• INTERMEDE HISTOIRE SPECIAL HALLOWEEN : Les sorcières de Salem

     

    INTERMEDE HISTOIRE SPECIAL HALLOWEEN : Les sorcières de Salem

    Witch Hill ou Le martyr de Salem (The Salem Martyr ; New York Historical Society), par Thomas Slatterwhite Noble.

     

    BOUH ! 


    Aujourd'hui, c'est Halloween et je vous propose un intermède historique spécial. On va parler des sorcières de Salem... Vous avez certainement déjà entendu parler de cette histoire qualifiée d'hystérie collective qui secoua une colonie britannique du Massachusetts à la fin du XVIIème siècle et qui inspira la littérature et le cinéma. 

     

    C'est dans un contexte compliqué que prend corps ce qui sera la plus importante chasse aux sorcières d'Amérique du Nord. Imaginez une colonie encore jeune et donc fragile, isolée, relativement pauvre et régulièrement victime d'attaques amérindiennes... La vie y est rude, la communauté dépourvue de juridictions et structures de gouvernement...
    Et en 1692, débute une affaire qui ne cessera qu'un an plus tard à la suite d'un grand procès qui impliquera plus d'une centaine d'accusés et verra condamnées à mort plusieurs personnes dont quatorze femmes. Elle entrera dans l'Histoire sous le nom de Procès des sorcières de Salem.

    En 1692, dans la petite ville de Salem Village -aujourd'hui Danvers- des jeunes filles, Abigail Williams, Ann Putnam et Betty Parris, entre autres, accusent d'autres habitants d'être des magiciens, des sorciers alliés de Satan qui les auraient envoûtées.
    Durant l'hiver 1691/1692, pour se distraire, les jeunes filles se sont adonnées à la divination et demandent à une servante des Parris, Tituba, qui vient de La Barbade, de leur apprendre à lire l'avenir. Par la suite, l'une des jeunes filles dira avoir, au cours d'une nouvelle séance de divination, aperçu un spectre, ce qui lui cause une vive frayeur et ressenti ensuite une gêne pour respirer. Puis elles se mettent à agir de manière étrange : elles parlent une langue inconnue, souffrent de convulsions et d'hallucinations. On consulte des médecins qui s'avèrent impuissants jusqu'à ce que l'un d'eux parle de possession satanique. Le père de Betty Parris et les autres notables de Salem obligent Abigail et Betty ainsi que d'autres jeunes filles présentant des symptômes similaires de donner les noms de ceux qui les ont envoûtées... Parce qu'elles se rendent compte, horrifiées, que ce qu'elles ont fait est contraire aux préceptes religieux dans lesquels elles ont été élevées, elle s'enferrent dans le mensonge et se décident alors à donner des noms pour éviter d'avouer que ce sont elles qui, par jeu, ont eu l'idée de pratiquer la divination.
    Les premières femmes accusées sont Tituba, Sarah Good et Sarah Osborne. Toutes trois sont à part, en marge de la société de Salem Village : Tituba est une servante esclave d'origine amérindienne, venue des Antilles ; Sarah Good est une mendiante ; Sarah Osborne une vieille femme alitée mais peu appréciée de la communauté après avoir spolié ses enfants de leur héritage au profit de son second mari.
    Rapidement, l'affaire dépasse les limites de Salem et se propage dans les bourgades voisines et même jusqu'à Boston, prenant une ampleur extraordinaire.
    Tituba et les deux Sarah sont officiellement accusées de sorcellerie et emprisonnées, le 1er mars 1692. Mais parce que l'état des adolescentes ne s'améliore pas, elles lancent d'autres accusations, contre Dorcas Good, la fille de Sarah, âgée de 4 ans, Rebecca Nurse, le couple Proctor, Elizabeth et John et d'autres personnes encore.
    La communauté, victime des attaques récurrentes des Amérindiens et ne possédant pas de gouvernement réel semble dépassée par l'affaire, prête foi aux accusations des adolescentes et condamne les personnes mises en cause à la mort par pendaison, pour faits de sorcellerie.
    On peut se demander ce qui poussa ces jeunes filles à accuser ces gens-là et pas d'autres. Pourquoi par exemple s'en prendre à Rebecca Nurse, une vieille dame malade et connue pour sa piété, en apparence inoffensive ? Il s'avère que la famille Nurse avait causé du tort aux Parris en occupant des terres qui leur appartenaient. Pour d'autres, ce sont des tensions et jalousies sociales qui ont motivé les accusations mensongères d'Abigail, Betty et les autres. Ils prennent pour preuve que la majorité des accusés vivent à Salem, une ville portuaire riche, à proximité de Boston tandis que les accusatrices, elles, vivent à Salem Village, plus rurale, isolée à l'intérieur des terres et moins prospère. Cela dit, concernant Sarah Good, une vagabonde à l'esprit un peu fragile, l'hypothèse ne tient pas. On peut supposer ceci dit que les accusations n'ont pas été lancées à la légère et que les jeunes filles s'en sont pris à des personnes ayant causé du tort à leur familles, ou supposées telles.
    Toujours est-il que, petit à petit, les prisons se remplissent... Seulement, se pose alors un problème d'ordre législatif : Salem Village n'ayant pas de vrai gouvernement, les accusés ne peuvent être jugés. Quand le gouverneur William Phips arrive à Salem en mai 1692, Sarah Osborne est morte en prison et Sarah Good a accouché d'une petite fille. Auprès du pasteur venu la confesser, elle se défend férocement d'être une sorcière et clame son innocence. Seule l'esclave Tituba avoue. La propre femme de Phips comptera elle-même parmi les accusés. 
    Pendant l'été qui suit, la cour est en session une fois par mois. Une seule accusée sera relâchée, après que les jeunes accusatrices se soient rétracées à son sujet. Elizabeth Proctor et une autre femme bénéficient d'un sursis parce qu'elles sont enceintes mais seront pendues après la naissance de leur enfant. Aucun acquittement n'est prononcé et les procès se terminent par une mise à mort systématique. Seuls ceux qui plaident coupable et acceptent de dénoncer d'autres personnes échappent à la peine capitale. En tout, dix-neuf personnes sont pendues durant l'été, parmi elles, des personnes respectables voire des notables (un ministre du culte, un ancien policier par exemple). Sur les dix-neuf accusés, cinq sont des hommes et quatorze des femmes, dont plusieurs sont âgées et miséreuses. En avouant son crime, la servante Tituba sera libérée et rachetée par un nouveau meurtre. Elle meurt après 1693.

    Ce grand procès qui s'achève en octobre 1692, aura un impact important sur la colonie : les terres et le bétail sont délaissés, certains habitants fuient vers New York, le commerce est impacté aussi. Jusqu'au printemps de l'année suivante, les accusés sont progressivement remis en liberté... officiellement, le gouverneur royal du Massachusetts, William Phips met fin à la procédure après un manifeste du clergé bostonien emmené par Increase Mather qui écrit dans Cases of Conscience Concerning Evil Spirits (Cas de conscience concernant les esprits maléfiques) : « Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu'une personne innocente soit condamnée ».

    Hystérie collective ou empoisonnement à l'ergot de seigle ? Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette affaire qui marquera l'histoire des futurs États-Unis, au point de faire dire à l'historien George Burr Lincoln : « la sorcellerie de Salem a été le roc sur lequel la théocratie s'est brisée." et à beaucoup d'autres scientifiques que cette affaire sans précédent a eu une influence profonde et durable sur l'histoire du pays. »
    Évidemment, on se demande ce qui s'est passé... La théorie la plus répandue consiste à affirmer que c'est l'influence de la religion, particulièrement influente dans le Massachusetts des années 1630 aux années 1690 et régissant la vie d'habitants isolés et connaissant une vie austère, qui provoqua ces hallucinations et cette hystérie collectives. Si cette hypothèse est aujourd'hui considérée comme simpliste par la plupart des historiens, on ne peut nier que l'existence dans cette colonie est compliquée et que c'est une lutte de chaque instant. Confrontée à des attaques indiennes récurrentes, elle ne peut compter sur le soutien anglais, la population avait été décimée... Cette situation a conduit à un climat de peur dans lequel peut alors se développer facilement paranoïa et hystérie. C'est ce qu'affirme Mary Norton dans son livre Dans le piège du Diable. Pour elle, la plupart des victimes d'accusation des jeunes filles avait un lien personnel ou social avec ces attaques amérindiennes. Petit à petit, les Indiens sont associés aux démons et tout concourt à faire de Salem un véritable microcosme de terreur puritaine. La situation fragile et incertaine de l'avenir de la communauté, la volonté de Samuel Parris de s'émanciper de Salem Town pour faire de Salem Village une cité à part entière, la vie rude et presque hostile des paysans qui composent la majeure partie de la communauté de Salem ont sûrement participé à développer cette affaire de sorcellerie.

