet acte, particulièrement dégradant mais aussi, l'impression d'une révolution « ratée » précipitent Théroigne dans la folie. C'est cela qui l'empêche d'être guillotiné à la fin de l'année 1793, contrairement à Madame Roland ou encore, Olympe de Gouges, qui montent sur l'échafaud les 3 et 8 novembre 1793. C'est le frère de Théroigne qui prend la décision de la faire interner à la Salpêtrière, où elle passera les 23 prochaines années de sa vie. Là-bas, obsédée par le sang de Suleau, le pamphlétaire massacré par la foule sous ses instances en 1792, elle vit nue et demande sans cesse des baquets d'eau glacée qu'elle vide ensuite sur son corps. Elle y meurt le 23 juin 1817.
    Sa vie qui fit d'elle, on peut le dire, l'une des premières féministes, inspira Baudelaire dans Les Fleurs du Mal. Récemment, elle fit l'objet d'un roman, Et embrasser la liberté sur la bouche, de Philippe Séguy et, en 1900, un opéra sur la vie de Théroigne fut écrit et composé. Au théâtre, la grande Sarah Bernhardt lui prêta sa voix.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

    -Le Ruban Rouge, Carmen Posadas. Biographie romancée de Madame Tallien
    -Les femmes et la Révolution, Paule-Marie Duhuet. Essai
    -Et embrasser la liberté sur la bouche, Philippe Séguy. Roman dont l'héroïne et Théroigne de Méricourt
    -Mémoires de Charlotte Corday : écrits dans les jours qui précédèrent son exécution, Catherine Decours. Mémoires apocryphes
    -Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne, Olympe de Gouges. Texte juridique.

     


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  • INTERMÈDE LXIX

     

    INTERMÈDE LXIX

     Buste présumé de Cléopâtre 

     

    I. Une jeunesse floue et un début de règne agité

    INTERMÈDE LXIX

    Cléopâtre testant des poisons sur des condamnés à mort par Alexandre Cabanel (1887)

    Cléopâtre VII Thé Philopator, plus connue sous le seul nom de Cléopâtre, serait née vers 69 avant Jésus-Christ à Alexandrie, dans l'hiver.. Reine de la dynastie ptolémaïque, elle est pourtant d'origine grecque et issue de la famille des Lagides. Son père est Ptolémée XII Aulète. Sa mère reste inconnue, elle pourrait peut-être être une concubine égyptienne du roi, mais nous n'avons aucune information sur elle. Elle a pour frères et sœurs Bérénice IV, Arsinoé IV, Ptolémée XIII Dionysos et Ptolémée XIV Philopator II. Selon la tradition égyptienne qui voulait que le pharaon épouse l'une de ses soeurs, Cléopâtre devint l'épouse de son frère Ptolémée XIII. Selon Strabon, Ptolémée XII n'aurait eu qu'une fille légitime, la reine Bérénice IV qui régna de -58 à -55, ce qui ferait donc de Cléopâtre une bâtarde mais l'information ne fut jamais ni confirmée ni infirmée. Par la suite, lorsqu'elle fut au pouvoir, toutes les attaques qui lui furent adressées ne mentionnèrent jamais une quelconque bâtardise...
    Et puis, de toute façon, être une fille illégitime n'était nullement un handicap pour elle, puisque son propre père, Ptolémée XII était lui-même un bâtard de Ptolémée IX. Cléopâtre choisit par la suite de faire planer le doute sur son ascendance maternelle, brouillant les pistes et évoquant une possible filiation égyptienne...C'est l'un des facteurs qui permit à des historiens -outre le fait qu'elle parle parfaitement égyptien- d'expliquer son titre curieux de Philopator, qui signifie « qui aime sa patrie », étrange dans une dynastie qui privilégie les liens dynastiques : (« qui aime son père… sa mère… sa sœur… », etc.). Mais il est possible que ce titre ne concerne en fait que l'origine macédonienne de Cléopâtre et donc, des Lagides ou bien encore, qu'il ne concerne que la ville d'Alexandrie, où Cléopâtre serait née. Cela ferait donc de Cléopâtre une simple « créole » macédonienne et non une Egyptienne : en effet, la ville d'Alexandrie, qui, comme son nom l'indique, a été créée par le roi Alexandre le Grand, était alors considérée comme extérieure à l'Egypte et indépendante vis-à-vis d'elle. Alexandrie ne sera d'ailleurs rattachée à l'Egypte que du fait de ses souverains.
    De l'enfance puis de la jeunesse de Cléopâtre nous ne savons rien, ou presque rien. On ne peut en fait que donner des hypothèses car la prime jeunesse de la future reine reste bien sombre. Tout ce que l'on sait, c'est que Cléopâtre, dans sa jeunesse, dut certainement très faire face au règne agité et chaotique de son père, Ptolémée XII, un moment où le désamour entre la dynastie Lagide d'origine grecque et le peuple égyptien est flagrant. Les causes en sont nombreuses : tout d'abord la débilité (au sens propre et figuré du terme) des souverains, ensuite, la corruption et la cupidité des administrateurs qui gangrènent l'Etat, la perte de plusieurs provinces (Chypre, la Cyrénaïque...) et bien d'autres choses, qui font du règne du père de Cléopâtre l'un des plus calamiteux de la dynastie.
    En -58, Bérénice IV, demi-soeur de Cléopâtre, renverse leur père et s'empare du pouvoir. Elle reste sur le trône jusqu'en -55, date à laquelle Rome intervient militairement pour replacer le souverain déchu sur le trône d'Egypte. Ce dernier va alors se lancer dans une série de massacres, de proscriptions et d'assassinats à laquelle n'échappe pas la reine séditieuse Bérénice IV mais cela ne le conforte pas du tout dans le pouvoir précaire qu'il tient encore entre ses mains grâce aux Romains qui le soutiennent. Il semble que Cléopâtre ait assisté à tous ces évènements avec beaucoup d'attention et elle retiendra la leçon. Une fois elle-même montée sur le trône, elle saura utiliser tous les moyens qui se présentent à elle pour éliminer ses ennemis de son chemin ou ceux qui la gênent, comme so frère Ptolémée XIV, en -44, qui était aussi son époux.
    De la personnalité de Cléopâtre, on ne pourtant peu de choses, le romantisme ayant participé à déformer la vision du personnage. Mais il est certain que c'est une femme courageuse et intelligente, qui sut se réléver assez puissante pour inquiéter Rome...Doté d'un esprit brillant, cultivée, Cléopâtre n'est pas, et loin s'en faut, une beauté. L'image que nous avons d'elle est pourtant tout autre. Son nez a traversé les siècles et a fini par devenir aussi célèbre que sa propriétaire mais on attribue aussi à Cléopâtre une véritable beauté que, vraisemblablement, elle n'avait pas. En effet, le peu de pièces de monnaie que nous avons en notre possession montrent une femme aux traits lourds et au nez très proéminent. Mais elle avait du charme et une certaine séduction, dont elle savait user habilement.
    Il semble que Cléopâtre n'ait pas eu à souffrir de l'enseignement plus qu'insuffisant dont on gratifiait les filles, à son époque, dans le monde hellénistique et cela, même au sein des familles royales. Il semble en effet que la petite princesse ait reçu l'enseignement de pédagogues cultivés et compétents. L'historien latin Plutarque insiste d'ailleurs sur les qualités intellectuelles indéniables de la reine. Véritable polyglotte, elle parle, outre l'égyptien et le grec, l'araméen, l'éthiopien, le mède, l'arabe, l'hébreu et la langue des Troglodytes, peuple vivant au sud de la Libye.
    En mars -51, le roi débile Ptolémée XII Aulète, père de Cléopâtre la désigne sur son testament comme successeur, avec un frère cadet de la jeune fille, le jeune Ptolémée XIII âgée d'une dizaine d'années environ. Selon la coutume ptolémaîque, Cléopâtre est nominalement mariée à son jeune frère car elle ne peut régner seule sur l'Egypte. Toutes les titulatures des débuts du règne relèguent la future reine à la seconde place, accordant donc la plus grande importante à Ptolémée XIII. Leurs trois premières années de règne sont difficiles à cause des problèmes économiques qui secouent l'Egypte. Entre -50 et -48, les souverains doivent faire face à des disettes dues notamment à des crues insuffisantes du Nil mais aussi à des intrigues curiales, notamment entre l'eunuque Pothin et le général Achillas qui cherchent à diviser le frère et la soeur.
    A l'autome -49, le torchon brûle entre Cléopâtre et son jeune frère, leurs relations se dégradent brutalement. On ne connaît pas les causes de cette brusque rupture entre Cléopâtre et Ptolémée. Mais, à partir de cette date, le nom de la reine apparaît dans les textes officiels avant même celui de Ptolémée XIII. Ces tensions aboutissent à un véritable affrontement à l'été -48, lorsque le frère et la soeur se font face à Péluse. Cléopâtre est en difficulté et choisit de fuir : elle passe en Syrie puis à Ascalon, où elle trouve de l'aide. C'est alors que Rome intervient dans les démêlés égyptiens : Pompée, vaincu par Jules César à Pharsale en juin -48, tente de trouver refuge en Egypte. Appien, auteur latin, affirme que Cléopâtre et Ptolémée XIII avaient aidé Pompée en lui envoyant une flotte d'une soixantaine de bateaux. Mais le jeune roi juge, avec ses conseillers, la cause de Pompée comme perdue et décident de le faire assassiner à son arrivée en Egypte, pour se faire bien voir du vainqueur, c'est-à-dire, Jules César. Pompée pose le pied le 30 juillet -48 sur le sol égyptien et est aussitôt assassiné par les sbires de Ptolémée, sous les yeux de son entourage. Seulement, ce que le roi d'Egypte n'avait pas pensé, c'est que cet assassinat met César, arrivé deux jours plus tard en Egypte, en rage. En effet, César considère cet assassinat comme un lâche forfait. Il se fait remettre la tête de Pompée -il a été décapité- qu'il enterre dans le bosquet de Némésis, en bordeur du murs Est de l'enceinte d'Alexandrie et n'éprouve pour Ptolémée XIII que mépris.

