• L'Envol du Moineau ; Amy Belding Brown

    « À présent, elle prend conscience que les arbres, les oiseaux, les nuages et les animaux possèdent un sens qui leur est propre, qui ne dépend en rien des activités humaines. »

     

     

        Publié en 2014 aux Etats-Unis

      En 2020 en France 

      Titre original : Flight of the Sparrow

      Editions 10/18 (collection Domaine Etranger)

      456 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Baie du Massachusetts, 1672. Bonne mère, bonne épouse, Mary Rowlandson vit dans une communauté de puritains venus d'Angleterre. Lorsque son village est attaqué par des Indiens, elle est capturée et mise au service d'une femme puissante de la tribu. Séparée de ses enfants, réduite en esclavage, souffrant du froid et de la faim, Mary va pourtant découvrir peu à peu des coutumes et une liberté qui vont faire vaciller le socle rigide sur lequel reposait son univers corseté. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Colonie du Massachussetts, années 1670. Mary Rowlandson est une bonne épouse, une mère dévouée. Elle vit dans la petite ville frontière de Lancaster, au milieu d’une population empreinte de rigorisme et de religiosité. Un jour de l’hiver 1675, la communauté est attaquée par les Indiens et Mary est faite prisonnière, ainsi que d’autres femmes et enfants de Lancaster. Elle passera trois mois captive des Indiens, les suivant dans leur pérégrinations, découvrant leur mode de vie au plus près de la nature. Surtout, Mary connaîtra l’humiliation et l’indignité de l’esclavage, mise au service de Weetamoo, une puissante femme de la tribu. Cette expérience la change pour toujours : retournée à la vie « civilisée » c’est-à-dire la vie des colons anglais, Mary n’aura de cesse de s’élever contre les exactions commises contre les tribus indiennes et contre l’esclavage des natifs amérindiens et des peuples d’Afrique. Cela, évidemment, contre l’opinion générale qui ne la comprend pas. Mary devra alors assumer la méfiance et les commérages tandis qu’elle-même se débat dans un véritable cas de conscience, voyant toutes ses certitudes vaciller et se craqueler.
    Comment revenir dans un monde auquel on ne croit plus ?
    Ce que décrit Amy Belding Brown, c’est un peu un « syndrome de Stockholm », cet attachement qui parfois naît chez un prisonnier à l’égard de son geôlier, son ravisseur. D’abord terrifiée par les Indiens, oscillant entre un désir de fuite et parfois de mettre fin à ses jours, Mary, petit à petit, s’ouvre à ce monde nouveau : et si ces païens, présentés comme des sauvages, étaient en fait capables de faire preuve de bonté et de charité, comme n’importe quel chrétien et parfois même, encore mieux qu’un croyant ? Mary découvre progressivement leurs coutumes, leur culture, s’aperçoit que ce qu’elle avait imaginé comme une vie rude ne l’est en fait pas tant que ça ou, du moins, pas plus qu’à Lancaster où les colons anglais sont dépendants d’un environnement hostile, où une vague de forte chaleur l’été peut anéantir tout aussi bien les récoltes que le froid mordant de l’hiver, exposant alors la population au plus grand dénuement, à la famine et aux épidémies. Et même si les Indiens se montrent parfois changeants, lui octroyant parfois quelques grâces et se montrant un moment plus tard hostiles, Mary finit par s’accoutumer à cette vie au plus près de la nature, dans une relative liberté qu’elle découvre, elle, la femme chrétienne assujettie à la communauté et au patriarcat. Quand il faudra revenir à la vie normée de la colonie anglaise, le choc sera tout aussi brutal que l’enlèvement initial et l’attaque de Lancaster. Et Mary se retrouve alors tiraillée envers la loyauté qu’elle ressent envers les Indiens et qu’elle ne peut pas verbaliser et celle qu’elle doit, légitimement, ressentir envers sa communauté d’origine et son époux, Joseph.
    L’histoire de Mary Rowlandson est d’autant plus puissante et édifiante qu’elle est…vraie. Basée sur des faits réels, devrait-on dire, parce que l’auteure a un peu extrapolé à partir des archives disponibles, qui ne sont pas nombreuses et parfois contradictoires.
    Mary White est probablement née vers 1637 en Angleterre. Elle émigre avec sa famille en 1639 vers la colonie du Massachussetts, où ses parents s’installent dans la petite ville de Wenham. Les White font partie de ces vagues d’émigration qui touchent l’Angleterre dans un contexte politico-religieux des plus tendus : depuis 1625 c’est le roi Charles Ier qui a ceint la couronne. Or, Charles Ier, comme sa célèbre grand-mère Marie Stuart, est catholique. Les protestants les plus rigoureux, les conservateurs, les quakers, les puritains, quittent le royaume en masse. Direction les jeunes colonies des Amériques, qui ne sont pas encore les Etats-Unis (en 1620, c’est le cas des passagers du fameux Mayflower, par exemple). Mary passe donc toute son existence dans les colonies britanniques de l’autre côté de l’Atlantique. Elle y mourra vers 1711, à l’âge de soixante-quatorze ans.