    Pour d'autres, c'est un empoisonnement à l'ergot de seigle qui aurait conduit les habitants de Salem à cette terreur massive et cette hystérie... l'ergot de seigle est un parasite de la céréale qui contient des alcaloïdes toxiques proches du LSD, une drogue qui provoque justement des hallucinations. On sait que le seigle était cultivé dans les terres marécageuses autour de Salem et nourrissait hommes et bétail. Un été humide et chaud était propice à la prolifération de l'ergot et c'est justement ce qui se passa pendant l'été 1691 qui précéda les premières accusations.

    Une autre thèse affirme que les accusateurs auraient souffert de la maladie de Huntington, maladie neurologique dégénérative et orpheline qui provoque des troubles moteurs et cognitifs avant de conduire à la mort.

    On a avancé aussi que des cas possibles de maltraitance d'enfants auraient pu conduire à cette massive vague d'accusations par des jeunes filles à peine adolescentes au moment des faits. 

    Actuellement, aucune thèse n'est confirmée ou infirmée par rapport à une autre. Si l'on part du principe que la possession démoniaque ou maléfique n'a pas de fondement, on peut considérer comme cohérent que les conditions de vie difficiles, l'isolement de cette colonie séparée de sa métropole dont elle ne peut rien attendre, la forte influence de la religion puritaine et les raids réguliers des Indiens participent à créer un climat de peur et de psychose qui conduit finalement à la recherche éperdue d'un bouc-émissaire et à ces vagues d'accusations qui se succèdent pendant plusieurs mois et touchent des centaines de personnes, des notables aux miséreux.

    • La maison de la sorcière à Salem (Witch House)

    INTERMEDE HISTOIRE SPECIAL HALLOWEEN : Les sorcières de Salem

    Si vous visitez Salem, nul doute que votre curiosité vous poussera à découvrir celle que l'on appelle la Maison de la Sorcière ou Witch House, en anglais. Une maison en bardeaux noirs et légèrement effrayante, il faut bien le dire... 
    Pourtant, en réalité, ce n'est pas réellement une maison de sorcière mais l'endroit où se tient le procès des sorcières en 1692 et où vit le juge Jonathan Corwin. Il avait racheté cette maison en 1675.
    Très bon exemple de l'architecture de la Nouvelle-Angleterre au XVIIème siècle, c'est aujourd'hui un des hauts lieux du tourisme près de Boston et la dernière maison encore debout qui soit rattachée directement à l'époque des sorcières de Salem.

    Salem est réputée pour ses manifestations au mois d'octobre, notamment pour Halloween et est prisée à cette époque de l'année par les touristes fan de cette ambiance peuplée de monstres, démons et autres... sorcières.

    INTERMEDE HISTOIRE SPECIAL HALLOWEEN : Les sorcières de Salem 

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 


    Le procès des sorcières de Salem : quand le diable colonisa l'Amérique, Jonathan Dehoux. Essai historique.
    Les sorcières de Salem, Arthur Miller. Pièce de théâtre. 
    Les mystères de Salem, Megan Chance. Roman. 
    - Moi, Tituba, sorcière, Maryse Condé. Roman.




     


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  • #27 : Agnès Sorel (1422 - 1450)

     

     

    La Vierge allaitante de Jean Fouquet est l'un des plus célèbres portraits de la favorite royale (1454 - 1456) qui prête ses traits à la Vierge Marie. 

    Agnès Sorel est née au XVème siècle, probablement dans les années 1420 et elle est surtout connue pour avoir été la favorite du roi Charles VII. Elle le sera durant cinq années de 1444 à 1449 et donnera quatre enfants au roi.
    Agnès Sorel serait née à Fromenteau (commune de Yzeures-sur-Creuse), en Touraine ou bien en Picardie, à Coudun plus précisément, une localité qui se trouve près de Compiègne, d'où était originaire son père, Jean Soreau ou Sorel, seigneur de Coudun. Sa mère, Catherine de Maignelais était châtelaine de Verneuil-en-Bourbonnais.
    Agnès était la seule fille au milieu d'une fratrie composée de quatre garçons : Charles, André, Jean et Louis. Certains membres de sa famille ne sont pas inconnus puisqu'Agnès Sorel, une fois devenue favorite du roi, assura leur promotion. Il s'agit par exemple de Geoffroy Sorel, qui fut promu évêque ou de Jean de Maignelais, promu capitaine de Creil.
    En Picardie, Agnès reçut une éducation soignée. En effet, dès son plus jeune âge, on la prépara à devenir demoiselle de compagnie d'Isabelle de Lorraine, reine de Sicile et épouse du roi René d'Anjou, tenant une cour très raffinée. Cette charge était pourtant peu convoitée car ne concédant que peu d'avantages matériels : en effet, Agnès ne recevait que dix lives par an. Des femmes bien nées ou recommandées, comme Catherine de Serocourt, pouvaient recevoir une somme plus importante.
    Alors qu'elle se trouve à la cour angevine, la jeunesse et la beauté d'Agnès Sorel la font remarquer par le roi de France, Charles VII, de vingt ans son aîné. Pierre de Brézé, qui a remarqué que son roi n'est pas indifférent aux charmes de la belle, lui présente donc celle qui sera regardée bientôt comme la plus
    jolie femme du royaume. Très rapidement, en 1444, Agnès Sorel passe du rang de demoiselle d'honneur d'Isabelle de Lorraine à celui de première dame -officieuse- du royaume. Officiellement, elle est demoiselle de la maison de la reine Marie d'Anjou, mais a aussi le statut officiel de favorite royale, ce qui
    est une nouveauté : les rois de France, jusque là avaient eu des maîtresse mais ces dernières devaient se contenter de rester dans l'ombre. D'ailleurs, les autres maîtresse qu'a pu avoir Charles VII n'ont jamais eu l'importance d'Agnès Sorel. Peu à peu, c'est Agnès qui prend de l'importance et son aura rejette la reine, déjà discrète et pieuse, dans l'ombre. Agnès dicte une nouvelle mode : elle abandonne les voiles et les guimpes, invente le décolleté épaules nues (« aux ouvertures de par-devant par lesquelles on voit les tétons» dit Jean Jouvenel), de vertigineuses pyramides surmontent ses coiffures et ses robes sont parfois additionnées de longues traînes qui peuvent aller jusqu'à huit mètres de long ! Pour prendre soin de sa beauté, elle utilise des produits cosmétiques pourtant violemment décriés par l'Eglise : elle utilise des crèmes et des onguents pour la peau, use de fards et de rouge à lèvres produit avec des pétales de coquelicots écrasés. Elle est, en plus, couverte de somptueux cadeaux par son royal amant. Charles VII lui offrira notamment le tout premier diamant taillé connu à ce jour.
    Néanmoins, la relation d'Agnès Sorel avec le roi Charles VII est mal vue, notamment par le fils du roi, le futur Louis XI, qui considère que cette liaison est un affront fait à sa mère, la reine Marie. Une discorte s'ensuivra d'ailleurs entre le père et le fils et Charles VII devra éloigner son fils de la Cour. Après la naissance des enfants d'Agnès et Charles, des moralistes tels Thomas Basin ou Jean Jouvenel des Ursins écrivent que la jolie Agnès est responsable du réveil sensuel du roi Charles VII et ils jugent sévèrement sa liberté de mœurs et l'accusent de faire du roi chaste jusqu'ici un homme débauché et entièrement
    soumis à sa maîtresse. La favorite garde néanmoins une influence non négligeable sur le roi, réussit à imposer ses amis à la Cour et reçoit de Charles VII les fiefs de Beauté-sur-Marne, Vernon, Issoudun, Roquesezière et lui offre le domaine de Loches où elle fera bâtir le château surplombant la ville. Ce n'est peut-être qu'une légende mais ne raconte-t-on pas qu'un jour, Agnès dit au roi qu'on lui avait prédit qu'elle serait la maîtresse d'un grand roi et qu'elle lui demandait la permission de se rendre en Angleterre puisque le souverain de ce pays était bien plus grand que Charles, incapable de reprendre son royaume à ses ennemis son royaume. « Sire, aurait-elle dit, c’est lui sans doute que regarde la prédiction, puisque vous allez perdre votre couronne, et que bientôt Henri va la réunir à la sienne. » En piquant l'orgueil de son amant, Agnès l'aurait ainsi poussé à reprendre les armes et à s'emparer des dernières terres françaises encore sous domination anglaise comme la Normandie, qui sera définitivement reprise en 1449. Même si cette anecdote est certainement fausse, elle illustre assez bien l'influence qu'Agnès pouvait avoir sur le roi et qui ne fait pas de doutes aux yeux de ses contemporains. Les historiens et chroniqueurs de la fin du Moyen Âge puis de la Renaissance faisant naître Agnès vers 1410 et débuter sa liaison avec le roi vers 1433 font d'elle la continuatrice de Jeanne d'Arc, le soutien de Charles VII le tirant de son indolence et le poussant dans le combat contre les Anglais.
    La relation avec le roi est bien sûr aussi charnelle et portera ses fruits. Du roi, elle aura quatre enfants : Marie de Valois (parfois appelée à tort Marguerite), Charlotte de Valois, Jeanne de France et l'enfant de Jumièges, une fille née prématurément, qui serait morte en bas âge et dont on ne connaît pas le nom. Charlotte de Valois sera, plus tard, la mère de Louis de Brézé, connu pour avoir été l'époux de la belle Diane de Poitiers, une autre célèbre favorite royale. Surprise par son époux avec son amant, elle sera assassinée par lui. 
    Agnès Sorel meurt en février 1450 au Mesnil-sous-Jumièges, près de Rouen, où elle vient d'être installée par le roi dans le Manoir de la Vigne. Prise soudainement d'un flux de ventre, elle s'éteint en quelques heures seulement, non sans recommandé son âme à Dieu et à la Vierge. Elle lègue aussi tous ses biens à la collégiale de Loches afin que des messes soient dites pour le repos de son âme. Cette mort rapide et brutale fit dire qu'elle n'était pas naturelle mais actuellement, aucune preuve ne permet de dire avec certitude qu'Agnès Sorel est morte empoisonnée. On accusera même Jacques Coeur, dont elle avait été l'amie et qui était son exécuteur testamentaire de lui avoir administré le poison mais de ce chef d'accusation il sera lavé lors de son procès. On considère encore que Louis XI, son ennemi depuis toujours, aurait pu également être son meurtrier. Toujours est-il que l'on a retrouvé dans les restes d'Agnès des doses très élevées de mercure, substance extrêmement toxique mais souvent utilisée à l'époque comme traitement thérapeutique notamment contre les parasites intestinaux (et l'on sait qu'Agnès Sorel souffrait d'ascaridiose, une parasitose dûe à un ver, Ascaris), ou lors des accouchements longs et difficiles.
    Agnès a-t-elle été empoisonnée involontairement, après avoir ingéré une dose trop importante de mercrure ? Cette erreur de dosage est-elle préméditée ou non par son médecin Robert Poitevin ? A-t-elle tenté de se suicider ? On dit qu'en 1450, alors qu'elle était enceinte pour la quatrième fois de Charles
    VII, la disgrâce la guettait et qu'elle était moins bien en cours. D'ailleurs, trois mois après sa mort, sa cousine Antoinette de Maignelais devient la maîtresse du roi. Le mystère reste entier.
    Si certains ne la pleurent pas, le roi Charles VII est éploré par la perte de sa maîtresse et commande deux imposants tombeaux. L'un se trouve à Jumièges et contient son coeur, l'autre se trouve à la collégiale de Loches, qui est certainement le plus connu. D'une grande élégance, il est composé d'un gisant el
    albâtre représentant Agnès entourée d'anges et deux deux agneaux couchés à ses pieds. Le socle est de marbre noir et on peut y lire, en lettres gothiques : « Cy gist noble damoyselle Agnès Seurelle en son vivant dame de Beaulté, de Roquesserière, d'Issouldun et de Vernon-sur-Seine piteuse envers toutes les gens et qui largement donnoit de ses biens aux eglyses et aux pauvres laquelle trespassa le IXe jour de février l'an de grâce MCCCCXLIX, priies Dieu pour lame delle. Amen. »

