• La Demoiselle de Hautefort ; Isabelle Artiges

    « Elle suivit le chemin qui contournait cette colline boisée, sorte d'écrin derrière lequel dormait le château des Hautefort. Il lui apparut en même temps que les maisons du village qu'il dominait comme un parent protecteur. Ses inquiétudes s'apaisèrent, elle était de retour chez elle. »

    La Demoiselle de Hautefort ; Isabelle Artiges

     

     

     

     

        Publié en 2016 

      Editions De Borée 

      336 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Soeur Constance a décidé de consacrer sa vie aux pauvres. Volontaire pour travailler à l'hôpitl de Hautefort, elle s'emploie à soulager, grâce aux plantes médicinales, es maux du corps, et parfois de l'âme. 
    Alors que la révolte gronde à Paris, que le peuple se soulève pour l'abolition des privilèges et des impôts, l'inquiétude monte au château des Hautefort. La fièvre vengeresse de certains gardes nationaux les pousses à des exactions qui n'épargnent personne. 
    Outre les difficultés à surmonter pour que l'hôpital continue de fonctionner malgré le chaos, Dieu semble avoir mis sur le chemin de Constance une épreuve supplémentaire : ses sentiments pour Martial... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au XVIIIème siècle, la jeune Constance, contre l’avis de ses parents, choisit de devenir religieuse au sein de la congrégation de la Charité des Sœurs de Nevers plutôt que d’accepter le « beau » mariage choisi par son père. Son choix l’amène à devoir quitter sa région natale pour le Périgord, où elle devient soignante à l’hôtel-Dieu de Hautefort, un village aux confins du Périgord et du Limousin. Là, Constance découvre sa vocation : celle de faire don de sa vie aux autres, par la charité, le soin aux indigents et aux malades. C’est son travail à l’hôtel-Dieu qui la conduit à rencontrer la jeune Manon, fille de métayers du village, qui vient un jour pour la consulter pour sa mère. Par le biais de Manon, Constance fait aussi la rencontre de son frère aîné, Martial, qui est loin de la laisser indifférente.
    La Demoiselle de Hautefort démarre en 1787. Autrement dit, nous sommes à l’aube de la Révolution, ce n’est plus qu’une question de mois… En Périgord comme ailleurs, un vent de révolte souffle, attisé parfois chez certains par le découragement de voir les récoltes perdues plusieurs saisons de suite. Dans un pays essentiellement rural, où la population paysanne est majoritaire, le désarroi est grand quand un printemps pourri noie les jeunes plantations, quand un hiver trop rigoureux et des gelées trop dures anéantissent les vergers et les récoltes de noix et de châtaignes, sur lesquelles la population compte pour passer l’hiver. On assiste à la montée des idées nouvelles, dans un pays éloigné de la capitale certes mais qui n’en est pas moins ignorant : les cahiers de doléances, les premiers extrémistes qui prônent des idées radicales et incitent à la haine contre les grands bourgeois ou les nobles.
    Hautefort, en Périgord, est un village un peu à part : fief ancestral de la famille du même nom, érigé en marquisat en 1614, les habitants nourrissent un respect sincère et réel pour la famille et pour son château, qui domine leur paysage depuis son promontoire rocheux. Si les idées nouvelles circulent, elles vont vite se heurter à des populations qui refusent de détruire le château des seigneurs ou de donner la chasse à ces derniers. Elles vont se heurter aussi au bons sens pratique paysan : finalement, les grandes idées, les grandes réformes, elles sont peut-être salutaires mais elles n’empêcheront pas les hivers trop froids, les printemps trop pluvieux ou les étés trop chauds. On voit finalement apparaître une Révolution unilatérale, faite par les bourgeois et les lettrés de Paris et qui laisse sur le bas-côté la majorité de la population française de l’époque : les ruraux, les paysans qui ne voient finalement rien changer à leur situation ni à leur quotidienY'aura plus de gelées, après ça ? » lance un paysan lorsqu'on leur fait part de la décision de supprimer les girouettes, symboles seigneuriaux). Les provinces lointaines ne seront cependant pas épargnées, le Périgord non plus : il verra ainsi son clergé démantelé en 1791 lors du vote de la Constitution civile du clergé, décision qui prend forcément une part non négligeable dans la vie de Constance, religieuse, dont l’activité dépend du clergé, dont les subsides dépendent des hiérarchies religieuses pour prendre soin des pauvres, des malades, des enfants abandonnés. Rien ne sera plus jamais comme avant pour elle. Déliée de ses serments, rendue brutalement à la vie civile, devant faire tout ce qu’elle peut avec des bouts de ficelle, Constance se retrouve soudainement démunie et surtout, face à ses démons : l’attirance sans cesse croissante qu’elle ne cesse de ressentir envers Martial et qu’elle parvenait jusque là à maîtriser en se cachant derrière sa condition de religieuse.

