• Et si on parlait d'Histoire ?

    Et si on parlait d'Histoire ?

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    INTERMÈDE LXIII

    INTERMÈDE LXIII

    L'impératrice d'Autriche par Franz Xaver Winterhalter

     

    I. Jeunesse d'une future impératrice

    A 22 heures 43 précisément, au palais de la Ludwigstrasse de Munich, le 24 décembre 1837, le quatrième enfant (des trois premiers enfants, deux ont survécu : Louis-Guillaume et Hélène) de la famille du duc en Bavière vint au monde. C'est une fille, que l'on prénomme Elisabeth Amélie Eugénie. Son nom de famille est Wittelsbach, elle est la fille de Ludovika et Max en Bavière. A sa naissance, la sage-femme constate qu'elle possède déjà une petite dent, tout comme Napoléon Ier. C'est un présage de bonheur et de grande destinée pour l'enfant. Après elle, plusieurs autres enfants vont venir agrandir la famille : Charles-Théodore, dit Gackel, naît en 1839 ; Marie Sophie Amélie, en 1841 ; Mathilde Ludovica dite Spatz en 1843 ; Sophie Charlotte en 1847 ; Maximilien Emmanuel, dit Mapperl, en 1849.
    Les parents de la petite Elisabeth descendent tous deux des rois de Bavière. Le duc Maximilien, plus couramment appelé Max, son père, est le chef de la branche cadette des Wittelsbach, c'est pour cela qu'il est appelé duc EN Bavière. Ludovica, elle, est issue de la branche royale : elle est en effet la fille de Maximilien Joseph Ier, roi de Bavière et de sa seconde épouse, Caroline de Bade.
    Leur mariage, strictement politique, n'avait qu'un but : réunir la branche royale et la branche ducale de la Maison de Wittelsbach. Les deux époux n'ont aucun goût en commun et Ludovica ressent amèrement son mariage alors que toutes ses sœurs ont contracté des unions plus prestigieuses. Éprise de l'ex-roi Michel Ier de Portugal, Ludovica avait vécu son mariage comme une humiliation. Pour autant, le couple parvient à s'accorder dans une sorte d'amitié déférente et ils auront tout de même ensemble dix enfants.
    Le duc Maximilien, par rapport à son épouse qui est des plus conformistes, se révèle bien vite excentrique et volage. C'est un grand voyageur et il délaisse souvent sa famille pour s'en aller, par exemple, jouer de la cithare tout en haut de la pyramide de Khéops, en Egypte !! Il ne se cachait pas d'ailleurs d'avoir eu des aventures ailleurs et des enfants naturels...
    La petite fille reçoit le prénom d'Elisabeth en hommage à sa tante et marraine, la reine Elisabeth de Prusse, qui est une sœur de sa mère.
    Elisabeth va connaître une vie heureuse, libre et sans contrainte (qu'on peut considérer comme paradoxale par rapport aux hautes ambitions que Ludovica espère pour ses enfants) pendant toute son enfance et son début d'adolescence. L'hiver, elle réside avec sa famille au palais de la Ludwigstrasse, résidence hivernale du duc en Bavière. L'été, c'est au domaine de Possenhofen, près du lac de Stranberg, que se transporte la petite famille. Surnommé Possi, le château date du XVIème siècle mais a été agrandi récemment. Il possède des tourelles carrées et offre un panorama des plus remarquables sur le paysage de la campagne bavaroise. La jeune fille est passionnée d'équitation, de poésie et adore les activités physiques : ainsi, lorsqu'elle se trouve à Possenhofen, elle fait de longues marches en forêt, peut partir à l'aube et ne revenir que le soir. Mais, dès son plus jeune âge, Sissi a déjà en elle la mélancolie et le spleen qui caractérisent sa famille...
    A quatorze ans, la jeune duchesse s'éprend d'un écuyer de son père, pas bien plus âgé qu'elle et qui se nomme Richard. Grosse désillusion, la duchesse Ludovica juge que sa famille ne ferait pas là une alliance brillante et éloigne le jeune homme. Atteint de tuberculose, il meurt peu de temps après. Désespérée, Sissi écrit des poèmes déchirants dans son journal : c'est la première fois qu'elle est véritablement confrontée à la mort d'un être cher.
    Pour lui changer les idées, la duchesse décide que Sissi sera du voyage qu'elle doit entreprendre dans l'été avec sa fille aînée, Hélène. Née trois ans plus tôt, Hélène, dite Néné doit se rendre en Autriche pour rencontrer le jeune empereur François-Joseph, fils de Sophie, l'une des sœurs de Ludovica. Nous sommes en 1853. Sissi a quinze ans, elle va fêter ses seize ans au mois de décembre prochain...

    II. Une rencontre qui va bouleverser son destin

    La rencontre entre l'empereur et sa future épouse a tout du roman...Voyons plutôt : le 16 août 1853, Ludovica, duchesse en Bavière arrive en Autriche avec ses deux filles. Elles font halte à Bad Ischl, une petite cité dans laquelle les souverains autrichiens passent l'été. Elles sont parties la veille de Possenhofen et descendent à l'hôtel Austria. Elles ont une heure et demie de retard, Ludovica et Hélène sont particulièrement nerveuses : c'est aujourd'hui même que les deux fiancés doivent se rencontrer. Auparavant, François-Joseph avait demandé la main de la princesse Anne de Prusse. Mais Berlin ne désirant pas s'allier avec sa rivale autrichienne, avait poliment décliné l'honneur, alors que la jeune prussienne plaisait bien à l'empereur, qui en aurait fait volontiers son impératrice.
    Sa mère, l'archiduchesse Sophie s'était alors tournée vers la Saxe, mais la princesse Sidonie n'avait pas plu à François-Joseph. C'est alors que Sophie avait pensé à une autre de ses sœurs, Ludovica et à une troisième puissance allemande : la Bavière. Elle choisit l'aînée, Hélène, qui fera, selon elle, une parfaite belle-fille et une parfaite impératrice d'Autriche. Hélène a dix-neuf ans, elle est, assurément, celle vers qui tous les yeux se tournent, tandis que la petite Sissi, encore un peu sauvageonne, dans une robe commune, reste en arrière.
    Les fiançailles entre François-Joseph et Hélène doivent être célébrées le 18 août prochain, dans la résidence d'été de Bad Ischl : elles seront complètement intégrées aux festivités données pour le vingt-troisième anniversaire du jeune empereur...La rencontre a lieu dans les salons lambrissés de la résidence impériale des Habsbourg, nommée par la suite Kaiservilla. Il est 17 heures, les trois princesses de Bavière vont rencontrer la famille à l'occasion d'un lunch. La révérence d'Hélène est parfaite tandis que, derrière elle, Sissi, bien que peu entraînée à ces gestes protocolaires, se débrouille. François-Joseph s'approche pour accueillir ses cousines quand il tombe soudain en arrêt...pas devant Hélène, mais devant Sissi. Comme elle a changé ! Comme elle est jolie ! La petite fille un peu sauvage s'est véritablement transformée en très charmante adolescente. D'emblée, le jeune homme est conquis par sa cousine, de sept ans sa cadette. François-Joseph est totalement séduit par la taille élancée de Sissi (qu'elle passera beaucoup de temps, par la suite, à entretenir), par sa coiffure en bandeaux, ses yeux foncés aux longs cils noirs. Hélène ne compte plus, elle a disparu. Embarrassée, un peu honteuse pour sa sœur et gênée par le regard insistant de l'empereur, Sissi rougit et se trouble.
    Alors qu'elle devait passer la soirée dans sa chambre, comme cela avait été convenu à l'avance, François-Joseph insiste pour que sa cousine paraisse à table. Définitivement, François-Joseph est conquis...même si Hélène a revêtu une magnifique robe de satin blanc et Sissi une simple toilette couleur pêche, cette dernière éclipse complètement sa sœur. François-Joseph est sûr de son choix, désormais. Ce n'est plus Hélène qui va devenir son impératrice, mais Sissi.
    Le lendemain, à l'aube, l'empereur fait son entrée chez sa mère. Le jeune homme, qui a beaucoup de respect et d'estime pour l'archiduchesse Sophie, lui demande de solliciter en son nom la main de sa cousine. A sept heures précises, Sophie franchit les portes de l'hôtel Austria, où logent sa soeur et ses deux nièces. A la question de savoir si elle aime l'empereur et si elle souhaite l'épouser, Sissi, particulièrement éprouvée par les dernières heures, fond en larmes et sanglote : « Mais bien sûr que j'aime l'empereur ! »
    C'en est fini des fiançailles avec Hélène. La jeune femme, très digne, va repartir vers Possenhofen avec sa mère et Sissi, qui va passer sa dernière année de jeune fille chez elle, en Bavière. Par la suite, l'aînée des filles de Max en Bavière et Ludovica épousera un prince de Tours et Taxis. Le 19 août, François-Joseph et Sissi sont officiellement fiancés.

    INTERMÈDE LXIII

    Photographie d'Elisabeth d'Autriche après son couronnement comme reine de Hongrie


    III. Le mariage et les débuts de l'impératrice

    L'année de ses dix-sept ans, Sissi quitte sa Bavière natale pour revenir en Autriche. Entre le mois d'août 1853 et le mois d'avril 1854, elle a été formée en accéléré à sa future charge d'impératrice d'Autriche, ô combien prestigieuse. Elle reçoit ainsi des cours d'italien mais aussi de français et de hongrois. Un professeur magyar est envoyé au bord du lac de Starnberg, chez le duc en Bavière pour initier la future impératrice à la langue mais aussi à l'Histoire de l'empire autrichien et de la Hongrie. Sissi prend aussi des cours de piano, de chant et de maintien. On lui a également préparé un trousseau digne de la plus grande des reines, elle qui avait été habituée à la simplicité quasi-rustique de Possenhofen depuis sa plus tendre enfance. Il faut qu'elle soit parfaite. Elle a aussi reçu plusieurs fois la visite de son cousin qui se montre toujours aussi empressé auprès d'elle.
    Le 4 mars 1854, au palais de la Ludwigstrasse, le contrat de mariage est signé, mais l'empereur n'est pas présent. Sissi ne va le retrouver qu'un peu plus d'un mois plus tard, pour le mariage officiel. Un véritable ballet de juristes défile devant la famille de Wittelsbach réunie au grand complet. Sissi écoute, sans bien tout saisir, elle est distraite. Quel chamboulement c'est, dans sa vie de jeune fille ! Elle qui était partie d'Autriche en jeune fille insouciante en revient nantie d'un titre aussi rutilant qu'encombrant : elle est la future impératrice d'Autriche...
    Le gouvernement autrichien lui octroie une pension de 100 000 florins. Pendant ce temps, dans les autres pièces du palais, le magnifique trousseau de la jeune duchesse est exposé au public.
    Au mois d' avril 1854, c'est le grand saut. Sissi, âgée de seize ans et quelques mois, quitte la Bavière à bord d'un vapeur décoré par 5 000 roses, toutes coupées dans le parc du château de Schönbrunn. La traversée va durer trois jours et deux nuits. Sur les rives du Danube, la foule s'est rassemblée pour apercevoir la petite fiancée, qu doit déjà se plier à des formalités quasi-officielles : malgré sa fatigue (elle souffre de migraines), elle doit se présenter sur le pont et saluer la population en liesse venue l'acclamer.
    Sissi est très belle, resplendissante, même. Pour l'occasion, elle porte une élégante robe de soie à crinoline ainsi qu'un manteau en forme de cape blanche rebrodée d'or. Lorsque le navire aborde Nussdorf, dans la banlieue de Vienne, Sissi a la surprise de voir apparaître son fiancé. François-Joseph est venu au devant du convoi fluvial qui lui amène sa petite duchesse bavaroise : il saute à bord du vapeur et étreint la jeune femme sous les ovations de la foule. Mais le protocole reprend bien vite ses droits : Sissi s'incline devant Sophie, l'archiduchesse, sa tante et future belle-mère.
    Le 23 avril, veille du mariage, Sissi découvre le somptueux palais de Schönbrunn, où elle va passer sa dernière nuit de jeune fille. Le lendemain, 24 avril, elle gagne Vienne, à bord d'un carrosse. Isolée dans ses appartements, Sissi continue d'assimiler l'imposant protocole qu'on lui a remis la veille. Aidée de six caméristes, elle enfile la somptueuse toilette de mariée : c'est une magnifique robe en satin brodée d'or et accompagnée d'un long voile en dentelle de Bruxelles.
    Le mariage a lieu dans l'église des Augustins. En 1810, la jeune archiduchesse Marie-Louise d'Autriche y avait épousé par procuration Napoléon Ier avant de gagner la France. Pas moins de 15 000 bougies nimbent les voûtes gothiques de l'église. Sissi est accueillie par un cortège de 70 évêques. Alors que le consentement de François-Joseph est franc et énergique, celui de Sissi, éprouvée et intimidée, se perd dans un murmure. Le couple est chaudement applaudi à la sortie de l'église. L'Autriche a une nouvelle impératrice !
    François-Joseph, Sissi et leurs familles respectives gagnent la Hofburg, où les festivités du mariage vont se poursuivre. Contrairement à la tradition, la nuit de noces n'est pas publique. Sissi est seulement accompagnée de sa tante et de sa mère, qui l'installent dans le grand lit nuptial. L'archiduchesse dira d'ailleurs qu'elle ressemblait à un « oiseau effrayé dans son nid ». En effet, intimidée, la jeune fille avait caché son visage dans son opulente chevelure dénouée.
    La nuit de noces est un fiasco, les deux suivantes également. Il semble que Sissi soit toujours fille lorsqu'elle s'éveille au matin du 25 avril. En effet, François-Joseph, habitué à des dames de la Cour peu farouches, appelées d'ailleurs « comtesses hygiéniques » (cela veut tout dire), ne sait pas s'y prendre avec sa jeune épouse inexpérimentée. La troisième nuit seulement, Sissi et François-Joseph deviennent époux comme il se doit.

