• #9 : L'impératrice Joséphine (1763-1814)

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

    INTERMÈDE HISTOIRE LXXI

    I. Une naissance dans les îles

    Celle que nous connaissons sous le nom de Joséphine est née Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie le 23 juin 1763 aux Trois-Îlets en Martinique, ville proche de Fort-Royal (future Fort-de-France). Elle est la fille aînée de Joseph-Gaspard Tascher de La Pagerie, chevalier et seigneur de La Pagerie et de Rose Claire des Vergers de Sannois. Ses parents sont deux très riches colons, exploitants d'une plantation de cannes à sucre, qui emploie plus de 300 esclaves africains.
    Son grand-père paternel est venu s'installer en Martinique dans les années 1720 et son père est né en Martinique, avant de rentrer en métropole en 1751, où il officiera pendant quelques années comme page dans la maison de la Dauphine, Marie-Josèphe de Saxe avant de rejoindre l'armée. La famille de sa mère est originaire de la Brie mais installée aussi de longue date aux Antilles - probablement dès la fin du XVIIème siècle. On retrouve ainsi dans les textes un certain Dominique des Vergers de Sannois, qui fait ses premières armes sous Robert de Lonvilliers de Poincy, son cousin et gouverneur de l'île de Saint-Christophe depuis juin 1644.
    Le 27 juillet, la petite fille est baptisée en l'église Notre-Dame de la Bonne-Délivrance, aux Trois-Îlets, sa ville natale. Selon la tradition, elle reçoit le prénom Marie de sa marraine, Marie Françoise Boureau de la Chevalerie, qui est sa grand-mère paternelle et le prénom Josèphe de Joseph des Vergers de Sannois, son grand-père maternel. Son troisième prénom, Rose, par ailleurs porté par sa mère, sera son nom usuel jusqu'à son mariage avec Napoléon Bonaparte.
    La petite Rose grandit donc dans la propriété familiale avec ses deux sœurs, Catherine-Désirée et Maria. En 1777, leur tante Désirée de la Pagerie - sœur de Joseph-Gaspard Tascher de La Pagerie-, qui vit en France avec Joseph de Beauharnais a l'idée d'unir l'une de ses nièces avec Alexandre, le fils de Joseph. Celui-ci propose le mariage à Catherine-Désirée. Malheureusement, lorsque la demande parvient en Martinique, la sœur de Rose vient de mourir prématurément de la tuberculose à l'âge de douze ans et Maria, la plus jeune des sœurs, refuse le mariage. Le père décide alors d'accorder la main de son aînée, Rose, au jeune homme. Pour Rose, cela signifie le départ définitif de son île natale pour aller se marier en métropole.
    A la fin du mois d'août 1779, Rose embarque avec son père sur la flûte Isle de France et quitte la Martinique pour toujours.

    II. L'arrivée  en France : des débuts difficiles

    Les noces ont lieu le 13 décembre 1779 à Noisy-le-Grand : le marié a dix-huit ans, la jeune mariée deux de moins. Le destin de la future Joséphine est en marche. Dans son enfance, une devineresse créole lui avait prédit qu'elle atteindrait des sommets en devenant souveraine de France...
    Mais pour le moment Rose, qui n'est pas encore Joséphine, doit faire contre mauvaise fortune bon coeur. En effet, sonm ariage avec Alexandre de Beauharnais n'est pas heureux. Les deux jeunes gens ne s'entendent pas et Alexandre ne va pas tarder à accumuler les maîtresses tout en dilapidant joyeusement sa fortune, qui comprend notamment trois grandes habitations sur l'île de Saint-Domingue, encore sous domination française.
    De cette union houleuse naissent deux enfants : en 1781, Rose, âgée de 18 ans, donne naissance à un fils, prénommé Eugène-Rose, qui sera notamment à l'origine des ducs de Leuchtenberg et 1783, elle accouche d'une fille, Hortense Eugénie Cécile. Celle-ci sera la mère du futur Napoléon III et, de sa relation adultère avec Charles de Flahaut, naîtra le duc de Morny, ministre sous le Second Empire.
    Deux ans plus tard , en 1785, deux ans après la naissance de leur fille, Alexandre et Rose finissent par se séparer, dans des conditions difficiles. La jeune femme va alors se réfugier à l'abbaye de Penthemont, où elle parfait son éducation, au contact de jeunes femmes issues de très bonnes familles françaises...on peut citer Louise d'Esparbès ou encore, Bathilde d'Orléans, qui ont été placées ici par leurs familles pour recevoir une bonne éducation. Finalement, lorsqu'elle quitte le couvent, Rose va s'installer à Fontainebleau chez son beau-père, le marquis de La Ferté-Beauharnais, qui lui témoigne de la sympathie. En 1788, elle quitte la France avec la petite Hortense pour revenir un temps en Martinique et surtout, présenter l'enfant à ses parents. On ignore pourquoi elle ne partit pas avec ses deux enfants.
    La Révolution surprend la jeune femme en Martinique. Elle est obligée de rentrer en France dès 1790, tandis que le souffle révolutionnaire commence à se répandre sur l'île et que les insurgés ont pris son père, maire de Fort-Royal, en otage. Son mari, Alexandre de Beauharnais, exercer alors le poste -assez dangereux au demeurant- de président de l'Assemblée constituante, après avoir été élu député aux Etats Généraux en 1789...

