• #12 : Giacomo Casanova (1725-1798)

    #12 : Giacomo Casanova (1725-1798)

     

    Casanova par Anton Raphael Mengs (XVIIIème siècle)

    Giacomo Girolamo Casanova voit le jour le 2 avril 1725 à Venise. Tour à tour violoniste, écrivain, magicien -dans le but de séduire une femme-, espion, diplomate, bibliothécaire, il est surtout connu pour avoir été un grand séducteur. De nos jours, un coureur de jupons invétéré, grand amateur de femme est encore appelé un « Don Juan » ou un... « Casanova ».
    Il est le fils aîné de Gaetano Casanova, comédien à Venise et de Zanetta Farussi, fille de cordonnier et actrice. Il naît rue de la Comédie, l'actuelle rue Malipiero, près de l'église San-Samuele. Toutefois, sa filiation est douteuse. Selon le biographe Rives Childs, Casanova pourrait être le fils d'un patricien vénitien du nom de Michele Grimani, dont le frère, qui était abbé, va devenir le tuteur du jeune Giacomo. Ce dernier a plusieurs frères et soeurs : Francesco Giuseppe, né en 1727, Giovanni Battista, né en 1730, Faustina Maddalena, née en 1731, Maria Maddalena Antonia Stella, née en 1732 et enfin, Gaetano Alvise, né en 1734.
    Le jeune garçon, qui est l'aînée de cette imposante fratrie, va vivre son enfance entouré de femmes. C'est sa grand-mère maternelle, Marsia Farussi, qui va jouer le plus grand rôle auprès de lui, puisqu'elle va l'élever. Cette phrase, issue de ses mémoires, témoigne de cette enfance heureuse, entouré par l'amour des dames : « Rien de tout ce qui existe n’a jamais exercé sur moi un si fort pouvoir qu’une belle figure de femme. »
    Par la suite, le jeune Giacomo va entreprendre des études, qu'il va brillamment réussir. Il étudié ainsi la chimie, mais aussi les mathématiques, la philosophie, très en vogue à cette époque et le droit. Il obtient un doctorat en droit civil et droit canonique à l'université de Padoue. Après cela, il commence une carrière ecclésiastique et reçoit la tonsure en février 1740, avant les quatre ordres mineurs onze mois plus tard, en janvier 1741. Giacomo Casanova est donc désormais abbé. Mais, peu de temps après, il doit renoncer à sa fonction de prédicateur, après un sermon qui tourne à la catastrophe, à l'église San Samuele : et pour cause, il était ivre au moment de prononcer ce sermon !! Cela ne l'empêche pas pour autant de poursuivre sa carrière ecclésiastique parmi les prélats de Venise, de Naples puis de Rome. C'est là qu'il rencontre le cardinal Acquaviva, à qui, contre toute attente, il plaît. Il va entrer à son service et être logé par lui en contrepartie. Présenté au pape, Casanova plaît également au souverain pontife, alors Benoît XIV. Il semble que sa carrière prenne un tour tout à fait avantageux mais voilà qu'il commet l'acte qui va le faire soudainement tomber en disgrâce : il enlève la fille de son professeur de français et la cache au palais d'Acquaviva, son protecteur.
