• Fascinante Odalie ; Suzanne Rindell

    « Qu'était la justice, au bout du compte, sinon un jugement prononcé au nom de la morale ? »

    Fascinante Odalie ; Suzanne Rindell

    Publié en 2013 aux Etats-Unis ; en 2015 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Other Typist

    Titre français original : Vice & Vertu : Mon Amie Odalie

    Editions Pocket

    381 pages

    Résumé :

    New York, 1924. Rose Baker est une employée modèle : sténodactylo au commissariat du Lower East Side, elle s'est toujours appliquée à suivre les règles. Jusqu'au jour où Odalie Lazare fait une entrée fracassante dans sa vie. Belle et pétillante, la jeune femme avec sa coupe à la garçonne va lui ouvrir les portes d'un monde jusqu'alors inconnu, celui des bars clandestins et des artistes bohèmes. Fascinée, Rose développe une véritable obsession qui la pousse à s'interroger sur le passé de sa nouvelle amie. Mais Rose devrait le savoir, certaines réponses se paient au prix fort. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 1924, c'est l'époque de la Prohibition, du charleston et des bootleggers. La génération qui a vingt-cinq ans en ces années enivrantes a connu la Grande Guerre et essaie de l'oublier comme elle peut.
    Rose Baker, elle, est une jeune femme rangée, bien sous tous rapports. Orpheline, elle a été élevée par des religieuses dans un institut new-yorkais, avant de devenir sténodactylo et d'être engagée dans un commissariat du Lower East Side, où elle est une employée discrète mais efficace. Tout pourrait aller bien pour elle, jusqu'au jour où Rose, discrète et effacée, rencontre la tourbillonnante Odalie Lazare, jeune femme bien de son époque -le personnage m'a beaucoup fait penser à Daisy Buchanan de Gatsby le Magnifique, d'ailleurs. Nouvelle sténodactylo du commissariat, la jolie et sûre d'elle Odalie prend sous son aile Rose et lui fait découvrir un monde que celle-ci ne connaît pas : le monde des soirées clandestines qui se sont développées en marge de la Prohibition, au nez et à la barbe de la police, les fêtes dans les riches demeures de Long Island, l'univers branché des poètes bohèmes. Mais Odalie est-elle vraiment celle qu'elle prétend être, une jeune femme qui a connu une jeunesse dorée et aime le luxe et la futilité ? Est-elle bien celle qu'elle présente à Rose pour l'amadouer et l'emprisonner dans un cercle vicieux ?
    Car très vite, c'est une relation inégale qui se met en place entre les deux jeunes femmes, une relation où l'une est clairement gagnante et l'autre perdante, où l'une sera la dominatrice de l'autre, la manipulera savamment pour arriver à ses fins. Odalie est celle, bien évidemment, qui va parvenir progressivement à tisser sa toile et à refermer son piège sur Rose, influençable et en si grande carence affective qu'elle serait prête à tout pour être reconnue et admirée. Et justement, c'est cette faille-là, ce filon que la savante Odalie va exploiter à fond, attirant irrémédiablement Rose vers un abîme dont elle ne pourra pas se sortir seule et qui aura de vraies conséquences sur son futur.
    Dès le départ -ou presque-, on comprend que tout le roman est en fait un long flash-back. L'histoire de Rose avec Odalie est terminée, celle-ci semble avoir disparu de sa vie. Pourquoi, comment ? Cela est un mystère...enfin, il faut lire le roman, bien sûr, pour comprendre le pourquoi du comment. On comprend aussi rapidement, grâce aux diverses allusions de Rose quant à sa situation actuelle, que les mois qui viennent de passer l'ont changée à tout jamais, mais pas pour le meilleur, surtout pour le pire. Odalie, entrée d'abord dans sa vie comme une sorte de muse, une égérie, que la jeune femme terne et insignifiante se faisait une fierté de compter parmi ses amis, a en fait rapidement révélé un visage que Rose aurait certainement préféré ne pas voir. Comme dans un couple, la relation entre Rose et Odalie et passionnelle mais à sens unique. L'une propose, l'autre dispose et surtout, se fait manipuler et voit celle qui se prétend son amie jouer avec ses sentiments sans qu'elle puisse rien y faire, comme si son libre arbitre, son esprit critique, était annihilé justement par la formidable aura de celle qui dangereusement la modèle pour en faire ce qu'elle veut.
    Pour un premier roman, on peut dire que Suzanne Rindell a frappé fort et choisi un sujet percutant et qui ne laisse pas indifférent. L'intrigue de Fascinante Odalie prend place dans une période troublée, un pan assez noir de l'Histoire des Etats-Unis, découlant de la Grande Guerre et du Volstead Act. Les jeunes, qui ont échappé à la guerre ou en sont revenus avec d'affreux souvenirs veulent oublier, s'étourdir. Ils s'enivrent de fêtes autant que de cocktails mais, en même temps, la Prohibition fait rage. Alors, des réseaux se tissent. Comme pendant une guerre, le marché se développe, de même, des réseaux, parallèles de fabricants et fournisseurs d'alcools vont se créer et certains asseoir ainsi de véritables fortunes. Mais cette intrigue-là pourrait très bien se situer à notre époque. Les mécanismes n'ont pas changé en quatre-vingt-dix ans et, si à l'époque on tentait désespérément d'oublier un passé affreux en regardant vers un avenir qui ne peut forcément qu'être meilleur, aujourd'hui, c'est notre présent et notre futur qui nous semblent justement mal assurés et pourraient alors nous conduire à nous enivrer comme l'ont fait nos arrière-grand-parents au même âge. C'est en quelque sorte une histoire humaine universelle que nous raconte l'auteure et je dois dire que je suis assez admirative de la manière dont elle mène son intrigue, avec beaucoup de talent et de justesse. Son style est fin et racé, l'histoire percutante juste comme il faut.
    Le seul bémol que je soulèverais concerne les personnages. Et encore, ce n'est que mon avis, bien sûr, mon ressenti et peut-être les autres lecteurs n'ont pas perçu les différents protagonistes de Fascinante Odalie comme moi. L'apparente insensibilité de Rose m'a énormément gênée et ce, depuis le début. Son côté un peu ironique et désabusé ne m'a pas plu. Quant à Odalie, elle m'a franchement tapé sur les nerfs. Bref, je n'ai vraiment pas réussi à m'attacher à ce duo, qui forme pourtant la trame du roman. Le personnage d'Odalie a un côté froid et antipathique, même si elle sait se montrer cajôlante. Il faut dire qu'elle l'est essentiellement avec Rose, qu'elle manipule habilement, manipulation que nous, lecteurs, percevons dès le début.
    Pour autant, je ne regrette pas du tout cette lecture, au contraire. Fascinante Odalie est vraiment un bon roman, original et qui a beaucoup de qualités. Par bien des aspects, il m'a fait penser à l'ambiance tourbillonnante et étourdissante de Gatsby le Magnifique, le fameux roman de Francis Scott Fitzgerald, qui se passe à la même époque et dans les mêmes sphères sociales. Suzanne Rindell a bien réussi à capter cette atmosphère brillante -un peu bling bling il faut le dire-, flamboyante, où l'alcool de contrebande coule à flots, dans la joie éphémère et illusoire d'une génération qui a été meurtrie et veut vivre. Fascinante Odalie n'est pas vraiment un roman historique, enfin, à mon sens : comme je le disais plus haut, il y est question de sentiments universaux et intemporels qui font du roman un ouvrage plutôt centré sur l'humain et l'habileté de certains pour manipuler et jouer avec les sentiments de leurs semblables. Mais Suzanne Rindell s'est attaché à dépeindre au mieux ces Années Folles. Bref, même si les personnages m'ont gênée et que j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire au départ, je dois dire que ce roman est vraiment intéressant et je le conseille ! ! Vous passerez à coup sûr un bon moment. Et la fin ne manque pas de nous surprendre. 

