• L'Amie Prodigieuse, tome 1 ; Elena Ferrante

    « Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours. »

    L'Amie Prodigieuse, tome 1 ; Elena Ferrante

     

    Publié en 2011 en Italie ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : L'Amica Geniale

    Editions Folio 

    430 pages 

    Premier tome de la saga L'Amie Prodigieuse

     

    Résumé : 

    « Je ne suis pas nostalgique de notre enfance : elle était pleine de violence. C'était la vie, un point c'est tout : et nous grandissions avec l'obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile. »
    Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de Naples à la fin des années cinquante. Bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise. Lila abandonne l'école pour travaille dans l'échoppe de cordonnier de son père. Elena, soutenue par son institutrice, ira au collège puis au lycée. Les chemins des deux amies se croisent et s'éloignent, avec pour toile de fond une Naples sombre, en ébullition.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Avec L'Amie Prodigieuse, Elena Ferrante inaugure sa monumentale saga qui nous promène dans la Naples des années 1950 aux années 1980.
    Dans ce premier roman nous faisons la connaissance de celles qui vont devenir les héroïnes de cette saga, Elena Greco et Rafaella Cerullo, surnommées respectivement Lenù et Lila. Toutes deux issues des quartiers modestes de Naples, elles ont une dizaine d'années au milieu des années 1950 et vivent leur enfance dans une Italie d'après guerre, affaiblie par le fascisme. Toutes deux vivent dans des quartiers populaires, où la seule chance de s'en sortir est de réussir à l'école et surtout, d'avoir les moyens de poursuivre ses études, ce qui n'est pas une priorité pour les familles, parce que cela coûte cher.
    Lila et Lenù ont sept ou huit ans lorsqu'elles deviennent amies. Elles sont très différentes l'une de l'autre et pourtant, c'est un lien très fort qui va se tisser entre elles, au-delà du jeu et de l'attirance enfantine. Ce lien, plus ou moins distendu, va perdurer à l'adolescence et puis plus tard...
    Si L'Amie Prodigieuse est le portrait d'une époque et d'une région, c'est aussi le récit et l'analyse d'une longue amitié qui se transforme au fil des ans mais sans jamais disparaître et en unissant de plus en plus fort ces deux enfants qui deviennent des jeunes filles puis des femmes.
    Cette énorme saga d'Elena Ferrante dont on ne sait quasiment rien, est un phénomène littéraire depuis quelques années maintenant et on voit ses romans partout. Le mystère que l'auteure cultive autour de sa personne est évidemment intrigant et éveille la curiosité mais, pour ma part, c'est surtout le cadre et le contexte du livre qui m'ont incitée à le lire. Et le fait de le voir partout, aussi, et les critiques élogieuses voire dithyrambiques même si je me méfie un peu des romans phénomènes et à l'immense succès parce que ça m'est arrivé d'être déçue alors maintenant j'y regarde souvent à deux fois !
    Mais qu'est-ce que j'ai bien fait de lire ce roman ! Ça fait plus d'un an et demi que j'en diffère la lecture tout en étant malgré tout très curieuse. Et puis voilà que la curiosité a été plus forte et j'ai enfin sorti ce roman de ma PAL et franchement je ne regrette pas.
    L'Amie Prodigieuse n'est pas un coup de cœur comme cette lecture a pu l'être pour d'autres, mais ce n'est pas grave. Je n'ai pas été déçue de ne pas le ressentir parce que j'ai su que, dès les premières pages, je n'en aurais pas mais que j'allais malgré cela énormément aimer cette lecture et surtout le style de l'auteure.