    Dès 1745, Casanova va entamer sa vie d'aventures, qui a fait sa légende. Le prélat qu'il a été auparavant va alors disparaître derrière ce personnage d'aventurier et d'homme à femmes. Il va exercer de nombreuses activités à partir de ce moment-là, toutes très éclectiques : on passe de violoniste à joueur professionnel, escroc, financier, bibliothécaire...Comme beaucoup de jeunes gens du XVIIIème siècle, Giacomo Casanova va entamer son Grand Tour : il va quitter l'Italie pour aller visiter les autres pays d'Europe. Il passera tour à tour des Cours aux prisons royales ! Le jeune homme vit en aventurier, se contentant d'expédients. Seul le plaisir l'occupe et, pour l'atteindre, il ne se préoccupe pas des lois et des dupes qui veulent bien le croire et qu'il trompe alors allègrement.
    Après la carrière ecclésiastique qui, comme nous l'avons vu, ne lui a pas forcément été très favorable, c'est la carrière militaire que Casanova va embrasser. Mais elle va faire aussi long feu que sa carrière religieuse : il devient enseigne de vaisseau mais démissionne vite, vexé de n'avoir pu obtenir le grade de lieutenant qu'il convoitait. En 1746, Casanova devient violon au théâtre de Saint-Samuel et sauve la vie du sénateur sybarite Matteo Bragadin. Une fois guéri, celui-ci le reçoit dans sa maison, persuadé qu'il a été initié aux sciences occultes ! Le sénateur va jusqu'à adopter Casanova, à le traiter comme son prore fils et va contribuer largement à sa fortune financière...jusqu'à la fin de sa vie, il soutiendra Casanova, lui permettant ainsi de mener la vie frivole et dissipée qui a fait sa légende. Plus tard, Casanova sera mêlé à des affaires de jeu à Venise, ce qui lui vaut une réputation sulfureuse.
    En 1750, Girolamo Casanova effectue un premier séjour à Paris. Il est accompagné pour son plus proche ami, Antonio Balletti et est accueilli en tant que fils de comédiens dans le cénacle de comédiens italiens. Il loge tout d'abord chez Mario et Silvia Balletti et va vivre une histoire -platonique- avec leur fille Manon : il sera même fiancé un temps avec elle. Le séjour en France s'avère difficile pour Casanova. En effet, il maîtrise mal la langue, les codes de la mondanité française et n'a pas de protecteur dans le pays : il ne parvient donc pas à pénétrer les cercles très fermés de l'aristocratie. Mais il va faire la connaissance de Claude-Pierre Patu, qui va l'initier aux plaisirs parisiens...
    Vers 1755, Casanova est de retour à Venise, où il va rencontrer l'abbé de Bernis, ambassadeur de Louis XV dans la Sérénissime. L'abbé est un libertin, comme lui et, pendant un temps, ils vont se partager les faveurs d'une religieuse dont nous ne connaissons pas le nom et qui est toujours désignée par les initiales M.M. Ils se partagent alternativement un casin, sorte de garçonnière où ils reçoivent leur jeune maîtresse mais, parfois, lorsque l'un fait l'amour avec elle, l'autre observe la scène, dissimulé derrière une tapisserie perçée d'une multitude de petits trous pour lui permettre de voir aisément la scène ! Lorsque l'abbé de Bernis rentre en France, il enjoint, en vain, Casanova, de l'accompagner. Et pourtant, la position de Casanova à Venise est des plus incofortables : ses frasques amoureuses, ses opinions subversives, l'ont rendu suspect. Il ne quitte pas la ville et est finalemenr arrêté, en 1756, par les inquisiteurs d'Etat, pour occultisme, athéisme et appartenance maçonnique. Il est incarcéré à la célèbre prison des Plombs, surchauffée l'été, glaciale l'hiver. Ni ses soutiens, ni sa persistance à clamer son innocence, ne parviendront à le sortir de ce mauvais pas. Mais, au bout de 14 mois de détention, Casanova parvient à s'évader avec un autre détenu : ce fut la seule évasion que la prison des Plombs ait connue. En effet, il était dit qu'on ne pouvait s'en échapper. En 1791, dans ses Mémoires, Casanova racontera, avec une précision parfaite, son évasion des geôles vénitiennes.
