• Kerfol et autres Histoires de Fantômes ; Edith Wharton

    « Mais qu'est-ce qui constitue un fantôme en dehors du fait qu'il se manifeste à quelqu'un ? »

    Kerfol et autres Histoires de Fantômes ; Edith Wharton

     

     

     

         Publié en 2011

      Editions Le Livre de Poche (collection Classiques) 

      256 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Kerfol, la « maison de la folle », en breton. Un ancien manoir isolé, hanté par une étrange meute de chiens, les fantômes du lieu, selon les paysans du coin.
    « Mais par son aspect, Kerfol suggérait quelque chose de plus : une perspective de souvenirs graves et cruels qui se perdait, comme ses propres avenues grises, pour se fondre dans l'obscurité. Assurément, nulle demeure n'avait aussi profondément et radicalement rompu avec le présent. »
    Publiés entre 1910 et 1930, les cinq récits qui composent ce recueil proposent une facette différente de la romancière américaine, celle que Henry James surnommait « l'ange de la dévastation ». Elle revisite les principaux thèmes fantastiques de sa plume élégante, redéfinissant les contours du roman noir à l'anglaise : ambiance feutrée, « pression de l'invisible », délicieuse angoisse qui s'inscrit dans l'architecture des lieux mêmes, jouant sur les secrets des anciennes demeures et les vieux démons intérieurs de ses personnages. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Avant de lire Kerfol, d'Edith Wharton je connaissais seulement de nom ses deux plus grands succès, ses romans certainement les plus connus : Chez les heureux du monde et Le temps de l'innocence, parus respectivement en 1905 et 1920. D'elle, je ne savais absolument rien et, au final, je ne connaissais que peu de choses de sa carrière, à l'exception de ses deux romans que je prévoyais de lire un jour (au moins Le temps de l'innocence).
    Edith Wharton est une auteure américaine de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Née dans une famille new-yorkaise aisée en 1862, elle visite l'Europe dans son enfance avant de s'y installer (elle meurt d'ailleurs en France, non loin de Paris, en 1937). Amie d'Henry James mais aussi de Marcel Proust ou encore d'André Gide, elle est connue pour avoir écrit essais, nouvelles, romans, poèmes et avoir produit des écrits autobiographiques, notamment une correspondance (The Letters of Edith Wharton, 1989, publié en français sous le titre Lettres, 1900-1915, publié en 2000 au Seuil).
    Kerfol et autres Histoires de Fantômes est un recueil contemporain qui contient cinq récits fantastiques publiés entre 1910 et 1930 : Kerfol, Les yeux, Ensorcelé, Le miroir et Après coup. Chaque nouvelle, d'une vingtaine ou d'une trentaine de pages nous emmène, au fil de la lecture de ce recueil, d'un univers à l'autre (ce peut être un vieux château breton ou une ancestrale demeure britannique, comme les espaces désolés et enneigés de la Nouvelle Angleterre) mais elles ont, bien évidemment, toutes un point commun : nous sommes sûrs de croiser, dans chacune d'elles, un ou plusieurs fantômes.
    Cette lecture était évidemment tout à fait propice pour la fin octobre et la période d'Halloween même si, au final, comme d'autres lecteurs, je n'ai pas forcément trouvé les fantômes whartoniens très effrayants. Frissonnants, peut-être, mais pas horrifiques et c'est finalement ce qui m'a plu. Je n'aime pas forcément être terrifiée en lisant mais j'aime les ambiances qui instaurent le malaise, qui serrent un peu la gorge et font battre le cœur un peu plus fort, sans forcément nous faire refermer le livre avant d'aller se terrer dans un trou de souris ! C'est pour ça que j'aime les auteurs classiques et leur vision du fantastique : ce n'est jamais horrible, ce n'est jamais dégueulasse, ça peut parfois faire peur mais ça ne terrorise pas. Et souvent, plus que le récit en lui-même, c'est la plume de l'auteur et sa manière de raconter qui instaurent le malaise, l'ambiance un peu noire, instable, qui fait retenir son souffle.