    II. La rencontre avec César

    INTERMÈDE LXIX

     César et Cléopâtre par Jean Léon Gérome (1866)

    Pourquoi César débarque-t-il en Egypte ? Il semblerait que l'homme fort de Rome ait des raisons politiques -annexion de l'Egypte, par exemple- mais aussi des raisons plus personnelles : il cherche en effet à obtenir le remboursement des dettes contractées par Ptolémée XIII auprès d'un banquier romain et qu'il a reprises à son compte. Il se rend bien compte de la désunion qui déchire le couple royal égyptien et s'emploie alors à les réconcilier dès la fin de l'année -48. Les deux souverains sont convoqués par lui au palais royal d'Alexandrie. Ils finissent, après bien des tergiversations, à s'y rendre et c'est à ce moment-là qu'aurait eu la fameuse légende du tapis de Cléopâtre : la jeune reine de 20 ans se serait en effet enrouler dans un tapis que des domestiques auraient ensuite déroulé aux pieds de César. La jeune femme serait ainsi apparue sous les yeux du Romain, séduit sinon par sa beauté, par son redoutable charme.
    César propose le « statu quo ante », c'est-à-dire, à un retour à ce que préconisait le testament de Ptolémée XII, père de Cléopâtre et Ptolémée XIII. La jeune femme accepte mais son frère refuse, guère impressionné qu'il est par les faibles effectifs de César -7000 hommes environ. D'ailleurs, César se trouve d'ailleurs même prisonnier dans les murs d'Alexandrie à la fin de l'année -48. C'est finalement la noyade de Ptolémée XIII dans le Nil, le 15 janvier -47 qui met fin aux hostilités.
    A ce moment-là, César a renoncé à ses projets d'annexion. Il faut dire que, séduit par la jeune reine, il a commencé une romance avec elle, qui est en plus devenue son alliée. Mais on ne peut pas dire avec certitude que c'est cette liaison qui a poussé César à revoir ses ambitions et à préférer une alliance plutôt qu'une annexion. Il est vrai aussi que l'Egypte représenterait pour un homme politique ambitieux un véritable tremplin : un gouverneur d'Egypte ambitieux pourrait tenir Rome à sa botte en la privant par exemple du blé égyptien qui approvisionnait la cité...En effet, à ce moment-là, la position de César n'est pas si assurée que l'on veut bien le croire.
    Avant de quitter l'Egypte, César ordonne à Cléopâtre d'épouser un autre de ses frères cadets, le jeune Ptolmée XIV. Mais désormais, elle est la seule à détenir le pouvoir, sous un protectorat romain. Désormais, le nom de la reine est en placé en tête des actes officiels. En Egypte, sa liaison avec le Romain ne fait mystère pour personne. Mais César doit bientôt quitter l'Egypte pour aller se battre contre Pharnace, le roi du Pont mais aussi contre les derniers partisans de Pompée en Afrique. Lorsqu'il revient à Rome en -46, il convoque les souverains Lagides. Les raisons de cette convocation sont imprécises : César veut-il revoir sa maîtresse égyptienne ? Veut-il impressionner les souverains d'Egypte en les faisant assister aux éclatants triomphes qui célèbrent sa gloire à Rome durant l'été -46 ? Ou bien souhaite-t-il leur montrer ce qu'il en coûte de se révolter contre lui en exposant dans ses triomphes Arsinoé, soeur de Cléopâtre, qui s'était fait reconnaître comme reine par les troupes du roi Ptolémée XIII ? Ou bien veut-il garder en otage à Rome les souverains d'un pays dont les ressources en blés sont essentielles pour Rome ? Il est difficile de trancher pour telle ou telle question et apporter une réponse claire. Toujours est-il que les souverains d'Egypte quittent leur pays pour Rome. Pendant ce temps, le royaume est gouvernée par les officiers des troupes restées à Alexandrie. A Rome, Cléopâtre, qui retrouve son amant, est logé par lui dans sa villa qui surplombe le Tibre.
    Cléopâtre passe deux ans à Rome. D'abord, elle est logée dans la villa du Trastevere par César. Elle retourne ensuite en Egypte mais son séjour y est bref et elle revient à Rome. Elle est, à ce moment-là, probablement logée dans les anciens jardins appartenant à Claudia, la femme de Catulle, qui est aussi son amie. Le seul geste officiel de César en faveur de la reine d'Egypte est de faire placer une statue dorée à son effigie dans le temple de Vénus Genetrix à Rome, ancêtre mythique de la dynastie des Julio-Claudiens, dont il est issu. Par contre, on sait qu'elle rencontre quelques hommes politiques...parmi eux, Cicéron, qui écrira d'ailleurs, péremptoire, à Atticus : « Je déteste la reine. »
    Le peuple romain la considère également d'un mauvais oeil. A ses yeux, Cléopâtre n'est finalement rien d'autre que la prostituée de César. Même si elle est reine et déesse en sa demeure, elle n'incarne qu'une conquête romaine, une esclave, qui ne peut offrir de descendance à César. Pline la surnomme d'ailleurs la « regina meretrix », la « reine putain », ce qui est très clair. Sur de nombreuses lampes à huiles, on représente des caricatures de Cléopâtre : ainsi, elle est représentée en train de s'accoupler avec un crocodile et tenant une palme de victoire ! 

     

    III. La reine d'Egypte

    INTERMÈDE LXIX

    Antoine et Cléopâtre par Lawrence Alma-Tadema (1885)

