• Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

    « Il n'y a pas de pays au monde où la distance entre le sublime et le ridicule soit aussi courte qu'en France. »

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

     

    Publié en 2011

    Editions Perrin (collection Tempus)

    615 pages

    Résumé :

    Le 11 juillet 1920, à 94 ans, disparaissait l'impératrice Eugénie, dernière souveraine des Français. Dans la mémoire nationale, cette fière et belle Andalouse n'a pas la meilleure réputation. On l'a soupçonnée de frivolité et taxée de frigidité au point que Napoléon III, son mari séducteur, avait dû chercher satisfaction auprès d'autres femmes ; on a moqué son autoritarisme maladroit après qu'elle eut été nommée régente ; surtout, on l'a accusée d'avoir poussé à la funeste guerre de 1870. On oublie ainsi qu'elle a aimé et défendu son pays d'adoption. Stendhal l'a initiée à l'histoire des Français, Mérimée lui a appris notre langue, elle s'est passionnée pour la défense de Flaubert, traîné en justice, et lui a obtenu la Légion d'honneur. A rebours des clichés caricaturant une Espagnole confite en dévotion et incapable de saisir l'esprit de son temps, Jean des Cars montre une impératrice appliquant les principes de la doctrine sociale chrétienne : elle crée les Fourneaux économiques, lointains cousins des Restaurants du cœur, elle encourage la formation scolaire et professionnelle des jeunes filles et soutient Pasteur dans sa croisade hygiéniste. Après la chute du régime, Eugénie, muette, accablée par la mort de son fils unique, et respectée, parcourt pendant quarante années l'Europe avec nostalgie. En 1914, elle est du côté de la France qui souffre. Jean des Cars dresse le portrait d'une grande dame d'hier qui, malgré ses erreurs, n'a jamais manqué de courage.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Eugénie de Montijo...avec Joséphine la Créole et Marie-Louise l'Autrichienne, Eugénie l'Espagnole fut l'une des trois impératrices des Français. La troisième. La dernière. Les deux premières furent les épouses successives de Napoléon Ier. Eugénie, née en 1826, devait devenir, en 1853, l'épouse de Napoléon III, nouvel Empereur des Français et éphémère prince-président de la non moins éphémère Seconde République. Fille d'un partisan de Napoléon Ier, don Cipriano de Guzman y Palafox, la jeune Eugénie, dont le sang chaud des Espagnoles bout dans les veines, sera élevée, avec sa soeur Francesca, affectueusement surnommée Paca, entre l'Espagne et la France, où elle découvre le monde parisien brillant ce début de XIXème siècle. La France bouge...depuis la Révolution, un Empereur et des rois se sont succédés à sa tête dans des spasmes politiques de plus en plus violents. Les derniers Bourbons sont tombés en 1830, à la suite des Trois-Glorieuses. En 1848, c'est la Monarchie de Juillet qui succombe à la fièvre révolutionnaire...Les Orléans quittent le navire, la République, la seconde -la première ayant été proclamée à la suite de la victoire de Valmy en 1792-, pointe le bout de son nez. Son président peut prêter à sourire : il est un neveu de Napoléon Ier par son père. Par sa mère, la flamboyante et peu fidèle reine Hortense, il est le petit-fils de la fameuse Joséphine...Louis-Napoléon, enfermé au fort de Ham en Picardie, exilé plusieurs fois, revient en triomphateur. Prince libéral, il ne va pourtant pas hésiter à renverser rapidement la Seconde République pour rétablir l'Empire, cet Empire voulu par son oncle et qui avait chuté avec lui sur le grand escalier du château de Fontainebleau en 1815. Louis-Napoléon deviendra Napoléon III.
    Pour le moment, il est amoureux d'une belle Anglaise qui a financé sa campagne électorale, Miss Howard...Mais le prince-président ne s'embarrasse pas de fidélité et, bien vite, il remarque cette jolie Espagnole, promenée de salons en salons par sa mère, Manuela. Eugénie est alors connue sous le nom de comtesse de Teba. Jolie, elle l'est. Cheveux plutôt clairs pour une Andalouse, grands yeux bleus, teint de porcelaine. Elle a tout pour séduire un homme comme Louis-Napoléon. Elle est née le 5 mai 1826...Cinq ans plus tôt, jour pour jour, mourrait à Sainte-Hélène, oublié de tous, Napoléon Ier, dont les cendres seront transferées aux Invalides sous Louis-Philippe. Une voyante avait prédit à Eugénie que sa seule date de naissance serait tout un programme et aurait une influence non négligeable sur sa vie future. Eugénie, encore enfant, éveillée à la culture par des hommes savants, comme Mérimée ou M. Beyle plus connu sous son nom de plume de Stendhal, ne sait pas encore qu'elle épousera le neveu du vainqueur d'Austerlitz.