    En 1758, Casanova revient à Paris où il retrouve l'abbé de Bernis, devenu, sous l'influence de Madame de Pompadour, favorite du roi, un ministre de premier plan. Ce dernier va lui accorder appui et protection, tout comme les cercles maçonniques. Casanova avait en effet été initié à la franc-maçonnerie en 1750, à Lyon. Reçu chez les aristrocrates, Casanova se plaît à raconter son évasion rocambolesque des Plombs, et cela va participer à sa célébrité et au succès de son deuxième séjour à Paris. L'aventurier va y faire fortune, en lançant notamment une loterie royale qui a pour but de financer l'Ecole militaire sans imposer davantage les contribuables, c'est-à-dire, le peuple. Grâce à d'habiles manoeuvres et son audace légendaire, Casanova va parvenir à s'attribuer la paternité de cette loterie et, de fait, une grande partie des bénéfices. Girolamo se vante aussi qu'il se fait confier des missions financières par le gouvernement et qu'il jouit de la protection toute particulière du duc de Choiseul : une mission d'enquête sur les navires de la flotte française lui aurait été confiée, en sa qualité d'agent secret et, pour cela, il aurait été recompensé avec générosité par la France. Imposteur, escroc et manipulateur tout à la fois, Casanova se vante également d'avoir abusé de la crédulité de la respectale Madame d'Urfé, en lui faisant croire qu'il était initié aux mystères de la Kabbale. Par la suite, dans ses mémoires, il se défendit d'avoir été un manipulateur et un escroc, interrogeant : quel est l’homme auquel le besoin ne fasse faire des bassesses ?
    Toujours selon ses mémoires, il se vit encore confié par Choiseul une importante mission auprès de marchands d'Amsterdam et, à son retour, mène une réelle vie de bourgeois fortuné, dans une villa meublée avec luxe, chevaux, voitures, palefreniers, laquais...Mais, peu à peu, Casanova perd l'appui de ses protecteurs...il ne se laisse pas abbattre et investit alors dans une manufacture de soie peinte. Mais le succès n'est pas au rendez-vous et Casanova doit affronter une spectaculaire faillite qui lui doit une incarcération à For-l’Évêque, d'où il ne va sortir que grâce à l'intercession de la marquise d'Urfé. Finalement, en décembre 1759, il quitte Paris pour la Hollande et va ensuite continuer de sillonner l'Europe, s'introduisant dans les salons à la mode grâce aux billets de recommandation qu'il possède et à son passeport maçonnique. Il ne faut pas oublier que la franc-maçonnerie est alors très en vogue à ce moment.
    En 1766, à cause des faveurs d'une petite ballerine italienne, il se bat au pistoler avec Franciszek Ksawery Branicki, qui n'est pas n'importe qui : en effet, Branicki est le sous-chambellan du roi de Pologne Stanislas II. Les deux hommes sont blessés durant le duel et leur mésaventure racontée dans toutes les gazettes d'Europe.