    MUSÉE D'HISTOIRE DE LA MÉDECINE - Mairie de Hautefort

    L'hôtel-Dieu de Hautefort (aujourd'hui musée de la médecine) et le château en surplomb du village


    La Demoiselle de Hautefort est un roman tourbillonnant, une grande fresque historique sur fond de roman de terroir : très ancré dans une région (le pays d’Ans, région industrielle du Périgord qui se développe au XVIIème siècle avec ses forges qui alimentent les armées de Louis XIV et de ses successeurs) et dans un village, racontant l’histoire de la famille Montagnac (la famille de Manon et Martial), de la famille de Hautefort (la comtesse Camille et sa jeune nièce Amélie) et de la courageuse et déterminée Constance, qui se révèle petit à petit. En filigrane, on découvre un pan important de notre Histoire : la Révolution qui éclate en 1789 et bouleverse irrémédiablement la France. C’est tellement intéressant de quitter un peu le prisme de la Révolution parisiano-parisienne. C’est malheureusement encore l’angle de vue le plus répandu parce que, oui, la Révolution s’est faite à Paris. Mais on oublie souvent que les provinces ne sont pas restées en arrière, certaines se sont enflammées pour la Révolution, d’autres, comme la Vendée, sont restées fidèles à l’ordre ancien et au roi, mettant le feu aux poudres d’un véritable conflit civil qui tombe dans les pires horreurs et les pires bassesses. Il est intéressant de voir comment chaque province, de part son histoire, de part sa situation géographique, a réagi à cet immense bouleversement. J’ai aimé découvrir les réactions des personnages : celles du mari de Manon, Antoine, exalté par ces idées nouvelles qui nourrissent et étayent la haine viscérale qu’il ressent contre les nobles ; celles de Constance, qui est déterminée à continuer de soulager, par charité et par bonté, quitte à devenir contre-révolutionnaire et risquer sa propre vie ; celles de la garde nationale de Hautefort, qui obéit mais sans aucune conviction.
    La littérature du terroir, que l’on appelle aussi littérature régionaliste, souffre bien souvent d’une mauvaise image, d’une réputation de sous-littérature un peu bas de gamme. C’est dommage parce que, comme dans tout genre littéraire, il y’a de tout, du bon et du moins bon aussi parfois. Mais si vous aimez les romans historiques et authentiques, des portraits vivants de la France d’antan, alors vous pourrez certainement y trouver votre bonheur.
    La Demoiselle de Hautefort se passe dans ma région et ce fut un plaisir de me projeter dans ces paysages si familiers plus de deux cents en arrière, de découvrir (ou redécouvrir) l’histoire de ce petit coin de Périgord au passé si riche.
    J’avais lu il y’a quelques années Les Petits Mouchoirs de Cholet, d’Isabelle Artiges, qui a été une excellente surprise : j’avais beaucoup aimé la trame de ce roman se passant pendant la Première guerre mondiale et qui abordait notamment l’espionnage des princes de Parme pour le compte de leur beau-frère l’empereur Charles d’Autriche. C’était un sujet peu abordé dans les romans historiques et j’avais beaucoup aimé ce parti-pris. La Demoiselle de Hautefort n’a pas été un coup de cœur, même si j’ai vraiment beaucoup aimé l’histoire de Constance et de tous les autres personnages qui gravitent autour d’elle et représentent chacun à leur manière leur époque. Le petit bémol que je soulèverais ici, c’est le style de l’auteure qui ne m’a pas forcément séduite. Pour autant, il est juste, j’ai trouvé qu’Isabelle Artiges parvenait à raconter avec nuance et justesse une époque complexe, troublée, où de nombreuses idées, de nombreuses fidélités se mêlent et s’entrecroisent.
    Vous l’aurez compris, globalement, ce roman a été une bonne surprise. Je l’ai trouvé agréable à lire et les personnages y sont attachants et pleins de relief, peut-être beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais, il est vrai.

    En Bref :

    Les + : une vision nuancée d'une époque complexe mais fondatrice, des personnages avec beaucoup de relief. 
    Les - :
    une plume qui n'est pas toujours parvenue à me séduire.


     La Demoiselle de Hautefort ; Isabelle Artiges  

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • Commentaires

    1
    Mardi 4 Mai 2021 à 15:37

    J'avais visité ce château lors de vacances.

    Et vu ce que tu en dis, j'ai très envie de lire ce roman.

    Merci pour la découverte

      • Mardi 4 Mai 2021 à 22:00

        La littérature du terroir n'est pas vraiment mise en avant, c'est dommage... Il y'a souvent de très bons romans et si tu aimes les romans historiques (ce que je crois, vu nos échanges) tu devrais trouver ton bonheur dans cet univers. Je n'ai pas toujours été séduite par l'écriture de l'auteure (certaines tournures de phrases ne m'ont pas plu par exemple, parce que trop pompeuses ou un peu lourdes mais c'est un avis personnel) mais j'ai trouvé qu'elle analysait très justement la Révolution et ses répercussions en province : on étudie toujours la Révolution depuis Paris et je trouve ça intéressant de découvrir ce qui a pu se passer dans les régions les plus enclavées du pays. Et puis La demoiselle de Hautefort aborde aussi beaucoup d'autres sujets et est une vraie déclaration à une région, alors, que demander de plus ? yes

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