    III. La Révolution

    Le couple Beauharnais renoue pendant la Révolution et se réinstalle ensemble, avec ses deux enfants. Alexandre de Beauharnais parvient à se maintenir tant bien que mal jusqu'en 1793. C'est la chute de Mayence qui précipite la sienne propre : en effet, on lui en attribue la responsabilité. Il parvient tout de même avec regagner son fief de la Ferté-Autain mais est arrêté en mars 1794 sur ordre du Comité de Sûreté Générale et incarcéré à la prison des Carmes. Dans la foulée, toute sa famille est arrêtée également, coupable « de lui avoir appartenu », dixit M. de Lescure. Rose est arrêtée le 20 avril suivant. Alexandre de Beauharnais sera finalement guillotiné le 23 juillet 1794, peu de temps avant la chute de Robespierre ( 9 Thermidor). Sa femme sera sauvée presque par miracle de l'échafaud, alors qu'elle était soupçonnée d'avoir aidé des royalistes. Emprisonnée elle aussi aux Carmes, elle en sort finalement libre le 6 août 1794, peut-être grâce à l'intervention de Thérésia Cabarrus, la fameuse « Notre-Dame de Thermidor », qui entretenait une relation avec Jean-Lambert Tallien.
    A sa sortie de prison, ses connaissances et sa beauté, ouvrent à Rose la plupart des salons alors à la mode. Mais la pauvre femme est complètement ruinée, au point que, lors des soirées à la mode, on la dispense d'amener son pain, comme cela était la coutume alors. Pour autant, Rose, qui ne brille certes pas par sa fortune ou son esprit, met un point d'orgue à être toujours bien mise, accumulant des dettes, qu'elle acquitte sûrement en vendant ses charmes.
    Grâce au directeur Paul Barras, avec qui elle va entretenir une liaison, elle parvient peu à peu à récupérer les biens de son défunt époux Alexandre de Beauharnais et, en 1795, elle réussit à s'acheter un petit hôtel particulier, rue Chantereine, à Paris, qui va lui permettre de vivre « selon son rang ». A cette date, la Révolution sanglante est passée, nous sommes alors sous le Directoire, beaucoup plus souples. C'est le moment où les Merveilleuses et les Incroyables vont se livrer à toutes les extravagances. Rose va alors nouer une relation amicale très forte avec Thérésa Tallien, ancienne Madame de Fontenay, incarcérée comme elle durant la Révolution mais sauvée du bourreau. Elle s'éprend de Barras, qui fait d'elle sa maîtresse mais aussi, une femme entretenue. Mais, peu à peu, Barras, qui se désintéresse d'elle, cherche dans quels bras il va pouvoir jeter son encombrante maîtresse. Il élit un petit officier, originaire de Corse, arrivé, comme Rose, en France en 1779. Il s'appelle Napoléon Bonaparte. Barras le convainc d'épouser la veuve Beauharnais.

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     Le sacre de Napoléon Ier par Jacques-Louis David 

