• La Conquête de Plassans ; Emile Zola

    « Elle était ravie à la terre, agonisant sans souffrance devenant une pure flamme qui se consumait d'amour. »

    La Conquête de Plassans

    Publié en 2009

    Date de parution originale : 1874

    Editions Le Livre de Poche (collection Les Classiques de Poche)

    512 pages

    Quatrième tome de la série Les Rougon-Macquart

     

    Résumé :

    « Il détachait son cheval, dont il avait noué les guides à une persienne, lorsque l'abbé Faujas, qui rentrait, passa au milieu du groupe, avec un léger salut. On eût dit une ombre noire filant sans bruit. Félicité se tourna lentement, le poursuivit du regard jusque dans l'escalier, n'ayant pas eu le temps de le dévisager. Macquart, muet de surprise, hochait la tête, murmurant :                               - Comment, mon garçon, tu loges des curés chez toi, maintenant ? Et il un œil singulier, cet homme. Prends garde : les soutanes, ça porte malheur. »                                                                         La conquête de Plassans qui donne son titre au quatrième roman des Rougon-Macquart est l'ambition que s'est fixée Faujas, prêtre bonapartiste et sans scrupules, de s'assujettir la ville légitimiste, première étape de l'ascension à laquelle il aspire. Par son pouvoir sur les esprits et sur les âmes;, il met en oeuvre une stratégie satanique couronnée de succès - avant la catastrophe. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce quatrième tome des Rougon-Macquart s'ouvre en 1858 à Plassans. Après deux intrigues prenant corps dans le Paris du Second Empire, nous revenons donc dans la ville-berceau des Rougon-Macquart, afin de faire connaissance avec une nouvelle famille : les Mouret. L'épouse, Marthe, est une Rougon : c'est la dernière fille de Pierre et Félicité, par ailleurs soeur d'Aristide, l'un des personnages principaux de La Curée. Le mari, François, est un Mouret, fils d'Ursule Macquart, demi-soeur de Pierre Rougon et du chapelier Mouret. Originaire de Marseille, où sa mère s'est mariée, fuyant sa ville natale, François est en quelque sorte recueilli par ses oncle et tante, Pierre et Félicité, à la mort de ses deux parents et, malgré leur ressemblance physique très flagrante, on fait en sorte de pousser Marthe et François dans les bras l'un de l'autre. Ils auront trois enfants : Octave, que l'on retrouve par la suite dans Pot-Bouille et Au Bonheur des Dames, Serge, jeune homme torturé et tourmenté, futur héros de La Faute de l'Abbé Mouret et Désirée, pauvre innocente d'une quinzaine d'années qui n'a pas grandi et continue de se comporter comme une enfant.
    Installés à Marseille après leur mariage, les Mouret, qui tenaient un commerce d'huiles, vins et amandes, viennent de se réinstaller à Plassans après qu'à quarante-trois ans, le père de famille ait décidé de prendre sa retraite. Les voilà donc de nouveau dans cette ville d'où tout est parti est qui est désormais fermement tenue par les ambitieux parents de Marthe, ces opportunistes de Rougon qui ont profité du Coup d'Etat du 2 décembre 1851 pour enfin faire fortune et prendre revanche de leur pauvreté.
    Marthe et François sont des petits bourgeois, pas forcément très riches mais qui ont les moyens de faire faire des études à leurs enfants, tout du moins à leurs deux fils et ayant les moyens de vivre correctement. Ils ne font pas vraiment parler d'eux même si les opinions et idées politiques de Mouret peuvent parfois gêner un peu sa belle-mère, Félicité.
    En cette année 1858, François a décidé de louer le second étage de la demeure qu'il occupe avec sa famille rue Balande, derrière la sous-préfecture de Plassans. Et le quotidien des Mouret, qui n'aiment rien tant que profiter de leur jardin, Marthe brodant et reprisant sur la terrasse pendant que son époux prend soin de ses salades et de ses bordures de buis, pourrait bien se trouver complètement bouleversé par l'arrivé des deux locataires : l'abbé Faujas et sa mère, arrivés de Besançon. Des personnages qui ne payent pas de mine au premier abord, mais vont grandir, grossir, telles de diaboliques ombres et oeuvrer à la conquête insidieuse des Mouret, à force de persuasion dissimulée sous de fausses bonnes manières et, par là même, la conquête d'une ville entière...
    Ce quatrième volume de la série n'est pas le plus palpitant et pourtant, j'ai toujours eu une affection assez prononcée pour ce roman, je ne sais pas pourquoi. En tous cas, la bonne impression que j'avais eue à ma première lecture qui remonte à exactement six ans, s'est confirmée lors de cette redécouverte. J'ai vraiment pris mon temps pour lire ce roman, l'entrecoupant même de lectures parallèles, sans que jamais je ne perde le fil. C'est le genre de classique irréprochable, bien écrit et qui se lit avec une facilité déconcertante même si l'action n'y est pas forcément présente. Finalement, ce qui est intéressant dans ce livre, c'est la déchéance. La déchéance qui arrive petit à petit, insidieusement et parvient à se loger dans une famille qui, jusqu'ici, n'avait pas eu de tracas autre que ceux, bénins du quotidien. La