    Cléopâtre tombe enceinte de César et donne naissance à un fils, Césarion, dont la date de naissance reste inconnue et sujette à caution. Il semble vraisemblablement qu'il soit né après la mort de César en -44. En effet, dans le testament de César, aucune allusion n'est faite au fils de Cléopâtre et il désigne son petit-neveu Octave comme son héritier.
    Aux ides de mars -44, César est assassiné lors d'une séance du Sénat. Profitant de la confusion qui secoue Rome après l'assassinat de César, Cléopâtre quitte Rome à la mi-avril. Elle fait une escale en Grèce puis fait voile vers Alexandrie où elle arrive en juillet -44. Elle entreprend de rétablir l'autorité de l'Egypte sur l'île de Chypre, qui avait été cédée à Rome en -59 par son père Ptolémée XII.
    A peine revenue en Egypte, elle y fait assassiner son jeune frère et second époux Ptolmée XIV, qui était un monarque fantoche donc inutile mais aussi, un rival potentiel. La naissance de son fils lui assurant un successeur éventuel, elle prend seul le titre de reine et ne se remarie pas.
    Mais la reine est confrontée à des années difficiles. Dès -43, elle doit faire face à une famine qui s'abat sur son pays puis à une absence de crues du Nil pendant deux années consécutives, en -42 et -41. Cléopâtre s'emploie surtout au ravitaillement de sa capitale, pourtant prompte à se rebeller contre le pouvoir. Elle doit en plus composer avec les trois légions romaines installées là par César avant son départ d'Egypte et qui se livrent à des exactions, jusqu'à leur départ définitif en -43.
    De plus, la guerre que se livrent les assassins de César et ses héritiers oblige la reine à louvoyer, diplomatiquement parlant. En effet, les assassins de César, Brutus et Cassius tiennent respectivement l'Asie Mineure et la Syrie. Le gouverneur de l'Egypte à Chypre, qui administre donc l'île au nom de la reine, aide Cassius, sans doute avec l'assentiment de la reine d'Egypte ce qui peut paraître étrange puisqu'elle a tout de même été l'amante de César. Il semble que la reine soit passée au dessus des sentiments que lui inspirent les assassins de César mais Sérapion, le gouverneur de Chypre, sera désavoué par la suite.
    Dans le même temps, Cléopâtre envoie une flotte aux partisans de César, menés par ses héritiers, Octave -futur empereur Auguste- et Marc Antoine. Ils reconnaissent Césarion comme roi. La flotte est victime d'une tempête au large des côtés de la Libye mais permet à la reine de se placer dans le camp des vainqueurs, quand, en -42, les Républicains sont battus lors de la bataille de Philippes. En -43, elle envoie les légions romaines qui stationnent en Egypte contre Cassisus. Elle espère en effet qu'elle vont s'opposer à lui mais en fait, elles finissent par se rallier à sa cause ! Cassius envisage, semble-t-il, de s'emparer de la ville d'Alexandrie, quand le débarquement d'Antoine et d'Octave en Egypte le fait reculer dans ses projets.
    En -41, Cléopâtre est âgée de 29 ans, Marc Antoine d'une quarantaine d'années. Le général romain avait participé, en -55, au rétablissement de Ptolémée XII sur le trône d'Egypte mais on ne peut dire avec certitude que la future reine et le général s'étaient fréquentés à ce moment-là. Appien indique que Marc Antoine avait déjà remarqué la jeune femme, mais nous n'en avons pas la preuve. On ne peut donc pas savoir si la rencontre de -41 est la première ou bien si les deux protagonistes s'étaient déjà vus dans le passé. Cléopâtre et Marc Antoine auraient pu également se connaître lors du séjour de la jeune femme à Rome. Quoi qu'il en soit, lorsque le général pose le pied sur le sol égyptien, il semble mal connaître la reine et c'est réciproque. Après le partage du monde romain qui a lieu après la bataille de Philippes, Marc Antoine reçoit l'Orient. Il reprend alors le grand projet que César nourrissait avant sa mort : une formidable expédition contre les Parthes, ennemis héréditaires de Rome. Pour cela, il convoque tous les souverains des royaumes clients de Rome en Cilicie, à Tarse, précisément. Parmi eux, la reine d'Egypte est conviée. Comme Cléopâtre connaît la vanité et le goût du faste de Marc Antoine, elle débarque avec un navire à la poupe dorée et aux voiles de pourpre. Elle-même siège sous un dais d'or et est entourée d'un équipage déguisé en Nymphes, en Néréides et en Amours. Puis, elle invite Marc Antoine à bord de sa galère magnifique pour un banquet qui se veut lui aussi tout aussi somptueux. C'est alors que commence entre eux une liaison qui va durer dix ans, sans doute l'une des plus célèbres retenues par l'Histoire, même s'il est difficile de savoir si, chez Marc Antoine, le calcul n'a pas le pas sur l'amour -en effet, il a besoin de l'Egypte pour soutenir et nourrir ses projets.
    Marc Antoine suit Cléopâtre à Alexandrie où il passe l'hiver -41 / -40, laissant son armée. C'est le moment que choisissent les Parthes pour lancer une vaste offensive qui leur permet de s'emparer de la Syrie mais aussi du sud de l'Asie Mineure et de la Cilicie. Antigone Matthathias, prince de la famille des Hasmonéens, hostile aux Romains, est reconnu comme roi de Jérusalem et installé sur le trône. Marc Antoine quitte alors son havre de paix d'Alexandrie pour tenter de sauver l'honneur. Il lance une courte offensive depuis Tyr mais obligé de rentrer rapidement à Rome, dans le courant de l'été -40. Là, s'affrontent ses partisans et ceux d'Octave. Pour tenter de calmer le jeu avec ce dernier, il conclut avec lui la paix de Brindes en octobre -40 et épouse sa soeur Octavie pour sceller leur pacte. Pendant ce temps, à Alexandrie, la reine d'Egypte accouche de jumeaux, enfants de Marc Antoine : le garçon est prénommé Alexandre Hélios, la fille Cléopâtre Séléné.
    La séparation d'Antoine avec sa maîtresse dure trois ans, du printemps -40 à l'automne -37 précisément. On ne connaît rien des actions de la reine pendant cette période. Lorsqu'Antoine quitte Rome, les deux amants se retrouvent à Antioche à l'autome -37. Comme il dirige l'Orient, Antoine lance une politique nouvelle d'envergure : ses alliés ont chassé les Parthes et, là où il le peut, il substitue à l'administration directe de Rome des Etats clients. C'est ainsi qu'Hérode devint roi de Judée, avec l'appui direct de Marc Antoine. Un même phénomène se produit simultanément en Galatie, dans le Pont et en Cappadoce. Cléopâtre tire bénéfice de cette nouvelle politique puisqu'elle se voit confirmer dans sa possession de Chyre -effective en fait depuis -44-, mai dans certaines villes de la côte syrienne, de le royaume de Chalcis -Liban actuel- et de la côté cilicienne. Cléopâtre reconstitue ainsi patiemment une partie de la thalassocratie des premiers rois de la dynastie Lagide.
    En -37 / -38, Marc Antoine, qui est décidément d'humeur belliqueuse, décide de s'attaquer une nouvelle fois aux Parthes, mais cette campagne tourne au désastre, notamment à cause de l'hiver rigoureux qui dévit dans les montagnes de l'Arménie et de l'Iran actuels. Antoine lui-même en réchappe de peu. Cléopâtre ne l'a pas accompagné dans sa campagne : elle est restée à Alexandrie car elle est enceinte une nouvelle fois et elle donne naissance à Ptolémée Philadelphe, son quatrième enfant et le troisième né de son union avec Marc Antoine.
    Après -37, à Rome, on commence à voir à Rome l'alliance d'Antoine et de la reine d'Egypte d'un mauvais oeil. En effet, elle est considérée comme une véritable menace contre l'Empire et contre Octave lui-même. Ce dernier décide d'envoyer sa sœur Octavie, propre épouse d'Antoine et mère de ses deux filles, Antonia Major et Antonia Minor, au début du printemps -35, rejoindre son légitime époux. Mais Antoine, qui n'est pas prêt à quitter sa maîtresse, ordonne à sa femme de faire demi-tour alors qu'elle est à Athènes. Octavie, sans montrer aucun signe de contrariété, ordonne aux troupes qui l'accompagnent, des renforts destinés à son époux par son frère, de poursuivre leur route vers Alexandrie.
    Antoine, toujours en Egypte, n'en finit plus de ruminer son échec militaire humiliant contre les Parthes et il décide de lancer une nouvelle expédition militaire en -35, qui va s'avérer bien plus chanceuse que la précédente. Ainsi, l'Arménie et la Médie lui font allégeance et Antoine célèbre un triomphe, non à Rome mais à Alexandrie. A ce triomphe, il associe la reine d'Egypte et ses trois enfants, nés de leur liaison. Un peu plus tard, Césarion, le fils de Cléopâtre et de César est proclamé roi des rois tandis que le jeune Alexandre Hélios reçoit en partage l'Arménie et les terres se trouvent au-delà du fleuve Euphrate. Ptolémée Philadelphe, pour sa part, se voit confier, nominativement bien évidemment, car il n'a alors que deux ans environ, la Syrie et l'Asie Mineure. La petite fille, Cléopâtre Séléné, n'est pas oubliée et se retrouve ainsi à la tête de la Cyrénaïque. Cléopâtre, elle, réclame la Judée, mais Marc Antoine ne cède pas. La Judée ne tombera pas dans l'escarcelle de l'Egypte. Très fine, la reine d'Egypte ne manque pas de remarquer, également, que la moitié des états confiés à ses enfants par Marc Antoine ne sont pas effectivement sous son contrôle.

    IV. Le désastre d'Actium et la fin légendaire

    INTERMÈDE LXIX

    La Mort de Cléopâtre par Reginald Arthur (1882)

    En -32, les relations entre Marc Antoine et Octave s'enveniment de nouveau. L'affrontement devient inévitable. Octave craint Marc Antoine et sa popularité, grandissante au Sénat depuis son triomphe de -35. La désignation, par la suite, de Ptolémée XV Césarion, fils de la reine d'Egypte et de son grand-oncle César, lui front entrevoir une menace plus grande encore que tout ce qu'il avait pu imaginer. En effet, Césarion est le fils de César, Octave n'en est que le petit-neveu et il pourrait venir à l'idée du jeune homme de réclamer un jour l'héritage paternel.
    Octave s'emploie alors à dénigrer Marc Antoine par tous les moyens et dénonce aussitôt l'influence de Cléopâtre, l’Égyptienne, sur lui. Il accuse la reine d'Egypte de retenir le général grâce à ses charmes et juge les absences de Marc Antoine comme désastreuses pour Rome. La plupart des accusations portées contre Cléopâtre par Octave sont fausses mais elles auront la vie dure puisqu'elles participeront à tisser, dans l'oeuvre latine -Sénèque, Pline l'Ancien...-, la légende noire qui accompagne son personnage depuis des siècles. Ainsi, Cléopâtre est rendue responsable de la guerre et la propagande du futur Auguste n'hésite pas à affirmer que le but ultime de la reine d'Egypte est de régner sur Rome !
    La guerre qui va opposer Octave et Marc Antoine voit l'Egypte fournir une part importante de l'effort de guerre : près de 200 trières sont ainsi fournies par la reine d'Egypte. Les royaumes alliés, à l'exception de la Judée, grâce aux manœuvres de l'habile Hérode, qui parie sur Octave, sont aussi mis à contribution. Marc Antoine possède des troupes aguerries et supérieures en nombre. Pourtant, il va être défait lors de la bataille qui se prépare...Tandis qu'Octave peine à réunir une armée digne de ce nom, en Egypte, les officiers d'Antoine voient d'un mauvais œil l'implication clairement affichée de Cléopâtre dans la guerre, en particulier par les anciens républicains, assassins de César, qui se sont ensuite alliés à lui. Par exemple, Domitius Ahenobarbus refuse de saluer Cléopâtre de son titre de reine et finit par faire défection.
    Pendant la préparation de la guerre, Cléopâtre ne quitte pas Antoine d'une semelle. Ainsi, elle est avec lui à Ephèse, à Athènes puis à Patras. Plus lucide que les officiers de son amant, elle comprend très bien que les accusations portées contre elle par Octave n'ont pour but que de miner la popularité d'Antoine au Sénat, à Rome.
    La bataille navale d'Actium a lieu en septembre -31. Cléopâtre, qui comprend très vite l'issue de la bataille, rompt le combat et rebrousse chemin avec sa flotte, vers l'Egypte. Cette fuite est bien évidemment utilisée par Octave et permet à ce dernier de se rallier de nombreux fidèles d'Antoine.
    Les derniers mois de Cléopâtre et Antoine sont mal connus. Antoine est retourné en Egypte après Actium et ne prend aucune mesure ou presque, pour lutter contre l'avancée triomphale et de plus en plus menacante d'Octave. Il se perd en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans plus se soucier de la situation de plus en plus désastreuse. Et qu'en est-il de la reine d'Egypte ? Certains affirment qu'elle cherche maintenant à séduire Octave, qui est l'homme fort du moment mais aucune preuve n'a été apportée à cela. Il semble surtout qu'elle ait cherché à mettre son fils aîné, Césarion, à l'abri, en l'envoyant à Méroé, au Soudan.
    Vers août -30, onze mois après la bataille, Octave arrive à Alexandrie. Marc Antoine, à qui l'on rapporte la fausse annonce du suicide de Cléopâtre décide de mettre lui aussi fin à ses jours en se jetant sur son épée. Il est transporté agonisant dans le tombeau que Cléopâtre était en train de faire construire pour elle et dans lequel elle s'est retranchée avec quelques femmes. La reine est conduite devant Octave, qui accepte de la laisser se retirer avec ses servantes. Cette attitude est étrange, car Octave ne semble prendre aucune précaution pour éviter un éventuel suicide de la reine. Et pourtant, il a besoin d'elle, pour la faire figurer dans son triomphe. Mais peut-être craint-il que la reine déchue, à l'instar de la reine Arsinoé dans le triomphe de César, ne suscite chez les Romains de la compassion plutôt que de la haine ? Il n'est pas impossible qu'Octave ait espéré le suicide de la reine qu'il aurait pu ensuite montrer comme l'ultime lâcheté de cette femme perverse et charmeuse. Suétone, lui, affirme au contraire qu'Octave souhaitait maintenir Cléopâtre en vie et qu'il aurait même tenté de la sauver. Mais il est difficile de connaître la vérité, les sources se contredisant toutes.
    En ce qui concerne la mort de Cléopâtre, le légendaire suicide à l'aide d'un aspic est aujourd'hui regardé comme une fausse information. C'est Plutarque qui dresse un récit mélodramatique du suicide de la reine. Pour cela, il s'inspire du récit des événements publié par Olympios, le médecin personnel de Cléopâtre.
    Avec ses deux plus fidèles servantes, qui ne l'ont pas abandonnée, Iras et Charmiane, la reine Cléopâtre se donne la mort le 12 août -30, en se faisant apporter un panier de figues dans lequel se trouvent deux aspics venimeux. Pour E. Will, cette mort voulue par la reine d'Egypte lui permettait de se rattacher un peu plus aux traditions égyptiennes qui voulaient que la morsure de l’uræus confère l'immortalité.
    Certains historiens ont soulevé l'invraisemblance de cette mort. En effet, Cléopâtre se donne la mort avec deux de ses femmes, or, les serpents se déchargent de tout leur venin lors de la première morsure. Ainsi, deux aspics n'auraient pu tuer trois personnes. Mais l est vrai que certains serpents, comme les cobras peuvent contrôler leur venin et ainsi, tuer à plusieurs reprises...Ces historiens pensent en fait que c'est Octave qui a fait exécuter la reine mais il négligent le fait que Cléopâtre était alors âgée de 39 ans, un âge important pour l'époque et qu'elle avait quatre enfants. Ainsi, elle ne représente plus vraiment une menace pour Octave. Et d'ailleurs, s'il fait assassiner Césarion, les trois enfants nés d'Antoine et de Cléopâtre ont la vie sauve et ne sont pas exécutés alors qu'ils auraient pu représenter une menace bien plus importante que leur mère affaiblie par la mort de son amant et la défaite d'Actium. Cléopâtre Séléné et ses frères Alexandre Hélios et Ptolémée Philadelphe sont aménés à Rome où Octavie, l'épouse d'Antoine, va les élever. Par la suite, la petite Cléopâtre Séléné devenue grande épousera le roi berbère Juba II de Maurétanie, orphelin de guerre élevé à Rome comme elle. On ne sait ce que devinrent les deux garçons.
    Pour en revenir à la mort de Cléopâtre, certains historiens avancent la théorie du poison, déjà invoquée par Strabon. Le poison le plus connu à l'époque était un mélange d'opium, de ciguë et d'aconitum, que la reine aurait placé dans une épingle à cheveux qui maintenant son diadème orné d'un double uræus, d'où la quiétude sur le visage de la reine défunte et la confusion, par la suite, avec les cobras ou les aspics.

