• L’Énigme de la Vénus de Milo ; Constantin Mourousy

    « Chaque année, ce sont plusieurs millions de visiteurs qui se pressent autour d'elle et la dévisagent. Comme en pèlerinage, ils se recueillent devant cette femme dans laquelle s'entremêlent tous les versants de la grâce. »

    L’Énigme de la Vénus de Milo ; Constantin Mourousy

     

     

     

     Publié en 2020

     Editions de l'Archipel

     224 pages 

     

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Sa beauté n'a d'égale que son mystère. La Vénus de Milo est, avec la Joconde, une des œuvres majeures du musée du Louvre. Elle fut sculptée dans le marbre par une main inconnue à l'apogée de la période hellénistique (IIe siècle avant J-C) et aurait été privée de ses bras lors d'un combat naval digne des meilleurs récits d'aventures.

    Ce livre raconte une épopée. Une traversée des mers qui conduisit le chef-d'oeuvre de l'île de Milo jusqu'à la France, au moment où la nation grecque allait s'arracher au joug ottoman, en 1820.

    Bouleversant, le destin de ceux qui ont assisté à sa découverte, la Vénus en fera passer certains à la postérité, tandis que d'autres périront en martyrs. Autour d'elle, ils sont une dizaine à croiser le fer : un pâtre grec, le vice-consul de France à Milo, un élève officier de marine, le célèbre enseigne de vaisseau Dumont d'Urville, l'ambassadeur de France à Constantinople et le grand drogman de l'Arsenal, ancêtre de l'auteur.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Chaque année, la Vénus de Milo est vue, admirée, photographiée par des milliers de visiteurs au musée du Louvre. Avec La Joconde, elle est devenue l'une des œuvres majeures du musée parisien. Mais sait-on bien qui elle est, cette Vénus de Milo, si familière avec son buste sans bras et son regard qui ne nous regarde pas ?
    Constantin Mourousy, apparenté à une famille grecque qui donna au XIXème siècle plusieurs dignitaires à l'Empire ottoman, se propose de retracer dans ce livre la fabuleuse épopée d'une statue découverte en 1820 sur la petite île de Milo dans les Cyclades, de ceux qui l'ont approchée ou qui l'ont ardemment désirée, comme son ancêtre Nicolas Mourouzi, grand drogman de l'Arsenal.
    En ce début de XIXème siècle, alors que l'Europe est encore toute secouée de l'aventure napoléonienne et que la Restauration, en France, est encore récente, la Grèce, berceau de notre civilisation occidentale n'est plus qu'une région parmi d'autres d'un géant, l'Empire ottoman, maître de la région depuis 1453. Une région où se mêlent diverses influences et où la sphère turco-musulmane et orientale se mêle à celle, chrétienne, de l'Occident. Les grandes familles grecques ont fini, sans pour autant abandonner leur religion et leur passé, par s'acculturer doucement, faisant partie intégrante de l'Empire turc sans pour autant renier leurs racines. Quand la Vénus de Milo est découverte, à la faveur du coup de bêche d'un berger qui met au jour une excavation au fond de laquelle on découvre une statue endormie là depuis des siècles, la Grèce n'est plus qu'une immense poudrière qui n'attend plus que le signal pour sauter : les années 1820 sont marquées par un violent conflit qui aboutira à l'indépendance du pays et que Delacroix a immortalisé dans des toiles percutantes comme La Grèce sur les ruines de Missolonghi ou encore Scènes des massacres de Scio.