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

    Portrait officiel de l'impératrice Eugénie par Franz Xaver Winterhalter (XIXème siècle)


    Ce sera fait le 30 janvier 1853. Eugénie a vingt-sept ans. Un âge relativement avancé, pour l'époque, pour se marier. L'Espagnole, comme avant elle les Autrichiennes, ne sera pas épargnée. On se gaussera d'elle, on sera jaloux de sa beauté, on la critiquera parce qu'elle n'est pas française mais aussi parce qu'elle ne s'embarrasse pas d'hypocrisie et de faux-semblants...On ne l'aimera pas parce qu'elle est de si petite naissance, en oubliant que les Bonaparte ne sont finalement, eux aussi, que des parvenus...
    De fait, comme Marie-Louise, en son temps, qui fut si injustement critiquée, Eugénie va devoir essuyer les sarcasmes des courtisans mais aussi des journalistes qui, en ce milieu de siècle, n'hésitent plus à railler les grands dans leurs journaux...Et elle a presque disparu dans les limbes de l'Histoire alors que cette femme à la longévité exceptionnelle n'a disparu qu'en...1920, c'est-à-dire, il y'a à peine...94 ans !!
    Et pourtant, Eugénie fut une femme exceptionnelle, pas épargnée par la vie, mais qui sut tenir une cour flamboyante, érudite, dans la veine de cette cour de l'Ancien Régime que tous les souverains du XIXème siècle cherchèrent à singer. Eugénie était belle mais n'avait pas oublié d'être intelligente. Elle fut le joyau de la cour de son mari, elle aima Napoléon III malgré leur écart d'âge et malgré ses infidélités -souvenons-nous de la Castiglione-, lui donna un fils unique, le Prince Impérial, qui, comme l'Aiglon, le malheureux enfant de Napoléon Ier et Marie-Louise, fut foudroyé dans la fleur de l'âge -vingt-deux ans à peine...
    Après avoir connu les ors des Tuileries, de l'Elysée et de Compiègne, où elle organisa, avec son époux, les fameuses séries, Eugénie connaîtra, après la défaite de Sedan et la proclamation de la République, en 1870, l'amertume de l'exil en Angleterre, où elle put encore accompagner son époux vers la mort -Napoléon III meurt, en 1873, des suites d'une opération d'un calcul dans la vessie, à l'âge de 64 ans, à Chislehurst, en Angleterre, sans avoir revu la France.
    Eugénie devait lui survivre encore quarante-six ans, connaître l'horreur de la Première Guerre Mondiale, qui emporta tant de jeunes gens avant de s'éteindre, vieille dame respectable, à 94 ans. Elle avait perdu un époux, un enfant et ses illusions. Revenue en France, l'ex-impératrice déchue vivra dans le souvenir de cet Empire enfoui dont elle avait été la perle et visita, au début du XXème siècle, le château de Compiègne, qui avait été sa demeure, comme une simple particulière.