    Cléopâtre, bien qu'affublée dès avant sa mort d'une légende noire tenace, a été une bonne administratrice et s'est rendue compte que l'Egypte ne pouvait plus se suffire à elle-même, malgré son passé glorieux. Elle a tenté de sortir son pays de la décadence tout en maintenant son indépendance et en affermissant son propre pouvoir. A aucun moment, Cléopâtre ne perd de vue qu'elle est la représentante suprême de l'Egypte et de son peuple. Elle tente ainsi de rallier les gens de la chôra -la province, par opposition aux gens d'Alexandrie- et protège les populations juives installées en Egypte. Finalement, le règne de Cléopâtre est une période plutôt heureuse pour l'Egypte. Elle assume aussi des rituels pharaoniques que ses prédécesseurs ont négligés et elle adopte le rituel traditionnel pour la naissance de Ptolémée-Césarion-Horus, fils de César-Amon et de Cléopâtre-Isis. Le trône pour elle est moins un patrimoine que l'on dilapide qu'une patrie que l'on dirige, ce simple fait la distingue des derniers souverains de la dynastie.

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    - Cléopâtre, la déesse-reine, Christian-Georges Schwentzel. Biographie.
    - Cléopâtre, Joël Schmidt. Biographie.
    - Antoine et Cléopâtre, la fin d'un rêve, P-M Martin. Essai historique, biographie.

     


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  • INTERMÈDE HISTOIRE LXX

    I. Lady Hamilton, la perle du XVIIIème siècle anglais

    INTERMÈDE HISTOIRE LXX

    Lady Hamilton en Circé par George Romney 

    La future lady Hamilton est née Amy Lyon, le 26 avril 1765, à Ness, près de Neston, dans le Cheshire. Elle fut la maîtresse du célèbre Horatio Nelson et l'une des muses du peintre George Romney. Plus tard, elle changera son nom en Emma Hart.
    Amy Lyon est la fille d'un forgeron, Henry Lyon, qui meurt alors qu'elle n'a que deux mois. L'enfant sera alors élèvée par sa mère, Mary Kidd, à Hawarden. Amy Lyon ne recevra pas d'éducation formelle. Les détails de la vie d'Amy et surtout, son enfance, sont imparfaitement connus. Nous savons qu'elle fut, à l'âge de 12 ans, bonne dans la maison du docteur Honoratus Leigh Thomas, à Hawarden, chirurgien à Chester. Plus tard, alors qu'elle travaille dans la maison de la famille Budd, à Chatham Place, Blackfriars, elle fait la connaissance d'une autre domestique, nommée Jane Powell, qui souhaite devenir actrice. Emma participe à ses répétitions de plusieurs rôles tragiques. Inspirée par l'enthousiasme de son amie Jane Powell pour le théâtre, la jeune femme commence alors à travailler au Drury Lane Theatre, à Covent Garden, comme domestique de plusieurs actrices : parmi elles, Mary Robinson. On peut s'en douter, la jeune Emma Ly n'est que peu payée pour exercer ce métier. Emma fut ensuite modèle et danseuse.
    Vers l'âge de 15 ans, Emma rencontre Sir Harry Featherstonhaugh, qui l'embauche pendant plusieurs mois comme hôtesse, notamment durant une vie de garçon organisée au domaine de Sir Harry. Elle y aurait dansé nue, sur une table. Par la suite, Sir Harry en fait sa maîtresse mais l'abandonne souvent pour aller chasser ou boire avec ses amis. C'est alors que la jeune Emma rencontre le frère du second comte de Warwick, Charles Francis Greville, avec qui elle se lie d'amitié. A peu près à cette époque-là, en 1781, elle tombe enceinte des oeuvres de Sir Harry. Celui-ci, à l'annonce de la grossesse de sa maîtresse, est furieux et ne veut pas de l'enfant. Il a alors l'idée d'installer Emma dans l'une de ses maisons de Londres. Emma va abandonner Sir Harry. Il se pourrait qu'elle ce soit ensuite rapprochée de Charles Francis Greville, pour qui elle avait conçu un romantique attachement. Il est plus proche d'elle en ce qui concerne l'âge que Sir Harry et la jeune Emma pense, naïvement, qu'il va l'épouser un jour. Elle devient sa maîtresse. L'enfant d'Emma et Sir Harry voit le jour, c'est une petite fille, Emma Carrew. Après sa naissance, elle sera placée chez Mr et Mrs Blackburn, qui se chargeront de l'élever. Ceci dit, il se pourrait que l'existence de cette enfant ne soit qu'une légende. D'autres sources affirment que Emma Carrew, l'enfant d'Emma et de Sir Harry, fut élevée par sa grand-mère au Pays de Galles.
    Vers l'âge de 20 ans, elle rencontre celui qui va faire d'elle sa muse : George Romney, qui la peint en Bacchante ou encore, en Circé, dans de nombreux portraits. Elle sera sa muse pendant une dizaine d'années, après avoir été présentée au peintre par Charles Francis Greville.
    La condition de Charles Francis Greville l'oblige à faire un bon mariage. Des nécessités financières le poussent également à opter pour un bon parti. Son désir de mariage est donc en totale contradiction avec la relation qu'il poursuit avec Emma. Il ne pourra donc pas l'épouser comme elle semblait le souhaiter. La jeune femme est alors envoyée à Naples pour apprendre à devenir une véritable lady, auprès de Sir William Hamilton, oncle de Charles Francis. En échange, Sir Hamilton s'engage à honorer les dettes de Greville. Sir Hamilton va faire d'Emma sa maîtresse et l'épouse, le 6 septembre 1791 à St George's Hanover Square, à Londres. Emma, devenue Lady Hamilton -elle ne sera plus connue que sous ce nom-là-, a 26 ans. William Hamilton a vingt-cinq ans de plus qu'elle : en 1791, il a 51 ans.
    Lady Hamilton fait ensuite de nombreux séjours à Naples et notamment à la cour de Marie-Caroline de Naples, la reine, épouse de Ferdinand Ier de Naples. C'est à la Cour napolitaine que la jolie lady Hamilton rencontre Sir Horatio Nelson en 1793, deux ans après son mariage. C'est un marin, qui est alors en charge de chercher des renforts pour contrer les Français, avec qui l'Angleterre est en guerre. Cinq ans plus tard, il revient à Naples. Il est auréolé d'une gloire qui l'a transformé en véritable légende vivante mais l'a aussi prématurément vieilli : il a perdu un bras, porte un bandeau sur un oeil et a perdu la plupart de ses dents. Emma s'évanouit lorsqu'elle le revoit. Mais elle accepte néanmoins de l'héberger dans la maison de son époux, s'occupe de lui et le nourrit. Elle va même jusqu'à organiser une fête avec 1800 convives pour fêter son 40ème anniversaire !! Leurs rapports semblent avoir été tolérés, sinon encouragés, par le vieux William Hamilton, qui, même s'il ne le montrait pas, avait une grande admiration et beaucoup de respect pour Nelson.
    Les relations de Nelson et de Lady Hamilton ne resteront pas platoniques puisque le 3 janvier 1801, à l'aube du XIXème siècle, Emma donne naissance à une fille, Horatia Nelson, dans une femme du Norfolk, à Merton, précisément. Par la suite, le couple s'installerera dans une petite maison de Merton. Nelson meurt en 1805, lors de la célèbre bataille de Trafalgar. Emma, qui a hérité des biens de son mari, Sir William Hamilton, les dilapide rapidement et se retrouve profondément endettée dès 1813. Malgré le statut de Nelson, considéré comme une gloire nationale en Angleterre, on ignore qu'elle instructions il a laissées, en ce qui concerne Emma, qui n'était pas son épouse. Celle-ci meurt en 1815, dans le plus grand dénument. Alcoolique, elle aurait succombé à une insuffisance hépato-cellulaire, à Calais. D'autres sources affirment qu'elle serait morte d'une dysenterie amibienne, contractée lors de ses séjours à Naples. Son époux, William Hamilton, souffrait de la même maladie.