    IV. Impératrice

    Bien que séduits par la beauté et la fraîcheur de leur jeune impératrice, les Viennois sont surpris qu'elle se laisse aller ainsi à montrer ses états d'âme. En effet, Sissi est entière, elle ne dissimule pas sa nature et on sait que son tempérament est d'être mélancolique. De plus, la vie qu'on lui offre ne lui convient pas. Elle qui était habituée aux résidences à taille humaine de ses parents se trouve totalement étrangère dans les immenses palais des Hasbourg, comme Schönbrunn ou la Hofburg. Le manque d'intimité lui pèse également et cela, dès le début du mariage. Elle doit en plus voisiner avec sa tante et belle-mère, Sophie, qui ne cesse de l'épier, afin qu'elle se comporte dignement. Sissi pleure, Sissi soupire, Sissi continue d'écrire dans son journal. Au mois de mai 1854, quelques semaines après son mariage, voilà ce qu'elle couche sur le papier :

    « En vain, sous le ciel bleu,
    Je languis, en prison,
    Les barreaux, rudes et froids,
    Insultent ma nostalgie [...] »

    Sissi, très éprise de liberté, se sent complètement emprisonnée à Vienne et la dépression, latente chez elle, se réveille au moindre ennui.
    Dans les premiers temps du mariage, le jeune couple se rend au château de Laxenbourg, près de Vienne. François-Joseph ne peut s'éloigner de sa capitale, les affaires ont besoin de lui. Pour toute lune de miel, Sissi a donc droit à un château tout proche de la ville et en plus, elle les passe en compagnie de sa belle-mère, omniprésente dans la vie du jeune coupld. La guerre de Crimée vient d'éclater, François-Joseph est peu présent pour Sissi, il doit se consacrer entièrement aux affaires politiques. De là proviennent ses premières répugnances pour la vie conjugale...voilà ce qu'elle dira d'ailleurs un jour à sa fille Marie-Valérie : « Le mariage est une institution absurde. On n'est encore qu'une enfant de quinze ans et l'on se voit cédée à autrui, par un serment que l'on ne comprend pas. »
    Un peu plus tard, le couple part pour la Bohême, où François-Joseph souhaite présenter sa jeune épouse mais celle-ci doit écourter le voyage. Le motif est une fatigue soudaine et inexpliquée : Sissi rentre à Vienne ou le médecin de la Cour, le docteur Seeburger, lui annonce une heureuse nouvelle. La jeune femme est enceinte ! Elle porte en son sein le premier héritier de l'Autriche.
    Le 5 mars 1855, à Vienne, Sissi donne naissance à une petite fille, Sophie Frédérique Dorotée Marie Josèphe, titrée archiduchesse d'Autriche. « Tout ce que j'ai souffert est désormais sans importance. » dira la jeune mère en accueillant son bébé dans ses bras, tandis que François-Joseph est fou de joie d'être père. Mais le bonheur est, hélas, de courte durée, pour Sissi. Elle n'a pas le privilège de choisir le prénom de sa fille : c'est l'archiduchesse Sophie qui décide de donner son propre prénom à la nouvelle-née. La grand-mère décide aussi que l'éducation de la princesse lui revient de droit et l'installe près de ses propres appartements, privant ainsi Sissi de son bébé. Il en sera de même avec Gisèle, qui naît en 1856 puis avec Rodolphe, en 1858. La seule enfant que Sissi pourra élever dès son plus jeune âge est Marie-Valérie, sa dernière enfant qui voit le jour en 1868.
    En effet, l'archiduchesse trouve que sa nièce est bien trop immature pour pouvoir s'occuper de ses enfants. Cela va entretenir des conflits à répétition entre la mère frustrée et la grand-mère inflexible. A la mort de Sophie, en 1857, Sissi est particulièrement attristée et sa belle-mère en rajoute en la faisant culpabiliser : en effet, la petite archiduchesse, de santé fragile, est morte lors d'un voyage en Hongrie. Sophie s'était opposée au voyage, Sissi était allée contre sa volonté.
    Les relations entre Sissi et Sophie sont très orageuses. Au-delà du conflit purement familial, les deux femmes ne peuvent se comprendre à cause du fossé creusé entre elles par une vision différente des choses et des conceptions différentes de la politique. Par exemple, Sophie ne conçoit pas que sa nièce refuse le protocole alors qu'elle-même avait mis ses espérances de jeune fille romantique de côté pour accepter son destin de princesse mariée malgré elle.
    Par contre, contrairement à la légende, Sophie n'avait pas été déçue par le choix de Sissi, mais surprise. Elle souhaitait une alliance avec la Bavière et l'avait eue. Sur le plan dynastique et politique, une princesse en Bavière en valait bien une autre. Elle songeait juste qu'Hélène, jeune fille sage et soumise, était la parfaite belle-fille mais ne fit pas trop de difficultés quand son fils lui annonça sa volonté d'épouser la cadette, Elisabeth.
    Il semble que Sophie ait aimé sa belle-fille, qui est aussi sa nièce et qu'elle appréciait certaines de ses qualités personnelles. Seulement, elle ne comprenait pas le dégoût affiché de Sissi pour la vie curiale et son refus du protocole. Sophie reprochait à Sissi de ne pas savoir sacrifier sa vie personnelle et intime à la vie publique qui est normalement celle d'une impératrice. Intelligente, sensible et cultivée, Sophie avait sacrifié ses ambitions et ses amours à une union certes prestigieuse, mais avec un homme sans éclat et elle ne peut admettre que la jeune impératrice n'aimât pas être souveraine alors que c'était l'un de ses rêves.
    Oppressée à Vienne, Sissi tombe malade et sa dépression reprend le dessus...C'est cela qui va pousser l'impératrice à fuir la ville toute sa vie. Sissi ne se sent bien que dans la fuite perpétuelle...Elle s'est d'ailleurs totalement auto-analysée lorsqu'elle dit : « Il se trouve que je veux toujours aller plus loin et bouger. Il se trouve que chaque bateau qui part me donne d'être à son bord. Quelle que soit sa route, le Brésil, l'Afrique...N'importe où, seulement pour ne pas rester au même endroit trop longtemps..

    INTERMÈDE LXIII

    Portrait de Sissi par Georges Raab en reine de Hongrie : portrait qui illustre sa grande beauté



    V. Une femme malade et qui fuit sa vie quotidienne

    A cette époque, l'Autriche a été en guerre et Sissi est restée seule à Vienne. Elle a échangé une longue correspondance avec François-Joseph et a institué la résidence de Laxenbourg en hôpital pour les blessés. Elle se montre très solidaire avec son pays d'adoption en temps de guerre, soutenant l'empereur grâce à sa correspondance et visitant elle-même les blessés dans les hôpitaux de fortune... Mais elle retombe bien vite dans l'ennui.
    En 1860, Sissi a vingt-deux ans et souffre d'une toux incessante qui inquiète son entourage. Examinée par son médecin, on conclut que l'impératrice est atteinte de tuberculose et qu'elle doit se rendre dans un pays chaud pour se soigner. Sissi choisit l'île de Madère. Ce voyage est le premier d'une longue lignée. A l'époque, l'île de Madère est lointaine et exotique. En réalité, bien plus que soigner sa maladie, c'est quitter Vienne que Sissi souhaite. Sa maladie est surtout la conséquence d'une série d'évènements qui font souffrir Sissi dans sa vie privée : d'abord la mort de sa petite fille Sophie, les tracasseries incessantes de sa belle-mère, la culpabilité qui la ronge à la suite de la mort de son enfant, la naissance difficile de son fils Rodolphe qui l'avait affaiblie.
    Peu après son retour à Vienne, Sissi se remet à tousser, alors que sa toux avait complètement cessé à Madère et qu'elle été revenue avec une mine radieuse. On s'interroge sur l'état de la souveraine. Se croyant perdue, Sissi se rend à Corfou pour essayer de soigner son mal mais il est bien plus profond que sa simple toux : c'est un véritable mal-être qui habite la jeune femme. En 1861, elle retourne à Corfou puis effectuera des cures thermales en Bavière. La Bavière...il n'y a finalement qu'à Possenhofen, son cher Possi, où elle se sente bien car elle reprend ses anciennes habitudes, au grand scandale, d'ailleurs, de ses dames d'honneur autrichiennes qui regardent avec effarement les chiens disputer les fauteuils aux humains !
    L'impératrice s'est mise à fumer, ce qui scandalise la cour, d'autant plus que d'autres jeunes filles se mettent à l'imiter. En 1867, un drame éclate : l'archiduchesse Mathilde, une jeune cousine du couple impérial, fume une cigarette dans sa chambre avant un bal. Entendant son père arriver, elle cache la cigarette dans son dos et met le feu à sa robe. Elle meurt au mois de juillet 1867, des suites de ses brûlures...
    Sissi organise des bals dans ses appartements privés mais se lasse vite. L'ennui est toujours là, latent, et qui la guette. Elle dort peu, mange mal, s'épuise...dans ses appartements de la Hofburg, elle a fait installer une salle de sport et se suspend chaque matin à des anneaux pour entretenir son corps. Elle monte à cheval plus que de raison. Comme Elisabeth n'a plus aucune prise sur sa vie, alors, elle en aura sur son corps, qu'elle décide de modeler à outrance. Sa taille ne dépassera jamais 50 cm à cause de l'activité qu'elle s'impose mais aussi des régimes fantaisistes qu'elle suit au gré de ses envie. Elle serre sa taille dans un corset particulièrement étroit et se nourrit alternativement de légumes et de fruits puis de viandes, dont elle ne consomme que le jus. Elle fait de longues marches, à cheval ou à pieds, épuisant ses dames. Elle va même jusqu'à consommer du blanc d'oeuf salé pour éviter de grossir !!
    Neurasthénique, l'impératrice a en plus une fascination assez étrange pour la mort : elle drape ses pièces de vie de noir et les ornes de statues particulièrement morbides.

    VI. La reine de Hongrie

    Hormi Corfou, qu'elle découvre au début des années 1860, après avoir quitté Madère et où elle revient alors qu'elle se croit perdue, Sissi est aussi tombée amoureuse de la Hongrie. Passionnée par la Hongrie, sa culture et sa langue, Sissi s'attire les critiques de Vienne et des Autrichiens, vexés de ne pas faire l'objet de tant d'attentions de la part de leur souveraine. Peu à peu, Sissi s'entoure de dames d'honneur hongroises. Sa lectrice, Ida Ferenczy, est également une jeune Hongroise de modeste extraction. L'impératrice s'entend tout de suite avec elle. Affront suprême, au mois d'avril 1868, c'est en Hongrie que Sissi décide de donner naissance à Marie-Valérie, sa dernière enfant, qui naît au palais d'Ofen.
    Le 8 juin 1867, elle est couronnée à Budapest aux côtés de François-Joseph : elle devient Erzsébet tandis que François-Joseph, en Hongrie, devient Ferenc-Jozsef. C'est la naissance de la double monarchie austro-hongroise, qui va perdurer jusqu'au XXème siècle. Le composituer Liszt, qui vit habituellement en reclus à Rome, mais qui est Hongrois d'origine, a fait le déplacement. Dans une lettre à sa fille Cosima, il décrira ainsi l'impératrice qui devient d'être sacrée reine de Hongrie : « Elle n'avait jamais été aussi belle.. elle apparaissait comme une vision céleste dans le déroulement d'un faste barbare ».
    Acclamée, fêtée et adulée par son nouveau peuple, qu'elle aime elle-même chaleureusement et sincèrement Sissi retrouve le sourire. Elle a la surprise de recevoir de la part du peuple magyar le château de Gödöllö. Tombée amoureuse du lieu quelques temps plus tôt, François-Joseph lui en avait refusé l'achat : l'Autriche avait besoin de placer son argent ailleurs. Heureuse, Sissi va meubler son château à son goût et y fera ensuite de nombreux séjours.
    Le rôle politique dans le rapprochement austro-hongrois est incontestable. Son influence va permettre à François-Joseph de dépasser la répugnance qu'il éprouve pour la Hongrie. Animés d'un véritable respect pour la souveraine qui se pose en aimable défenseuse de leurs droits, les magyars subissent aussi son influence positive et c'est grâce à elle qu'ils parviennent à surmonter leur propre méfiance envers le pouvoir autrichien. La répression de la révolte populaire en Hongrie, en 1848 et 1849 avait laissé des traces tenaces d'amertume.
    La joie du couronnement ravive pour un temps les relations entre François-Joseph et Sissi qui s'étaient éloignés mine de rien. Sissi revient sur sa décision de ne plus tomber enceinte et, en 1868, elle offre aux Hongrois un enfant. Elle aurait souhaité que ce soit un fils, qui serait ensuite monté sur le trône de Hongrie mais c'est une fille. Elle s'appellera Marie-Valérie et Sissi se prend aussitôt de passion pour elle. La dernière enfant du couple sera la préférée de sa mère, peut-être parce qu'elle pourra l'élever dès le début et à sa convenance. Les années que Rodolphe et Gisèle avaient passé sous la coupe de leur grand-mère les avaient complètement éloignés de leur mère. Avec Marie-Valérie, surnommée l'Unique, ce ne sera pas le cas.
    De plus, l'archiduchesse n'est plus en mesure de se poser en rivale de sa belle-fille : fortement éprouvée par l'exécution, au Mexique, de son fils Maximilien, devenu empereur du pays grâce à Napoléon III, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle mourra cinq ans plus tard...la lutte entre les deux femmes est définitivement terminée.
    Mais Sissi n'en est pas moins rassurée pour rassurée pour autant et, c'est plus fort qu'elle, elle continue ses voyages.