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    Ludovica Nasti et Elisa del Genio interpètent Lila et Lenù dans l'adaptation du roman

    Sans avoir jamais mis les pieds en Italie, j'ai visualisé immédiatement les lieux, ces quartiers modestes de la Naples des années 50, où les familles trop grandes s'entassent dans de petits logements sombres, où les enfants jouent dans les rues pleines de poussière et saturées de soleil. Il y fait trop chaud, on y crie trop fort, les draps sèchent entre les façades, les femmes se battent aussi sûrement que les hommes, souvent à coup de mots acerbes, les grands frères y sont parfois trop protecteurs, et, toujours présente comme un nuage à l'horizon, impalpable mais bien là, la petite mafia des quartiers qui régit l'existence des habitants par le biais de telle ou telle famille reconnue tacitement et respectée pour ce pouvoir, la criminalité...
    Et puis il y'a l'école. L'école qui, à cette époque, est l'ascenseur social par excellence, l'endroit où on peut devenir quelqu'un ou quelque chose. On y parle l'italien au lieu du dialecte napolitain pratiqué dans les rues ou à la maison avec les parents. On y découvre là lecture, l'écriture, on grimpe des échelons et on accède aux niveaux supérieurs. Ou pas. Dans le couple formé par Lila et Lenù l'une ira à l'école, ira jusqu'au lycée tandis que l'autre s'arrêtera encore cours de route, devenant une femme et une épouse avant l'heure sans que, toutefois, les deux jeunes filles ne cessent de s'envier mutuellement pour ce que l'autre a.
    Récit d'apprentissage, L'Amie Prodigieuse dépeint ce qui, un jour, sera le lot de tous : jouer, nouer les premières amitiés, grandir, avancer avec tout ce que cela implique comme choix et décisions à prendre, avec son lot de bonheurs et de désillusions. Lila et Lenù sont deux petites filles en passe de devenir des femmes à une époque pas évidente, économiquement et socialement : il est difficile de réussir et la pauvreté est bien présente à Naples à l'aube des années 60. Socialement, l'Italie est encore à l'époque un pays patriarcal, où l'autorité paternelle et masculine est particulièrement importante et où les jeunes filles sont assujetties au pouvoir de leur père, leurs frères avant de l'être à leurs époux.
    Lila et Lenù sont attachantes toutes les deux, très différentes l'une de l'autre mais pareillement intéressantes : l'une est une meneuse, qui fonce et entraîne tandis que l'autre est plus posée et réfléchie et finalement on se rend compte que chacune envie l'autre pour ce qu'elle-même n'a pas sans pouvoir malgré tout se passer l'une de l'autre.
    Premiers émois amoureux, choix, désillusions, espoirs, apprentissages sont passés au crible et analysés avec finesse et empathie par l'auteure. Elena Ferrante écrit très bien, avec un style tantôt neutre tantôt passionné qui décrit avec beaucoup de dynamisme une époque et un mode de vie. Cette Italie du Sud pleine de couleurs, où le plus beau côtoie le plus sale, vit sous nos yeux.
    Très honnêtement, je ne pensais pas aimer autant ce roman mais j'ai passé un excellent moment et j'ai pris un grand plaisir à découvrir les mots finement choisis d'Elena Ferrante.
    Maintenant je n'ai qu'une envie : c'est me procurer les tomes suivants et connaître enfin la suite. Après m'être autant sentie partie prenante de la vie de ces deux jeunes filles qui ont grandi et évolué sous mes yeux j'ai bien évidement envie de savoir ce qui va leur arriver et découvrir leur destin de femme après les avoir suivies enfant puis adolescentes.

    En Bref :

    Les + : une belle histoire, touchante et poignante sans être pathétique. C'est une description fine d'une époque, d'une ville et l'amitié des deux héroïnes est si jolie malgré des hauts et des bas.
    Les - :
    Aucun point négatif à soulever, en ce qui me concerne.


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 8 Septembre 2019 à 10:56
    Les mots de Mahault

    Je l'ai terminé hier, et mon ressenti est assez identique au tien ! Ça n'a pas été un coup de cœur non plus, mais mine de rien, on se laisse emmener auprès d'Elena et de son histoire sans s'en rendre compte. Là où l'autrice est très forte, c'est qu'elle ancre son roman dans un univers bien précis, mais les thématiques sont tellement universelles qu'on y trouve tous, à la lecture, une part de nous-même. 