    II. Elizabeth Chudleigh, l'excessive

    INTERMÈDE HISTOIRE LXX

    Elizabeth Chudleigh en Iphigénie lors d'un bal costumé

    Née en 1720, Elizabeth Chudleigh est la fille de Thomas Chudleigh, qui meurt alors qu'elle n'a que six ans. Elle est surtout connue pour avoir été duchesse de Kingston, dite parfois, également, comtesse de Bristol. En 1743, elle est nommée demoiselle d'honneur de la princesse Augusta, épouse du prince de Galles, sans doute grâce à l'intervention de son ami, William Pulteny, comte de Bath.
    Miss Chudleigh est spirituelle et jolie mais aussi ambitieuse et fantasque. Elle ne manquait pas d'admirateurs, parmi lesquels le sixième duc de Hamilton, James Hamilton et Augustus John Hervey, qui devint par la suite troisième comte de Bristol. Elizabeth entretient une relation avec Hamilton mais ce dernier quitte l'Angeterre et, le 4 août 1744, elle finit par épouser, dans la plus grande discrétion, lord Hervey. Comme ni l'un ni l'autre n'avait une grande fortune, le mariage fut gardé secret afin qu'Elizabeth puisse garder sa place à la cour de Georges II. En effet, comme nous l'avons dit, elle était dame d'honneur de la propre belle-fille du roi, la princesse de Galles, Augusta. Hervey, qui était officier de marine, regagna son bateau et ne revint en Angleterre que vers la fin de l'année 1746.
    Leur mariage ne fut pas heureux et le couple ne tarda pas à prendre la décision de se séparer purement et simplement. Mais, quand il apparut que lord Hervey succéderait plus que probablement à son frère en tant que comte de Bristol, Elizabeth, fine mouche, fit tout ce qui était en son pouvoir pour établir la preuve de leur mariage. En effet, comme il était tenu secret, il n'était pas considéré comme valide.
    En 1765, Elizabeth fait un séjour à Berlin, où elle rencontre le roi de Prusse Frédéric II. A son retour en Angleterre, elle continue de mener une brillante existence. Elle fait la rencontre d'Evelyn Pierrepont, deuxième duc de Kingston-upon-Hull, pair du royaume et doté d'une fortune fabuleuse. Elle devient sa maîtresse.
    Au même moment, Elizabeth doit faire face à des démêlés avec son mari, lord Augustus Hervey. En effet, ce dernier veut se séparer de son épouse mais Elizabeth n'est pas prête à affronter la publicité qui en résulterait, malgré son désir d'être déliée. Elle plaide alors que son époux est mentalement dérangé et, après qu'elle eut juré solenellement n'avoir jamais été mariée, le tribunal la déclara finalement célibataire en février 1769. Le 8 mars suivant, elle épouse Kingston, qui meurt quatre ans plus tard, en lui laissant ses biens. A une condition cependant : qu'elle ne se remarie plus jamais.
    Elizabeth se remet à voyager partout en Europe, après son veuvage. Elle visite Rome où elle rencontre le pape Clément XIV. Mais en Angleterre, le neveu de son défunt époux, Evelyn Meadows, répand la rumeur qu'elle a été mariée avec Hervey...comme elle a contracté ensuite un mariage avec le duc de Kingston, sans avoir été déliée, elle est considérée comme bigame. Elle doit rentrer à Londres pour se défendre de ces accusations. Le neveu de son époux en a profité également pour attaquer le testament de son oncle. En 1776, Elizabeth est finalement déclarée coupable par la Chambre des Lords. Elle parvient à fuir l'Angleterre, tout en conservant sa fortune. Sa fuite lui permet également d'échapper à d'autres éventuels procès. Officiellement, elle n'était plus que duchesse de Bristol mais continuait de se faire appeler duchesse de Kingston. Pour un temps, elle s'installe à Calais, dans le nord de la France, avant de gagner Saint-Pétersbourg, où elle est reçue avec chaleur par Catherine II. En Russie, Elizabeth s'offre une propriété qu'elle baptise de son nom de jeune fille, Chudleigh. En Pologne, elle est reçue par le prince Radziwill qui souhaite l'épouser. Elizabeth repoussa les avances du prince. Elle revint ensuite en France, où elle acheta une maison à Montmartre, ainsi que le château de Sainte-Assise, tout près de Paris. Après avoir passé de nouveau quelques temps à Rome, elle meurt à Paris à la veille de la Révolution, en 1788. C'est une maladie aussi brutale que mystérieuse qui l'emporte en quelques jours, à l'âge de 68 ans. Elle laissait une fortune tout à fait considérable, formée de bijoux et de biens immobiliers, qui échut à son cousin, le colonel Philip Glower of Wispington.
    La scandaleuse duchesse de Kingston, ex-miss Chudleigh, fut ridiculisée sous les traits de Kitty Crocodile, dans la pièce A Trip to Calais, de l'acteur Samuel Foote, qui ne reçut toutefois jamais l'autorisation pour être montée.

     

     © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    -Lady Hamilton : Des bas-fonds de Londres aux palais de Naples, Monique de Huertas. Biographie.
    -Emma Hamilton, Nora Lofts. Biographie.
    -L'Excessive, Alexandra Lapierre. Biographie romancée d'Elizabeth Chudleigh.
    -The Scandalous Life of the Duchess of Kingston, Claire Gervat. Biographie.

     

     


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  • INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

    I. Une naissance dans les îles

    Celle que nous connaissons sous le nom de Joséphine est née Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie le 23 juin 1763 aux Trois-Îlets en Martinique, ville proche de Fort-Royal (future Fort-de-France). Elle est la fille aînée de Joseph-Gaspard Tascher de La Pagerie, chevalier et seigneur de La Pagerie et de Rose Claire des Vergers de Sannois. Ses parents sont deux très riches colons, exploitants d'une plantation de cannes à sucre, qui emploie plus de 300 esclaves africains.
    Son grand-père paternel est venu s'installer en Martinique dans les années 1720 et son père est né en Martinique, avant de rentrer en métropole en 1751, où il officiera pendant quelques années comme page dans la maison de la Dauphine, Marie-Josèphe de Saxe avant de rejoindre l'armée. La famille de sa mère est originaire de la Brie mais installée aussi de longue date aux Antilles - probablement dès la fin du XVIIème siècle. On retrouve ainsi dans les textes un certain Dominique des Vergers de Sannois, qui fait ses premières armes sous Robert de Lonvilliers de Poincy, son cousin et gouverneur de l'île de Saint-Christophe depuis juin 1644.
    Le 27 juillet, la petite fille est baptisée en l'église Notre-Dame de la Bonne-Délivrance, aux Trois-Îlets, sa ville natale. Selon la tradition, elle reçoit le prénom Marie de sa marraine, Marie Françoise Boureau de la Chevalerie, qui est sa grand-mère paternelle et le prénom Josèphe de Joseph des Vergers de Sannois, son grand-père maternel. Son troisième prénom, Rose, par ailleurs porté par sa mère, sera son nom usuel jusqu'à son mariage avec Napoléon Bonaparte.
    La petite Rose grandit donc dans la propriété familiale avec ses deux sœurs, Catherine-Désirée et Maria. En 1777, leur tante Désirée de la Pagerie - sœur de Joseph-Gaspard Tascher de La Pagerie-, qui vit en France avec Joseph de Beauharnais a l'idée d'unir l'une de ses nièces avec Alexandre, le fils de Joseph. Celui-ci propose le mariage à Catherine-Désirée. Malheureusement, lorsque la demande parvient en Martinique, la sœur de Rose vient de mourir prématurément de la tuberculose à l'âge de douze ans et Maria, la plus jeune des sœurs, refuse le mariage. Le père décide alors d'accorder la main de son aînée, Rose, au jeune homme. Pour Rose, cela signifie le départ définitif de son île natale pour aller se marier en métropole.
    A la fin du mois d'août 1779, Rose embarque avec son père sur la flûte Isle de France et quitte la Martinique pour toujours.