     

    Le superbe tombeau de marbre et d'albâtre de la favorite est encore visible dans la collégiale Saint-Ours de Loches

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    Agnès Sorel : la première favorite, Françoise Kermina. Biographie. 
    Le Grand Cœur, Jean-Christophe Rufin. Roman. 
    - Charles VII, Philippe Contamine. Biographie
    -« Qui a tué la Dame de Beauté ? Étude scientifique des restes d'Agnès Sorel (1422-1450) », Philippe Charlier. Article dans la revue Histoire des Sciences médicales, n°3. 
    - La Dame de Beauté, Jeanne Bourin. Roman. 

     


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  • #28 : Il y'a 250 ans, le mariage de Louis-Auguste dauphin de France et Marie-Antoinette

    Feu d'artifice fatal lors du mariage du futur Louis XVI et de ... 

    Feu d'artifice lors du mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin Louis-Auguste (mai 1770)

     

    Au printemps 1770, l'Europe est en fête : en effet, la France et l'Autriche célèbrent l'union de leurs enfants, entérinant la toute nouvelle alliance entre ces deux puissances ennemies depuis plusieurs siècles.
    Du 19 avril au 16 mai 1770, des fêtes sont données à Vienne comme à Paris ou à Versailles et la petite Antoine, quatorze ans et demi, dont le nom a été francisé en Marie-Antoinette quitte la cour de sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse, pour celle de Versailles.

    * Le renversement des alliances

    Le mariage du dauphin de France, Louis, avec une archiduchesse autrichienne ne va pas de soi. La seule reine de France autrichienne a vécu au XVIème siècle : il s'agit d'Elisabeth d'Autriche (1554 - 1592), épouse de Charles IX. Après la mort du roi, elle rentra en Autriche et la fille qu'elle avait eue du roi, Marie-Elisabeth de France, mourut à l'âge de six ans. Elisabeth reste aujourd'hui largement méconnue en France et, pourrait-on dire, oubliée. 
    L'Autriche et la France sont des puissances ennemies depuis longtemps et cette inimitié remonte notamment aux rivalités qui opposèrent les Valois aux très puissants Habsbourg.
    Mais au XVIIIème siècle, c'est la tendance inverse qui s'amorce et décide du sort des futurs Louis XVI et Marie-Antoinette : en 1756 a lieu la Révolution diplomatique aussi appelée le renversement des alliances. Ces alliances de longue date, qui se voient tout naturellement entérinées au moment de la guerre de succession d'Autriche sont finalement brusquement modifiées à la veille de la guerre de Sept Ans (1756 - 1763). Ainsi, l'alliance entre la France et la Prusse contre la Grande-Bretagne et l'Autriche devient l'alliance de la France et de l'Autriche contre la Grande-Bretagne et la Prusse.
    Ce coup de force diplomatique est l'oeuvre du chancelier Kaunitz, qui fut ambassadeur en France de 1750 à 1753. Marie-Thérèse prend l'initiative, en août 1755, de contacter Louis XV par l'intermédiaire de sa favorite, Madame de Pompadour, même si l'impératrice n'est pas sans savoir les réticences que cette nouvelle alliance engendre chez les ministres français. Les négociations, d'abord tenues secrètes puis associant certains ministres tels Machault d'Arnouville, Moreau de Séchelles ou encore Saint-Florentin aboutissent à la signature d'un premier traité franco-autrichien, le 1er mai 1756. Un an plus tard, en pleine guerre de Sept ans, un traité offensif est signé après l'invasion de la Saxe, alliée de l'Autriche, par la Prusse de Frédéric II.

    Le mariage entre l'une des filles de Marie-Thérèse et le dauphin de France est envisagée dès 1766. La France est sortie très affaiblie de la guerre de Sept ans perdant une grande partie de ses colonies au profit de la Grande-Bretagne. Ce mariage permettrait de consolider l'alliance autrichienne. Louis XV se montre favorable à ce projet et, dès le mois de mai 1766, l'ambassadeur d'Autriche à Paris écrit à Marie-Thérèse qu'elle peut de ce moment regarder comme décidé et assuré le mariage du dauphin avec Marie-Antoinette.
    Seulement la mère du dauphin se montre réticente à ce mariage et fait suspendre le projet, dans le but avoué de tenir la cour de Vienne entre la crainte et l'espérance. Marie-Josèphe de Saxe meurt cependant le 13 mars 1767 et le projet est remis sur table.

