• L'Impératrice ; Nicole Avril

    « La tristesse a chez elle quelque chose de voluptueux et de fatal. »

    L'Impératrice ; Nicole Avril

    Publié en 1993

    Editions Grasset 

    364 pages

    Résumé :

    De toutes les héroïnes imaginées par l'Histoire, Élisabeth d'Autriche fut, et reste, l'une des plus romanesques. Belle, mélancolique, rebelle, impératrice à seize ans, elle régna ainsi, jusqu'à son assassinat en 1898, sur des peuples aussi nombreux que ses songes. Or, de cette femme singulière, la légende n'a retenu, le plus souvent, que le profil mièvre de Sissi, et il fallait qu'une romancière telle que Nicole Avril proposât enfin sa véritable résurrection.

    D'où ce récit, tout de passion et d'érudition. L'Impératrice, réanimée par le style d'un écrivain complice, retrouve les frémissements, les emportements qui firent son destin. Élisabeth : impériale et royale, poète, républicaine, éprise d'absolu, subjuguant l'Autriche-Hongrie par son charme sans pareil...

    Mais, par-delà ce destin sublime et douloureux, c'est toute une Europe défunte qui est ici convoquée. Avec l'effervescence de ses nations. Avec ses drames. Avec son horizon aimanté par la violence et la guerre. Élisabeth sut traverser les tumultes de ce monde d'hier qui préfigure le nôtre. Sa lucidité serait-elle, avec sa grâce, le plus précieux des trésors qu'elle nous lègue ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on évoque l'impératrice Elisabeth d'Autriche, qu'elle nous apparaisse avec le visage peint par Franz Xaver Winterhalter ou avec celui de Romy Schneider, qui l'incarna pour Ernst Marischka ou Luchino Visconti, c'est toujours avec une certaine fascination que l'on pense à elle. Quelle femme ! Quelle passion ! Quelle histoire ! Sissi fait partie de ces personnages qui se transcendent par-delà la mort et qui deviennent des icônes, des dieux. Certainement n'a-t-elle jamais recherché une telle notoriété et pourtant : tout, en elle, préfigurait le destin d'exception et la chute fatale.
    Née en 1837, Elisabeth de Wittelsbach est la fille de Max en Bavière et de Ludovika de Bavière. Elevée avec ses frères et soeurs dans la sérénité de Possenhofen, le domaine familial sur les rives du lac de Starnberg, son destin bascule alors qu'elle a quinze ans. En août 1853, elle accompagne sa mère et sa soeur aînée, Hélène, promise à François-Joseph, leur cousin germain et empereur d'Autriche. L'aînée de Sissi, âgée de dix-neuf ans, est promise à un brillant destin et au trône d'Autriche. Mais le fiancé de vingt-trois ans s'éprend de la petite sœur, Sissi, âgée de quinze ans. Sa vie prend alors un tournant qu'elle ne parviendra plus jamais à infléchir. Sissi, devenue impératrice d'Autriche l'année suivante, à presque seize ans, ne sera plus jamais libre. Enfermée par le protocole rigide de la Cour de Vienne, elle se languit de sa liberté perdue sous les ors et les lambris de la Hofburg ou de Schönbrunn. D'un tempérament psychique fragile, sujette à la dépression, en butte à l'hostilité haineuse de sa tante et belle-mère, l'archiduchesse Sophie, Sissi n'aura bientôt qu'une envie : fuir, s'enfuir, partir. Loin. Ses interminables pérégrinations, en train, à cheval ou en bateau, l'emmènent en Hongrie, son grand amour -on pourrait dire que l'impératrice fut bavaroise de naissance, autrichienne par obligation et hongroise de cœur-, en France, à Corfou, Madère, en Angleterre, pour s'achever brutalement sur un quai ensoleillé de Genève, le samedi 10 septembre 1898, quand un anarchiste italien, Luccheni, lui plantera un poinçon dans le cœur. Son assassin, en faisant disparaître un personnage public, voulait entrer dans la légende mais, ironie du sort, bien plus que lui-même, c'est la propre légende de sa victime qu'il conforte en en faisant une sorte de martyre pour bien des admirateurs, à commencer par son propre époux, qui l'aima jusqu'au bout d'un amour sincère et ardent. Mais il est presque certain que Luccheni a, en quelque sorte, rendu un service à l'impératrice : confrontée aux décès successifs des siens, son cousin Louis II, son père, le duc Max, sa sœur Hélène, son ami Andràssy, et surtout, à la perte terrible de son fils Rodolphe, retrouvé mort avec sa jeune maîtresse dans le pavillon de Mayerling, Sissi, en 1898, n'est plus qu'une vieille femme qui s'étiole, voûtée par la douleur. Obsédée par sa beauté au point d'en devenir anorexique, s'astreignant à des exercices réguliers de gymnastique, marcheuse et cavalière infatigable, elle ne voit plus de raison d'exister quand celle-ci a disparu et, quand à cette perte s'ajoutent celles, terribles, de ceux qu'elle a aimés plus qu'elle-même, la vie, pour Sissi, n'a plus aucune saveur, si tant est qu'elle en eut une pour cette grande dépressive devant l’Éternel.