     

    « Château de Compiègne, 7 août 1910. Un groupe de visiteurs écoute les explications du guide. Les voici dans le salon des Fleurs, l'ancienne chambre du prince impérial. On y voit encore, sur une table, les traces d'inscriptions faites avec un couteau par l'enfant, une bêtise qui lui avait valu une punition. Dans le groupe, une très vieille dame chancelle et demande si elle peut s'asseoir. La chaleur ? Tout en noir malgré l'été, le visage complètement voilé, elle a le regard fixe. On s'affaire autour d'elle, on lui donne à boire et, soudain, on la reconnaît. L'Impératrice ! L'Impératrice à Compiègne ! On alerte les conservateurs. Eugénie est accompagnée d'une dame et de deux messieurs, Pietri et Primoli. Incroyable scène, les visiteurs, qui ne comprennent pas tous de qui il s'agit, reprennent la visite.
    Eugénie demande à une faveur :
    -Puis-je rester seule un moment dans la chambre de mon fils ?
    Tout le monde se retire, on referme les portes. L'Impératrice redevient l'Impératrice...
    Son dernier séjour, ses dernières séries remontent à... 1868 ! Un autre siècle, avant le Canal de Suez, la tour Eiffel, la Cinématographe, avant les drames...C'était il y'a...quarante-deux ans !
    La vieille dame reste seule dans l'ancienne chambre de Louis pendant dix minutes. Personne ne la dérange. Les murs ont-ils une âme ? Elle peut se le demander en songeant à cet enfant qui avait joué ici et qu'elle avait cru voir un jour régner sur son pays. La porte s'ouvre, la dame d'honneur aide l'Impératrice à faire bien retomber son long voile. Dans le secret de sa méditation, elle l'avait relevé. Pour mieux retrouver une ultime fois les images du temps heureux. »

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

    Eugénie, à la fin de sa vie (début XXème siècle)

    C'est le passage le plus émouvant du livre, qui fait monter les larmes, quand on pense à tout ce que cette pauvre femme avait pu connaître dans sa vie privée... 
    On peut penser ce que l'on veut des Bonaparte et de l'Empire mais pas nier qu'Eugénie fut une femme exceptionnelle, avec beaucoup de qualités et injustement oubliée par l'Histoire. Avec la verve d'un romancier, Jean des Cars fait revivre l'impératrice sous nos yeux, comme il le fit dans sa très bonne biographie de Sissi. Sans se laisser aller à plaindre ces personnages qui sont pour lui des sujets d'étude, sans nier leurs fautes, parce que n'importe quel être humain en fait, de toute façon, c'est avec chaleur que l'auteur nous restitue le grand destin de cette demoiselle de Teba, appelée par erreur de Montijo en France, belle Andalouse au coeur pur mais exalté, qui sut se montrer à la hauteur de la tâche qu'un homme aimant les femmes et qui ne supportait pas de ne pouvoir la posséder, lui confia.

     

    Eugénie, la dernière impératrice ; Jean des Cars

     Chislehurst House, dans le Kent, où Napoléon III décéda en 1873

     

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie, détaillée mais pas trop. Exhaustive et rigoureuse, servie par une plume rigoureuse. 
    Les - : 
    Aucun.   


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Août 2014 à 14:33

    Cette biographie a l'air très bien. Je ne connais pas très bien Jean des Cars mais à chaque fois tu sembles apprécier ses ouvrages. 

    2
    Vendredi 12 Septembre 2014 à 20:30

    Je le note dans ma PAL car je suis curieuse de connaître mieux cette impératrice

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    3
    Raymond9
    Mardi 12 Juillet 2016 à 20:17

    Les cendres de l'empereur ont été rapatriées sous Louis-Philippe en décembre 1840 et non sous Napoléon III en 1841 comme écrit dans le résumé!

      • Mercredi 13 Juillet 2016 à 10:29

        Une coquille ça peut arriver partout ! 

        Mais merci pour la rectification. 

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