    INTERMÈDE LXIII

    Sissi et son chien Shadow

    VII. La quête de la liberté et les drames

    Sissi est une inlassable mouette. De plus, sa nouvelle position de reine de Hongrie distend un peu plus les liens qui l'unissent à l'Autriche et à la Cour impériale qu'elle déteste de toutes ses forces. Elle est entourée de ses femmes hongroises (parmi elles, Marie Festetics et Ida Ferenczy) et passe de plus en plus de temps en voyage. Après son accession au trône de Hongrie, elle passe beaucoup de temps à Gödöllö, où elle se sent particulièrement bien et ne revient à Vienne qu'à de rares occasions, faisant languir François-Joseph qui est toujours aussi amoureux de son épouse. En 1875, Sissi honore la France d'une visite officieuse : elle est à Sassetot-le-Mauconduit, en Normandie, avec sa fille Marie-Valérie qui a besoin de bains de mer...
    Elle sur surnomme elle-même « la mouette des mers » et confie à son fils Rodolphe que si elle devait s'établir dans un endroit et n'en plus bouger jamais, jusqu'à la fin de ses jours, « le séjour dans un paradis même lui paraîtrait l'enfer ». A travers ces évasions, plus que les autres, c'est surtout elle-même qu'elle fuit, ainsi que cette relation conjugale qu'elle ne parvient pas à assumer et qu'elle ressent comme un carcan de plus. Pourtant, Sissi est amoureuse de son mari et a pour lui beaucoup de respect et de tendresse mais elle doit s'enfuir, c'est plus fort qu'elle. Au fil des années, pourtant, les deux époux s'éloignent imperceptiblement pour ne plus se retrouver que rarement. François-Joseph en souffre et ne s'en cache pas. Sissi, de son côté, culpabilise de lui faire vivre cela et finit par pousser, sciemment, son époux dans les bras d'une actrice, Katharina Schratt, qui va devenir l'amie et la confidente de l'empereur. Il retrouve auprès de l'actrice l'atmosphère familiale qui lui manque tant depuis la mort de son époux en 1872. Selon Catherine Clément, dans son ouvrage Sissi : l'impératrice anarchiste, Elisabeth était en fait lesbienne et rejetait avec force les valeurs imposées de l'aristocratie. Bien qu'ayant eu plusieurs enfants, elle aurait fini par rejeter le mariage et le fuir en voyageant. On n'a aucun argument historique pour étayer cette information, mais pas non plus d'affirmation suffisamment solide pour l'infirmer...
    Au cours des années, Sissi doit en plus faire face à des deuils successifs qui finissent d'affaiblir sa nature fragile : ainsi, alors qu'elle est encore bien jeune, elle perd Sophie, sa fille âgée de deux ans. En 1867, elle doit soutenir sa soeur Hélène qui vient de perdre subitement son mari tandis que la nouvelle leur arrive de l'exécution sommaire de Maximilein à Querétaro au Mexique. Dans les années 1880, Sissi perd son cousin bien-aimé le roi Louis II de Bavière déclaré aliéné et qui s'est probablement noyé dans le lac de Starnberg. La souveraine perd ensuite ses deux parents puis son ami le comte Andrassy, artisan du Compromis austro-hongrois. Puis c'est Sophie-Charlotte, sa soeur mariée en France qui meurt, brûlée vive dans l'incendie du Bazar de la Charité alors qu'elle tentait de sauver des femmes et des enfants. Et, en janvier 1889, c'est le drame de Mayerling qui éclate. Dans le petit relais de chasse près de Vienne, les corps de Rodolphe, âgé d'une trentaine d'années et de sa maîtresse, la jeune Marie Vetsera sont retrouvés sans vie. Aujourd'hui encore, on ne sait s'ils se sont suicidés ou si la mort de l'archiduc et de sa maîtresse résulte en fait d'un double-meurtre.
    Ces morts successives vont plonger Elisabeth dans une douleur et une mélancolie indescriptibles. Elle ne portera désormais plus que du noir en signe de deuil et, n'ayant plus aucun lien avec la cour à partir de 1890 (le mariage de Marie-Valérie), elle continue de s'échapper partout en Europe. Passionnée par la Grèce antique, elle revient souvent à Corfou, qui l'avait tellement séduite en 1861. Entre 1891 et 1892, elle y fait construire un palais de style antique baptisé l'Achilleion. Elle séjournera aussi en France, à Roquebrune-Cap-Martin, au Grand Hôtel du Cap, près duquel a d'ailleurs été érigé un monument à la mémoire de l'impératrice dans le petit « square Sissi ».

     

    INTERMÈDE LXIII

    Après la mort de son fils Rodolphe, l'impératrice ne portera plus que du noir


    VIII. La mort ironique de « la mouette des mers »

    Le 16 juillet 1898, l'impératrice part pour une énième cure. Sissi a soixante-et-un ans et, avec l'âge, ses problèmes de santé ne se sont pas arrangés. Il faut dire qu'elle n'a rien fait pour améliorer son hygiène de vie : il lui arrive de ne manger que huit oranges par jour, ce qui est insuffisant. Elle souffre également de névrite, d'insomnie et d'une légère dilatation cardiaque.
    Le 30 août 1898, elle arrive par le train de Munich, après un périple en Allemagne avec une suite plutôt rédite : son aide de camp général Berzeviczy, sa dame de compagnie la comtesse Sztaray, Barker son nouveau lecteur grec, trois dames d'honneur et quelques domestiques. François-Joseph ne l'accompagne pas, il est resté à Vienne pour commémorer le cinquantième anniversaire de son accession au trône autrichien.
    Le 10 septembre, alors qu'elle doit rentrer à Vienne pour retrouver son époux, elle croise la route d'un anarchiste italien, Luigi Luccheni. En sortant de l'hôtel Beau-Rivage, situé face au lac Léman, Sissi, qui est pressée, se hâte vers le bâteau qui l'attend. Luccheni assassine l'impératrice avec une lime de 9 cm, qui transperce le cœur à la hauteur du sein gauche. Le seul but de l'homme était de se faire un nom en accomplissant un acte éclatant. Il n'avait rien de personnel contre l'impératrice...comble de l'ironie, c'était le duc d'Orléans qui avait été sa première cible mais il s'était rabattu sur l'impératrice à la suite d'un changement d'emploi du temps du duc. C'est un acte complètement gratuit qu'il s'apprête à commettre...
    Il attend donc près de l'hôtel Beau-Rivage où Sissi est descendue. A 13 heures 35, elle sort, incognito comme toujours, sous le nom de comtesse de Hohenembs. Elle tient le bras de sa dame de compagnie la comtesse Irma Sztaray. Passant près du jeune homme, l'impératrice reçoit ce qu'elle croit être un coup de poing. Elle trébuche, bascule en arrière. Sa chute est amortie par son épaisse chevelure. Un cocher qui passe par là aide la suivante à relever Sissi tandis que le meurtrier, qui vient en fait de la poignarder avec une lime très fine, s'échappe mais est arrêté quelques mètres plus loin par des passants.

    INTERMÈDE LXIII

    Luigi Luccheni assassine Sissi à Genève en septembre 1898

     

    L'impératrice rassure sa dame d'honneur paniquée. Sissi est rouge d'émotion mais pâlit brusquement et se plaint d'une douleur à la poitrine. Elle tente de rejoindre le bâteau qui va bientôt partir, fait quelques pas seule et, alors qu'elle fait quelques pas seule sur la passerelle, elle se tourne brusquement vers la comtesse Sztaray et lui demande son bras d'une voix angoissée. Elle perd connaissance et une infirmière présente à bord lui donne les premiers secours. Quand elle revient à elle elle tient encore une fois à rassurer son entourage en arguant que c'est la peur qui l'a fait se trouver mal. On lui donne un sucre imbibé d'alcool, après l'avoir installée avec beaucoup de précautions sur une banquette. Irma Sztaray ouvre la chemise et remarque avec horreur une toute petite goutte de sang au dessus du sein gauche. La dame d'honneur crie alors que l'impératrice a été assassinée et révèle la véritable identité de sa maîtresse. Le bâteau revient à quai et Sissi est ramenée dans ses appartements de l'hôtel Beau-Rivage. Entretemps, des médecins sont arrivés, le docteur Golay en premier. Il tente de sonder la plaie. On essaie de faire revenir l'impératrice à elle mais en vain. Un second médecin, arrivé peu après, pratique une incision au poignet : aucune goutte de sang ne perle. Elisabeth meurt à 14 heures 40, dans les bras de Fanny Mayer, l'épouse du propriétaire de l'hôtel. Son corps a cessé progressivement de battre après que la lime de Luccheni ait transpercé le péricarde.On imagine la peine de François-Joseph qui prend conscience qu'il ne verra plus celle qu'il a tant aimée. Averti par un aide de camp, François-Joseph s'effondre et, entre deux sanglots, murmurera : « Rien ne m'est épargné sur cette terre. ». Jusqu'à sa propre mort en 1916, il ne cessera de répéter combien il a aimé Sissi.Transportées par chemin de fer, les cendres de l'impératrice arrivent à Vienne le 15 septembre au matin. Elles sont d'abord déposées dans la chapelle de la Hofburg, où François-Joseph vient se recueillir. La capitale est en grand deuil, oubliant ses rancoeurs d'autrefois. Le 17 septembre, Sissi est inhumée officiellement au son du glas. Son corps repose dans la crypte de Capucins de Vienne, la nécropole des Hasbourg-Lorraine.

    Sissi est passée à la postérité comme héroïne romantique grâce aux films Sissi, die Junge Kaiserin réalisés par Ernst Marischka et dont le rôle titre est tenu par Romy Schneider. Cette dernière reprendra le rôle d'Elisabeth dans Ludwig ou le Crépuscule des Dieux, de Luchino Visconti.

     

    INTERMÈDE LXIII

    Sarcophage d'Elisabeth d'Autriche dans la crypte des Capucins de Vienne

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :


    -Sissi, la dernière impératrice, Jean des Cars. Biographie.
    -Sissi, ou les forces du destin, Hortense Dufour. Biographie.
    -L'impératrice, Nicole Avril. Biographie.
    -La Saga des Habsbourg, Jean des Cars. Essai.


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  • #2 : Anne de France (1461-1522)

    INTERMÈDE HISTOIRE LXIV

    Statue d'Anne de Beaujeau dans le jardin du Luxembourg à Paris (série des femmes illustres)

     

    Anne, fille aînée de Louis XI et Charlotte de Savoie, voit le jour en avril 1461 à Genappe. La date précise est inconnue. D'après son père, « c'est la femme la moins folle de France, car pour sage je n'en connais point ». Cette qualité l'amènera à exercer la régence en 1483, au nom de son jeune frère Charles VIII.
    Anne est à peine née qu'elle est déjà fiancée. A l'époque, les femmes des familles nobles et royales sont des pions sur l'échiquier politique et Anne n'échappe pas à la règle. Elle est donc fiancée au jeune Nicolas de Lorraine, marquis de Pont-à-Mousson et petit-fils du célèbre René d'Anjou. L'enfant est héritier des trônes de Lorraine, Bar, Anjou, Maine, Provence, Napoles et Sicile. A l'âge de neuf ans, la jeune Anne se voit gratifiée par son père de la vicomté de Thours mais aussi des seigneuries de Marans et de Berry. En 1472, son jeune fiancée Nicolas de Pont-à-Mousson meurt et c'est finalement à Pierre II de Beaujeu, le sire de Bourbon, qu'Anne est promise. Elle l'épousera. Le contrat est signé à Jargeau près d'Orléans en 1473, alors qu'Anne a douze ans. Le mariage est scellé un an plus tard. Anne va sur ses treize ans, son mari à 35 ans bien sonnés.
    Le destin d'Anne se révèle dix ans plus tard. Son père, obsédé par l'idée de sa mort prochaine, s'est retiré au Plessis-lès-Tours où il redoute plus que tout le poison. Il finit par mourir de sa belle mort à la fin de l'été 1483, en août. Il laisse un héritier bien trop jeune pour régner, Charles, qui est devenu le roi Charles VIII. Une régence doit donc être exercée pendant la minorité du souverain et c'est sa soeur aînée, âgée de vingt-trois ans, qui est désignée par Louis XI sur son lit de mort. Se révélant une femme politique à l'intelligence fine et acérée, Anne de Beaujeu, secondée par son mari Pierre de Beaujeu -dont elle a eu deux enfants, Charles et Suzanne de Bourbon, respectivement nés en 1476 et 1491- contient la noblesse. Elle exerce la régence de 1483 à 1491 (donc bien après la majorité de Charles VIII, puisque ce dernier a quatorze ans en 1484).
    Mécontents, certains princes vont déclencher ce que l'on a appelé la Guerre Folle, contre la politique de la régente. Cette révolte des princes visait aussi à lui confisquer la régence car ils estimaient le roi apte à gouverner avec un Conseil et voulaient constituer ce Conseil. Parmi ces princes félons, on trouve François II de Bretagne, Renée II de Lorraine, Charles d'Angoulême et bien d'autres. Leur chef de file est Louis d'Orléans, héritier de Charles VIII, son beau-frère également et celui d'Anne de Beaujeu, puisqu'il a épousé leur soeur Jeanne de France, laide, bossue, contrefaite et stérile.