    14 mai 1770: Marie-Antoinette à Compiègne

    Marie-Antoinette rencontre la famille royale à Compiègne, le 14 mai

     

    * De longues négociations qui aboutissent à un mariage

    Les négociations durent plusieurs années et, au printemps 1770, c'est une petite archiduchesse à peine adolescente, formée en hâte par ses précepteurs effarés de ses lacunes (à dix ans, elle peine à lire et écrire l'allemand et ne pratique que très peu l'italien et le français, deux langues utilisées au sein de la famille impériale( qui quitte pour toujours l'Autriche après son mariage par procuration célébré à Vienne le 19 avril 1770, en l'église des Capucins.
    Marie-Thérèse a eu de nombreux enfants qu'elle considère comme des pions politiques à installer dans les différentes cours d'Europe. Évidemment ils n'ont pas voix au chapitre et ne peuvent choisir leurs époux ou épouses : seule l'archiduchesse Marie-Christine, une soeur aînée de Marie-Antoinette se verra autorisée à se marier selon son cœur. Marie-Amélie épousera le duc de Parme et Marie-Caroline le roi de Naples, toutes deux contre le gré. Le mariage de la benjamine avec le dauphin de France est vu comme étant le plus prestigieux.

    Après les cérémonies viennoises Marie-Antoinette part vers sa nouvelle patrie. Le convoi de la future petite dauphine atteint Strasbourg le 7 mai. Ce n'est pas moins de 57 voitures qui composent le cortège et véhiculent le 132 personnes de sa suite. Au milieu du Rhin, sur l'île aux Epis, un pavillon a été dressé, matérialisant la frontière entre la France et l'Autriche. Marie-Antoinette y entre du côté autrichien accompagnée par l'ambassadeur autrichien, Starhemberg, qui la remet à la comtesse de Noailles, sa première dame d'honneur. Comme le veut la tradition, la jeune fille entre en archiduchesse dans le pavillon, vêtue à l'autrichienne. On la dépouille de tous ses vêtements pour la rhabiller à la française, cette fois. Quittant le pavillon, elle est devenue la Dauphine de France et doit dire adieu à sa suite autrichienne. On dit qu'au moment de la quitter, la jeune fille a fondu en larmes. Sa détresse sauve cependant son petit chien, Pek, destiné à retourner lui aussi en Autriche : on l'autorise finalement à le conserver près d'elle.
    Sa peur et son chagrin surmontés, c'est une jeune fille sereine qui arrive à Compiègne où, le 14 mai, elle est accueillie par la famille royale. Louis XV est séduit immédiatement par la légèreté de cette petit princesse qui se jette à ses genoux en l'appelant Papa. Son futur époux, un grand garçon de quinze ans, timide et un peu gauche reste cependant paralysé devant elle et l'embrasse prudemment sur la joue. D'ailleurs il ne lui adressera plus la parole jusqu'à leur retour à Versailles ! Il notera d'ailleurs dans son carnet un bref « Entrevue avec Madame la Dauphine » somme toute assez lapidaire.
    Pendant ce temps Marie-Antoinette fait la conquête des courtisans qui vantent sa fraîcheur et sa grâce même si Louis XV regrette qu'elle n'ait pas plus de gorge.

    Au matin du 16 mai, un soleil printanier brille sur Versailles où se pressent près de six mille privilégiés venus assister aux noces du Dauphin. À 13 heures, Louis et Marie-Antoinette quittent le grand appartement du roi. Derrière eux viennent les princes du sang entourés de leurs officiers ainsi que les jeunes frères du Dauphin, les comtes de Provence et d'Artois. Entouré de ses filles, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, non mariées, Louis XV fait ensuite son apparition. Les princesses du sang ferment la marche.

    Le mariage a lieu dans la chapelle royale de Versailles où officie Mgr de La Roche-Aymon, archevêque de Reims et grand aumônier de France. Celui-ci s'apprête à transformer le mariage par procuration de Vienne en une union véritable et consacrée, sur le sol de France. Les deux jeunes mariés, engoncés dans de lourdes tenues d'apparat faites de brocart et constellées de résilles d'or et pierres précieuses s'avancent vers l'autel en se tenant la main. On note la mine peu réjouie du Dauphin particulièrement mal à l'aise. Au contraire la petite autrichienne dans sa robe à paniers de brocart blanc semble rayonner et si sa beauté n'est pas parfaite (on a noté sa lèvre un peu forte, héritage des Habsbourg, son front un peu trop bombé et l'ovale de son visage un peu long) elle séduit avec son teint lumineux, ses beaux yeux bleus et ses cheveux blond vénitien. Le roi lui-même, grand connaisseur et amateur de femmes dira : « Elle est incomparable » !
    La cérémonie, longue et solennelle, se termine par l'échange des anneaux. Le Dauphin glisse ensuite entre les mains de sa jeune femme treize pièces d'or, symbolisant la prospérité de leur futur foyer. Ensuite les deux jeunes gens doivent signer l'acte de mariage juste après le roi. Jusque là, madame de Brandeis, gouvernante de Marie-Antoinette, traçait au crayon les lettres sur lesquelles l'adolescente devait repasser. La signature au bas de son acte de mariage se termine par un gros pâté d'encre tandis qu'on voit nettement son hésitation au moment de tracer les dernières lettres de son prénom francisé : son premier élan a été de signer Antoine, nom qu'on lui donnait à la cour de sa mère. Certains voient dans cette signature manquée un mauvais présage.
    Cependant, l'heure est à la fête ! Dans le parc de Versailles, les fontainiers se démènent pour donner le spectacle des grandes eaux, et les Parisiens venus en masse attendant avec impatience les feux d'artifices prévus à la tombée de la nuit. Hélas un violent orage se déclare en soirée et noir illuminations et fusées.
    La fête se poursuit dans le palais où brillent des milliers de bougies et chandelles. Des tables de jeu sont installées dans la Galerie des Glaces où la Dauphine s'initie au lansquenet. Elle brille des mille feux des diamants offerts le matin même par le roi, en plus de la cassette de sa défunte belle-mère, Marie-Josèphe de Saxe. D'autres cadeaux somptueux notamment un précieux cabinet conçu par Bélanger les accompagnent.

    Illustration.

     

    La grande Marie-Thérèse d'Autriche (1717 - 1780), mère d'une large famille (15 enfants) : il se servira de sa progéniture et notamment de ses filles, comme de pions politiques, les plaçant dans toutes les cours d'Europe pour servir sa politique...

    Le banquet des noces est présidé par Louis XV, sous les ors du théâtre en bois doré achevé en hâte, quelques jours auparavant par l'architecte Ange-Jacques Gabriel. La famille royale y dîne sous les yeux de la cour. La Dauphine mange à peine des innombrables plats de poissons, viandes, volailles et autres entremets qui leur sont présentés. Le Dauphin au contraire, s'empiffre. Attentif, Louis XV lui conseille de ne pas trop se charger l'estomac pour cette nuit s'attirant cette candide réponse du Dauphin : Pourquoi ? Je dors toujours mieux quand j'ai bien soupé !
    Conduits ensuite vers la chambre nuptiale par leur suite, les deux jeunes mariés se plient au cérémonial du coucher. L'archevêque de Reims vient en personne bénir leur lit. Le roi tend lui-même sa chemise à son petit-fils tandis que l'honneur de remettre celle de la Dauphine est destiné à la duchesse de Chartres, princesse du sang ayant le rang le plus élevé. Les rideaux du lit sont tirés et les deux suites se retirent...
    On sait que le mariage des futurs Louis XVI et Marie-Antoinette ne sera pas consommé avant plusieurs années. Cette nuit-là, Louis s'est contenté de souhaiter une bonne nuit à sa femme avant de se tourner et de s'endormir bientôt. Le lendemain, Louis écrit un laconique : « Rien » dans son journal intime. Vrai ou non, cela reflète bien comment le futur Louis XVI a vécu sa journée de mariage...