    J'ai hâte de lire le tome 2 pour confirmer cette impression. 

      • Dimanche 8 Septembre 2019 à 12:45

        C'est exactement ça... Elena Ferrante est vraiment très forte... Parfois, j'ai eu la sensation très présente de lire des mémoires, une autobiographie : je ne sais pas si la Lenù du roman est Elena Ferrante elle-même, cette auteure est tellement mystérieuse qu'on peut finalement imaginer plein de choses la concernant. Et je ne serais pas surprise si, effectivement, elle avait convoqué ses propres souvenirs pour écrire cette saga...peut-être que je me trompe totalement mais c'est mon ressenti. 

        Ce que j'ai aimé dans ce roman, finalement, c'est qu'il est effectivement très ancré dans une époque et un contexte mais en même temps, les préoccupations de Lenù et Lila sont celles de tous les adolescents et ne sont pas très étrangères aux nôtres, soixante ans plus tard. C'est ça qui fait la grande force du roman, pour moi, c'est qu'il peut parler à tout le monde, faire écho en chacun de nous et nous permet en même temps de plonger dans un moment donné de l'histoire italienne et c'est vraiment très intéressant, d'un point de vue social. Bref, j'ai très envie de continuer cette saga et d'ailleurs, juste après avoir terminé L'Amie Prodigieuse, j'ai acheté les trois autres tomes d'un coup ! happy

    2
    Jeudi 12 Août 2021 à 13:59

    Une belle découverte pour moi aussi. Ce fut une lecture incroyablement riche, à la fois universelle et particulière. Je me suis attachée aux personnages d'Elena et Lila mais aussi à tout ce quartier de Naples haut en couleurs. Je suis friande de ces petites histoires dans la Grande histoire, j'ai l'impression d'être témoin d'un quotidien révolu, mais avec des préoccupations qui ne sont finalement pas si éloignées des nôtres. Une lecture dépaysante, particulièrement adaptée à la saison estivale, alors que les voyages physiques deviennent de plus en plus compliqués. J'ai hâte de me plonger dans les prochains tomes et de découvrir l'adaptation en série. L'as-tu vue ?

    Une bel été à toi, et une nouvelle fois merci pour cette chronique très complète.

      • Vendredi 13 Août 2021 à 10:38

        Tout pareil pour moi ! J'aime beaucoup ces romans qui mettent en avant les " anonymes ", auxquels on peut finalement s'identifier facilement. Les rois, les reines, les grands de ce monde, ça va bien cinq minutes... bien sûr que c'est intéressant mais j'aime aussi ces personnages peut-être moins importants de prime abord mais qui ont malgré tout toute leur place dans la littérature. Et Lila et Lenù sont vraiment très attachantes, je les ai beaucoup aimées dans ce premier tome, on les voit grandir, changer, évoluer... j'ai beaucoup aimé découvrir aussi le Naples d'après-guerre et de voir que vingt ans plus tard, bien des plaies ne sont pas cicatrisées et des traumatismes subsistent encore. Cette Italie des années 1950/1960 haute en couleurs comme tu le dis (et en senteurs) a quelque chose de très attirant. 

        L'été dernier j'ai lu le deuxième tome : Lila et Lenù ont grandi, elles sont adultes désormais et ont pris des voies différentes... c'est aussi une belle réflexion sur les choix, sur l'amitié, sur les souvenirs...et je prévois maintenant de lire le tome 3 ce mois-ci ou début septembre... je suis presque déjà nostalgique de quitter Lila et Lenù alors qu'il me reste encore deux tomes avant la fin de la saga... happy je suis partagée entre l'envie d'en connaître enfin le dénouement et, en même temps, je veux faire durer le plaisir. 

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