     

    Elisabeth lors de son couronnement comme reine de Hongrie en juin 1867


    La biographie de Nicole Avril est intéressante et plutôt agréable à lire. Présence de deux ou trois coquilles sur l'ensemble du volume, mais ce n'est vraiment pas la mort. J'ai aimé l'orientation que l'auteure a donné à son livre en se concentrant beaucoup sur l'humain. Il est vrai que Sissi est ce genre de personnages tourmentés qui appelle une analyse psychologique, voire psychanalytique. Nicole Avril n'hésite pas cependant à se libérer de la légende qui entoure d'un halo très romantique le personnage d'Elisabeth et notamment son union avec François-Joseph n'hésitant pas à avancer que, sur le tard, si l'empereur était encore très épris de son épouse, l'impératrice, elle, ne l'était plus, si tant qu'elle ne le fût jamais ; Nicole Avril semble également tenir pour avéré que l'histoire, bien que platonique, qui unissait Sissi au comte hongrois Gyula Andràssy n'était pas qu'une relation politique de confiance mais peut-être un amour contrarié. Bien sûr, l'auteure replace également le personnage dans son contexte, ce qui exclut bien sûr de ne pas parler un tant soit peu de géopolitique ou diplomatie, d'autant plus que le XIXème siècle, surtout dans cette partie de l'Europe, fut le théâtre de bien des événements et bouleversements qui préfiguraient le XXème siècle et ses sanglants conflits. Ces passages-là restent cependant très abordables, faciles à lire et à comprendre et n'opèrent aucune cassure dans le récit. C'est avec beaucoup de chaleur, héritée de sa plume de romancière, que Nicole Avril nous dresse un portrait de l'emblématique impératrice d'Autriche et de son quotidien, loin de la rigueur -et donc de la froideur- d'une biographie scientifique. On sent au contraire toute l'empathie de l'auteure pour son objet d'études et même, comme elle le dit elle-même dans la préface, son obsession. Visiblement, Nicole Avril n'a pas été à l'abri du phénomène : il semblerait en effet que Sissi se mette à fasciner voire à obséder tous ceux qui s'intéressent à son destin et il est vrai qu'il est difficile de se la sortir de la tête. Cette femme, morte depuis plus de cent ans, nous reste cependant très familière. Elle a dépassé les frontières et elle est devenue une sorte d'ancêtre commune à tous les Européens du XXIème siècle. Sissi n'est pas seulement Bavaroise, Autrichienne et Hongroise, elle est déjà très européenne et préfigure justement l'union, effective après la Seconde Guerre Mondiale, des pays d'Europe. Moderne, émancipée, libre et belle -ce qui ne gâche rien-, Sissi fait partie de ces personnages qui survivent à tout, même au-delà de la mort et pour qui l'admiration et la ferveur ne diminuent pas. Contrairement à sa lointaine cousine, la pauvre Marie-Antoinette, honnie de son vivant puis portée aux nues après sa mort, Sissi fut toujours aimée, sa mort fut un véritable bouleversement pour son peuple, même pour ceux qui n'hésitaient pas à critiquer son mode de vie. Les Viennois avaient sûrement conçu leur dépit du fait justement du dédain de l'impératrice à leur égard parce qu'ils l'aimaient trop. L'Empire la pleura comme il se doit et l'on continue encore aujourd'hui, parce qu'avant d'être une tête couronnée, Sissi était avant tout une femme qui ne demandait rien d'autre que de pouvoir vivre sa vie de femme.
    L'Impératrice est une donc une bonne biographie, abordable et agréable à lire, émouvante à bien des moments. Une lecture à conseiller que vous connaissiez déjà bien le personnage ou bien, justement, pour le découvrir.

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie, on sent que l'auteure a su prendre la mesure de son personnage et le rend fascinant. 
    Les - : Aucun. 