déchéance, qui rapprocherait d'ailleurs La Conquête de Plassans de La Curée. Dans ce dernier, Renée déchoit petit à petit à cause de l'amour incestueux qu'elle entretient avec son beau-fils. Dans La Conquête de Plassans, c'est par la religion -la bête noire de Zola- que Marthe, héroïne à la tête déjà un peu fragile, va glisser lentement sur la pente la plus noire, y entraînant avec elle son époux qui présente, comme, elle des prédispositions à la folie -n'oublions pas que Marthe et Mouret ont la même grand-mère, tante Dide, internée aux Tulettes depuis de nombreuses années à cause de sa démence-, mais aussi toute sa famille, jusqu'au drame final. Dans les deux romans, c'est dans le domaine où les deux héroïnes, au début, trouvaient le plus de réconfort, qu'elles finissent par se perdre, sans espoir d'en revenir un jour...
    Bien sûr, la religion est aussi très présente dans le roman, puisque ce sera elle, finalement, le déclencheur du drame personnel des Mouret. Comme beaucoup de gens de l'époque, ce sont des croyants peu fervents et Mouret se lamente même de voir son cadet, Serge, si versé dans le spirituel et sera même particulièrement affligé de le voir souhaitant entrer au séminaire. Même Marthe n'est pas pratiquante et ne fréquente pas les églises. Et puis, lorsque cet abbé vient loger chez eux, aussi peu religieux soit-il, cet homme va jeter Marthe dans les transes du mysticisme, mysticisme qui est là poussé à outrance et pourrait bien s'apparenter à une sorte de fanatisme et, par extension, d'aliénation. La religion est tournée en dérision au travers de personnages comme l'abbé Bourrette, pleurnichard et naïf, l'évêque, monseigneur Rousselot, pantin des politiques ou son secrétaire, l'abbé Surin, jeune homme qui préfère jouer au volant avec les demoiselles de la bonne société de Plassans que de fréquenter les églises...et puis il y'a la figure centrale de l'abbé Faujas, homme au passé trouble, qui fait jaser...grand, fort, il ressemble plus à un paysan qu'à un médecin des âmes, c'est un homme dur et brutal qui va parvenir, à force de dissimulation savamment dosée, à embrigader complètement Marthe, au point de la faire verser dans une démence qui la guettait depuis longtemps, démence que l'on imputera d'ailleurs à son mari, le pauvre Mouret, qui se retrouve enfermé dans le même asile d'aliénés que sa grand-mère. Ce personnage d'homme que l'on brise, sciemment, méchamment, avec une méthode qui frise le sadisme, ne peut qu'attiser chez le lecteur une certaine pitié. On plaint aussi Marthe, héroïne que l'on sent douce et bonne et qui bascule doucement dans un calvaire qu'elle se forge elle-même avec l'aide patiente et obstinée du prêtre qui parfait ainsi sa conquête de la ville légitimiste...on rejette par contre Faujas et sa famille, des rapaces, présentés dès le début comme des personnages singuliers et suscitant la méfiance. En tous cas, dans ce personnage-là, Zola a mis toute la méfiance et la colère qu'il nourrit à propos des choses sacrées et de la pratique religieuse...Finalement, après le Second Empire qui n'est pas épargné dans les premiers tomes, c'est la religion qui en prend pour son grade et on peut dire qu'il n'y va pas de main morte. On sent d'ailleurs dans ces textes percutants, résolument incisifs et dénonciateurs des années 1870, la graine de J'Accuse ! qui sera publié près de trente ans plus tard...on sent que Zola fait partie de ces hommes cultivés, qui connaissent à fond leur époque, vices et vertus confondus, sachant dénoncer ce qui ne va pas, sachant exalter ceux qui sont pour eux des héros -on pensera aux mineurs, au peuple travailleur chez Zola, en bon auteur naturaliste.
    La Conquête de Plassans reste un bon roman, que j'ai pris plaisir à découvrir une seconde fois et qui m'a, de nouveau, complètement captivée. Pas mon préféré mais assurément l'un des meilleurs.

     

    En Bref :

    Les + : un roman pas vraiment palpitant mais bien mené ; un beau tableau d'une époque et d'une classe sociale, la bourgeoisie provinciale.
    Les - : beaucoup de considérations politiques par moments, quelques longueurs mais rien de bien grave dans l'ensemble.

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 7 Mars 2015 à 16:58

    on sent que tu l'as un peu moins aimé que les autres. Tout me revient en mémoire en lisant ton résumé, je l'ai pourtant lu en mai dernier. L'histoire part dans le tragique, c'est effroyable. J'ai eu beaucoup de pitié pour cette famille détruite. Pourtant la location s'annonçait sympa de mon point, de vue du moins...

    2
    Samedi 7 Mars 2015 à 18:13

    Ce n'est pas mon préféré de la saga c'est sûr mais c'est quand même l'un des meilleurs, comme toi, la lente déréliction de la famille Mouret m'a tenue en haleine tout au long du roman même si j'avais pourtant comme un sentiment de "répulsion" à l'idée de la fin qui termine le roman vraiment en apothéose...tu utilises le terme "effroyable" et je trouve en effet qu'il n'est pas trop fort pour qualifier ce qui arrive à cette pauvre famille sans histoires...

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