     

    INTERMÈDE HISTOIRE LXIV

    Portrait d'Anne de Beaujeau par le Maître de Moulins (détail d'un triptyque, XVème siècle)

     

    Anne réussit la prouesse de mater cette rébellion rapidement et parvient ainsi à sauvegarder l'unité du royaume. En 1488, en Bretagne, a lieu la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, entre les armées royales et celles des rebelles, soutenues notamment par des mercenaires étrangers. C'est une victoire brillante pour la régente, une défaite cuisante pour les autres. Le traité du Verger prévoit que la jeune duchesse de Bretagne, Anne, fille aînée de François II, ne pourra se marier sans l'accord du roi de France. Louis d'Orléans, lui, devient prisonnier d'Anne de Beaujeu. Il ne sera libéré qu'en 1490, lorsqu'il on le chargera d'une mission d'importance : aller convaincre la jeune duchesse de Bretagne d'épouser Charles VIII.
    Comme les contestations avaient commencé dès la mort de Louis XI et que la régente juge que cela a trop duré, elle convoque les Etats Généraux à Tours. Pour se concilier les grands seigneurs, elle choisit de sacrifier deux des conseillers de son défunt père, le roi Louis XI : Jean Doyat et Olivier Le Daim. Enfin, autre conséquence de la Guerre Folle, Anne parvient à marier son frère Charles VIII à la jeune Anne de Bretagne. Cela parachève finalement l'expansion territoriale amorcée par Louis XI. Ce mariage, plus ou moins prévu, déjà, par le traité du Verger, prépare le futur rattachement de la Bretagne à la couronne de France : cet évènement aura lieu en 1532. En 1488, parce que ces deux frères n'ont pas eu d'héritiers, Pierre de Beaujeu devient duc de Bourbon. C'est son épouse qui négocie pour lui. Le couple installe à Moulins une cour fastueuse. Pendant la campagne d'Italie, Anne de Beaujeu y recevra sa jeune belle-soeur, Anne de Bretagne, enceinte alors de son deuxième enfant. Par son mariage, Anne de Beaujeu porte aussi d'autres titres : elle est ainsi duchesse d'Auvergne, dame de Beaujeu, comtesse de La Marche (après 1472, quand son mari récupère l'héritage de son cousin au troisième degré, Jacques III d'Armagnac).
    Alors que Suzanne a douze ans, en 1503, Anne se retrouve veuve. Pierre de Beaujeu, bien plus âgé qu'elle, vient de mourir. Elle se consacre à l'écriture des Enseignements à ma fille, source importante pour se renseigner sur l'éducation des jeunes filles aristocrates de l'époque. Elle publie aussi une Histoire du siège de Brest, oeuvre littéraire, roman pourrait-on dire, dont l'action se déroule durant la Guerre de Cent Ans. Anne de Beaujeu est finalement une véritable femme de lettres en plus d'être une fine politique !
    Anne de Beaujeu a su montrer sa connaissance plus qu'excellente de l'administration. Elle a su aussi mettre au pas les grands seigneurs (en 1485, elle avait réussi, grâce à la paix de Bourges, à revenir à la paix sans combats) et poursuivre la politique d'expansion de son père. Le 14 novembre 1522, à l'âge de soixante-et-un ans, Anne de Beaujeu disparaît à Chantelle. Elle est inhumée dans la chapelle neuve du prieuré clunisien de Souvigny, auprès de son époux et de sa fille Suzanne, morte en 1521.

     

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Anne de France (1461-1522), Pierre Pradel. Biographie.

     

     

     

     


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    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

     

    I. Jeunesse d'un prince héritier

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    Louis II de Bavière, dont le nom germanique est Ludwig Otto Friedrich Wilhelm von Wittelsbach, est né le 25 août 1845 à Nymphenburg, à Munich. Il est roi de Bavière de 1864 à 1886 et est surtout connu pour sa supposée folie et ses magnifiques châteaux bâtis dans les Alpes bavaroises.
    Louis est le fils aîné du roi Maximilien II de Bavière, à qui il va succéder sur le trône de Bavière et de Marie de Honhenzollern, princesse prussienne. Par son grand-père, Louis Ier, il est le cousin des ducs en Bavière (parmi eux, la célèbre Sissi) mais aussi de l'empereur d'Autriche : en effet, deux soeurs du roi Louis, Ludovica et Sophie, ont épousé respectivement le duc Maximilien en Bavière et un archiduc d'Autriche. Ludovica est la mère de Sissi, Sophie, de François-Joseph, empereur d'Autriche.
    En 1846, la nourrice de Louis, qui a alors huit mois, contracte la fièvre typhoïde et en meurt. Ce sevrage brutal est considéré comme un véritable choc psychologique par des spécialistes. La même année, son grand-père, Louis Ier, tombe amoureux de l'aventurière Lola Montez et il abdique en 1848.
    C'est donc le père de Louis qui monte sur le trône : il devient le roi Maximilien II et il rétablit le calme en Bavière, après la fin de règne tapageuse de son propre père. Roi cultivé, Maximilien II encourage les arts et les ciences et se prononce contre le travail des enfants, couramment usité au XIXème siècle. Il fonde également des institutions de charité et prend des mesures concrètes en faveur de l'emploi. Maximilien II a l'ambition de forger une place de premier plan à son pays, la Bavière, face à l'Autriche et à la puissante Prusse. Le roi Maximilien est aussi un homme de bibliothèque se passionnant pour les livres tandis que son épouse, Maerie, est une femme de plein air et qui pratique avec passion l'alpinisme.
    En tant que fils aîné de Maximilien, lorsque ce dernier accède au trône, Louis devient automatiquement prince héritier. Le roi décide alors de prendre en charge l'éducation de son fils et c'est un enseignement particulièrement chargé qui s'abbat sur les épaules du jeune garçon : « lever à 5h l’été, à 6h l’hiver, petit déjeuner rapide et frugal, puis des heures d’étude à peine ponctuées d’une ou deux heures de détente. Ajoutons à l’instruction théorique et universelle, la discipline physique, comme la danse, l’escrime, le maniement des armes, l’équitation, la natation... et la discipline artistique, comme le dessin, la musique... Tous ces savoirs ennuieront pour la plupart le jeune prince, sauf la littérature, l’histoire, les sciences naturelles, l’histoire religieuse et l’enseignement de la langue française, qu’il possédera plus tard à la perfection. Tout cet enseignement ne laisse donc que peu de place aux contacts humains, en particulier aux rapports filiaux. »
    Mais, fantasque, amant à se costumer, prenant plaisir à faire du théâtre et à pratiquer la peinture entre autres choses, Louis est incompris de ses parents. Il a aussi un caractère sensible et solitaire, radicalement opposé à celui de son père, qui, de ce fait, s'éloign,e de lui et ne sait pas lui parler. Louis partage avec sa mère, la reine Marie, le goût de la montagne et de l'alpinisme mais elle ne le comprend pas plus que Maximilien II et se moque d'ailleurs des « envolées » de son fils, ce qui blesse cruellement le jeune prince, particulièrement sensible. De plus, la reine Marie préfère à Louis son jeune frère Othon, qu'elle trouve « plus ouvert, plus souriant, plus épanoui » et beaucoup plus facile à élever.
    Lentement, à cause de cette incompréhension de ses parents qui lui fait du mal, le jeune Louis se replie sur lui même et développe des sentiments très forts pour les personnes attachées à son éducation, qu'il aimera souvent bien plus fort que ses deux parents.
    Le futur roi Louis II passe l'essentiel de sa jeunesse à Hohenschwangau, château lié à la légende de Lohengrin et Tannhäuser. Le Minnesanger de la Wartburg (chanteur que l'on pourrait comparer à nos troubadours ou à nos trouvères) y aurait séjourné. Les fresques d'Hohenschwangau, réalisées par Moritz von Schwind, évoquent la quête du Graal ainsi que le mariage d'Elsa de Brabant, le combat de Telramund. Le cygne y est aussi partout présent. Pour faire plus clair, c'est toute la mythologie germanique que l'on retrouve dans cette demeure des rois de Bavière ! C'est d'ailleurs de ce décor onirique, dans lequel toute son enfance va baigner, que Louis va s'inspirer pour bâtir toute sa vie future. Le roi Louis II gardera d'ailleurs toujours un souvenir ému d'Hohenschwangau, qu'il décrit comme « le Paradis de son enfance ». Et, dans une lettre qu'il écrira à Richard Wagner, il lui confesse qu'il était « profané tous les ans par la prose de sa mère ».
    Wagner...ce nom est presque intimement lié à celui de Louis II. C'est en 1857 que Louis II a en mains pour la première fois un ouvrage du fantastique musicien : L'Oeuvre d'Art de l'Avenir. Le 18 février 1858, à Munich, a lieu la première représentation de Lohengrin mais Louis n'a pas eu la permission de s'y rendre. Le 3 juin, Louis commence son journal intime. Peu de temps après, il visite pour la première fois la vallée de Graswang, où se trouve une maison de chasse qui sert aux souverains de Bavière. C'est le futur emplacement du majestueux Linderhof...En septembre, Louis lit un nouvel ouvrage de Wagner, La Musique de l'Avenir et, enfin, il peut entendre un opéra composé par lui, en l'occurrence, Lohengrin. Le jeune homme est tellement subjugué qu'il en fait une crise d'épilepsie !
    En 1859, il passe son diplôme de fin d'études, après avoir été fait chevalier de l'Ordre de Saint-Hubert par son père, le 25 août, jour de la Saint-Louis mais aussi jour anniversaire de Louis : il a quatorze ans. Désormais, le jeune homme va plus souvent au théâtre et adopte sa célèbre coiffure frisée. A la fin de l'année, le prince héritier commence à suivre des cours universitaires, notemment en français, philosophie, science militaire et physique-chimie. En 1863, Louis rencontre Bismarck à Nymphenbourg...Il a dix-huit ans, il vient d'accéder au trône...

     

    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

     Portrait de Sophie en Bavière, la sœur de Sissi et éphémère fiancée de Louis II

     

    II. Roi de Bavière

    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

    Neuschwanstein (Schloss Neuschwanstein), l'une des plus belles réalisations de son règne

    Le 10 mars 1863, Louis devient roi de Bavière sous le nom de Louis II. C'est des Bavarois en liesse qui accueillent le tout jeune roi, remarquable par sa haute taille -il mesure près d'1 mètre 90- mais aussi sa beauté éthérée et angélique. Dès le début de son règne, le jeune roi décide de s'opposer à la politique audacieuse du chanclier de Prusse, Bismarck. Il choisit de se rallier à l'Autriche en 1866. Mais, cette même année, la bataille de Sadowa expulse l'Autriche de la sphère allemande proprement dite et met fin à la Confédération germanique. Louis II appelle alors à la chancellerie, pour remplacer Ludwig von der Pfordten, Chlodwig de Hohenlohe-Schilingsfürst. Ce dernier range la Bavière aux côtés de la Prusse, dans la guerre qui oppose ce pays à la France, durant la guerre de 1870. Mais il faut bien mentionner que Louis II est un roi viscéralement pacifique et que ce n'est toujours qu'avec beaucoup de répugnance qu'il choisit d'engager son royaume dans la guerre. La défaite française cuisante de 1870 parachève l'intégration du royaume de Bavière à l'Empire allemand naissant, selon la volonté de Bismarck.
    Mais le roi Louis II, lui, nourrit une passion pour la France. Il est en effet profondément francophile et nourrit une véritable admiration pour la monarchie absolue de Louis XIV. Il a aussi beaucoup d'amitié pour la reine malheureuse, Marie-Antoinette. Le roi est donc plus que réticent à ce que son royaume joigne le nouvel Empire allemand, notamment parce que celui-ci est gouverné par les puissants prussiens, qu'il déteste. Néanmoins, acquis aux idées libérales, il n'était pas défavorable à une certaine Union allemande.
    Bismarck prépare pour lui la Kaiserbrief, en 1870 par laquelle le roi Louis proposerait, au nom de la Bavière, la couronne impériale au roi de Prusse. Des compensations financières sont prévues pour le roi de Bavière, à travers l'héritage des Guelfes, une somme d'argent réunie à la suite de l'annexion du Hanovre par la Prusse en 1866. Malgré sa répugnance, Louis II se résout à la signer. Mais il fut le seul souverain allemand absent à la cérémonie de l'unification de l'Allemagne, qui a lieu dans la galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871. C'est son frère cadet, Othon, qui l'y représente.
    A la suite de ces événements, qui marquent la fin de l'indépendance de la Bavière, Louis II décide de se détourner de la politique qu'il qualifie de fadaises d'Etat, pour se consacrer complètement à ses rêves. La fièvre bâtisseuse de Louis II va commencer...il dépense sans compter pour la construction de ces châteaux de rêve qui font encore la renommée de la Bavière aujourd'hui. Confrontés aux dépenses exorbitantes et toujours plus importantes du souverains, les différents gouvernements tentent, avec l'aide de la famille royale, de faire évincer Louis II du pouvoir...
    A partir de 1875, le roi se met à ne plus vivre que la nuit, faisant de nombreuses promenades avec des chaises à porteurs ou des traineaux. Il est parfois vêtu de costumes historiques et se prend pour les grands héros de la légende germanique. Peu de temps avant, en 1866, Louis II a émis le désir de se marier. Il choisit pour épouse sa cousine Sophie-Charlotte en Bavière, fille du duc Maximilien en Bavière et de Ludovica de Bavière, soeur de son grand-père, Louis Ier. Cela va à l'encontre des goûts naturels de Louis II, aujourd'hui reconnu comme homosexuel. Il aurait d'ailleurs été amoureux de Richard Wagner. Dans la jeune femme, qu'il prénomme Elsa, du nom de l'héroïne de la légende, il cherche en fait un alter ego d'Elisabeth, l'impératrice d'Autriche, la sœur de Sophie, qu'il aime et admire beaucoup. Maintes fois repoussé, le mariage n'aura jamais lieu.
    A mesure que les années passent, le roi Louis II devient de plus en plus taciturne et fantasque. Focalisé sur les plaisirs de la table, il prend des dizaines de kilos qui le rendent méconnaissable. Il se terre dans ses nids d'aigle gothico-romantiques des Alpes bavaroises, Neuschwanstein (qui ne fut jamais achevé), Linderhof, Herrenchiemsee, qu'il conçoit comme son Versailles personnel.
    En 1886, suite à un coup d'Etat du gouvernement, il est déclaré fou et donc, inapte à gouverner. C'est son oncle Léopold de Wittelsbach qui est nommé régent le 10 juin 1886. Son frère Othon n'est en effet pas apte à régner, puisqu'il est interné depuis 12 ans, lui aussi pour folie. Déclaré aliéné mental -seule sa cousine Elisabeth d'Autriche s'élèvera contre ce diagnostic qu'elle juge complètement faux-, Louis II est interné le 12 juin 1886 au château de Berg, au sud de Munich. Il n'y passera que peu de temps : le lendemain, alors qu'il effectue une promenade sur les bords du lac de Starnberg -sur les bords de ce même lac se trouve Possenhofen, la demeure d'enfance de Sophie-Charlotte et Elisabeth-, avec son médecin-psychiatre Bernhard von Gudden, il disparaît. Après des recherches, les deux corps sont retrouvés dans le lac, à proximité de la berge.
    A l'instar de la mort de son jeune cousin Rodolphe, à Mayerling en 1889, celle de Louis II reste particulièrement mystérieuse et suscite de nombreuses hypothèses.