    IV. L'ascension vers le trône de France : Rose devient Joséphine

    Jaloux et possessif, Napoléon Bonaparte, qui est épris de la jeune femme -elle-même ne l'est pas, elle espère juste que ce mariage parviendra à lui apporter une stabilité financière-, décide de transformer le deuxième nom de Rose en Joséphine, pour ne plus avoir à prononcer un nom usité par ses anciens amants ! Le 8 mars 1796, à Paris, Joséphine est unie à Napoléon. Il a 27 ans elle en a six de plus. Le jeune officier va se vieillir de deux ans et Joséphine, se rajeunir de quatre, pour égaliser leur âge. Petite anecdote, lors de la nuit de noces, qui se passe chez Joséphine, Napoléon veut déloger Fortuné, le carlin de son épouse, qui a élu domicile sur le lit. Furieux de se voir ainsi évincé, le chien de Joséphine mord alors Napoléon au mollet, ignorant qu'il vient de planter ses dents dans la peau du futur empereur des Français !!
    Dès le surlendemain des noces, Napoléon, nommé par Barras général en chef de l'armée d'Italie, doit déjà quitter sa femme pour aller prendre son commandement. Joséphine reste seule à Paris. Elle va trafiquer avec l'armée -un marché plutôt douteux se met alors en place- pour avoir des revenus et surtout, assurer son train de vie qui est de plus en plus luxueux...en ce qui concerne l'entente avec sa belle-famille, on ne peut pas dire qu'elle soit bonne. La jeune soeur de Napoléon, Pauline, qui a le même âge qu'Hortense, appelle dédaigneusement sa belle-soeur « la vieille ». Quant à Madame Mère, Letizia Bonaparte, qui considérera plus tard sa belle-fille d'un mauvais œil, elle ne la connaît pas encore, puisqu'elle réside à Marseille.
    Joséphine, qui n'aime pas son époux, ne se prive pas pour le tromper, ce qui va d'ailleurs donner lieu à des relations plutôt houleuses entre eux deux. Elle tombe par exemple amoureuse du capitaine de hussards Hippolyte Charles, avec qui elle va entamer une liaison, sans s'en cacher. Pendant plusieurs mois, elle va même refuser de rejoindre Napoléon en Italie, alors qu'il le lui réclame expressément, pour rester plus longtemps dans les bras de son amant. Par la suite, ce fut Joséphine qui eut elle-même à souffrir des infidélités de son mari, qui ne se gênait pas pour prendre ses maîtresses dans l'entourage proche de son épouse.
    Après la campagne d'Egypte, pendant laquelle Napoléon prononce cette célèbre phrase : « Du haut de ces pyramides, vingt siècles nous contemplent .», c'est rue Chantereine, dans le petit hôtel de Joséphine, que se prépare le fameux coup d'Etat du 18 brumaire, qui va mettre fin au Directoire et ouvrir l'ère du Consulat. Joséphine va y prendre une place prépondérante, au même titre que Lucien Bonaparte ou encore, Joachim Murat, le futur roi de Naples. En décembre 1799, Napoléon est nommé Premier Consul. Cambacérès devient le second, il est chargé du juridique et Lebrun, le troisième. Lui sera chargé des finances. Mais bientôt, le couple va élire domicile dans une autre maison, achetée par Joséphine durant la campagne d'Egypte : il s'agit de la Malmaison, non loin de Paris. C'est là que Napoléon va décider de remettre rapidement la France dans le « droit chemin », en créant notamment la Banque de France, en rétablissant l'esclavage qui avait été aboli sous la Révolution et en créant l'ordre de la Légion d'Honneur. Il est ensuite nommé consul à vie.
    L'Empire émerge doucement à l'horizon et la position de Joséphine devient de plus en plus précaire, malgré la gloire. En effet, plus âgée que son époux, elle n'est plus en âge de procréer. Elle n'est pas stérile, puisqu'elle a donné naissance à deux enfants mais son âge fait qu'elle ne pourra plus jamais tomber enceinte. Un problème dynastique de taille se pose donc puisque l'Empire sera héréditaire. Pour contourner ce problème, Joséphine pousse Napoléon à marier son frère, Louis Bonaparte, à sa propre fille, Hortense de Beauharnais. En 1802, la jeune femme accouche effectivement d'un premier enfant, un fils, mais Louis Bonaparte refuse catégoriquement que son frère l'adopte pour en faire son héritier légitime. Jusqu'à la répudiation, Joséphine va mener une véritable vie de représentation, comme n'importe quelle première dame.
    Le 18 mai 1804, le Sénat vote, à l'unanimité, l'instauration du gouvernement impérial. C'en est fini du Consulat, place à l'Empire. Napoléon Bonaparte, l'insignifiant petit officier du Directoire, devient Empereur héréditaire des Français. Royaliste dans l'âme -elle avait tenté de sauver des royalistes durant la Révolution, ce qui lui vaudra son incarcération à la prison des Carmes-, Joséphine fait tout pour détourner Napoléon de son rêve d'Empire. « Je t'en prie, Napoléon, ne te fais pas roi ! », lui aurait-elle dit. Peut-être ces paroles étaient-elles également motivées par l'impossibilité de Joséphine à donner un enfant au trône.
    Le 30 octobre de cette même année, pourtant, Joséphine et Napoléon célèbrent discrètement leurs noces religieuses, au palais des Tuileries. Le 2 décembre suivant, en présence du pape Pie VII, Napoléon se couronne Empereur et pose la couronne sur la tête de son épouse : la scène a été immortalisée par David, dans son célèbre tableau représentant le sacre de Napoléon. On voit Joséphine agenouillée devant son époux qui s'apprête à poser la couronne impériale sur sa tête. Joséphine est désormais impératrice des Français.

