• L'Enfant des Lumières ; Françoise Chandernagor

    « Il faut changer la loi ou changer d'élites. Parfois, sur son élan, le peuple change les deux... »

    L'Enfant des Lumières ; Françoise Chandernagor

    Publié en 2007

    Editions Folio

    690 pages

    Résumé :

    Ruiné par des affairistes sans scrupules, le comte de Breyves s'est donné la mort : au XVIIIe siècle, pire qu'un malheur, un scandale.
    Veuve à trente ans, sans appuis, sans fortune, sa femme fuit Paris et la Cour pour se réfugier dans une campagne éloignée avec son fils Alexis, âgé de sept ans. Désormais, elle va consacrer sa vie à cet enfant. Avec une idée fixe : le rendre invulnérable. D'Alexis, si gai et charmeur, Madame de Breyves veut faire un homme apte à tous les combats, toutes les ruses.
    Ce grand roman d'amour -celui d'une mère pour son fils- se situe à la fin du siècle des Lumières, à la veille de la Révolution. Mais les questions qu'il pose sont aussi celles d'aujourd'hui : pour affronter un monde de plus en plus dur, faut-il endurcir nos enfants ? Quelles valeurs transmettre encore, quand autour de nos la société se défait ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A la fin du règne de Louis XV, madame de Breyves veuve. Ca n'est pas la première, ça ne sera pas non plus la dernière femme à avoir la douleur de perdre son mari. Mais à la peine -incongrue, à une époque où l'on se targue de ne s'attacher à rien- s'ajoute en plus la honte : monsieur de Breyves n'est pas tranquillement mort dans son lit mais s'est suicidé. Et même si l'époque est au progrès, sous l'influence des philosophes des Lumières, on en reste pas moins dépendant des croyances ancestrales et, parmi elles, l'idée que le suicide est la mort la plus ignominieuse. Qui plus est, histoire de fignoler le tableau, monsieur de Breyves, avant de mourir, s'est ruiné et laisse donc dans l'indigence son épouse et son fils, Alexis. Madame de Breyves doit quitter Paris pour la province. Là, entre Berry et Marche, dans la maison de son grand-père, elle élèvera celui qui lui reste, Alexis, le nouveau comte de Breyves, celui auquel elle se raccroche jusque au bout, en l'aimant immodérément pour compenser la perte d'un mari trop admiré.
    L'Enfant des Lumières est un roman d'amour atypique. Et, même s'il unit un homme et une femme, il a surtout pour héros une mère et son fils. Un couple que l'on n'a pas l'habitude de voir dans les romans d'amour, il est vrai, mais qui fonctionne. Car si l'amour peut être passionnel et destructeur, il faut bien avouer que l'amour filial peut l'être tout particulièrement. Madame de Breyves devient une Andromaque moderne, prête à tout pour préserver l'héritage de son Hector disparu : leur fils. Leur fils qui doit devenir, en grandissant, la main armée de la vengeance de la mère contre ceux qui ont tué le père. Et les agioteurs, les banquiers, les créanciers du comte de Breyves deviennent les Grecs, les ennemis irrémédiables, ceux que madame de Breyves doit abattre, pour espérer moins souffrir et donner la paix à l'âme d'un mari mort violemment.
    Passionnel, l'amour de madame de Breyves pour son fils l'est pendant l'enfance de ce dernier. Alexis a oublié de naître imbécile et se voit doté d'une intelligence rouée, un peu sournoise, mais exceptionnelle malgré tout. Et s'il se montre rétif aux enseignements, madame de Breyves comprend rapidement qu'elle va aussi pouvoir l'utiliser, en faire son ange vengeur...et l'amour maternel devient alors destructeur, intéressé, néfaste, pour elle comme pour l'enfant. Car l'amour que lui voue sa mère est aussi le fardeau du jeune Alexis, qui grandit et aime la vie, tandis que sa mère, en vieillissant, s'aigrit de plus en plus sous les épreuves, remâchant une vengeance qui, croit-elle, la délivrera alors qu'elle ne fait que l'engluer encore plus dans un passé définitivement révolu et que les bouleversements qui menacent se chargeront d'enterrer définitivement. Et ce qu'elle exige tacitement de lui devient une chaîne trop lourde à porter pour un jeune homme à qui le combat de sa mère est étranger...certes, monsieur de Breyves était son père, mais il ne l'a que peu connu et ne ressent donc pas le besoin, comme sa mère, de venger ce père qui lui est étranger. Alors la déchirure sera inévitable, et si elle achève de plonger madame de Breyves dans la douleur -même si c'est elle qui provoque l'éloignement-, elle sera aussi pour Alexis, une libération : car le drame de l'enfant est d'aimer trop passionnément une mère qui est son alter ego, son double, sa moitié et sans laquelle -du moins le croit-il-, il ne peut vivre. Et le délitement de la passion qui a uni pendant si longtemps madame de Breyves à son fils se déroule en parallèle d'une autre décrépitude : celle du XVIIIème siècle et de l'Ancien Régime, jusqu'au grand soulèvement de 1789.