    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

    Le roi Louis II l'année de sa mort, en 1886

    III. Conjectures autour de la mort de Louis II

    INTERMÈDE HISTOIRE LXV

    Chapelle votive construite au bord du lac de Starnberg non loin de l'endroit où le corps du roi fut retrouvé

    Accident ? Assassinat ? La question se pose aussitôt après le décès aussi rapide du roi, qui a en plus emporté avec lui, dans la mort, son médecin. Tout d'abord, on pense que les deux hommes se seraient battus. Le roi aurait tué son médecin en l'étranglant puis se serait ensuite jeté dans le lac pour s'échapper. Le corps de Louis II ne porte aucune trace de coups. Il n'est pas non plus mort noyé, puisque ses poumons ne contiennent pas d'eau. Il serait en fait mort des suites d'une hydrocution due à la température de l'eau et au repas du soir, pris peu de temps avant. Le Dr Müller, assistant du défunt von Gudden, écrit : « Le roi a eu une crise cardiaque ». Trois thèses se présentent alors aux enquêteurs : la tentative d'évasion, l'accident ou le suicide. Le roi aurait pu tenter de s'échapper pour rejoindre sa cousine Elisabeth, présente dans une auberge de l'autre côté du lac à ce moment-là, à Feldafing, mais rien ne permet ni de confirmer ni d'infirmer cette thèse.
    D'autres ont affirmé que des catholiques avaient tenté de faire évader le roi avant d'instaurer un gouvernement de droite. L'accès de folie est privilégié par d'autres, encore : le roi Louis II aurait tué son médecin dans une crise de folie avant de se précipiter dans le lac. Le médecin aurait tenté de le retenir et une lutte aurait eu lieu entre les deux hommes. Le roi, plus grand et plus fort, aurait eu le dessus.
    Ce qui est sûr, en tous cas, c'est que Louis II est mort de mort naturelle. Même si le suicide a été envisagé, il semble que le roi ne se soit pas jeté dans le lac avec le dessein d'en finir.
    Aujourd'hui, en Bavière, il reste de Louis II ses magnifiques châteaux, perchés dans les Alpes bavaroises et qui se tournent vers les terres toutes proches de l'Autriche, patrie d'adoption de sa cousine adorée Elisabeth. Ils sont encore visitables aujourd'hui.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

     

    Pour en savoir plus :

    -Louis II de Bavière, Jean des Cars. Biographie.
    -Les Châteaux Fabuleux de Louis II de Bavière, Elisabeth Reynaud. Biographie.
    -Louis II de Bavière : De la réalité à l'idéalisation romantique, Jean Adès. Biographie.


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    Henri III, huile sur bois (XVIème siècle)

     

    I. Naissance et enfance d'un fils de France

     

    Catherine de Médicis et ses enfants, dont le duc d'Anjou, futur Henri III (copie du XXème siècle d'un tableau du XVIème)

    Quatrième fils d'Henri II et Catherine de Médicis, le futur Henri III vout le jour le 19 Septembre 1551 à Fontainebleau, sous le nom d'Alexandre-Edouard et est immédiatemment titré duc d'Angoulême. Il est le frère des futurs François II et Charles IX, de François d'Alençon, son puîné et de la célèbre Reine Margot, de deux ans sa cadette. Il passe une grande partie de son enfance, au moins jusqu'à la mort tragique de son père, en 1559, avec ses frères et soeurs, aux châteaux de Blois et Amboise. Il est ensuite confié, comme tous les jeunes garçons, à deux précepteurs, connus pour leur humanisme : il s'agit de Jacques Aymot et François de Carnavalet. Ce sont eux qui lui apprennent à aimer les belles lettres et les discussions intellectuelles. Très tôt, le jeune prince, appelé Edouard dans sa famille, exerce son rôle de prince royal et siège même, alors qu'il n'a que neuf ans, aux Etats Généraux de 1560, auprès de son frère Charles IX. Il sera aussi du grand tour de France que la reine-mère entreprend avec ses enfants et toute la Cour, pour montrer au peuple son jeune roi. 

    Le jeune Edouard est certainement le fils et même l'enfant préféré de la reine Catherine, c'est à lui qu'elle se confie le plus sur les affaires de l'Etat et souhaite qu'il devienne un ferme appui pour la royauté. 

    En 1560, quand son frère François II meurt de la mastoïdite qui le fait souffrir depuis son plus jeune âge, son frère Charles devient roi, sous le nom de Charles IX et Alexandre-Edouard devient duc d'Orléans. Ce n'est que cinq ans plus tard, lors de sa confirmation, qui a lieu à Toulouse, que le jeune adolescent prend le nom de son père, Henri. L'année suivante, en 1566, il prend le titre de duc d'Anjou. 

    II. Les victoires du jeune duc d'Anjou et sa nomination au trône de Pologne

    Le duc d'Anjou (XVIème siècle)

    A seize ans, Henri, qui bénéficie plus que les autres de l'affection de sa mère, est nommé lieutenant général du royaume malgré son très jeune âge. En lui confiant cette charge, la reine-mère et le roi font de Henri le second personnage du royaume après Charles IX lui-même. Mais cette nomination n'est pas du goût de tous...En effet, le prince de Condé convoitait également la charge. Il quitte donc la Cour avec plusieurs autres chefs protestants et s'ensuivent quelques hostilités. 

    Toujours très jeune, le duc d'Anjou s'investit énormément dans la troisième Guerre de Religion, qui fait rage alors. Ses efforts militaires sont couronnés de succès puisqu'il remporte deux batailles restées célèbres : celle de Jarnac puis celle de Montcontour. La réputation du jeune homme se base donc essentiellement sur ses hauts faits militaires, connus de l'Europe entière. Cela vaut au jeune duc d'Anjou la jalousie de son frère aîné et Henri, envié par Charles IX, s'entend de moins en moins bien avec lui. 

    Bientôt, le duc d'Anjou participe à la politique intérieure du royaume, sa mère l'ayant introduit au Conseil du roi. Niveau affinités politiques, il est plus proche des Guise que des Montmorency et prône même une politique rigoriste envers les huguenots. Son ambition à gouverner mais aussi ses capacités font de lui un successeur à la Couronne très attendu. 

    Henri est un jeune homme passionné également, alors follement épris peut-être de la seule femme qu'il aimera jamais : il s'agit de la belle Marie de Clèves. Mais Catherine de Médicis entend marier son fils à une autre, une princesse bien née et de haut rang. Un instant, il avait été envisagé de marier le jeune prince à Elizabeth Ière d'Angleterre, mais le mariage n'avait pu se faire à cause de divergences religieuses. Catherine décide donc de chercher une couronne européenne pour donner à son fils préféré...

    C'est décidé, ce sera la couronne de Pologne que ceindra le duc d'Anjou. Catherine de Médicis envoie l'évêque de Valence, Jean de Montluc, en Pologne, pour appuyer la candidature du duc d'Anjou auprès de la Diète polonaise, qui procèdent à des élections en 1573. Grâce à ses talents de diplomate, Monluc parvient à persuader les membres de la Diète de choisir le jeune prince français. Henri est désormais roi de la Rzeczpospolita de Pologne-Lituanie, sous le nom de Henri IV de Valois (Henryk IV Walezy, en polonais). Le 19 Août 573, une délégation polonaise arrive en France pour ramener le prince dans son nouveau pays. Mais Henri, n'étant pas pressé, fit traîner, et assez longuement, son départ. Finalement, sur l'insistance de son frère, il est obligé de faire ses adieux à sa famille et à la France en Décembre 1573. Voilà le duc d'Anjou, nouveau roi de Pologne, en partance pour son nouveau pays, dont les ambassadeurs avaient paru bien archaïques à la Cour de France, fastueuse et raffinée, quand cette dernière les avaient accueillis. 

    Parti de Fontainebleau, le nouveau roi arrive finalement en Pologne, à Cracovie, en Février 1574, après un voyage assez mouvementé et difficile à travers les Etats allemands. Accompagné par une suite assez nombreuse de jeunes nobles français, tels Albert de Gondi ou Charles de Guise, pour ne citer qu'eux, Henri est sacré roi de Pologne le 21 Février 1574, soit quatre jours après son arrivée. Il a vingt-trois ans et refuse le mariage qu'on lui propose avec Anne Jagellon, la soeur de Sigismond II Auguste, une femme bien plus vieille que lui (elle est quadragénaire) et que, de toute façon, il juge laide. 

    Quelques mois plus tard, il apprend la mort de son frère Charles IX, le 14 Juin 1574. Il est donc roi de France, puisque son frère n'a eu qu'une fille d'Elisabeth d'Autriche et un fils bâtard de sa maîtresse, Marie Touchet. Henri songe donc à quitter la Pologne pour prendre possession du trône laissé vacant. De plus, il s'ennuie en Pologne, où le roi à moins de pouvoir qu'en France. Et il regrette également les fêtes données à la Cour de ses parents...C'est sans le consentement de la Diète polonaise et presque comme un fugitif qu'Henri quitte son palais et galope à bride abattue vers le Sud pour rentrer en France. Le 18 Juin 1574, il s'échappe du palais de Wawel pour ne plus y revenir. Etienne Bathory succède à Henri sur le trône de Pologne...

    III. Le roi de France (1574-1589)

    Estampe représentant le roi Henri III et son épouse, la princesse de Lorraine Louise de Vaudémont

    Henri s'arrête d'abord en Autriche puis rallie l'Italie et Venise, où il fait des dépenses considérables. Là, il a une liaison assez brève avec une jeune courtisane, Veronica Franco mais la quitte vite pour se rendre à Padoue, Ferrare et Mantoue. Ensuite, il gagne Turin, où il revoit sa tante Marguerite de France (elle avait été mariée, comme sa nièce Elisabeth, lors de la fatale année 1559). C'est de Chambéry qu'il regagne la France, depuis une litière vitrée. 

    Le 6 Septembre, il est accueilli à Lyon par la reine Catherine, sa mère. Il pense déjà à délier Marie de Clèves pour l'épouser et en faire sa reine mais il apprend la mort de sa bien-aimée, qui a succombé à la naissance d'un enfant mort-né. Fou de douleur, anéanti, le roi cesse de s'alimenter pendant dix jours. 

    Enfin, le 13 Février 1575, Henri de Valois, devenu Henri III est sacré roi de France en la cathédrale de Reims par le cardinal de Guise. Deux jours plus tard, il épouse une jeune femme qu'il avait croisée lors de son voyage vers la Pologne : il s'agit de Louise de Lorraine-Vaudémont, fille du duc de Lorraine, qui n'en revient pas d'avoir été choisie pour devenir la reine d'un aussi prestigieux royaume. 

    Le nouveau roi apparaît alors, en ses débuts, comme celui qui pourra restaurer la France, alors en piteux état. Mais, dés son avènement, Henri est confronté à la guerre menée par celui qui se dit « roi du Languedoc », Henri de Montmorency. A la Cour, il doit également faire face à tous les complots et intrigues montés par son frère puîné, François d'Alençon, qui mène le parti des Malcontents et affronter son beau-frère, Navarre, qui finira par quitter la Cour avec Alençon. Tandis que ce dernier s'allie au parti protestant, Henri de Navarre, qui avait abjuré en faveur du catholicisme, revient à la religion calviniste. Une campagne s'engage alors, qui sera désastreuse pour Henri III. Malgré une victoire du duc de Guise à Dormans, le roi de France est obligé de s'incliner et, le 6 Mai 1576, l'édit de Beaulieu est signé. Ce dernier accorde de nombreuses faveurs à Alençon, voilà pôurquoi il est également appelé "Paix de Monsieur". Les protestants se voient eux aussi favorisés, au grand dam des catholiques. Cet édit participera à la naissance des premières ligues...La sixième Guerre de Religion débute peu de temps après et ne prendra fin qu'en 1577 avec la Paix de Bergerac et l'édit de Poitiers. 

    Henri III est un roi marqué par les malheurs de son temps, ce qui le fait se tourner vers une vie plus austère et consacrée à la prière. En 1584, François d'Anjou, ex-Alençon, meurt de tuberculose, sans descendance et une grave crise dynastique s'ouvre pour la France. Henri III et Louise de Vaudémont, la reine, ne parviennent pas, eux non plus, à avoir des enfants, d'ailleurs, leur union restera stérile. Henri III est donc confronté à un énorme dilemme : le royaume peut échoir autant à Henri de Navarre qu'à Henri de Guise, ce que ne souhaite pas le roi. Quant à Navarre, il est protestant et cet éventuel choix pose un problème aux catholiques, qui estiment qu'une réconciliation entre huguenots et catholiques n'est pas possible. En attendant, le roi est parfaitement conscient qjue la dynastie des Valois est condamnée à s'éteindre car, malgré tout les pèlerinages entrepris avec son épouse, ils ne parviennent pas à engendrer. 

    Au même moment, le duc de Guise, chef de la Ligue catholique avec ses frères et sa soeur, complote en secret pour empêcher Henri de Navarre de monter un jour sur le trône. Brandissant haut leur ascendance avec Charlemagne, les Guise espèrent un jour voir leur chef, Henri, ceindre la Couronne, après Henri III. S'engage alors une lutte entre le roi en place et les deux prétendants au trône. Cette lutte est appelée "La Guerre des Trois Henri", du nom des belligérants Henri de Valois, Henri de Navarre et Henri de Guise. 