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  • Commentaires

    1
    Mélissa
    Dimanche 11 Septembre 2016 à 18:08

    Belle critique ! Tu m'a donné envie d'acheter une biographie sur Sissi et je me suis procuré celle de Jean des Cars. Je ne sais pas si elle est mieux que celle que tu viens de présenter mais ça sera ma première biographie que je lirais à son sujet. Je me demande souvent si cette femme a aimé son époux ? Je n'en ai pas l'impression. Les films donnent une image bien trop " lisse " de Sissi et c'est dommage car elle me semble bien plus intéressante et complexe. Hâte également de découvrir tout ça ! :) 

    Mon personnage historique préféré pour l'instant, et depuis longtemps, reste la reine Marie-Antoinette. 

    Je sais que tu n'es pas " friande " du genre fantastique mais en ce moment je lis " Les chroniques des vampires " d'Anne rice et je pense que ça pourrait plutôt bien te plaire. C'est très bien écrit et loin des romances niaises à la Twilight. Sinon tu aimerais lire la saga " Aliénor " de Mireille Calmel ? ( je sais plus si je l'avais écrit dans mon précédent commentaire, sorry ). 

    Je suis bien curieuse mais je me demandais si tu n'étais pas étudiante soit en Histoire ou en Lettres ? Tu écris bien, et c'est toujours très agréable de passer sur ton blog. On y fait toujours de belles découvertes. ( cf, " Les débutantes " , ta dernière lecture ). 

    Bonne fin de week end.

     

    Mélissa

      • Dimanche 11 Septembre 2016 à 20:13

        Oh la biographie de Jean des Cars est aussi très bonne tu verras ! ! sarcastic Personnellement, je m'étais délectée en la lisant : j'aime beaucoup son univers d'historien, il traite toujours de sujets qui sont passionnants, je trouve ! En tous cas, quand tu l'auras lue, n'hésite pas à venir par ici pour me donner ton avis ! yes

        Quant à la relation conjugale de Sissi et son époux, je vois donc que je ne suis pas la seule à me poser la question mais c'est vraiment la première fois, avec la bio de Nicole Avril, que j'ai été réellement emmenée à me questionner...jusque là, je crois que le côté romantique de cette histoire occultait un peu le reste et que je n'y pensais pas vraiment objectivement mais comme tu le dis, le cinéma a donné une belle image de Sissi, il a sûrement permis de populariser le personnage mais celui-ci a du coup des aspects bien que lisses que le personnage historique...du moins c'est ce qui ressort de toutes les biographies, Sissi était un personnage tout à fait complexe mais ô combien intéressant et...obsédant ! Tu vas voir, quand tu seras plongée dans ta lecture, tu ne vas pas pouvoir t'empêcher d'y penser, Sissi devient vraiment un compagnon de vie ! cool Du moins c'est toujours comme ça que j'ai ressenti mes lectures de biographies de Sissi ! ! Et pour la première fois également, une biographie mentionne une possible attirance physique, si ce n'est un amour contrarié entre Sissi et le ministre hongrois Andràssy et j'ai bien aimé que Nicole Avril le mentionne, ça permet de déconstruire un peu ce mythe romantique qui accompagne le personnage et c'est aussi cela qui m'a emmenée à me questionner réellement sur les sentiments qui attachaient l'impératrice à son mari ; elle eut certainement de l'affection pour elle mais vu les conditions de vie qui furent les siennes à Vienne, je doute qu'elle ait pu, entière comme elle semblait être, s'attacher passionnellement à François-Joseph. Son mariage ne fut peut-être pas arrangé et elle était consentante mais elle n'en fut pas plus heureuse pour autant, la pauvre. 

         

        Oh, et puis je vois que tu aimes Marie-Antoinette ! !  Moi aussi je l'adore ! ! Je ne saurais pas dire pourquoi mais elle fait partie de mes personnages historiques préférés avec Louis XIV. Son destin a été tragique mais il est tellement intéressant et elle incarne une période très visuelle également, comme le montre bien le film de Sofia Coppola (même si niveau historique on est dans une interprétation tout à fait libre) ! 

         

        Sinon, effectivement, je ne lis pas beaucoup de fantastique mais j'hésitais justement à lire la saga des Aliénor de Mireille Calmel...j'ai d'ailleurs hésité pas plus tard qu'il y'a quelques jours à les acheter ! winktongue Je vais peut-être prévoir ces romans pour l'hiver ou le printemps prochains. 

         

        Merci en tous cas pour ton passage par ici et tes compliments ! Sinon pour te répondre, tu as en partie deviné, je n'ai pas fait Lettres mais j'ai été étudiante en Histoire. 

        A bientôt j'espère ! ! cool

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