    Autour de la Vénus nouvellement exhumée va aussi se jouer un autre combat, celui des grandes puissances européennes présentes en Méditerranée (Français, Britanniques, Hollandais) et des Grecs qui vont se servir de cette découverte comme d'un étendard propre à revendiquer leur liberté et leur indépendance. La Vénus va aussi changer le cours du destin de bien des personnes, à commencer par le pâtre grec qui la met au jour... Elle va devenir l'obsession du vicomte de Marcellus, diplomate français en Orient, qui ne reculera devant rien pour la ramener en France. Elle sera celle aussi d'Olivier Voutier, jeune officier de marine qui revendiquera toujours comme sienne la découverte de la Vénus et reviendra, pendant la guerre d'indépendance, se battre aux côtés du peuple grec. Enfin, la Vénus assoit la célébrité d'un capitaine de vaisseau et explorateur français, Jules Dumont d'Urville, qui signale le premier à l'ambassadeur français à Constantinople la découverte de cette Vénus et son intuition qu'elle est d'un inestimable prix.
    Cette Vénus qui déchaîne les passions dès sa découverte est et reste pourtant bien mystérieuse : encore aujourd'hui, nous ne savons pas qui elle est exactement. Appelée Vénus, nous n'avons pas pour certitude qu'elle est bien une représentation de la déesse de l'Amour, Aphrodite. L'absence de ses bras et donc d'un attribut qu'elle aurait pu tenir dans une main et nous renseigner sur son identité nous plonge irrémédiablement dans le doute et l'incertitude. La main trouvée près d'elle et tenant entre ses doigts une paume lui appartient-elle ? Peut-on imaginer qu'elle tenait un trident, ce qui ferait alors de la Vénus Amphitrite, l'épouse de Poséidon ? Ou un arc, la transformant alors en Artémis, déesse de la chasse ? Enfin, est-elle originaire de Milo, où on l'a trouvée mais dont on ignore l'Histoire ? Ou bien a-t-elle emmenée sur cette île de l'endroit où elle avait été ciselée par son sculpteur ?
    Toujours est-elle que cette oeuvre, aujourd'hui comme hier, laisse pantois ceux qui l'approchent, par sa beauté, sa perfection, sa merveilleuse conservation malgré quelques mutilations. Le corps semble mobile, le buste incliné, déhanché dans un subtil mouvement du bassin entouré d'une draperie qui cache l'intimité et tombe jusqu'aux pieds qu'il recouvre, la poitrine haute et fière. Le visage est finement détaillé, le grain de peau restitué dans le marbre par le ciseau de l'artiste, les cheveux artistement attachés en chignon sur la nuque. Devant cette oeuvre que les experts ont daté du IIème siècle av. J-C (entre 150 et 130 av. JC sans plus de certitudes), on se fige devant l'évidente maîtrise du sculpteur (à qui peut-on attribuer sa paternité ? Praxitèle ? Phidias ?) et celle d'une civilisation toute entière. Au-delà de l'oeuvre seule, on est saisi d'un respect quasiment religieux pour cette civilisation grecque à qui l'on doit tout et qui a tout inventé : la musique, la sculpture, l'Histoire, les mathématiques...en un mot, les Sciences et les Arts. Berceau de la civilisation occidentale, bien plus que Rome, la Grèce antique se révèle au monde dans sa plus brillante manifestation au moment où sa lointaine descendante, affaiblie depuis le XVème siècle par le joug ottoman, secoue les chaînes de son esclavage.