    A Paris, les festivités battent aussi leur plein pour le mariage du Dauphin. Des festivités qui se termineront tragiquement et seront vues, rétrospectivement, comme un mauvais présage concernant l'union de Louis XVI et Marie-Antoinette. Le 30 mai, la municipalité de Paris a décrété un jour chômé et un feu d'artifice tiré sur la place Louis XV est promis aux Parisiens. Il faut alors s'imaginer un Paris aux rues sales, tortueuses, étroites et dangereuses. La rue Royale, qui conduit à la place est alors en travaux, jonchée de trous et autres ornières, dans laquelle se massent bientôt carrosses et gens à pieds, venus assister au feu d'artifice. Le spectacle se déroule correctement jusqu'à ce que le bouquet final, tiré trop tôt, n'embrase l'estrade depuis laquelle il est tiré : faite de stucs et toiles peintes, cette dernière prend feu en quelques minutes. Un mouvement de foule se crée et reflue vers la rue Royale dans laquelle s'engagent des carrosses et deux voitures-pompes venues en sens inverse pour éteindre l'incendie. La foule se trouve piégée, des gens trébuchent sur des poutres et sont piétinés, certains chutent dans les tranchées ouvertes dans la chaussée. La fête se transforme en chaos et le duc de Crouÿ qui y assistait, fera dans ses mémoires un récit circonstancié de la tragédie, décrivant des scènes d'horreur. La Dauphine, venue de Versailles pour assister à la fête, doit rebrousser chemin à l'annonce du drame qui se joue à Paris. Profondément choqué, le couple décidera d'aider financièrement le peuple de Paris après cet horrible événement dont Louis et Marie-Antoinette se sentent un peu coupables. Les festivités du mariage, commencée dans la liesse, se terminent dans la tristesse. 


    Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin ne commence donc pas sous les meilleurs auspices et, dans le privé, et le jeune couple met du temps à s'apprivoiser : le mariage ne sera consommé qu'en 1777, probablement après une visite de Joseph II, frère aîné de la reine dépêché sur place par Marie-Thérèse, particulièrement inquiète, craignant notamment la répudiation de sa fille.
    Finalement, le jeune Louis XVI s'attachera profondément à sa femme une fois leur mariage consommé et on ne lui connait pas de maîtresses, chose rare pour un Bourbon ! Et cet attachement tardif se concrétisera tragiquement dans le soutien sans faille de la reine à son époux pendant la tourmente révolutionnaire.

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    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    - Correspondance de Marie-Antoinette (1770 - 1793), dirigé par Evelyne Lever. Recueil de correspondance.
    - C'était Marie-Antoinette, Evelyne Lever. Biographie. 
    - Marie-Antoinette : le voyage, Antonia Fraser. Biographie. 
    - Louis XVI, Evelyne Lever. Biographie. 
    - Marie-Antoinette l'insoumise, Simone Bertière. Biographie. 

    Et bien d'autres ouvrages... 

     


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  • #29 [SPECIAL HALLOWEEN] : Abbayes et châteaux hantés

     

    #29 [SPECIAL HALLOWEEN] : Abbayes et châteaux hantés

     

    Hey ! Bonjour à tous...Aujourd'hui, nous sommes le 31 octobre, c'est le jour d'Halloween...personnellement, ce n'est pas forcément une fête que je célèbre mais j'avoue que j'en aime l'ambiance malgré tout. Cette année, j'ai décidé de vous concocter un petit article frissonnant à souhait, en partant à la découverte d'abbayes et châteaux hantés, en France et ailleurs...De l'abbaye de Mortemer en Normandie, en passant par le château de Puymartin en Dordogne et la sinistre île de Poveglia, au large de Venise, partons donc à la découvert de ces lieux qui font aussi peur qu'ils fascinent. 

    Vous êtes prêts ? 

     

    L'abbaye de Mortemer, en Normandie

     Légendes urbaines en Normandie : frissonnez en découvrant l'abbaye hantée  de Mortemer | 27actu

    Située dans l'actuel département de l'Eure, l'abbaye de Mortemer n'est aujourd'hui plus qu'une ruine. Fondée en 1134 par Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre et fils de Guillaume le Conquérant, elle est la première abbaye cistercienne de Normandie. C'est au XIIIème siècle que l'abbaye de Mortemer connaît son apogée : le roi Philippe Auguste, après la conquête de la Normandie en 1204, reconnaît les titres de l'abbaye. Celle-ci possède de nombreuses terres dans la région mais aussi des maisons à Rouen et même à Paris. Le nombre de moines s'accroît considérablement. Son aura se maintient tout au long du Moyen Âge, même pendant la Guerre de Cent Ans.
    En 1543, l'abbaye de Mortemer passe sous un régime de commende et commence à décliner. Les guerres de Religion n'arrangent rien. A la fin du siècle suivant, un coup de vent arrache les plombs de la toiture de l'église abbatiale, entraînant un effondrement des voûtes du choeur. Au XVIIIème siècle, lorsque éclate la Révolution, les moines ne sont plus qu'une poignée à vivre sur le domaine. Pourchassés par les révolutionnaires qui les accusent d'être des affameurs du pêuple, les quatre derniers habitants de Mortemer sont finalement assassinés sur place. L'abbaye cesse officiellement d'exister en 1791 et ses biens sont dispersés. Abandonnée et ruinée, l'abbaye de Mortemer est finalement rachetée en 1985 par l'association de l'Abbaye de Mortemer qui l'ouvre au public et y installe un musée. De nombreuses animations y sont programmées toute l'année.

    • La légende


    Bien que considérée aujourd'hui comme l'abbaye la plus hantée de France, rien ne prouve que Mortemer le soit vraiment ! D'ailleurs un cliché montrant un spectre errant dans l'ancienne abbatiale a été analysé et il a été prouvé que ce que l'on y voyait n'était qu'un effet d'optique, dû à l'éclairage d'un projecteur sur les murs de l'église.
    Pour autant, les lieux, leur situation (une vallée isolée au coeur de la forêt domaniale de Lyons) et leur histoire (notamment l'assassinat des quatre moines pendant la Révolution) prêtent le flanc à toutes les superstitions. Ceci dit, il faut préciser qu'avant son rachat en 1985, Mortemer ne fait pas vraiment l'objet de telles croyances. Certes, un exorcisme s'y serait déroulé en 1921 et un ouvrier agricole se trouvant de nuit aux abords de l'abbaye, au début des années 1960, aurait été terrorisé par des bruits étranges qu'il aurait entendus entre les murs de l'ancienne abbaye...d'autres encore affirment que Mortemer serait hanté par le fantôme de Mathilde l'Empereresse, la mère du roi Henri II Plantagenêt ou qu'en 1884, un habitant de la région aurait abattu près de Mortemer un monstre étrange aux yeux phosphorescents avant de se rendre compte le lendemain qu'il s'agissait de...son épouse, transformée en garache (un loup-garou femelle, dans le folklore poitevin et vendéen). Si rien n'a été prouvé, l'Association de l'Abbaye de Mortemer surfe cependant sur la fascination que l'on peut nourrir pour les lieux hantés et mystérieux en organisant chaque été La Nuit des Fantômes, une balade mise en scène par l'artiste lituanien Vytas Kraujelis et qui rencontre un franc succès.

    Le château de Glamis, en Ecosse

    Le Château de Glamis, en Écosse - 20 châteaux à visiter absolument pour  faire un bond dans l'Histoire ! - Elle


    Construit près du village du même nom, le château de Glamis se trouve dans la région administrative de l'Angus. De style gothique, construit à partir du XIVème siècle, Glamis est la propriété des comtes de Strathmore et Kinghorn. Entouré de jardins luxuriants et de plus de 57 km² de terres, Glamis est considéré comme l'un des plus beaux châteaux d'Ecosse (mais aussi comme l'un des plus hantés !). Le château est aussi la demeure d'enfance d'Elizabeth, la fille du 14e comte, Claude Bowes-Lyon. Elle épouse dans les années 1920 le fils cadet du roi George V et sera sacrée reine d'Angleterre en 1937 : elle n'est autre que la mère de l'actuelle reine Elizabeth II !