    Ces cinq nouvelles m'ont beaucoup plu, chacune à leur manière. Moi qui suis assez réfractaire en général aux récits fantastiques, je me suis laissée emporter sans me poser de questions et j'ai adoré tourner les pages de ce petit recueil. Finalement, j'ai eu l'impression qu'Edith Wharton convoquait, plus que des peurs vraiment personnelles, des peurs ancestrales, innées, propres à chaque être humain : le fantôme reste un personnage fascinant et effrayant pour bon nombre d'entre nous. Et elle n'a pas besoin d'en rajouter pour nous faire sentir prenante de son récit, pour nous donner envie d'aller plus avant. Ses fantômes se suffisent à eux-mêmes et, comme ses personnages, on n'est finalement à deux doigts de les sentir tous proches, à quelques centimètres de nous. Loin de l'image du fantôme traînant son drap blanc et son boulet dans les couloirs austères et humides d'une vieille demeure en Ecosse, les fantômes de ce recueil sont si impalpables, finalement si peu décrits qu'on peut leur donner chacun une image particulière et y cristalliser nos propres craintes. Ainsi, peut-être trouverez-vous plus effrayant le fantôme de Kerfol alors que, en ce qui me concerne, c'est plutôt celui des Yeux qui m'a mise mal à l'aise ! Les fantômes d'Edith Wharton ne sont pas de gentils fantômes pour autant et nul doute que, lorsque la pleine lune se lèvera et que les bougies de Samhain s'allumeront une à une, vous sentirez votre cœur battre un peu plus fort et vous regarderez plus souvent derrière votre épaule...
    Ces cinq histoires de fantômes ne sont pas anecdotiques dans l'oeuvre de Wharton, américaine élevée pourtant de manière très cartésienne : parce que les Etats-Unis sont une nation neuve, ils ne cultivent pas comme la vieille Europe les souvenirs de milliers de fantômes enfouis dans de vieilles abbayes et de vieux châteaux. Le gothique et le roman noir américains n'ont donc rien à voir, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, avec les productions européennes que l'on peut, pour certaines, faire remonter beaucoup plus tôt (c'est le cas des romans de Matthew Lewis ou encore Ann Radcliffe, considérés comme les maîtres du genre et qui inspireront les auteurs du siècle suivant, comme Mary Shelley ou encore, Edgar Allan Poe ou Bram Stoker...), même s'ils s'en inspirent évidemment. Wharton, comme son grand ami Henry James, auteur du fameux Tour d’Écrou, seront donc les tenants d'un genre nouveau qui s'enracinera pourtant dans la tradition du roman gothique européen et surtout, anglais (qui inspirera pléthore d'auteurs, à commencer par les très célèbres sœurs Brontë que Wharton avait, dans sa jeunesse, interdiction de lire !). Le gothique américain est un héritier de l'européen : il prétend en descendre mais s'en émancipe aussi, d'une certaine manière.
    C'est toutefois avec autant de sérieux que pour ses autres écrits que Wharton s’attellera à rédiger ses histoires de fantômes, ce qui peut donc nous les faire élever au même rang que ses œuvres les plus connues. Si on le sentiment que certains auteurs ont écrit du fantastique parce que c'était à la mode, ce n'est pas l'impression que l'on a en lisant ce recueil, bien au contraire. Kerfol et autres Histoires de Fantômes mérite d'être lu, ne serait-ce que pour la qualité et la variété de la langue. Une lecture bien sympathique et que je recommande si vous aimez le fantastique du XIXème siècle où les lectures de saison : voilà un livre de circonstance au mois d'octobre, quand les esprits se réveillent doucement.... 

    Edith Wharton en 1907, quelques années avant la rédaction de ses premières nouvelles fantastiques....

    En Bref :

    Les + : la langue variée et protéiforme, qui s'adapte aux circonstances, ambiances et personnages mis en scène dans les cinq nouvelles, l'ambiance bien travaillée et subtile, qui fait un peu battre le cœur et retenir son souffle sans pour autant nous terrifier... 
    Les - :
    la préface, très intéressante pour en savoir un peu plus sur Edith Wharton si on ne la connaît pas mais qui en dit malheureusement un peu trop sur le contenu du recueil, enlevant du même coup un peu de surprise à la découverte.

     


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