    II. L'arrivée  en France : des débuts difficiles

    Les noces ont lieu le 13 décembre 1779 à Noisy-le-Grand : le marié a dix-huit ans, la jeune mariée deux de moins. Le destin de la future Joséphine est en marche. Dans son enfance, une devineresse créole lui avait prédit qu'elle atteindrait des sommets en devenant souveraine de France...
    Mais pour le moment Rose, qui n'est pas encore Joséphine, doit faire contre mauvaise fortune bon coeur. En effet, sonm ariage avec Alexandre de Beauharnais n'est pas heureux. Les deux jeunes gens ne s'entendent pas et Alexandre ne va pas tarder à accumuler les maîtresses tout en dilapidant joyeusement sa fortune, qui comprend notamment trois grandes habitations sur l'île de Saint-Domingue, encore sous domination française.
    De cette union houleuse naissent deux enfants : en 1781, Rose, âgée de 18 ans, donne naissance à un fils, prénommé Eugène-Rose, qui sera notamment à l'origine des ducs de Leuchtenberg et 1783, elle accouche d'une fille, Hortense Eugénie Cécile. Celle-ci sera la mère du futur Napoléon III et, de sa relation adultère avec Charles de Flahaut, naîtra le duc de Morny, ministre sous le Second Empire.
    Deux ans plus tard , en 1785, deux ans après la naissance de leur fille, Alexandre et Rose finissent par se séparer, dans des conditions difficiles. La jeune femme va alors se réfugier à l'abbaye de Penthemont, où elle parfait son éducation, au contact de jeunes femmes issues de très bonnes familles françaises...on peut citer Louise d'Esparbès ou encore, Bathilde d'Orléans, qui ont été placées ici par leurs familles pour recevoir une bonne éducation. Finalement, lorsqu'elle quitte le couvent, Rose va s'installer à Fontainebleau chez son beau-père, le marquis de La Ferté-Beauharnais, qui lui témoigne de la sympathie. En 1788, elle quitte la France avec la petite Hortense pour revenir un temps en Martinique et surtout, présenter l'enfant à ses parents. On ignore pourquoi elle ne partit pas avec ses deux enfants.
    La Révolution surprend la jeune femme en Martinique. Elle est obligée de rentrer en France dès 1790, tandis que le souffle révolutionnaire commence à se répandre sur l'île et que les insurgés ont pris son père, maire de Fort-Royal, en otage. Son mari, Alexandre de Beauharnais, exercer alors le poste -assez dangereux au demeurant- de président de l'Assemblée constituante, après avoir été élu député aux Etats Généraux en 1789...

    III. La Révolution

    Le couple Beauharnais renoue pendant la Révolution et se réinstalle ensemble, avec ses deux enfants. Alexandre de Beauharnais parvient à se maintenir tant bien que mal jusqu'en 1793. C'est la chute de Mayence qui précipite la sienne propre : en effet, on lui en attribue la responsabilité. Il parvient tout de même avec regagner son fief de la Ferté-Autain mais est arrêté en mars 1794 sur ordre du Comité de Sûreté Générale et incarcéré à la prison des Carmes. Dans la foulée, toute sa famille est arrêtée également, coupable « de lui avoir appartenu », dixit M. de Lescure. Rose est arrêtée le 20 avril suivant. Alexandre de Beauharnais sera finalement guillotiné le 23 juillet 1794, peu de temps avant la chute de Robespierre ( 9 Thermidor). Sa femme sera sauvée presque par miracle de l'échafaud, alors qu'elle était soupçonnée d'avoir aidé des royalistes. Emprisonnée elle aussi aux Carmes, elle en sort finalement libre le 6 août 1794, peut-être grâce à l'intervention de Thérésia Cabarrus, la fameuse « Notre-Dame de Thermidor », qui entretenait une relation avec Jean-Lambert Tallien.
    A sa sortie de prison, ses connaissances et sa beauté, ouvrent à Rose la plupart des salons alors à la mode. Mais la pauvre femme est complètement ruinée, au point que, lors des soirées à la mode, on la dispense d'amener son pain, comme cela était la coutume alors. Pour autant, Rose, qui ne brille certes pas par sa fortune ou son esprit, met un point d'orgue à être toujours bien mise, accumulant des dettes, qu'elle acquitte sûrement en vendant ses charmes.
    Grâce au directeur Paul Barras, avec qui elle va entretenir une liaison, elle parvient peu à peu à récupérer les biens de son défunt époux Alexandre de Beauharnais et, en 1795, elle réussit à s'acheter un petit hôtel particulier, rue Chantereine, à Paris, qui va lui permettre de vivre « selon son rang ». A cette date, la Révolution sanglante est passée, nous sommes alors sous le Directoire, beaucoup plus souples. C'est le moment où les Merveilleuses et les Incroyables vont se livrer à toutes les extravagances. Rose va alors nouer une relation amicale très forte avec Thérésa Tallien, ancienne Madame de Fontenay, incarcérée comme elle durant la Révolution mais sauvée du bourreau. Elle s'éprend de Barras, qui fait d'elle sa maîtresse mais aussi, une femme entretenue. Mais, peu à peu, Barras, qui se désintéresse d'elle, cherche dans quels bras il va pouvoir jeter son encombrante maîtresse. Il élit un petit officier, originaire de Corse, arrivé, comme Rose, en France en 1779. Il s'appelle Napoléon Bonaparte. Barras le convainc d'épouser la veuve Beauharnais.

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

     Le sacre de Napoléon Ier par Jacques-Louis David 

    IV. L'ascension vers le trône de France : Rose devient Joséphine

    Jaloux et possessif, Napoléon Bonaparte, qui est épris de la jeune femme -elle-même ne l'est pas, elle espère juste que ce mariage parviendra à lui apporter une stabilité financière-, décide de transformer le deuxième nom de Rose en Joséphine, pour ne plus avoir à prononcer un nom usité par ses anciens amants ! Le 8 mars 1796, à Paris, Joséphine est unie à Napoléon. Il a 27 ans elle en a six de plus. Le jeune officier va se vieillir de deux ans et Joséphine, se rajeunir de quatre, pour égaliser leur âge. Petite anecdote, lors de la nuit de noces, qui se passe chez Joséphine, Napoléon veut déloger Fortuné, le carlin de son épouse, qui a élu domicile sur le lit. Furieux de se voir ainsi évincé, le chien de Joséphine mord alors Napoléon au mollet, ignorant qu'il vient de planter ses dents dans la peau du futur empereur des Français !!
    Dès le surlendemain des noces, Napoléon, nommé par Barras général en chef de l'armée d'Italie, doit déjà quitter sa femme pour aller prendre son commandement. Joséphine reste seule à Paris. Elle va trafiquer avec l'armée -un marché plutôt douteux se met alors en place- pour avoir des revenus et surtout, assurer son train de vie qui est de plus en plus luxueux...en ce qui concerne l'entente avec sa belle-famille, on ne peut pas dire qu'elle soit bonne. La jeune soeur de Napoléon, Pauline, qui a le même âge qu'Hortense, appelle dédaigneusement sa belle-soeur « la vieille ». Quant à Madame Mère, Letizia Bonaparte, qui considérera plus tard sa belle-fille d'un mauvais œil, elle ne la connaît pas encore, puisqu'elle réside à Marseille.
    Joséphine, qui n'aime pas son époux, ne se prive pas pour le tromper, ce qui va d'ailleurs donner lieu à des relations plutôt houleuses entre eux deux. Elle tombe par exemple amoureuse du capitaine de hussards Hippolyte Charles, avec qui elle va entamer une liaison, sans s'en cacher. Pendant plusieurs mois, elle va même refuser de rejoindre Napoléon en Italie, alors qu'il le lui réclame expressément, pour rester plus longtemps dans les bras de son amant. Par la suite, ce fut Joséphine qui eut elle-même à souffrir des infidélités de son mari, qui ne se gênait pas pour prendre ses maîtresses dans l'entourage proche de son épouse.
    Après la campagne d'Egypte, pendant laquelle Napoléon prononce cette célèbre phrase : « Du haut de ces pyramides, vingt siècles nous contemplent .», c'est rue Chantereine, dans le petit hôtel de Joséphine, que se prépare le fameux coup d'Etat du 18 brumaire, qui va mettre fin au Directoire et ouvrir l'ère du Consulat. Joséphine va y prendre une place prépondérante, au même titre que Lucien Bonaparte ou encore, Joachim Murat, le futur roi de Naples. En décembre 1799, Napoléon est nommé Premier Consul. Cambacérès devient le second, il est chargé du juridique et Lebrun, le troisième. Lui sera chargé des finances. Mais bientôt, le couple va élire domicile dans une autre maison, achetée par Joséphine durant la campagne d'Egypte : il s'agit de la Malmaison, non loin de Paris. C'est là que Napoléon va décider de remettre rapidement la France dans le « droit chemin », en créant notamment la Banque de France, en rétablissant l'esclavage qui avait été aboli sous la Révolution et en créant l'ordre de la Légion d'Honneur. Il est ensuite nommé consul à vie.
    L'Empire émerge doucement à l'horizon et la position de Joséphine devient de plus en plus précaire, malgré la gloire. En effet, plus âgée que son époux, elle n'est plus en âge de procréer. Elle n'est pas stérile, puisqu'elle a donné naissance à deux enfants mais son âge fait qu'elle ne pourra plus jamais tomber enceinte. Un problème dynastique de taille se pose donc puisque l'Empire sera héréditaire. Pour contourner ce problème, Joséphine pousse Napoléon à marier son frère, Louis Bonaparte, à sa propre fille, Hortense de Beauharnais. En 1802, la jeune femme accouche effectivement d'un premier enfant, un fils, mais Louis Bonaparte refuse catégoriquement que son frère l'adopte pour en faire son héritier légitime. Jusqu'à la répudiation, Joséphine va mener une véritable vie de représentation, comme n'importe quelle première dame.
    Le 18 mai 1804, le Sénat vote, à l'unanimité, l'instauration du gouvernement impérial. C'en est fini du Consulat, place à l'Empire. Napoléon Bonaparte, l'insignifiant petit officier du Directoire, devient Empereur héréditaire des Français. Royaliste dans l'âme -elle avait tenté de sauver des royalistes durant la Révolution, ce qui lui vaudra son incarcération à la prison des Carmes-, Joséphine fait tout pour détourner Napoléon de son rêve d'Empire. « Je t'en prie, Napoléon, ne te fais pas roi ! », lui aurait-elle dit. Peut-être ces paroles étaient-elles également motivées par l'impossibilité de Joséphine à donner un enfant au trône.
    Le 30 octobre de cette même année, pourtant, Joséphine et Napoléon célèbrent discrètement leurs noces religieuses, au palais des Tuileries. Le 2 décembre suivant, en présence du pape Pie VII, Napoléon se couronne Empereur et pose la couronne sur la tête de son épouse : la scène a été immortalisée par David, dans son célèbre tableau représentant le sacre de Napoléon. On voit Joséphine agenouillée devant son époux qui s'apprête à poser la couronne impériale sur sa tête. Joséphine est désormais impératrice des Français.