    • La légende

    Beaucoup de personnes encore aujourd'hui sont intimement persuadées que Glamis est hanté. On parle ainsi du Monstre de Glamis ou encore de la Dame Grise, qui hanteraient les lieux.
    Le "monstre de Glamis" aurait réellement existé et vécu au XIXème siècle. En 1821, Charlotte Grismtead, épouse du 11e comte, George Bowes-Lyon, donne naissance à un enfant affreusement difforme. Selon la légende, il aurait passé sa vie reclus à Glamis et, après sa mort, ses chambres furent murées. Une version plus romanesque affirme qu'un vampire voit le jour à chaque génération et est enfermé dans ces chambres. On dit que des invités, pour chercher les chambres du monstre, auraient accrochées des mouchoirs aux fenêtres du château. Plusieurs de ces mouchoirs auraient disparu, lorsqu'ils se rassemblèrent pour regarder le château de l'extérieur.
    La légende des chambres murées pour remonter à beaucoup plus loin dans l'histoire et faire référence à la famille Ogilvie. Quelque part dans les flancs des murs épais (près de 5 mètres d'épaisseur), se trouverait une chambre remplie de crânes : ils appartiendraient à la famille Ogilvie qui, réfugiée à Glamis où elle cherchait protection contre le clan Lindsay, serait morte de faim emmurée. Cet épisode remonte au XVème siècle, quand les Ogilvie, aidés par les Seton, les Oliphant, les Gordon et les Forbes s'opposèrent au clan Lindsay.
    Outre le « monstre de Glamis », on parle aussi de la Dame Grise, que l'un des oncles d'Elizabeth II aurait d'ailleurs aperçue un jour. Les guides de Glamis racontent que, dans la petite chapelle du domaine, où 46 personnes peuvent prendre place, l'une de ces places est réservée à celle que l'on appelle The Grey Lady et qui pourrait être Janet Douglas, épouse du 6e seigneur de Glamis. Accusée de sorcellerie, elle fut torturée puis brûlée à Edimbourg en 1537. La chapelle est encore utilisée aujourd'hui par les membres de la famille mais la place de la dame grise est scrupuleusement laissée vide. Au XXème siècle, l'un des frères de la reine-mère raconte qu'il aperçut une jeune femme à l'une des fenêtres du château, regardant fixement dans la nuit. Lorsqu'il s'apprêta à lui parler, elle disparut brusquement.
    Une autre histoire met en scène rien de moins que le diable ! Au XVème siècle, Earl Beardie (un doute subsite sur son identité : il s'agit soit d'Alexander Lyon, 2e seigneur de Glamis ou d'Alexander Lindsay, 4e comte de Crawford) est invité au château. Il demande à jouer aux cartes mais cela lui est refusé car c'est le jour du sabbat. Furieux, il déclare alors qu'il jouerait avec le diable lui-même. Peu après, un inconnu se présente au château et accepte de partager une partie de cartes avec Earl Beardie. Pendant la partie, des serviteurs entendirent des hurlements et des malédictions. L'inconnu disparut brusquement, emportant avec lui l'âme de Beardie. On dit que l'on entend encore parfois des cris et des bruits de dés : le comte continuerait de jouer éternellement contre le diable.

    Le château de Combourg, en Bretagne

    Chateau de Combourg


    Situé en surplomb de la commune du même nom, dans le département de l'Îlle-et-Vilaine, Combourg est un château du Moyen Âge, construit entre le XIIème et le XVème siècle mais il est surtout connu pour avoir abrité l'enfance d'un célèbre auteur : François-René de Châteaubriand, qui revient longuement, dans ses Mémoires d'Outre-tombe, sur les années qu'il passa avec ses parents et ses frères et soeurs à Combourg. Et l'auteur ne manque pas d'évoquer ces légendes qui glacèrent le sang de l'enfant qu'il était que l'on força à dormir dans une chambre que l'on disait hantée.
    C'est l'archevêque de Dol, fils d'Haimon Ier (alias Hamon), vicomte d'Aleth et Dinan, qui fait élever un premier château à Combourg, sur une butte naturelle surplombant un lac que Châteaubriand appelle le Lac Tranquille.
    Ce n'est qu'au milieu du XVIIIème siècle que le château échoit à la famille malouine des Châteaubriand : René-Auguste de Châteaubriand, engagé comme mousse dans la marine marchande, puis capitaine et enfin armateur enrichi par la guerre de course le rachète à la duchesse de Duras, qui avait hérité du château par son père. La famille de Châteaubriand y passera plusieurs années assez mornes, comme ne manquera pas de le souligner Châteaubriand dans ses Mémoires. En 1786, à la mort de son père, le château devient la propriété de son frère Jean-Baptiste, qui la délaisse. En 1791, de passage dans la région pour embrasser sa mère avant de s'embarquer pour l'Amérique, François-René de Châteaubriand, qui s'arrête à Combourg, dit que la demeure est en si mauvais état qu'il est obligé de loger chez le régisseur.
    Considérablement transformé au XIXème siècle, Combourg, presque ruiné, connaît une véritable renaissance. Il appartient actuellement à Guy de la Tour du Pin de Verclause, un descendant de Jean-Baptiste de Châteaubriand.

    • La légende

    Dans le premier tome de ses Mémoires, consacrés à l'enfance et à la jeunesse, François-René de Châteaubriand ne manque pas d'évoquer les légendes qui hantent Combourg et qui terrifièrent l'enfant qu'il était lorsque sa famille s'y installa.
    Il parle ainsi d'un comte de Combourg à la jambe de bois, évoqué par les habitants du bourg. Mort alors depuis trois siècles celui-ci reviendrait parfois hanter Combourg. Epicentre de ces manifestations, la chambre rouge était celle où dormait le père de Châteaubriand, René-Auguste.
    Toutefois, le comte de Combourg dont il est question ne serait pas mort depuis trois siècles comme Châteaubriand l'évoque dans ses Mémoires mais beaucoup plus récemment, puisqu'il aurait expiré dans son lit en 1727. Blessé lors de la bataille de Malplaquet en 1709, il portait depuis une jambe de bois dont on entendrait le bruit caractéristique dans les escaliers du château. Le fantôme de Malo-Auguste de Coëtquen (1679-1727) serait accompagné par celui d'un chat, dont on entend le miaulement près de la Tour du Chat, où Châteaubriand avait sa chambre et où il passa des nuits, selon ses dires, particulièrement terrifiantes.
    Lors des restaurations du château, les ouvriers trouvèrent derrière une poutre maîtresse datant du XVIème siècle, le cadavre désseché d'un chat emmuré. Cette découverte fut immédiatement reliée à la légende du fantôme du chat : au Moyen Âge, une croyance affirmait que, pour conjurer le mauvais sort, il fallait emmurer un chat noir vivant dans les fondations d'une maison en construction.
    Aujourd'hui, l'animal est exposé dans la chambre qu'occupait Châteaubriand enfant.

     

    Le château de Puymartin, en Dordogne

     Château de Puymartin — Wikipédia


    Joli château de la fin du Moyen Âge (quoique remanié au XIXème) construit sur la commune de Marquay, non loin de Sarlat, Puymartin est encore aujourd'hui un château privé appartenant aux descendants d'Henri Chérade de Montbron, petit-fils de Marc de Carbonnier de Marzac qui fit restaurer Puymartin au XIXème siècle.
    Le château actuel date du XVème siècle et fut achevé deux siècles plus tard, mais il occupe probablement l'emplacement d'un château plus ancien, dont la construction aurait commencé au XIIIème siècle. En 1357; le château devient possession anglaise. Racheté par les consuls de Sarlat, il est finalement abandonné.
    En 1450, Radulphe de Saint-Clar reconstruit le château. Au siècle suivant, l'un de ses descendants, Raymond de Saint-Clar se distingue pendant les Guerres de Religion : tenant du parti catholique, c'est lui qui reprend Sarlat aux protestants, sous le nom de Capitaine de Puymartin et il installe son quartier général au château. Au XVIIème siècle, Jean de Saint-Clar et sa soeur Suzanne se disputent la possession du château. C'est finalement Suzanne qui en hérite mais le château est abandonné au XVIIIème.
    Au XIXème siècle, Marc de Carbonnier de Marzac fait restaurer le château dans le style néo-gothique à la mode à l'époque. En 1920, la famille de Marc de Carbonnier de Marzac se marie avec Jacques de Montbron, donnant naissance à la lignée encore propriétaire de Puymartin aujourd'hui.

    • La légende

    Aujourd'hui encore, si vous visitez Puymartin, vous ne pourrez pas échapper à la légende de la dame blanche qui, semble-t-il, a été aperçue à plusieurs reprises errant sur les remparts du château. On dit que son corps est encore emmuré dans une petite chambre du château, où elle fut enfermée de nombreuses années par un mari jaloux.
    Un jour, au XVIème siècle, la jeune Thérèse de Saint-Clar, épouse du seigneur de Puymartin est surprise dans les bras de son amant par son époux revenu inopinément de la guerre. Furieux, le mari trompé tua l'amant (un chevalier du voisinage) et emmura Thérèse dans une petite chambre qui, dit-on, donnait sur un grand arbre dans lequel on avait pendu le corps de son amant. La châtelaine de Puymartin y passa recluse les seize dernières années de sa vie. A sa mort, son mari demanda à ce qu'elle y soit emmurée.
    Le fantôme de Thérèse hanterait encore le château, se promenant dans les escaliers et sur les chemins de ronde avant de disparaître dans la chambre qui fut sa prison.