    Mariée à Joseph Rowlandson, un pasteur rigoriste, elle en aura plusieurs enfants, qui apparaissent d’ailleurs dans le roman. Joseph n’est pas à proprement parler un fanatique, mais il ne jure et ne voit pas que par Dieu. Tout est signe et œuvre de Dieu, aucune rébellion n’est tolérable, aucune mise en cause du système ou du discours en place. Ces premières colonies des Amériques vivent et respirent en ayant toujours sur les lèvres le nom de Dieu, on lit la Bible toute la journée, la religion n’est même pas une habitude, c’est un mode de vie adopté dès la naissance et que l’on ne quitte plus jamais.
    Par le plus grand des hasards, Mary trouvera sa liberté et son échappatoire de la plus violente des manières. Mais comment s’émanciper de quelque chose que l’on ne discute pas, dans les années 1670 ?
    L’autre aspect du roman que j’avais pressenti, mais sans certitude, c’est la nature, les grands espaces. On est loin, au XVIIème siècle, d’un pays ultra urbanisé comme c’est le cas aujourd’hui. Les Etats-Unis de 2021 n’ont rien à voir avec les premières colonies européennes implantées dans un paysage grandiose et parfois hostile, au milieu de communautés indiennes natives, qui ont évidemment l’avantage de la connaissance du terrain et défendent, légitimement, leurs territoires. C’est ce que découvre d’ailleurs Mary au contact des Indiens : un mode de vie étroitement lié à la nature, un mode de vie qui s’adapte. Les Indiens vivent en communion avec la nature, quitte à mourir de faim, alors que les colons européens cherchent à modeler un territoire, à l’adapter et non à s’adapter, eux. Leurs croyances les orientent plus volontiers vers la terre, l’eau, les éléments et non vers un déisme abstrait qu’ils ne comprennent pas. J’ai d’ailleurs intégré ce livre à une sous-catégorie « Nature » du Pumpkin Autum Challenge et cela convenait absolument. Et on ne peut s’empêcher de se dire, en lisant ce roman, que ce mode de vie des Amérindiens, si proche de la nature, en communion avec elle, est menacé depuis longtemps mais l’est peut-être plus encore aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation et de l’urbanisation galopantes.
    L’Envol du Moineau est aussi un roman très centré sur l’humain. De part l’histoire qu’il raconte, c’est évident. Paradoxalement, je ne me suis pas vraiment attachée à Mary : j’ai ressenti pour elle un peu la même chose que pour Molly, l’héroïne de La Cuisinière, de Mary Beth Keane. J’ai pris plaisir à découvrir leurs histoires mais sans forcément m’attacher à elles : j'ai eu l'impression un peu paradoxale de lire leur histoire de loin tout en ressentant malgré tout une certaine émotion. Cela ne veut donc pas dire que je n’ai pas compati ou que je n’ai pas compris Mary, au contraire. J’ai même trouvé son courage admirable : une fois revenue « à la civilisation », elle sera déterminée à faire valoir sa pensée, en dépit de la réprobation générale, en dépit des réprimandes infantilisantes et condescendantes de son époux, se croyant dans son bon droit et pensant exercer correctement son « devoir » de mari. Comment, quand on a découvert que les femmes peuvent avoir du pouvoir, même sur les hommes, que les femmes sont libres d’aimer leurs enfants comme bon leur semble, que ce qui a toujours été seriné comme la vérité vraie et universelle n’est en fait la vérité que d’une infime part de la population, revenir en arrière ?
    Ce roman, c’est le roman de la résilience, de la prise de conscience, de la découverte, de l’horreur aussi, parce que ce que vit Mary au moment de la prise de Lancaster est innommable et traumatisant. Il nous fait passer par une gamme de sentiments variés, on a parfois envie de tourner les pages, de lire encore et encore, et à un autre moment, on se freine par crainte de découvrir ce qui va se cacher plus loin. Une chose est certaine, c’est qu’il ne laisse pas indifférent.
    La prise de position de Mary contre l’esclavage des Africains et des Amérindiens n’est pas prouvée historiquement mais il est certain que la jeune femme n’a pas dû sortir indemne de sa captivité et il est probable que cette expérience a changé sa façon de voir le monde. Comme je le disais plus haut, le récit n’en est que plus percutant. Bref, si vous aimez les romans historiques, les histoires fortes, les grands espaces, lisez L’Envol du Moineau. Vous découvrirez les Amériques comme vous ne les avez jamais vues.

    En Bref :

    Les + : un récit fort, très bien écrit ce qui ne gâche rien. Il est résonne d'autant plus qu'il est basé sur une histoire vraie. 
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever, concernant cette lecture.


    L'Envol du Moineau ; Amy Belding Brown

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     

     


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