    Ce conflit va pousser peu à peu Henri III a fomenter un complot contre le duc de Guise. Le 23 Décembre 1588, à Blois, Henri jette ses célèbre Quarante-Cinq, des gentilshommes gascons, sur Henri de Guise, qui tombe mort dans la chambre même du roi. Celui-ci dira, en sortant de sa cachette :  « Il me semble encore plus grand mort que vivant ». Le cardinal de Guise, frère d'Henri de Guise, est lui aussi assassiné. Ces meurtres ne seront jamais pardonnés au roi. Quelques semaines plus tard, au début du mois de Janvier 1589, Henri III perd sa mère, Catherine de Médicis, âgée de soixante-dix ans. 

    IV. L'assassinat et la légende noire

    Assassinat d'Henri III par le moine fanatique Jacques Clément

    Le 1er Août 1589, Henri III se trouve avec la Cour à Saint-Cloud. C'est le matin, le roi va s'installer sur sa chaise-perçée quand on  lui annonce qu'un moine souhaite le rencontrer. Ce dernier est introduit auprès du roi et demande à Henri III d'éloigner ses proches, ce qu'il a à dire ne concerne que le roi. Henri III s'exécute et reste seul avec le moine, Jacques Clément. Ce dernier commençe à parler puis, brusquement, sort un couteau de sa manche et frappe le roi au bas ventre. Le roi se lève et s'écrie : « Méchant moine, tu m'as tué ! ». Jacques Clément sera pris et assassiné à son tour comme régicide. C'était un catholique fanatique et ligueur. Après une douloureuse agonie, le roi Henri III, dernier de sa dynastie, s'éteint, au matin du 2 Août 1589. C'est son cousin et beau-frère, Henri de Navarre, qui monte sur le trône.

    Effondrée par la mort de son époux, Louise de Lorraine, véritablement éprise de lui (Henri III l'a aimée également), se retire complètement du monde, en son château de Chenonceau, où elle prend le deuil des reines de France=. Toute vêtue de blanc, elle sera désormais surnommé « la Dame Blanche ». 

    Pierre de l'Estoile dira, comme éloge funèbre : « Ce Roy étoit un bon prince, s’il eût rencontré un meilleur siècle. ». Cela prouve que, malgré la haine qu'il s'était attirée, ce roi avait aussi des qualités. Aujourd'hui encore, il fait l'objet de débats, notamment à propos de sa sexualité. Henri III est resté un roi honni, comme son frère Charles IX, avec une réputation d'homme coquet et délicat, se parfumant, se maquillant...La présence de ses mignons et archimignons n'a rien arrangé. 

    Malgré l'idée tenace qu'Henri III était bien plus attiré par les hommes que par les femmes, il ne faut pas oublier qu'il entretint de nombreuses liaisons, même après son mariage. Mais, par respect pour la reine, il organisait en secret ses rencontres avec ses maîtresses. Comme son frère Charles IX, il aima sa femme. Peut-être Henri III souffrit-il de sa mauvaise réputation, comme sa mère, dont la légende noire est encore aujourd'hui, bien vivace. 

    Ces mauvaises images laissées par les derniers souverains de la Renaissance participent à donner à tous une image décadente des derniers Valois. 

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

    -Henri III : un désir de majesté, Jean-François Solnon. Biographie.
    -Henri III, Philippe Erlanger. Biographie.
    -Catherine de Médicis, Jean-François Solnon. Biographie.

     


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  • INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    I. La naissance de Marie dans un contexte politique troublé

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Le roi James (Jacques) V d'Ecosse et son épouse Marie de Guise, les parents de Marie

    Marie Stuart naît en Ecosse, au palais de Linlithgow, West Lothian, le 8 décembre 1542. Elle est la fille du roi Jacques V d'Ecosse et de Marie de Guise. Le couple avait eu deux fils qui étaient morts en bas âge puis Marie, qui devient l'héritière de son père. L'enfant est baptisée quasi immédiatement à l'église Saint-Michel de Lilinthgow.
    Le roi Jacques V n'assiste pas à la naissance de sa fille. Il est au palais de Falkland, sérieusement malade. Lorsqu'on lui apporte la nouvelle que la reine, son épouse, a accouché d'une fille, il soupire : « Tout a commencé par une fille, tout finira par une fille », faisant référence à Marjorie Bruce, la fille de Robert Bruce qui avait transmis la couronne écossaise à la famille. Le roi moribond prédit également un destin tragique à sa fille nouvelle-née. Le 13 décembre, une semaine après la naissance de Marie, Jacques V meurt, emporté par le choléra. Des rumeurs circulent alors sur la santé de la petite fille. Par exemple, Eustace Chapuys, ambassadeur du Saint-Empire romain germanique, écrit le 23 décembre que Marie de Guise et son enfant sont malades à leur tour mais il n'en est rien. L'enfant est en fait bien portante.
    Marie, bien évidemment, au vu de son âge, ne peut régner seule. C'est James Hamilton, le comte d'Arran, qui est le plus proche héritier de la couronne, qui devient le régent du royaume. La garde de l'enfant revient par contre à la reine douairière, Marie de Guise. Cependant, le comte d'Arran n'a pas les talents nécessaires pour exercer correctement une régence. Ainsi, le cardinal David Beaton, chef du parti catholique, décide que le pays, en ce temps de crise, a besoin d'un homme fort. Il lutte alors contre la nomination d'Arran en faisant valoir un testament que le roi Jacques V aurait rédigé sur son lit de mort. Ce document partage la régence entre Beaton, le comte de Moray, le comte d'Huntly et le comte d'Argyll. Arran et Beaton vont s'opposer quant à la nature du document, le premier accusant le second de se servir d'un faux.
    Finalement, c'est Arran qui a gain de cause. Le 3 janvier, il est enfin proclamé régent tandis que le cardinal est arrêté, à la fin du même mois, alors même qu'il siégeait au Conseil. Il est conduit au palais de Dalkeith puis transféré au château de Blackness. Après cela, « les églises furent fermées et les prêtres refusèrent d'administrer les sacrements et d'enterrer les morts ».
    Dans le même temps, on commence déjà à songer au destin conjugal de la petite Marie, devenue reine d'Ecosse à seulement sept jours. On, c'est Henry VIII, le roi d'Angleterre, qui songe à un rapprochement entre les deux couronnes, écossaise et anglaise Plutôt que de prendre l'Ecosse par les armes, comme au temps de Jacques V, le père de Marie, Henry VIII songe à un mariage. En effet, il aimerait voir marié son fils Edouard, fils de Jane Seymour, avec Marie. Pour mener à bien ce projet, Henry VIII dispose d'un temps d'avance : en effet, depuis la bataille de Solway Moss, de nombreux nobles écossais sont prisonniers en Angleterre et ils sont contraints de demander publiquement à ce que la petite Marie soit confiée à Henry.
    Le 1er juillet 1543, le traité de Greenwich est signé, qui promet Marie à Edouard, le jeune héritier du trône d'Angleterre, malgré l'opposition de Beaton, chef du parti catholique en Ecosse et dont le pouvoir sur la scène politique était resté intact. Ce traité satisfait l'essentiel des demandes des Écossais, notamment celle qui veut que Marie reste en Ecosse jusqu'à son dixième anniversaire, tandis que l'Ecosse conserverait ses lois propres. Cependant, Henry VIII n'avait aucune intention de respecter ce traité, ni même de s'accommoder du cardinal Beaton.
    Ce dernier ressemble alors 6000 à 7000 de de ses partisans à Stirling, le 26 juillet et marche sur Linlithgow où se trouve la petite princesse. Le cardinal ne souhaitait pas de révolte, ni même d'opposition envers le régent. La seule chose qu'il demande, c'est que la sécurité de l'enfant mais aussi de sa mère soit assurée, en les transférant à Stirling, sous la protection de quatre gardiens : les lords Graham, Lindsay, Erskine et Livingstone.
    La position du régent devient intenable devant le roi Henry VIII qui entend prendre l'enfant de force pour l'élever en Angleterre. Il sort alors à cheval de la ville d'Edimbourg et rencontre Bearton. Ensemble, ils se rendent à Stirling où la petite reine et sa mère sont transférées sous bonne escorte. Le 8 septembre, Arran retourne finalement dans le giron de l'Eglise catholique et reçoit l'absolution du cardinal. Le lendemain, Marie Stuart est couronnée dans la chapelle du château de Stirling par le cardinal Beaton. C'est Arran qui porte la couronne. Les lords Lennox et d'Argyll portaient respectivement le sceptre et l'épée d'Etat. Marie a neuf mois tout juste...
    Apprenant la réconciliation du régent d'Ecosse avec le cardinal Beaton, Henry VIII voit rouge et commen ce alors une politique guerrière, plus connue sous le nom de Rough Wooing. Il suggère tout d'abord un raid sur Edimbourg au duc de Suffolk mais ce projet est finalement reporté à l'automne. Le 23 septembre, le cardinal se plaint d'une violation du traité puisque le roi Henry avait saisi des navires écossais, quelques mois plus tôt. Navires qui voguaient vers la France. De plus, le cardinal déclare que le refus d'Henry VIII de ratifier le traité le déclare non avenu en Ecosse. Mais les Ecossais n'avaient pas non plus forcément respecté leurs engagements...on peut donc dire que le traité de Greenwich est cassé volontairement. De fait, la politique menée jusque là va aussi changer.
    Ce changement se traduit immédiatement en Ecosse. Tout d'abord, le parlement renouvelle l'alliance avec la France. Le cardinal Beaton est ensuite confirmé dans sa charge de Lord High Chancellor et les nobles Angus et Cassilis, qui avaient soutenu Henry VIII jusque là signent un doucement dans lequel ils s'engagent à soutenir Arran contre l'Angleterre et à défendre l'Eglise catholique. Finalement, Marie, jusqu'ici promise à un destin protestant et anglais va passer sous l'influence française et, donc catholique. D'une certaine manière, Marie va être élevée comme sa mère, Marie de Guise, qui est française et issue de l'une des plus puissantes familles de sang noble en France puisque les Guises sont apparentés aux rois de France.
    Lennox et Glencairn, deux nobles écossais, sont alors poussés à la faute par Henry VIII. Il les poussent à prendre les armes contre Arran mais ils sont défaits le 26 mai, aux alentours de la ville de Glasgow. Glencairn se réfugie au château de Dumbarton tandis que Lennox, rappelé de France quelques temps plus tôt par Beaton pour mettre de l'ordre dans la situation troublée du royaume, se réfugie en Angleterre, aux côtés du roi. Finalement, la situation est toujours aussi troublée et les intérêts de Marie, pas préservés du tout. Cette crise finira par la démission d'Arran de la charge de régent (démission plutôt forcée, on s'en doute). Le cardinal Beaton est aussi écarté car il a perdu la confiance de la reine douairière, Marie de Guise, qui estime qu'il n'a pas su défendre les intérêts de sa fille alors qu'il s'y était plus ou moins engagé et qu'elle comptait sur lui. Et puis, Beaton s'est entendu avec Arran pour finalement marier la petite Marie au propre fils d'Arran, ce qui déplaît à la reine-mère.
    Marie de Guise s'allie alors avec Angus, promu lieutenant-général du sud du Forth. Le 12 décembre (la petite Marie a un an tout juste), Angus et son frère Sir George sont pardonnés pour leurs trahisons passées. Henry VIII perd alors foi en eux et, par dépit, accorde à Ralph Eure toutes les terres qu'il pourrait conquérir sur Angus, ce qui conduit à la bataille d'Ancrum Moor, qui a lieu le 27 février 1545. Par la suite, l'Ecosse reçoit des renforts venus de France mais les deux frères Douglas, Angus et George, se remirent à jouer un double-jeu et laissèrent Henry VIII dévaster le sud de l'Ecosse, ce qui donna lieu à 43 village et 16 places fortes en ruines ! Le roi d'Angleterre pensait que cela effraierait les Écossais et les feraient redevenir plus conciliants quant à un possible traité de mariage...
    Peu à peu, les principaux acteurs de la crise disparurent. Le cardinal Beaton est assassiné à la fin de mai 1546 et Henry VIII disparaît en janvier 1547, laissant son royaume à l'ancien promis de la petite Marie, le prince Edouard, devenu Edouard VI. En France, François Ier décède au mois de mars, laissant le trône à son fils, le duc d'Orléans, qui devient le roi Henri II. Celui-ci est un opposant aux Anglais beaucoup plus vigoureux que son père avant lui. Il se trouvait en effet sous l'influence des Guises, les frères de la reine-mère Marie et donc oncles de la petite reine d'Ecosse. Marie Stuart devient à ce moment-là l'objet d'un projet très clair pour les Guises : un mariage entre elle et le petit Dauphin François, fils aîné d'Henri II et Catherine de Médicis. Henri Clutin, seigneur d'Oysel et de Villeparisis est dépêché en Ecosse comme ambassadeur de France. Sa mission est de confirmer l'alliance entre les deux pays et, comme signe de bonne volonté de la part du roi de France, des galères sont envoyées en Ecosse pour capturer le château de Saint-Andrews, où les meurtriers du cardinal Beaton s'étaient retranchés. Henry Balnaves, ancien secrétaire du gouvernement de Marie se trouve au château de Saint-Andrews : c'est un résultat inattendu ! Balnaves se révèle en fait être un agent payé par l'Angleterre et son registre contenait de nombreux noms de nobles favorables à l'Angleterre : parmi eux, Gray, Cassilis, Lennox, Glencairn mais aussi Patrick Hepburn, comte de Bothwell (c'est le père du futur époux de Marie Stuart).