    L'île de Poveglia, à Venise (Italie)

    L'Île de la Peste / Poveglia, Italie – Le Fil de l'Histoire


    Située dans la lagune de Venise, entre la ville et la dune du Lido, Poveglia est une île inquiétante dont on s'approche peu. En effet, on dit qu'elle est hantée et, inhabitée depuis plusieurs décennies, elle laisse apercevoir des bâtiments ruinés au milieu d'une végétation dense qui a repris ses droits.
    Pourtant, ce ne fut pas toujours le cas et, au Moyen Âge par exemple, l'île de Poveglia (alors appelée Popilia ou Dei Pioppi, probablement en référence à la présence de nombreux peupliers sur son sol) fut très peuplée. Au IXème siècle, près de deux cents famille occupent les lieux. A la fin du Moyen Âge, compte tenu de l'importance de la population de Poveglia, on élit un podestat chargé de rendre la justice sur l'île, en 1339. La charge échut à un nommé Pietro Lando.
    Le déclin de l'île commença à la fin du XIVème siècle, vers 1379, durant la guerre de Chioggia, un conflit qui opposa la République de Gênes et la République de Venise entre 1378 et 1381. La population de Poveglia diminua alors fortement mais ceux qui choisirent de rester ne furent jamais privés de leurs anciens privilèges, comme l'exemption des taxes par exemple.
    C'est au XVIème siècle que l'on transforme Poveglia en lazaret, notamment pour désengorger ceux de la cité de Venise (en effet le Lazzaretto Vecchio et le Lazzareto Nuovo sont saturés). Des malades de la peste y sont alors accueillis. On dit qu'environ 160 000 personnes y furent enterrées : de grandes fosses auraient été creusées dans le sol de Poveglia pour y inhumer tous les morts de la peste et d'imposants bûchers y furent aussi allumés pour y brûler des corps. Pour éviter la propagation de la maladie, on sépara aussi des malades de leurs familles et on les envoya au lazaret de Poveglia.
    Au XVIIIème siècle, Poveglia sert toujours de lieu de quarantaine : on y fait patienter les navires dont on soupçonne à bord des cas de peste. Cet usage de l'île comm lieu de quarantaine est maintenu jusqu'au XXème siècle : pendant la Seconde guerre mondiale, Poveglia accueillit des soldats et on y déposa aussi les corps de victimes du conflit.
    En 1922, on construit un hôpital psychiatrique sur l'île et c'est à partir de là que des rumeurs persistantes affirmèrent que des patients, ainsi que des médecins, peu après leur arrivée, avaient vu des fantômes.
    Le lieu ne fut pas abandonné pour autant puisque par la suite, l'île accueillit une maison de convalescence et de repos pour personnes âgées, jusqu'en 1968.
    Aujourd'hui complètement laissée à l'abandon, l'île est déserte et le gouvernement italien l'avait même mise en vente en 2014. Actuellement, il serait question de transformer les anciens bâtiments de l'île en hôtel de luxe mais cette idée d'un entrepreneur privé divise l'opinion.

    • La légende

    De nombreuses légendes urbaines sur Poveglia ont été propagées à notre époque, notamment par des chasseurs de fantômes venus d'Europe mais aussi des Etats-Unis. Pour eux, l'île serait hantée par les malades de la peste que l'on y enfermait au XVIème siècle mais aussi par les personnes que l'on interna à l'hôpital psychiatrique, au XXème et sur lesquels on commit peut-être des tortures (ce qui est réfuté aujourd'hui) et des expériences médicales, comme des lobotomies. L'atmosphère inquiétante des lieux aujourd'hui permet de conforter cette idée que l'île est habitée par des esprits effrayants.
    Des médecins et des patients de l'hôpital auraient sombré dans la démence après avoir vu les fantômes de malades de la peste hanter les lieux (on a retrouvé des sortes de pierres tombales enjoignant de ne pas creuser la terre de Poveglia, dans laquelle sont enterrés de nombreux corps portant le germe mortel de la peste : la présence d'un lazaret à l'époque moderne et des tombes de malades morts à Poveglia est avérée mais, évidemment, pas l'apparition de fantômes). Le médecin résident, décidant d'enquêter sur ces étranges expériences des patients, finit par être victime lui aussi d'apparitions. Il se serait suicidé en se jetant du haut du clocher de l'hôpital mais rien ne permet de le prouver et il n'est fait mention dans aucune archive ni aucun article de journaux du suicide d'un médecin de l'hôpital de Poveglia.

     

    Et vous ? Avez-vous déjà visité un lieu réputé hanté ? Dites-moi tout en commentaires !!

     

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  • #30 : 1620, l'arrivée du Mayflower aux Amériques

    Image illustrative de l’article Mayflower

     Le Mayflower dans le port de Plymouth par William Halsall (1882)

    Au mois de novembre aux Etats-Unis a lieu une fête particulièrement importante, peut-être plus encore que les fêtes de Noël qui ont lieu un mois plus tard : c'est Thanksgiving, une célébration 100% américaine et qui trouve son origine dans sa lointaine histoire coloniale... Pour cela, il faut remonter jusqu'en 1620 et l'arrivée, dans ce qui sera les futurs Etats-Unis, d'un bateau entré dans l'histoire et que l'on appelle le Mayflower. Cette fête fait référence à l'aide que les émigrés Anglais reçurent des Indiens à leur arrivée dans la baie de Plymouth, sur les côtes américaines.
    Mais d'abord, il faut revenir en Europe, pour comprendre ce qui a poussé ces hommes, ces femmes et ces enfants à quitter l'Angleterre pour les paysages hostiles du Nouveau Monde.
    Au début du XVIIème siècle, l'Europe est encore secouée par les guerres de Religion. En France, si on considère traditionnellement que l'Edit de Nantes et la paix de Vervins avec l'Espagne, tous les deux ratifiés en 1598 sous le règne d'Henri IV (ancien huguenot converti au catholicisme lorsqu'il est investi de la couronne de France en 1589) mettent fin aux conflits civils qui ont bouleversé la seconde moitié du XVIème siècle, c'est en fait bien plus compliqué que cela.

    Au XVIème siècle, le roi Henry VIII Tudor, suivant l'exemple des princes allemands qui se convertissent massivement à une nouvelle doctrine, prônée par le moine Luther, divorce d'avec Rome. Souhaitant se séparer de son épouse espagnole, la princesse Catherine d'Aragon, qui n'a pas pu lui donner de fils et très amoureux de sa concubine, Anne Boleyn, il espère que le pape lui accordera de se séparer de son épouse mais le Saint-Siège refuse. Il faut dire que la position du souverain pontife est délicate et qu'il ne veut pas prendre le risque de contrarier le puissant empereur Charles Quint, qui est un neveu de Catherine. Cette crise familiale marque la naissance de l'Eglise anglicane dont la reine Elizabeth II est, encore aujourd'hui, le chef spirituel. L'Angleterre ne reviendra jamais, ou presque, dans le giron catholique. Les successeurs d'Henry VIII (ses trois enfants) seront respectivement protestant pour Edward VI, catholique pour Marie Ière (que l'on surnommera Bloody Mary pour la sanglante répression des protestants qu'elle ordonne sous son règne) et, de nouveau, protestante pour Elizabeth Ière, qui meurt sans héritier après un long règne, en 1603.
    Cette année-là, ironie du sort, c'est le roi d'Ecosse Jacques VI qui lui succède : il devient roi d'Angleterre et d'Irlande sous le nom de Jacques Ier. Celui-ci est le fils unique de la reine Marie Stuart, la grande rivale d'Elizabeth, qu'elle fait exécuter en février 1587. Contrairement à sa mère et à ses descendants (les rois Stuarts du XVIIème siècle, Charles Ier, Charles II et Jacques II), Jacques Ier n'est pas catholique ; il est protestant presbytérien avant de devenir anglican et se pose en défenseur de l'Eglise d'Angleterre contre les dissidents, considérés comme hors-la-loi. Il fait preuve notamment d'une intolérance notoire envers les puritains.
    Il ne faut pas oublier que le protestantisme est une religion à part entière et que des courants vont en découler tout au long de son histoire : ainsi les presbytériens écossais, les puritains ou encore les quakers. Le puritanisme est un courant spirituel découlant de la pensée révolutionnaire de Calvin (pourchassés sous le règne de Mary Ière, ils s'exilent sur le continent et notamment en Suisse, où ils s'imprègnent des principes calvinistes) et qui s'est en effet développé dès les années 1560. Son nom, puritanisme, vient de la volonté de ses tenants que s'accomplisse entièrement la Réforme au nom du pur Évangile. Pour ce faire, la rupture avec les rites catholiques, dont certains sont encore observés en Angleterre, doit être totale. En somme, son but est de purifier l'Eglise d'Angleterre du catholicisme encore présent.