    En Bref :

    Les + : une idée vraiment intéressante et bien menée, pour un premier roman.
    Les - : dommage qu'une telle distance s'instaure d'emblée entre le lecteur et les personnages, empêchant le premier de vraiment s'attacher aux seconds. 


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 6 Juillet 2016 à 22:11

    J'avais été scotchée par la fin et je l'avais beaucoup aimé mais pas de coeur pour autant

      • Jeudi 7 Juillet 2016 à 20:10

        Pas de coup de coeur pour moi non plus, mais une fin qui m'a surprise aussi, même si je dois t'avouer que, dès le début, je ne sentais pas Odalie...elle était très fascinante, mais il y'avait quelque chose chez elle qui me dérangeait...du coup, je me suis dit que c'était bien son genre que de faire ce genre de choses mais effectivement, je ne m'attendais quand même pas à cette fin-là, je ne l'ai pas vue venir...

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    2
    Mercredi 6 Juillet 2016 à 22:56

    Il me tente assez mais pas pour le moment. On le fait gagner d'ailleurs dans un concours avec ma jumelle.

      • Jeudi 7 Juillet 2016 à 20:10

        Si tu le lis un jour, Natacha, j'espère qu'il te plaira. Le début m'a un peu ennuyée et ensuite, je suis rentrée dans l'intrigue et je ne l'ai plus lâché. cool

    3
    Mardi 26 Juillet 2016 à 17:28

    Cette lecture pourrait être sympa. C'est surtout l'époque qui m'a frappée d'emblée mais je me laisserait tenter par l'histoire aussi

      • Mardi 26 Juillet 2016 à 19:46

        Oh oui je te le conseille ! ! Personnellement, le contexte m'a bien plu, la Prohibition etc...même si je ne suis pas une très grande fan de l'Histoire des Etats-Unis... happy Aussitôt, le roman m'a fait penser à Gatsby le Magnifique, comme je le dis dans ma chronique mais j'ai mieux apprécié celui-ci... Fascinante Odalie est vraiment un premier roman qui suscite l'admiration : Suzanne Rindell est très talentueuse. 

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