     

    La Vénus au musée du Louvre 


    La Vénus sera aussi l'objet de débats passionnés, après son arrivée en France, des débats parfois d'une grande modernité ou, du moins, qui n'ont jamais cessé d'être actuels : doit-elle la restaurer et lui redonner des bras au risque de commettre un contresens, sachant que l'on a pas tous les éléments en main ? Enfin, où commence et où s'arrête la notion de propriété universelle et de trésor mondial ? Une oeuvre d'une telle ampleur et que l'on peut considérer comme un patrimoine commun doit-elle rester dans sa patrie d'origine ou pas ? Enfin, l'auteur s'interroge : s'il est clair que les tractations menées par la France pour acquérir la Vénus n'ont peut-être pas toujours été très fair play, ne vaut-il pas mieux qu'elle soit aujourd'hui exposée à la vue de visiteurs du monde entier plutôt que soustraite au monde en prenant la poussière dans une collection privée ? Que serait-il arrivé à la statue si l'ancêtre de Constantin Mourousy, Nicolas Mourouzi, qui ne survivra pas à la révolution grecque, l'avait achetée comme il le souhaitait au moment de sa découverte et avant d'être doublé par son ami le vicomte de Marcellus ? Les soldats ottomans l'auraient-ils préservée ou au contraire brisée ou jetée dans le Bosphore ? Où serait-elle aujourd'hui ?
    Ecrire la biographie d'une statue est une idée originale mais qui fonctionne : en acceptant toutes les lacunes, bien sûr, qui entoure son objet d'études, Constantin Mourousy en retrace au mieux l'épopée au fil des siècles. Cette Vénus a eu un destin extraordinaire. Personnellement, je suis plus touchée par la peinture que par la sculpture que je ne peux m'empêcher de trouver froide et figée. Pour autant, cette oeuvre qui a traversé les siècles jusqu'à nous fascine, parce qu'elle est le témoin extraordinairement préservé d'une époque très lointaine mais qui, à sa manière, a jeté les bases de la nôtre. Et ce n'est pas rien.
    La Vénus de Milo, comme la Vénus d'Île de Prosper Mérimée, a obsédé et magnétisé ses inventeurs mais au contraire de la diabolique statue de Mérimée, elle a exalté leurs destins. Elle a marqué aussi durablement le destin de la famille de l'auteur, Constantin Mourousy qui profite aussi de ce livre pour retracer le destin de certains de ses ancêtres du XIXème siècle.
    Si le livre, pour cette raison, ne m'est pas apparu d'un abord facile, très vite je me suis sentie captivée par l'épopée de cette Vénus qui, en quelques mois, quitte sa petite île où elle dormait depuis plus de mille ans pour être soumise aux regards des plus grands de ce monde, à commencer par le roi de France Louis XVIII, qui, en prenant la décision de trancher dans les débats des conservateurs et restaurateurs du Louvre en refusant que la Vénus soit restituée dans son entièreté mais laissée mutilée pour toujours, dans l'état où elle fut trouvée, fait preuve d'une grande clairvoyance et d'une vision presque moderne du patrimoine que l'on aimait alors réinterpréter (les restaurations de Viollet-le-Duc n'en sont-elles pas un bon exemple ?). Aujourd'hui, il serait impensable de compléter une statue antique avec des ajouts modernes. Cette Vénus qui, en deux siècles, est devenue l'une des pièces maîtresses du plus grand musée de France, réussissant cette prouesse en gardant pour elle tous ses mystères, du nom de son sculpteur, jusqu'à son identité et son lieu d'origine. Si vous aimez l'Art et les mystères de l'Histoire, ce livre est fait pour vous. En déployant parallèlement la découverte puis le voyage de la Vénus vers la France et les soubresauts de ce petit bout d'Orient qui se libère d'un grand Empire déjà vacillant, Constantin Mourousy signe un livre assez brillant où tout ce qui fait de la Grèce un grand pays se mêle étroitement, dans un tourbillon où le génie des Anciens vient légitimer et sceller les désirs de liberté de leurs descendants.

    En Bref :

    Les + : en retraçant le destin extraordinaire d'une statue de l'époque hellénistique, Constantin Mourousy, d'origine grecque, retrace aussi celui de ses inventeurs, grecs ou français et revient longuement sur ses années 1820 qui mettront fin à quatre cents ans de joug ottoman en Grèce. 
    Les - : le début ne m'est pas apparu comme spécialement évident au premier abord, notamment parce que Constantin Mourousy y aborde essentiellement une histoire familiale. 


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  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Mars 2020 à 09:13

    Une lecture qui pourrait s'avérer intéressante car je ne connais rien à cette statue, même si une part d'ombre subsiste. Je note !

      • Samedi 21 Mars 2020 à 10:55

        Moi non plus je ne connaissais absolument rien d'elle et j'ai d'ailleurs pris conscience au cours de cette lecture que j'ai eu des cours d'Histoire de l'Art en fac mais que la Vénus de Milo n'a pas été abordée ou alors, je n'en ai pas souvenir. 

        Il est vrai que c'est une oeuvre mystérieuse et dont nous ne savons rien ou presque... Qui est-elle ? Peut-être n'est-elle même pas Aphrodite ? Peut-être n'est-elle pas originaire de Milo, où on l'a trouvée... Peut-être ne date-t-elle pas exactement de l'époque hellénistique même si cette datation serait peut-être l'information la plus assurée parmi toutes les autres. Enfin, nous ne saurons certainement jamais quel ciseau et quel talent l'a fait jaillir du marbre. Cela reste malgré tout une oeuvre majeure, un véritable témoignage de beauté qui nous ramène à de lointains ancêtres qui avaient déjà une maîtrise extraordinaire des Arts et des Sciences. 

        J'ai trouvé ce livre particulièrement intéressant. 

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