    II. Le départ de la reine Marie et la vie en France

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Marie à l'age de treize ans (tableau de François Clouet, XVIème siècle)

    Les incursions anglaises en Ecosse ne prennent pas fin avec la mort d'Henry VIII. Par la suite, elles sont menées par le régent Somerset, qui administre le royaume au nom d'Edouard VI, bien trop jeune pour régner. Après leur victoire à la bataille de Pinkie Cleugh, le 10 septembre 1547, les Anglais avancent jusqu'à Leith, sur le Firth of Forth : la reine-mère et sa fille se retirent alors discrètement du château de Stirling pour aller se réfugier sur un monastère insulaire, perdu au milieu d'un loch, sur l'île d'Inchmahome. Elle rentrent ensuite à Stirling après le retrait des Anglais.
    Devant la poursuite des incursions anglaises, en 1548, Marie est transférée au château de Dumbarton, le 7 juillet, par mesure de sécurité. Des envoyés français signent, avec des émissaires écossais, au couvent d'Haddington, un traité promettant en mariage Marie Stuart au Dauphin François. Ce traité place aussi l'Ecosse sous la protection du roi de France. Plus rien ne s'oppose désormais au départ de Marie. Jusque là réticents à voir partir leur reine, les Ecossais ont cédé contre la promesse d'une protection de la part du roi de France.
    En août 1548, Marie embarque à Dumbarton à bord de la flotte envoyée vers l'Ecosse par Henri II, sous le commandement de Nicolas Durant de Villegagnon, qui s'illustrera plus tard dans la conquête du Nouveau-Monde. Naviguant le long des côtes irlandaises pour éviter la flotte anglaise, qui croise dans le secteur, la flotte française accoste finalement à Roscoff sans encombre, puis à Morlaix.
    Là, la petite Marie, âgée de six ans, rencontre pour la première fois sa grand-mère maternelle, Antoinette de Bourbon-Vendôme, duchesse douairière de Guise, sur ses terres de Joinville. La reine Marie de Guise n'accompagne pas son enfant. En effet, elle est restée en Ecosse pour représenter le parti pro-français là-bas.
    Marie Stuart gagne ensuite la Cour d'Henri II où elle va être éduquée comme n'importe quelle autre princesse française. Elle va être aussi préparée à son futur rôle de Dauphine de France puisqu'elle doit épouser François, le fils aîné d'Henri II et Catherine de Médicis. Elle partage sa chambre avec Elisabeth, l'une des filles des souverains, qui deviendra par la suite reine d'Espagne. Tous les Écossais qui avaient accompagné Marie sont progressivement renvoyés en Ecosse, sauf lady Fleming, sa gouvernante, sur demande expresse de la petite reine, ainsi que sa nurse, Jean Sinclair. Henri II préférait en effet l'entourer de Français, déjà pour la familiariser plus rapidement à la langue et parce que la Cour considérait que « les compatriotes de Marie étaient assez laids, frustes et mal lavés et, ainsi, des compagnons inadaptés pour la future femme du Dauphin ». Les quatre Maries (Marie Stuart était en effet accompagnées de trois autres petites filles, nées la même année qu'elle et portant le même prénom, Marie Fleming, Marie Seton, Marie Livingstone) sont ensuite envoyées dans un couvent dominicain pour parfaire leur éducation.
    Marie va recevoir aussi des leçons de fauconnerie et d'équitation et elle apprend à monter à cheval à la mode française (à califourchon sur la monture, une jambe de chaque côté), plutôt qu'en amazone, à la mode anglaise. On lui enseigne aussi la broderie et c'est le brodeur officiel du roi qui se charge de cette tâche. On lui apprend aussi la musique et le chroniqueur mondain Brantôme rapportera que Marie Stuart chantait en s'accompagnant d'un luth. D'autres auteurs rapportent qu'elle jouait aussi de la cithare, de la harpe et du virginal. La petite fille dispose aussi d'une vaste garde-robe et de nombreux bijoux puisque, à l'instar des autres membres de la Cour, elle participe à des festivités publiques : par exemple, le mariage de François de Guise, son oncle avec Anne d'Este.
    Antoine Fouquelin initia la petite princesse à la rhétorique tandis que Pierre de Ronsard, le célèbre auteur de la Pléiade la formait à la poésie. Marie Stuart aime lire, tout particulièrement la poésie de son mentor Ronsard, mais aussi celle de Joachim du Bellay et d'Etienne de Maisonfleur. Elle lut aussi Plutarque, Plaute et Cicéron, en latin. Par contre, elle ne maîtrise pas bien le grec ancien.
    En mai 1555, elle prononce un discours dans le grand hall du Louvre, devant toute la Cour réunie. Elle y affirme qu'une éducation dans les lettres et les sciences humaines est tou à fait adéquate pour une femme. Marie reçoit aussi une formation en littérature française, géographie et Histoire mais aussi de langues vivantes : espagnol, anglais et italien, qui viennent compléter sa langue maternelle, le scots, et le français qu'elle parle à la cour du roi Henri II.
    La petite princesse reçoit aussi une éducation religieuse, en plus de cette vaste éducation civile. Cette éducation est, selon Joseph Stenvenson, dispensée à Marie par sa grand-mère, Antoinette de Bourbon-Vendôme. Mais, d'après une étude plus récente menée par Henderson, il semblerait que l'éducation religieuse de l'enfant ait été prise en charge par son oncle, le cardinal de Guise.
    L'intendance des enfants royaux, c'est-à-dire la gestion des gouvernantes et le choix des précepteurs revenait à Diane de Poitiers. La gestion du personnel de Marie est dévolue, elle à Jean de Humières et ensuite, à Claude d'Urfé. Henri II ne paye que pour l'éducation de Marie. Tout le reste est à la charge de sa mère, la reine-mère d'Ecosse, qui s'occupe des fonds destinés aux domestiques et à l'intendance. Ces fonds, on s'en doute, sont plutôt limités. La grand-mère de Marie s'alarme du faible nombre de domestiques de sa petite-fille, d'autant plus qu'ils quittaient fréquemment leur poste pour aller en trouver un mieux rémunéré. Le cardinal de Guise suggère des économies sur le train de vie mais Marie refuse. En jeune fille frivole, elle argumente qu'elle ne veut pas se couper de la mode !
    Peu après, alors que Marie a treize ou quatorze ans, un scandale éclate. Sa gouvernante, lady Fleming, a séduit le roi Henri II et est enceinte. Elle donne naissance à un fils, Henri d'Angoulême avant d'être finalement renvoyée en Ecosse pour étouffer l'affaire. Les oncles de Marie décident de lui donner une nouvelle gouvernante, catholique fervente. Leur choix se porte sur Françoise d'Estamville, qui a une bonne réputation. Mais Marie s'oppose à sa nouvelle gouvernante : c'est d'ailleurs le seul acte d'autorité dont la jeune souveraine ait fait preuve dans sa jeunesse. A la fin de 1555, Marie décide de donner à ses tantes abbesses des robes qui ne sont plus à sa taille mais sa gouvernante refuse, demandant les robes pour elle-même. Une querelle s'ensuit et la gouvernante retourne à Paris avant de démissionner ou d'être renvoyée, en 1557.
    En 1550, Marie a la bonne surprise de recevoir une visite de Marie de Guise, sa mère. Accompagnée d'un grand nombre de nobles écossais, la reine-mère retrouve sa fille après deux ans de séparation, le 25 septembre. Toutes les deux, elles assistent, en octobre, à l'entrée royale d'Henri II dans ville de Rouen.
    Fin 1557, le projet de mariage entre François et Marie Stuart se précise. Henri II invite alors les Ecossais à envoyer des représentants afin de discuter des termes du mariage. Le 14 décembre, le parlement écossais dépêche neuf députés, demandant des conditions avantageuses pour son indépendance nationale. Si Marie Stuart venait à mourir sans descendance, la France devrait aider à la succession du trône écossais par l'héritier le plus proche par le sang. Le roi de France accepte les conditions et, dans la foulée, le parlement français naturalise tous les sujets écossais comme français, en juillet 1558. En échange, l'Ecosse naturalise également tous les sujets français comme écossais. Mais les conditions furent changées, en secret, en avril 1558, par la reine d'Ecosse et son futur beau-père Henri II : si elle venait à mourir, tous les droits de Marie à la couronne d'Angleterre reviendraient à la France, sans contrepartie. La France, dans ce cas, se rembourserait avec les revenus écossais pour la défense de l'Ecosse.
    Le 24 avril 1558, Marie et François s'unissent, à la cathédrale Notre-Dame de Paris, après les accordailles qui ont lieu le 19 avril au Louvre. L'évènement revêt une importance très particulière pour la ville et pour les Parisiens : c'est la première fois en deux cent ans qu'un Dauphin se marie dans la ville. Les époux sont reçus à la porte ouest par le cardinal de Bourbon puis par l'évêque de Paris, qui délivre son discours ous une voûte décorée de fleurs de lis. La messe continue ensuite à l'intérieur. Plusieurs observateurs ont fait part d'une grande différence physique entre les deux jeunes époux. Marie fait forte impression aux Français, c'est une jolie jeune fille, saine et plutôt gracieuse, tandis que son époux, François, est maladif et chétif depuis l'enfance. La tenue de la jeune femme est en plus particulièrement riche.
    Après la cérémonie, la procession traverser les rues de Paris, jusqu'au Palais de Justice où se tient un grand banquet en l'honneur des jeunes mariés. Six galions parés de draps d'or traversèrent alors la salle de bal : chacun avait un prince masqué à son bord et ils embarquèrent six femmes de haut rang. C'est fait : Marie Stuart, reine d'Ecosse, est aussi devenue Dauphine de France. Elle est destinée, à plus ou moins long terme, à devenir aussi reine consort de France. Après le mariage, Marie et son époux habitèrent aux appartements royaux de Saint-Germain.
    Au mois de novembre 1558, Marie Tudor, devenue la reine Marie Ière, meurt. Son jeune frère Edouard VI est mort adolescent et sans descendance. C'est d'abord Jane Grey qui est montée sur le trône mais Marie Tudor la fait décapiter le 12 février 1554 et devient reine. Pour les catholiques, Marie Tudor est la dernière héritière d'Henry VIII. En effet, le divorce entre Henry VIII et Catherine d'Aragon, les parents de Marie, n'ayant jamais été reconnu, le mariage entre le roi Henry et Anne Boleyn est reconnu de fait, nul et non avenu. En ce cas, leur fille unique, Elizabeth, ne peut monter sur le trône puisqu'elle est considérée comme une enfant illégitime. Le trône anglais devrait donc revenir aux descendants de Marguerite d'Ecosse, la soeur d'Henry VIII. Marie Stuart est sa descendante directe. Son beau-père Henri II ordonne donc qu'elle soit proclamée, à Paris, reine d'Angleterre, d'Irlande et d'Ecosse. Avec son jeune époux François, elle prend les armes d'Angleterre. Le pape, bien que poussé par les agents français à reconnaître Marie, ne prend pas pour autant parti pour elle. Le souverain pontife ne désirait pas, effectivement, offenser Philippe II de Habsourg, veuf de Marie Ière et qui était bien déterminée à ne pas laisser l'Angleterre sous le contrôle de la France.
    Toutefois, Marie ne devient pas reine en Angleterre. C'est Elizabeth, la fille d'Henry VIII et Anne Boleyn, qui est couronnée reine, sous le nom d'Elizabeth Ière. La situation entre la France et l'Espagne change aussi. Leurs finances ne leur permettant pas plus de supporter des politiques impériales (dans lesquelles, notons-le bien, l'Angleterre et l'Ecosse ne sont que deux pions), les deux puissances font la paix. La France des Valois et l'Espagne de Habsbourg signent la paix du Cateau-Cambrésis au mois d'avril 1559. Pour sceller cette paix, Henri II donne en mariage sa fille Elisabeth à Philippe II. Le 30 juin, un tournoi est donné à Paris en l'honneur du mariage de la jeune princesse et de celui de sa tante, Marguerite de France avec le duc de Savoie. C'est lors de ce tournoi que le roi Henri II, pourtant mis en garde par son épouse, Catherine de Médicis, est blessé mortellement par Montgomery. Il meurt le 10 juillet suivant et sa mort emporte avec lui la politique française d'extension sur les îles britanniques.

    III. Une éphémère reine de France

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Le roi François II et la reine Marie

    A peine un an après ses noces, Marie devient reine de France, reléguant dans l'ombre Catherine de Médicis, qu'elle méprise. Conformément à la coutume, la nouvelle reine demande à Diane de Poitiers un inventaire des bijoux qu'elle avait pu recevoir du défunt roi et les récupère aussitôt.
    François II est de santé fragile depuis l'enfance et ne peut pas gouverner seul - il est soutenu en cela par son conseil de régence. Ainsi son couronnement, prévu le dimanche 17 septembre 1559 doit être reporté d'un jour à cause de la santé trop mauvaise du jeune roi.
    De ce fait, François II fut le seul roi de France à n'avoir pas été couronné un dimanche ou un jour serein. Écoutant les conseils de sa jeune épouse, qui a une influence certaine sur lui, François II, qui se sait incapable de gouverner correctement le royaume remet le pouvoir entre les mains des oncles de la reine : les Guises. Le roi indique au Parlement qu'il donne au duc de Guise le contrôle de l'armée tandis que le cardinal, lui, prend en charge l'administration du royaume et ses finances. En théorie, sa mère, Catherine de Médicis, devenue la reine-mère, doit toujours être consultée mais l'autorité est concentrée entre les mains des Guises, qui sont les véritables dirigeants du royaume.