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

     Le divorce de l'impératrice Joséphine par Henri-Frédéric Schopin

    V. Le divorce et la chute

    Cinq ans après le couronnement à Notre-Dame de Paris, l'absence d'héritier se fait cruellement sentir. Le trône n'est pas conforté et il semble que Joséphine ne sera plus jamais enceinte. Mais, comme elle avait eu déjà des enfants de son premier mariage, c'est Napoléon qui se croyait stérile. Cette angoisse disparaît le jour où une dame du palais de sa femme, avec qui il entretenait une liaison, lui donne un fils, le comte Léon. La jeune polonaise, la comtesse Marie Walewska, tombe également enceinte des œuvres de l'Empereur et accouche d'un fils. Comme Louis Bonaparte lui refuse d'adopter l'enfant qu'il a eu avec Hortense de Beuharnais, Napoléon se voit contraint de répudier Joséphine, pour prendre une femme plus jeune, qui pourra lui donner des enfants. Le divorce est finalement prononcé le 15 décembre 1809 et confirmé le lendemain, par un senatus-consulte. Le mariage religieux, lui, est annulé au début de l'année 1810. La légende veut que Joséphine se soit défendue comme un beau diable, pleurant et criant, avant de faire une syncope, à l'annonce de cette nouvelle.
    Pour autant, Napoléon resta clément avec cette femme qu'il avait aimée. Il lui permit notamment de conserver le titre d'impératrice douairière et lui donne le château de l'Elysée, le château de la Malmaison ainsi que le château de Navarre, proche de la ville d'Evreux. Par la suite, il lui donna également de quoi vivre et éponger ses dettes : dépensière à l'excès et grande amatrice de toilettes, Joséphine en avait contracté beaucoup. L'impératrice déchue trouve refuse à la Malmaison, qui va désormais devenir son lieu de résidence habituel. C'est là qu'elle recevra la visite du tsar Alexandre Ier, à qui elle recommandera notamment ses deux enfants, le prince Eugène et la reine Hortense -entre-temps, Hortense et Louis Bonaparte sont devenus souverains de Hollande- et les deux enfants du couple, Napoléon-Louis et Louis-Napoléon. Pendant deux ans, elle se retire au château de Navarre mais son lieu d'élection reste la Malmaison, achetée en 1799. Toutes les têtes couronnées d'Europe, vainqueurs au printemps 1814, y défilèrent.
    Cette même année, Joséphine, âgée de 51 ans, succombe des suites d'un refroidissement, dans son château de la Malmaison, duquel elle faisait encore, quelques jours auparavant, les honneurs au tsar Alexandre Ier. C'est justement pour avoir voulu faire visiter à celui-ci son domaine qu'elle contracta une pneumonie, car elle était vêtue d'une simple robe d'été. Elle meurt le 29 mai 1814 et est inhumée à l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Rueil-Malmaison.
    Par ses enfants, Hortense et Eugène, Joséphine reste l'ancêtre commune de nombreuses maisons royales existant encore de nos jours : on peut citer la maison royale de Norvège, la maison grand-ducale du Luxembourg, la maison royale de Grèce et bien d'autres...

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

     Le tombeau de Joséphine à Rueil 

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    -Joséphine : une impératrice de légendes, Philippe de Montjouvent. Biographie.
    -Joséphine, André Castelot. Biographie.
    -Journal de Joséphine B., impératrice, Philippe Séguy. Biographie romancée.

     


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  • INTERMEDE LXXII

     

     

    La Princesse de Lamballe par Anton Hickel (1788)

     

    Née Marie-Thérèse Louise de Savoie-Carignan, en italien Marie-Teresa Luisa di Savoia, dite Mademoiselle de Carignan, la future princesse de Lamballe voit le jour le 8 septembre 1749. Elle est issue d'une branche cadette de la Maison de Savoie. Son père est le prince de Carignan, Louis-Victor de Savoie et sa mère Christine-Henriette de Hesse-Rheinfels-Rothenbourg. Madame de Lamballe est la tante, à la septième génération, de l'actuel chef de la Maison Royale d'Italie, Victor-Emmanuel de Savoie et à la huitième génération de son fils, Emmannuel-Philibert de Savoie, époux de l'actrice française Clotilde Courau.
    La jeune princesse grandit à Turin, où elle est née. Elle y mène une existence plutôt stricte et maussade mais éloignée des intrigues et des complots de la Cour de Savoie. Elle passe finalement une enfance assez sage et douce, pieusement également. Ces traits de caractère vont pousser le duc de Penthièvre à la choisir pour belle-fille.
    En 1767, Marie-Thérèse épouse donc Louis Alexandre de Bourbon, prince de Lamballe, par procuration, à Turin. Il est arrière-petit-fils de Louis XIV, par la main gauche. En effet, son grand-père paternel était le comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de sa maîtresse, Françoise-Athénaïs de Montespan. Marie-Thérèse de Savoie-Carignan fait ainsi, en quelque sorte, son entrée dans la famille royale française puisque les enfants d'Athénaïs de Montespan avaient été légitimés par Louis XIV. Le prince de Lamballe est l'un des hommes les plus riches d'Europe. Mais c'est un dévergondé et son père pense l'assagir en lui donnant une épouse vertueuse comme semble l'être la jeune fille. Le 31 janvier 1767, Marie-Thérèse, une quinzaine de jours après la célébration du mariage par procuration à Turin, arrive en France, à Nangis, où le mariage va être effectivement célébré. Le prince de Lamballe se fond dans la foule et se fait passer pour l'un de ses propres pages auprès de sa jeune épouse, qu'il trouve assez à son goût. Marie-Thérèse remarque le jeune homme et quelle n'est pas sa surprise lorsque, lors de la présentation officielle, elle retrouve le prince de Lamballe sous les traits du jeune page !!
    Malgré cette première rencontre fort agréable, semble-t-il, pour les deux parties, le mariage ne sera pas heureux. Très vite, le prince de Lamballe reprend sa vie dissipée et délaisse sa toute jeune épouse -elle a dix-huit ans-, qui, en désespoir de cause, se réfugie auprès de son beau-père, le duc de Penthièvre, avec qui elle s'entend bien, et la sœur de son époux, Marie-Adélaïde de Bourbon, qui épousera le duc de Chartres et sera en cela, une ancêtre de Louis-Philippe et des actuels prétendants au trône de France, dans la branche Orléans.
    « Je fus mariée presque enfant, épouse avant d'être femme, veuve avant d'être mère et sans espoir de le devenir. » écrira par la suite la malheureuse princesse. En effet, elle ne restera que peu de temps mariée au prince de Lamballe puisque ce dernier décède en 1768, d'une maladie vénérienne contractée lors de ses escapades. La jeune princesse développe, dans son ennui, des accès de mélancolie et des vapeurs, qui lui causent de nombreux évanouissements. Elle ne supporte par exemple pas la vue d'un homard, que ce soit en peinture ou en nature. Elle tombe alors en syncope.
    A 19 ans, la princesse de Lamballe est donc veuve et sans enfant et, comme elle le dit elle-même, sans plus aucun espoir d'en avoir un jour. Son beau-père, qui a de l'affection pour elle, la garde auprès de lui. Ensemble, ils seront très actifs dans diverses œuvres pieuses et charitables. La jeune Marie-Thérèse rend à son beau-père toute l'amitié qu'il nourrit pour elle. L'année suivante, Marie-Thérèse voit partir sa belle-sœur bien-aimée, Marie-Adélaïde de Bourbon, qui épouse le duc de Chartres. Bien qu'issue d'une branche légitimée de la famille royale, Mademoiselle de Penthièvre se trouve être la plus riche héritière du royaume.
    En 1769, après la période de deuil qui a suivi la mort de la reine Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, le parti dévot, soutenu par Mesdames, les filles de Louis XV et son fils, le Dauphin -du moins, avant sa mort, en1765- songe à remarier le roi. Les projets de mariage entre le roi de France déjà vieillissant et l'archiduchesse d'Autriche Marie-Elisabeth n'ayant pas abouti, le parti dévot pense à unir Louis XV à la jeune veuve du prince de Lamballe. Ironie du sort, si le mariage avait abouti, Marie-Thérèse se serait retrouvée une seconde fois l'épouse d'un homme sensuel et accumulant les maîtresses. Le projet n'aboutira pas non plus, la comtesse du Barry, nouvelle maîtresse du roi, ne voulant pas perdre ce prestigieux amant qui lui assurait la gloire et qu'elle tenait, justement, par le plaisir des sens.
    En 1770, Louis XV marie son petit-fils Louis-Auguste, duc de Berry et futur Louis XVI, à la jeune archiduchesse Marie-Antoinette d'Autriche. Les deux époux ont respectivement 16 et 15 ans. Marie-Thérèse, qui a 21 ans, rencontre la Dauphine pour la première fois. A partir de l'année suivante, 1771, la princesse de Lamballe fréquente de plus en plus assidûment la Cour et se rapproche doucement de la Dauphine, qui va faire d'elle une amie et surtout, une alliée sincère et sûre. Marie-Thérèse aime effectivement la jeune fille d'un amour amical et totalement désintéressé.