    Situé à une époque riche d'événements et de personnages, tous complexes et dotés d'une psychologie intéressante -qu'ils soient personnages historiques ou fictifs, d'ailleurs-, L'Enfant des Lumières n'en est pas moins un roman très contemporain et universel. En cela, on peut le rapprocher de La Chambre, un autre roman de Françoise Chandernagor, dans laquelle elle raconte la captivité du petit Louis XVII au Temple, à travers le prisme de considérations humaines, empathiques et universelles...c'est aussi le cas dans ce roman, qui nous fait arriver à la conclusion que, finalement, nous ne somme ni plus ni moins que nos ancêtres et que, si les sociétés et les mentalités changent, il n'en est rien de l'essence fondamentalement humaine qui, elle, reste la même : les réflexions, les sentiments, les inclinations du cœur ne changent pas. Tout passe, tout casse, peut-être, sauf ce qui fait de nous des êtres humains. Ce roman pourrait être transposé à n'importe quelle époque, il marcherait. C'est une ode vibrante à la maternité, un hommage aux mères qui font tout ce qu'elles peuvent, même si, au final, elles sont jugées quoi qu'il en soit et cataloguées comme bonnes ou mauvaises mères. C'est cela aussi que nous démontre l'auteure dans son roman : il n'y a pas vraiment ni de bonnes mères ni de mauvaises...chacune fait comme elle peut et peut un jour basculer dans l'un ou l'autre camp ou se tromper, malgré toute sa bonne volonté. Madame de Breyves devient une mauvaise mère par obligation, pour que son fils vive enfin sa vie en cessant de chercher sans arrêt l'approbation ou l'admiration de sa mère, mais en même temps, elle est déchirée de faire ce choix. Etre une mère, c'est complexe, c'est dur, parfois on fait des choix malheureux qui paraissent pourtant, sur le moment, les meilleurs, mais être une mère, c'est beau aussi, quoi qu'il en soit, quoi qu'il advienne...c'est aussi cela le message de Françoise Chandernagor...et son héroïne personnifie bien cela : l'ambivalence de la mère, sa volonté de donner à ses enfants toutes les armes pour affronter le monde, en les bousculant un peu parfois, mais aussi le don de soi qui caractérise la mère, l'attachement viscéral et instinctif qui la ferait mourir pour son enfant...Madame de Breyves est en quelque chose notre mère à tous ou celle que l'on aurait pu souhaiter avoir, même avec ses défauts ou peut-être devrait-on dire, avec ses défauts parce que sans cela, elle ne serait pas humaine et ne serait pas douée d'amour non plus...
    Ce roman est une vraie perle. Roman historique parfait, chronique de mœurs irréprochable, réflexion juste sur l'humain, L'Enfant des Lumières est un ouvrage sublime, que j'ai pris grand plaisir à lire, lentement, pour m'en imprégner délicatement et laisser les mots faire leur chemin. Non seulement le style de Françoise Chandernagor est magnifique, mais son propos ne peut laisser indifférent. Ce roman touche, cela ne peut être autrement et il est servi par un style qui le sublime totalement : les mots deviennent un plaisir et L'Enfant des Lumières est ce genre de livres dont on tourne les pages lentement et qu'on lit à mi-voix, pour donner encore plus de vibrant aux mots et aux phrases. Le roman se déroule sous nos yeux comme un beau tapis, on s'y love, on s'y plonge et on devient personnage à part entière de cette histoire.
    Une très belle expérience, que je vous conseille, si vous aimez les réflexions quelque peu philosophiques et le XVIIIème siècle.

    En Bref :

    Les + : un beau roman, historique et philosophique, qui fait réfléchir.
    Les - :
    Aucun !

     

     

     

    Coup de cœur 

     

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 9 Mai 2016 à 21:50

    Ton coup de coeur est communicatif :)

      • Mardi 10 Mai 2016 à 11:29

        Je te le conseille vraiment ! ! cool Ce roman n'avait pas recueilli que de bonnes critiques mais personnellement, j'ai toujours adoré le style de Françoise Chandernagor donc j'ai vraiment été séduite par ce roman !

        Et comme je sais que tu es une fan, comme moi, du XVIIIème siècle, je ne peux que t'inciter à le découvrir ! wink2

      • Jeudi 12 Mai 2016 à 22:15

        Je le note alors précieusement.

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