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    Heath Ledger dans le rôle de Casanova, dans le film de Lasse Hallström (2005)


    Toute la vie de Casanova regorge de ces péripéties rocambolesques, parfois admirables et souvent savoureuses. En ce qui concerne les femmes, Casanova évoque dans ses mémoires une centaine de conquêtes. C'est d'ailleurs sous ce terme-là que toutes les femmes qu'il a cotoyées sont mentionnés : elles deviennent des conquêtes. Selon Giacomo, les hommes sont faits pour donner, les femmes, pour recevoir. Ces amours, qui ont fait sa légende, sont à l'origine de bien des bonheurs mais aussi de malheurs pour lui. Pour autant, il ne fut jamais marié, lui à qui ces liens répugnaient.
    Ce grand aventurier meurt en Bohême, à Dux (ou Duchkov en tchèque), le 4 juin 1798, à l'age de 73 ans, où il est enterré à l'église Sainte-Barbara. Il avait consacré les dernières années de sa vie à rédiger ses mémoires, ne pouvant plus participer aux salons à cause de la perte de ses dents.
    La célébrité de Casanova est éclipsée pendant la Révolution puis pendant les guerres napoléonniennes. Il n'est alors cité que comme M. Casanova, le frère du peintre Francesco Casanova, qui s'était spécialisé dans la représentation de batailles et celui de Giovanni Battista Casanova, directeur de l'Académie de Dresde. Il est finalement redécouvert à partir des années 1820, grâce aux différentes traductions d'Histoire de ma vie, les mémoires du fameux libertins et l'émergence d'une amicale de chercheurs, surnommés les « casanovistes », qui ont pour but d'étudier la vie et les oeuvres de Giacomo Casanova. Grâce au prince de Ligne, qui s'intéressa à lui, nous avons un portrait assez détaillé de Casanova : « Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. Il a une manière de dire les choses qui tient de l’Arlequin balourd et du Figaro, ce qui le rend très plaisant. Il n’y a que les choses qu’il prétend savoir qu’il ne sait pas : les règles de la danse, celles de la langue française, du goût, de l’usage du monde et du savoir-vivre. Il n’y a que ses ouvrages philosophiques où il n’y ait point de philosophie ; tous les autres en sont remplis ; il y a toujours du trait, du neuf, du piquant et du profond. C’est un puits de science ; mais il cite si souvent Homère et Horace, que c’est de quoi en dégoûter. La tournure de son esprit et ses saillies sont un extrait de sel attique. Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable. Un million qu’on lui donnerait ne rachèterait pas une petite plaisanterie qu’on lui aurait faite. Son style ressemble à celui des anciennes préfaces ; il est long, diffus et lourd ; mais s’il a quelque chose à raconter, comme, par exemple, ses aventures, il y met une telle originalité, une naïveté, cette espèce de genre dramatique pour mettre tout en action, qu’on ne saurait trop l’admirer, et que, sans le savoir, il est supérieur à Gil Blas et au Diable boiteux. Il ne croit à rien, excepté ce qui est le moins croyable, étant superstitieux sur tout plein d’objets. Heureusement qu’il a de l’honneur et de la délicatesse, car avec sa phrase, « Je l’ai promis à Dieu », ou bien, « Dieu le veut », il n’y a pas de chose au monde qu’il ne fût capable de faire. Il aime. Il convoite tout, et, après avoir eu de tout, il sait se passer de tout. Les femmes et les petites filles surtout sont dans sa tête ; mais elles ne peuvent plus en sortir pour passer ailleurs. Cela le fâche, cela le met en colère contre le beau sexe, contre lui-même, contre le ciel, contre la nature et surtout contre l’année 1725. Il se venge de tout cela contre tout ce qui est mangeable, buvable ; ne pouvant plus être un dieu dans les jardins, un satyre dans les forêts, c’est un loup à table : il ne fait grâce à rien, commence gaiement et finit tristement, désolé de ne pas pouvoir recommencer. »
    En 1984, les « casanovistes » étaient encore en activité puisque est créé, cette année-là, L'Intermédiaire des casanovistes, revue périodique annuelle, diffusée en trois langues -français, anglais, italien- et dans 12 pays d'Europe.

     

    Le château de Dux, en République Tchèque, dernière demeure de Casanova

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    -Histoire de ma vie, Giacomo Girolamo Casanova. Mémoires.
    -Casanova, Histoire de sa vie
    , Michel Delon. Biographie.
    -Casanova ou l'exercice du bonheur
    , Lydia Flem. Biographie.
    -Casanova Les dessus et les dessous de l'Europe des Lumières
    , Guy Chaussinand-Nogaret. Essai.
    -Casanova ou l'essence des Lumières
    , Charles Wright. Essai.
    -Casanova
    , Maxime Rovère. Biographie.


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  • Commentaires

    1
    Mardi 12 Janvier 2016 à 17:01

    Quel personnage mais quel personnage ! Je l'ai déjà croisé dans un film historique et j'avais été étonné à l'époque par ce qu'il était (le costume y étant pour beaucoup). Tu en dresses un portrait bien écrit 

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