    En 1603, quand le roi Jacques d'Ecosse accède au trône anglais, les puritains exigent de lui, par la Millenary petition (Pétition millénaire), l'abolition pure et simple de tous les rites catholiques encore observés par l'Eglise anglicane. Leur demande rencontre un certain succès parmi une fraction du clergé anglican, chez les universitaires mais aussi dans la bourgeoisie et l'artisanat urbains. Reconnaissables à leur austère tenue noire, portant bien souvent de curieux chapeaux pointus, les puritains basculent petit à petit de l'opposition simplement religieuse à une opposition politique. La rupture sera définitivement consommée sous le règne du successeur de Jacques Ier, son fils Charles Ier, dont les fils (Charles II et Jacques II) renoueront d'ailleurs avec le catholicisme de leurs ancêtres. 
    En juillet 1620, un groupe de puritains anglais, souhaitant librement pratiquer sa religion, choisit d'émigrer pour l'Amérique du Nord. Connu depuis plus de cent ans par les Européens, le Nouveau Monde n'est, paradoxalement, peuplé et exploré par les Anglais que depuis les années 1580...leur base est alors une île aux larges de la Caroline, l'île de Roanoke (la colonie perdue). Deux vaisseaux sont armés pour les conduire vers leur nouvelle vie : le Mayflower, qui comptera 65 passagers à bord et un autre vaisseau, le Speedwell, venant de Hollande, avec des passagers puritains aors réfugiés aux Pays-Bas, appartenant notamment à la communauté de Leyde. Le rendez-vous des deux navires est fixé au large de Southampton, pour un départ début août mais une avarie du Speedwell nécessite une réparation à Dartmouth. Après un second départ, une nouvelle avarie du Speedwell conduit à l'abandon du bateau : les deux navires rejoignent Plymouth et certains passagers du Speedwell gagnent le Mayflower tandis que d'autres choisissent de rentrer en Hollande.
    Finalement, c'est le 6 septembre 1620 que le Mayflower appareille de Plymouth, dans l'intention de rejoindre les côtes de Virginie où, depuis 1607, s'est développée une colonie anglaise. Le Mayflower est un navire imposant à trois-mâts, de 180 tonneaux et équipé de canons. Il mesure 27 mètres de long et peut accueillir à son bord 102 passagers, hommes, femmes et enfants, dont 35 puritains environs et plus d'une trentaine d'hommes d'équipage.
    Le trajet jusqu'en Amérique est long et s'effectue en plus à une période de l'année difficile, en plein automne. Pendant la traversée, le bateau est pris dans une tempête et, le 9 novembre, atteint enfin les côtes américaines : le Mayflower touche le sol au cap Cod, dans l'actuel Massachussetts, en Nouvelle-Angleterre. Une tentative de rallier la Virginie comme prévu initialement est compromise par le mauvais temps ; le Mayflower revient donc jeter l'ancre, le 11 novembre 1620, dans la baie de cap Cod.
    On peut noter, quelques jours plus tard, la naissance du petit Peregrine White, à Provincetown, en Nouvelle-Angleterre : fils de William et Susanna White, il est le premier enfant à naître parmi les Pilgrim Fathers (nom donné aux puritains du Mayflower à partir du XIXème siècle) au Nouveau Monde.
    Avant de débarquer est signé le Mayflower Compact, qui fixe les statuts de la future colonie. 41 des passagers masculins en sont les signataires. Ceux-ci font allégeance au roi Jacques Ier d'Angleterre et conviennent solennellement devant Dieu et devant chacun d'entre eux de se constituer en un corps politique civil destiné à concevoir des lois équitables pour le bien de toute la colonie, auxquelles ils promettent de se soumettre.
    L'hiver 1620-1621 étant particulièrement rigoureux, les passagers restent à bord du navire mais les maladies, les températures très basses et le manque de vivres rendent leur quotidien infernal. Plus de la moitié de la colonie est décimée et l'équipage est aussi atteint par les épidémies. En mars 1621, au début du printemps, les survivants débarquent enfin et s'installent dans des huttes sommaires, tout en organisant leur défense contre les attaques éventuelles des Indiens qui peuplent la région. L'établissement de la colonie se fait sous la direction de Myles Standish et de Christopher Jones, capitaine du Mayflower. En avril, le navire s'apprête à repartir vers l'Angleterre, emportant à son bord les membres d'équipage survivants. Les colons se retrouvent seuls au monde, sur une terre inhospitalière qu'ils ne connaissent pas et qu'ils ne savent pas comment cultiver.
    Par chance, les Indiens Wampanoags qui peuplent la région sont pacifiques et vont nouer avec les colons des relations cordiales : les Indiens enseigneront ainsi aux anciens passagers du Mayflower la culture du maïs et des rudiments de pêche. Les colons donnent à leur implantation le nom de New Plymouth (ou Plimoth Plantation) qui deviendra Plymouth, du nom du port anglais de départ. La colonie naissante se dote d'un gouverneur : le premier élu est John Carver, qui meurt toutefois rapidement, au cours de l'année 1621. Homme d'affaires, il avait participé à l'organisation de l'expédition. Le suivant est William Bradford, qui vient des Pays-Bas : élu en 1621, il sera ensuite toujours réélu au poste de gouverneur, jusqu'en 1644. C'est lui qui, à l'automne 1621, organise une grande fête à l'occasion du premier anniversaire de la colonie et pour remercier Dieu et les Indiens d'avoir pu obtenir leur première récolte. Il institue alors un jour de repos pour la colonie : c'est Thanksgiving, fête incontournable aux Etats-Unis célébrée le quatrième jeudi du mois de novembre. C'est une fête familiale, de remerciement et d'actions de grâce, marquée notamment par la traditionnelle grâce présidentielle d'une dinde. Il est probable que ses origines puisent dans une lointaine coutume paysanne européenne : on se réunissait en fin d'année pour remercier Dieu des bienfaits que l'on avait reçus au cours de l'année. Thanksgiving est aussi une célébration canadienne, qui a lieu le deuxième lundi d'octobre, comme une fête des récoltes.
    La colonie créée par les passagers du Mayflower n’est pas la première implantée sur la côte est de l’Amérique du Nord. Mais elle est considérée comme un épisode fondateur de la nation américaine parce que, plus que les autres, elle était porteuse d’un véritable idéal de liberté.
    De plus, l’influence biblique des puritains a fortement imprégné la culture américaine : ils comparaient la traversée de l’Atlantique à celle de la mer Rouge par les Hébreux et leur installation à celle des Hébreux en Palestine.
    Le Compact a inspiré la Constitution des États-Unis. Le président George Washington (1732-1799) choisit le Thanksgiving pour célébrer la ratification de la Constitution et, en 1863, le président Abraham Lincoln (1809-1865) fixe sa célébration au 4e jeudi de novembre. Le Thanksgiving est férié depuis 1941.

    De nombreuses personnalités américaines sont des descendants directs de passagers du Mayflower : plusieurs présidents américains (John Adams, John Quincy Adams, Ulysses S. Grant, George Bush...), des acteurs tels que Marilyn Monroe, Orson Welles, Clint Eastwood, Richard Gere, Alec Baldwin ou encore Humphrey Bogart ou encore l'écrivaine Laura Ingalls Wilder comptent parmi leurs ancêtres des passagers du Mayflower, fondateurs de la colonie de New Plymouth.

    Fichier:Thanksgiving-Brownscombe.PNG — Wikipédia

    La première fête de Thanskgiving dans la colonie de Plymouth en 1621 (Jennie Brownscombe, 1914)

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    - Le Mayflower en Amérique (1620), article du site Musée protestant (museeprotestant.org
    - Histoire des Etats-Unis, Bernard Vincent (dir.). Essai historique. 


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