    La princesse de Lamballe, par Antoine-François Callet


    En 1774, Louis XV meurt de la petite vérole, à l'âge de 64 ans. Son petit-fils, âgé de 20 ans et sa jeune épouse de 19 ans, montent sur le trône. L'amitié entre Marie-Antoinette, devenue reine et Marie-Thérèse de Lamballe, perdure, mais, déjà, des rumeurs fausses et assassines, lancées à dessein pour nuire, par les ennemis de la reine, commencent à entacher leur amitié. Cependant, la princesse de Lamballe continue de garder son caractère pieux et raisonnable, qu'elle possède depuis l'enfance, tandis que Marie-Antoinette, tête folle qui ne songe qu'à s'amuser, se jette à corps perdu dans des activités de plus en plus frivoles.
    L'année suivante, 1775, la reine offre à Madame de Lamballe, qu'elle continue d'appeler son « cher cœur », le titre, très lucratif au demeurant, de Surintendante de la Maison de la Reine, qui avait été supprimé sous le règne de Marie Leszczynska, pour faire des économies. La charge consiste tout simplement à organiser les activités, réceptions, menus plaisir de la reine de France. Mais, très vite, Marie-Antoinette, plus jeune de six ans que la princesse et surtout, bien plus frivole, se rend compte que Marie-Thérèse est bien trop sérieuse pour l'emploi. Elle se tourne alors vers la piquante et insolente Yolande de Polastron, duchesse de Polignac. Cette dernière va prendre la place de l'amie dévouée, dans la charge mais aussi dans le cœur de Marie-Antoinette. Mais la reine ne va pas pour autant en oublier la princesse, qui, malgré le refroidissement de leurs relations, reste dans le cénacle de la reine. Pour occuper son temps, puisqu'elle n'occupe plus aucune charge à la Cour, Marie-Thérèse se rend à la campagne, reprend ses activités charitables envers les pauvres et rachète l'hôtel de Toulouse -siège actuel de la Banque de France, à Paris-, à son beau-père. En 1777, elle devient franc-maçonne et intègre la loge féminine de « la Candeur ». Jeune femme cultivée et intéressée par les avancées de son temps, Marie-Thérèse de Lamballe s'intéresse au mouvements des Lumières, à l'Encyclopédie, immense projet porté à bout de bras par Diderot et d'Alembert. Mais la princesse s'intéresse aussi à la condition féminine et privilégie l'amitié féminine. Elle organise par exemple un banquet où elle ne convie que des femmes. La Cour en fera des gorges chaudes et cette réception irritera la reine Marie-Antoinette. En 1781, elle devient Grande Maîtresse de la « Mère Loge Écossaise ».
    Quelques années plus tard, la Révolution menace. Elle éclate, comme chacun sait, en 1789. La reine, qui commence à prendre conscience de ses erreurs, se rapproche de nouveau de la princesse, dont la réputation vertueuse n'est plus à faire. Rapprochement qui se fait d'autant plus aisé depuis que Madame de Polignac a quitté Versailles, sur les instances de la reine, qui l'a sommée d'aller se mettre à l'abri à l'étranger, après le 14 juillet 1789. En octobre de cette même année, après que les insurgés parisiens aient investi le palais de Versailles pour ramener à Paris la famille royale, la princesse de Lamballe suit Louis XVI, Marie-Antoinette, Madame Elisabeth, sœur du roi et les deux enfants du couple, Madame Royale et le petit Dauphin au palais des Tuileries, qui sera désormais la nouvelle résidence du couple royal et de sa famille. Leur amitié s'en trouve renforcée car la princesse reste l'un des derniers soutiens de la famille royale. En 1791, peu de temps avant la fuite à Varennes, Marie-Antoinette informe la princesse de leur futur départ et l'enjoint à partir à son tour, à émigrer, pour se mettre à l'abri de la vindicte révolutionnaire. Suite à de nombreux contretemps, la famille royale est rattrapée et arrêtée à Varennes, le 21 juin 1791. Marie-Thérèse, munie d'un passeport en règle, a quitté la France par Dieppe et gagné Londres.
    La reine et son amie vont alors échanger une importante correspondance, dans laquelle la reine, qui a tout perdu, réaffirme son affection à la princesse de Lamballe. Voyons ce qu'elle lui écrit en juin 1791 : « j’ai besoin de votre tendre amitié et la mienne est à vous depuis que je vous ai vue ». A la fin de l'été 1791, Marie-Thérèse de Lamballe se voit confier par Marie-Antoinette une mission dont nous ignorons le but et les motifs, à Aix-la-Chapelle. Marie-Thérèse s'y rend effectivement. Mue par une sorte de pressentiment, elle y dicte ses dernières volontés, nommant le marquis de Clermont-Gallerande comme son exécuteur testamentaire.
    Fin de juin 1791, malgré les supplications de la reine, qui lui enjoint de ne pas revenir en France, Marie-Thérèse, qui craint pour la sécurité de ses biens, menacés par les lois en préparation et concernant les biens des émigrés, revient à Paris. C'est aussi par dévouement envers la reine et sa famille que Marie-Thérèse choisit de rentrer. Elle reprend alors ses fonctions de Surintendante aux Tuileries.
    Selon une thèse défendue par Olivier Blanc, Marie-Thérèse de Lamballe émargeait sur les fonds secrets du ministère des Affaires étrangères. Son passeport d'avril 1791 avait par exemple était délivré par le ministre, de Montmorin. Le comité de surveillance de l'Assemblée législative lui reproche bientôt d'avoir coordonné ou encouragé les activités du « Comité autrichien », qui œuvrait en sous-main contre la Révolution. Parmi les pièces originales découvertes dans la fameuse armoire de fer, des documents mettaient clairement en cause Madame de Lamballe.
    Le 10 août 1792, la foule en colère envahit les Tuileries, massacrant les Suisses, postés dans le palais pour protéger le roi, la reine et leur famille. La famille royale et la princesse, qui ne l'a pas quittée, trouvent refuge dans la salle du Manège, où se réunit l'Assemblée législative. La déchéance du roi est alors proclamée et son incarcération au Temple est décidée. Comme Madame de Lamballe ne fait pas partie de la famille royale stricto sensu, elle est séparée, dix jours plus tard, du roi et de la reine. Madame de Tourzel, qui était la gouvernante des Enfants de France, sera également incarcérée ailleurs avec sa fille Pauline. Mais, contrairement à la princesse de Lamballe, Madame de Tourzel et sa fille seront élargies par la suite.

    INTERMEDE LXXII

     

    La mort de la princesse de Lamballe, par Léon-Maxime Faivre (1908)


    Les 2 et 3 septembre, une foule ivre de sang, armée de barres de fer, de piques ou encore de bûches, encercle toutes les prisons de Paris, où croupissent de nombreux nobles. Parmi eux, la princesse, qui a été incarcérée dans la prison de La Force. Tirée de sa cellulle au matin du 3, la princesse est déférée devant une commission improvisée dans l'urgence et composée par des membres du comité de surveillance de la Commune du 10 août. Elle est sommée de « nommer ceux qu’elle avait reçus à sa table ». On lui demande surtout de témoigner sur les liens qui unissent le roi et la reine avec les puissances de la Coalition. Elle aurait refusé et c'est pour cela qu'on l'aurait mise à mort. Pourtant, dans les minutes qui suivent cet interrogatoire bâclé, Marie-Thérèse est élargie. Selon Talleyrand, qui se trouvait encore à Paris et ne devait embarquer que le surlendemain pour Londres, Madame de Lamballe fut assassinée à la suite d'une tragique méprise. Alors qu'elle sort de La Force, elle est prise d'un malaise, peut-être à cause des cadavres qui se révèlent à sa vue. Les émeutiers, croyant qu'elle vient de recevoir un premier coup, l'auraient frappée à leur tour.
    La tête de la princesse fut détachée du reste du corps. On la planta au bout d'une pique, on lui poudra légèrement les joues et on lui fit arranger les cheveux par un jeune coiffeur qui passait par là puis elle fut amenée jusqu'au Temple pour être montrée à la reine, qui se trouva mal à la vue de la tête de son amie. Le corps de Madame de Lamballe fut ensuite transporté sur des kilomètres et profanée. Ramenée au comité, au soir du 3 septembre, la tête de Madame de Lamballe sera inhumée avec le reste du corps, dans une tombe du cimetière des Enfants-Trouvés. Quelques heures plus tard, le duc de Penthièvre dépêcha l'un de ses valets à Paris pour rechercher la dépouille de sa belle-fille, en vain. Selon Arthur de Cirey, seuls les cheveux de Madame de Lamballe furent rapportés à son beau-père, qui mourut peu de temps plus tard en les serrant sur son cœur. Le lynchage de la princesse de Lamballe donna lieu, par la suite, à de nombreux témoignages repris par les historiens dans leurs ouvrages.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

    -La Princesse de Lamballe : mourir pour la reine, Michel de Decker. Biographie.
    -Marie-Antoinette, Stefan Zweig. Biographie.
    -La Princesse de Lamballe, une amie de la reine Marie-Antoinette, Albert-Emile Sorel. Biographie.
    -L'Anneau de la Reine, Olivier Seigneur. Roman. 

     


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