    La situation est idéale pour eux mais il la savent fragile et précaire. En effet, ils connaissent parfaitement les ennuis de santé du roi et ces derniers ne peuvent pas permettre au jeune homme de vivre longtemps. Tous leurs espoirs se concentrent alors dans une hypothétique maternité de Marie, qui ferait d'eux les oncles de l'héritier. Mais son mariage avec François II restera stérile : il n'a peut-être même pas été consommé...Et puis, Marie est alors très anxieuse car la situation de sa mère en Ecosse l'inquiète. L'ambiance n'est donc pas du tout propice pour une possible grossesse, quand bien même le mariage ait été consommé. Pourtant, les dames d'honneur de Marie se mettent à colporter des rumeurs, que les Guises appuient : Marie finit par y adhérer, en adoptant notamment les vêtements amples et flottants que portaient les femmes enceintes...
    Mais, à la fin de septembre 1560, elle comprend qu'il n'en est rien. Deux mois plus tard, après une chasse du côté d'Orléans, le roi François II prend froid et se plaint de fortes douleurs à la tête. La santé déclinante du roi ne pouvait être rendue officielle à cause de la situation intérieure avec les huguenots et les Guises dissimulèrent l'état de santé alarmant du roi à la Cour mais aussi aux ambassadeurs. Cependant, la maladie du roi, d'abord concentrée dans l'oreille gauche, se généralise rapidement au cerveau, lui causant de fréquentes crises de délire. Les Guises font tout leur possible pour sauver le roi et li rendre la santé, leur propre succès étant lié à une grossesse de leur nièce. Sous l'influence du cardinal de Guise, des processions partent de toutes les églises de Paris et la Cour entière se met à prier pour le Salut du roi. Hélas, François II succombe de sa maladie, le 5 décembre 1560. Il a régné un peu plus d'un an et demi. Marie Stuart est veuve. La jeune femme cède la couronne au jeune Charles IX, son beau-frère âgé de dix ans. La mère de ce dernier, Catherine de Médicis, prend sa revanche sur sa trop sûre petite belle-fille puisque c'est elle qui administre le royaume en sous-main, le jeune roi étant trop jeune pour gouverner seul. Catherine demande l'inventaire des bijoux et Marie se retire pour mener le deuil selon la tradition. Elle doit en effet passer quarante jours dans une chambre noire, pour être sûre de ne pas être enceinte. Elle choisit celle de l'abbaye Saint-Pierre-les Dames dont sa tante, Renée de Lorraine, est abbesse. C'est aussi dans la région de la Champagne qu'elle reçoit en douaire la ville et seigneurie d'Epernay. L'ensemble des propriétés qui lui étaient octroyées par contrat de mariage lui rapportait 60 000 livres tournois par an, ce qui lui permettait de vivre tout à fait confortablement. Mais Marie et ses oncles poursuivent leurs ambitions...

    IV. Le retour vers l'Ecosse

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Une vision romantique du départ de Marie pour l'Ecosse : Marie Stuart quittant la France, par Edouard Hamman  (1863)

    A ce moment-là, l'Ecosse est divisée sur la question religieuse. Du fait des troubles religieux qui agitent la France et se transformeront ensuite en Guerres de Religion, il devenait pour les Guises de plus en plus difficile de secourir les partisans écossais de Marie. Selon les termes du traité d'Edimbourg signé par les représentants de Marie à la suite de la mort de sa mère, le 12 juin 1560, la France décide de retirer ses troupes d'Ecosses et de reconnaître les droits d'Elizabeth Tudor sur l'Angleterre. Marie, elle, refuse de ratifier le traité.
    Veuve, Marie n'a plus rien à faire en France et elle décide de rentrer en Ecosse, son pays, en 1561. Elle trouve un pays déchiré. Malgré son éducation, la jeune femme n'est pas préparée aux intrigues qui déchirent la Cour d'Ecosse à cette époque. La religion divise le peuple entre pro-catholiques et pro-protestants. Le propre demi-frère de Marie, Jacques Stuart, comte de Moray, est le meneur de la faction protestante. Marie, elle, est une catholique fervente et cela la fait passer pour suspecte aux yeux de bon nombre de ses sujets. Son goût pour la danse et pour la mode était particulièrement mal vu par les réformateurs protestants, à l'instar de John Knox, opposant fervent à la jeune reine. Marie déçut aussi les catholiques en ne prenant pas la tête du parti catholique...Par contre, elle se montre assez tolérante vis-à-vis des protestants. Elle garde auprès d'elle Jacques Stuart, son frère, qui devient l'un de ses plus proches conseillers. Elle réduisit encore un peu plus sa marche de manoeuvre et se posa en souveraine maladroite en alliant ses forces à celle de Moray pour anéantir le chef catholique Lord Huntly en 1562. De plus, l'année précédente, le fossé s'était encore creusé avec la reine d'Angleterre : Marie avait invité Elizabeth à lui rendre visite en Ecosse pour réchauffer leurs relations diplomatiques mais la souveraine britannique avait refusé.
    Le 29 juillet 1565, Marie surprend l'Ecosse en s'unissant, sans préavis, à Henry Stuart, lord Darnley, petit-neveu du roi Henry VIII et son propre cousin germain : la mère de lord Darnley, Margaret Douglas était la demi-soeur de Jacques V d'Ecosse. Ils avaient la même mère, Margaret Tudor, la reine d'Ecosse et soeur d'Henry VIII. Ce mariage surprise avec un meneur du clan catholique précipite Moray, son frère, dans le parti protestant en rébellion.
    Marie tombe enceinte rapidement mais Darnley change de comportement avec elle. Il devient arrongant, arguant que son titre droi lui donne le pouvoir. De plus, il était jaloux de la relation que la reine Marie entretenait avec David Rizzio, son secrétaire italien. En mars 1566, Darnley entre dans une conspiration secrète, ourdie par des seigneurs qui s'étaient déjà rebellés contre le pouvoir. Le 9 mars, Rizzio est assassiné alors qu'il était en conférence avec la reine, au palais de Holyrood. Cette action odieuse précipite la fin du mariage de Marie et de Darnley. Peu après l'assassinat de Rizzio, Darnley tourne casaque, se posant en rival de Marie. Il tente même, sans succès, de la faire avorter !

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Marie Stuart et son deuxième époux, lord Darnley : il sera le père de son fils, Jaques VI


    En juin 1566, quelques mois seulement après l'assassinat de Rizzio, Marie accouche d'un fils : ce sera le futur Jacques VI d'Ecosse et Jacques Ier en Angleterre puisqu'il montera sur le trône britannique après Elizabeth Ière qui en fait son héritier. La reine tombe aussi sous le charme de Jacques Herpburn, le quatrième comte de Bothwell. C'est d'ailleurs sous cette dénomination qu'il est le plus couramment connu. Très vite, Marie veut en faire son époux mais elle est encore marié à Darnley. C'est alors qu'un véritable complot est mis en place contre lui. Le roi consort est en plus déjà malade (peut-être souffre-t-il de syphilis) et Marie lui rend souvent visite, ce qui peut laisser croire qu'une réconciliation entre eux est possible. En février 1567, alors que Darnley est en convalescence dans une maison d'Edimbourg, celle-ci est l'objet d'un attentat : elle explose, littéralement et le corps de Darnley est retrouvé un peu plus tard dans le jardin. Il n'est pas mort dans l'explosion mais a probablement été étrangé. Cet évènement, qui aurait dû sauver Marie, n'a pas du tout l'effet escompté. Au contraire, la mort de Darnely salit encore un peu plus la reine, qui est tout de suite suspectée d'avoir voulu se débarrasser de son époux. Bothwell est considéré comme coupable et jugé mais un tribunal de complaisance va finir par l'acquitter. Peu après, il abuse de Marie et leurs noces scellent le destin de la reine, complètement perdue aux yeux de son peuple.
    Arrêtée par une confédération de nobles écossais, Marie est emprisonnée au château de Loch Leven, dès juin 1567. Entre le 18 et le 24 juillet, la reine, qui était enceinte, perd les enfants : elle était en effet enceinte de jumeaux. Le 24 juillet, elle abdique en faveur de son fils Jacques, âgé d'un an à peine. C'en est fini de Marie Stuart sur le trône écossais.

    V. L'évasion en Angleterre et le destin tragique qui se met en place

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    Marie a été une éphémère reine de France mais son souvenir perdure encore : ici, au Luxembourg, à Paris sa statue dans la série des Femmes Illustres

    Le 2 mai 1568, après dix mois de détention à Loch Leven, forteresse insulaire perdue au milieu d'un loch comme il y'en a tant en Ecosse, Marie s'évade. Elle lève par la suite une petite armée. Trois jours après sa défaite à la bataille de Langside, le 13 mai, elle s'enfuit d'Ecosse et passe en Angleterre, où elle est appréhendée et emprisonnée par les agents de la reine Elizabeth, à Carlisle, le 19 mai. Elle prononce alors cette phrase qui restera célèbre et lui survivra dans le temps : « En ma Fin gît mon Commencement », qu'elle brodera sur sa robe.
    Plutôt qu'un procès, Elizabeth ordonne tout d'abord une enquête : il s'agit de faire la lumière sur le meurtre mystérieux dont a été victime lord Darnley, qui est tout de même apparenté à la reine d'Angleterre. Cette dernière fait enfermer Maerie Stuart à York, d'octobre 1568 à janvier 1569. L'enquête est bien sûr de pure forme : la reine Elizabeth ne souhaite pas condamner celle qui est sa cousine pour meurtre, quant à Marie Stuart, elle ne reconnaît l'autorité d'aucune cour juridique. Il suffisait seulement, en fin de compte, de la garder hors d'Ecosse et de contrôler ses partisans.
    Le cas de Marie est examiné grâce à huit lettres, conservées dans un coffret et que la reine d'Ecosse avait écrites à Bothwell. Marie ne fut pas autorisée à prendre connaissance des lettres ni même à se défendre. Elle refuse aussi d'offrir une défense écrite à moins qu'un verdict de non culpabilité lui soit garanti. Elizabeth Ière refuse, comme on peut s'en douter.
    Bien qu'une analyse graphologique attribua les lettres à la main de Marie, le tribunal n'est pas en mesure de conclure à la culpabilité de la reine déchue. Malgré cela, Elizabeth se méfie de sa cousine. Elle n'a pas oublié que Marie revendique le trône d'Angleterre. C'est pourquoi elle l'assigne à résidence, en Angleterre, durant dix-huit ans, sous la garde de George Talbot, le comte de Shrewsbury et sa redoutable épouse, Bess d'Hardwick. Bothwell, lui, fut finalement emprisonné au Danemark, où il mourut fou et toujours en prison, en 1578.

    VI. La reine Marie précipite sa fin

    INTERMÈDE HISTOIRE LXVII

    L'Exécution de Marie Stuart par Alexandre-Denis Abel de Pujol (XIXème siècle)

    Marie Stuart est experte dans l'art du Chiffre. C'est-à-dire qu'elle savait parfaitement bien crypter un message. Les lettres codées qu'elle échangeait avec ses partisans dans sa prison sont interceptées puis déchiffrées par les services de la reine Elizabeth, qui fait surveiller sa cousine en permanence. Elles servirent de prétexte à la condamnation de l'ex-reine d'Ecosse.
    Le 8 février 1587, à dix heures du matin, Marie Stuart s'apprête à monter sur l'échafaud. Elle a été sacrifiée par sa cousine Elizabeth, qui avait jusque là beaucoup tergiversé. Il semble que la souveraine n'ait pas été sûre d'elle et elle avait repoussé et repoussé encore l'échéance. L'échange de lettres compromettantes de la reine avec ses partisans, avait fini par persuader la reine Tudor de passer à l'action.
    C'est au château de Fotheringhay que Marie va être exécutée, après avoir été suspectée d'une participation dans le complot d'Anthony Babington contre la reine Elizabeth. Elégante même aux ultimes moment de sa vie, Marie décide de porter une robe rouge -même s'il s'agirait plutôt d'une légende, la reine était représentée en robe noire sur bien des tableaux- et se déclare comme une martyre catholique. Son crucifix sera foulé au sol. Les témoignages confirment que son bourreau était ivre au moment de son exécution et qu'il lui fallut trois coups de hâche pour exécuter la sentence : le glaive, symbole de justice divine et couramment utilisé en France, lui avait été réfusé.
    Avant de s'agenouiller devant le billot, les servantes s'avancèrent pour déshabiller la souveraine. Comme le voulait la coutume, les bourreaux se précipitèrent pour récupérer les vêtements de la condamnée. C'est l'usage. La reine s'offusque, disant qu'elle ne s'était jamais déshabillée devant des hommes. Mais elle finit par se résigner, sans pour autant se dénuder totalement. Voyant sa détresse de se trouver ainsi exhibée aux yeux des hommes, une servante, la prenant en pitié, s'approcha d'elle et lui couvrit les yeux d'un foulard. Au troisième coup, la décollation fut effective, après que la hâche soit tombée la première fois sur l'occiput puis la seconde fois sur la nuque sans totalement trancher le coup de Marie Stuart. Le bourreau s'empara alors de la tête, pour la montrer à l'assistance. Mais il ne s'était pas rendu compte que la reine portait une perruque et celle-ci lui resta dans les mains alors que la tête roula au sol. Finalement, le bourreau la mit en exposition sur un balcon proche, où elle resta toute une journée à la vue du public.
    Marie Stuart avait émis la volonté d'être enterrée en France, à Reims précisément, auprès de sa mère, de son oncle le cardinal de Guise et de sa tante abbesse. Elle fut tout d'abord inhumée à la cathédrale de Peterborough puis son corps est exhumé en 1612 lorsque son fils, Jacques Ier d'Angleterre (Jacques VI) en Ecosse ordonne que le corps de sa mère soit enterré à l'abbaye de Westminster, à Londres. Elle repose à dix mètres d'Elizabeth, la reine qui la fit assassiner. Marie est l'ancêtre de tous les rois Stuart qui succédèrent à Elizabeth sur le trône britannique.

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus :

     -Marie Stuart, Stefan Zweig. Biographie.
    -Marie Stuart, reine de France et d'Ecosse, Antonia Fraser. Biographie.
    -Marie Stuart, la reine ardente, Isaure de Saint-Pierre. Biographie semi-romancée. 

     

     

     

     


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