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     Le divorce de l'impératrice Joséphine par Henri-Frédéric Schopin

    V. Le divorce et la chute

    Cinq ans après le couronnement à Notre-Dame de Paris, l'absence d'héritier se fait cruellement sentir. Le trône n'est pas conforté et il semble que Joséphine ne sera plus jamais enceinte. Mais, comme elle avait eu déjà des enfants de son premier mariage, c'est Napoléon qui se croyait stérile. Cette angoisse disparaît le jour où une dame du palais de sa femme, avec qui il entretenait une liaison, lui donne un fils, le comte Léon. La jeune polonaise, la comtesse Marie Walewska, tombe également enceinte des œuvres de l'Empereur et accouche d'un fils. Comme Louis Bonaparte lui refuse d'adopter l'enfant qu'il a eu avec Hortense de Beuharnais, Napoléon se voit contraint de répudier Joséphine, pour prendre une femme plus jeune, qui pourra lui donner des enfants. Le divorce est finalement prononcé le 15 décembre 1809 et confirmé le lendemain, par un senatus-consulte. Le mariage religieux, lui, est annulé au début de l'année 1810. La légende veut que Joséphine se soit défendue comme un beau diable, pleurant et criant, avant de faire une syncope, à l'annonce de cette nouvelle.
    Pour autant, Napoléon resta clément avec cette femme qu'il avait aimée. Il lui permit notamment de conserver le titre d'impératrice douairière et lui donne le château de l'Elysée, le château de la Malmaison ainsi que le château de Navarre, proche de la ville d'Evreux. Par la suite, il lui donna également de quoi vivre et éponger ses dettes : dépensière à l'excès et grande amatrice de toilettes, Joséphine en avait contracté beaucoup. L'impératrice déchue trouve refuse à la Malmaison, qui va désormais devenir son lieu de résidence habituel. C'est là qu'elle recevra la visite du tsar Alexandre Ier, à qui elle recommandera notamment ses deux enfants, le prince Eugène et la reine Hortense -entre-temps, Hortense et Louis Bonaparte sont devenus souverains de Hollande- et les deux enfants du couple, Napoléon-Louis et Louis-Napoléon. Pendant deux ans, elle se retire au château de Navarre mais son lieu d'élection reste la Malmaison, achetée en 1799. Toutes les têtes couronnées d'Europe, vainqueurs au printemps 1814, y défilèrent.
    Cette même année, Joséphine, âgée de 51 ans, succombe des suites d'un refroidissement, dans son château de la Malmaison, duquel elle faisait encore, quelques jours auparavant, les honneurs au tsar Alexandre Ier. C'est justement pour avoir voulu faire visiter à celui-ci son domaine qu'elle contracta une pneumonie, car elle était vêtue d'une simple robe d'été. Elle meurt le 29 mai 1814 et est inhumée à l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Rueil-Malmaison.
    Par ses enfants, Hortense et Eugène, Joséphine reste l'ancêtre commune de nombreuses maisons royales existant encore de nos jours : on peut citer la maison royale de Norvège, la maison grand-ducale du Luxembourg, la maison royale de Grèce et bien d'autres...

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     Le tombeau de Joséphine à Rueil 

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    -Joséphine : une impératrice de légendes, Philippe de Montjouvent. Biographie.
    -Joséphine, André Castelot. Biographie.
    -Journal de Joséphine B., impératrice, Philippe Séguy. Biographie romancée.

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 22 Avril 2015 à 04:43

    oh la la j'ai beaucoup appris, notamment sa relation avec Barras. Merci

    2
    Lundi 27 Avril 2015 à 14:51

    Encore une fois tes intermèdes historiques me tentent beaucoup.

    3
    Samedi 6 Juin 2015 à 17:08

    J'avais vu une superbe expo sur elle il y a un an au Musée du Luxembourg et j'avais été surprise en apprenant qu'elle venait de Martinique ! Et tu m'apprend que sa fille a épousé le frère de Napoléon, ce que j'ignorais totalement. J'ai vu quelques romans sur elle sans jamais me laisser tenter mais pourquoi pas

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