• La Dernière Reine ; Philippa Gregory

    « Devant chaque reine se dresse sa jolie remplaçante, et derrière elle, un fantôme. »

    Couverture La dernière reine

     

     

     Publié en 2015 en Angleterre 

     En 2019 en France (pour la présente édition)

     Titre original : The Taming of the Queen

     Editions Milady

     648 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Il veut que je meure. L'unique raison pour laquelle il m'accuse d'un crime passible de la peine de mort est qu'il veut me tuer. Henri, qui a fait exécuter deux de ses femmes et qui attendit qu'on lui annonce la mort de deux autres, entend désormais me faire subir le même sort. »

    À trente et un ans, Catherine Parr est une jeune veuve et vie l'idylle parfaite avec Thomas Seymour. Mais lorsque Henri VIII, le souverain d’Angleterre qui a conduit quatre de ses femmes au tombeau, l’invite à l’épouser, elle doit se résigner à un choix qui n'en est pas un. Brillante et indépendante d'esprit, elle est une cible toute désignée pour ses adversaires politiques qui l’accusent d’hérésie, crime puni par le bûcher et dont l’ordre d’exécution est signé… par le roi. Catherine devra déjouer les pièges de la Cour si elle veut un jour retrouver son amant.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1543, Katherine Parr est une jeune veuve de trente-et-un ans. Amoureuse de Thomas Seymour, elle pense qu'elle va pouvoir vivre avec lui au grand jour mais c'est sans compter sur le roi Henry VIII qui, ayant conduit sa cinquième épouse Katherine Howard sur l'échafaud un an plus tôt, se cherche une nouvelle épouse et jette son dévolu sur la belle Katherine. Impossible de refuser quand c'est le roi d'Angleterre qui vous demande en mariage et la jeune femme se retrouve donc l'épouse d'un homme à bout de souffle, bien loin de l'image chevaleresque qui était la sienne au début de son règne : le beau jeune homme athlétique amateur d'équitation s'est transformé en un vieillard obèse et dégoûtant, avalant des repas pantagruéliques et dont une vieille blessure reçue lors d'une joute lui gangrène petit à petit une jambe, l'empêchant de marcher. Katherine doit faire le deuil de sa liberté nouvellement retrouvée pour devenir l'épouse de ce barbon de vingt ans son aîné qui n'a plus rien de séduisant et s'est, au fil des années, transformé en tyran. Surtout, Katherine prend la place de cinq reines successives : la première, Catherine d'Aragon, a été évincée et est morte dans un château éloigné faute de soins ; la deuxième, Anne Boleyn, a été exécutée après avoir fait une énième fausse-couche et été accusée d'adultère et de sorcellerie par le roi ; Jane Seymour, la troisième épouse, la mère de son unique fils, est morte de fièvre puerpérale dix jours après la naissance du petit Edward ; Anne de Clèves a été répudiée sans aucune autre forme de procès au bout de quelques mois de mariage, sauvant sa tête de peu ; la cinquième, Katherine Howard, est montée sur l'échafaud pour avoir eu un amant... Autant dire que la place de reine d'Angleterre, à cette époque, n'est pas de tout repos et surtout, n'est pas sans danger.
    Katherine se retrouve donc à la merci d'un homme versatile et violent, dont elle doit se méfier sans cesse. Elle ne devra d'ailleurs qu'à la mort du roi, survenue en janvier 1547, de sauver sa propre tête mise à prix par les conseillers catholiques du roi...
    Car lorsque Katherine devient reine, en 1543, l'Angleterre est en proie à des agitations religieuses de plus en plus vives, en réaction aux hésitations du roi. Celui-ci avait divorcé de Rome en même temps que de Catherine d'Aragon pour épouser Anne Boleyn. Celle-ci, favorable à la Réforme, avait poussé le roi dans cette voie puis il a fait volte-face. Au début des années 1543, la situation est particulièrement compliquée parce qu'Henry VIII ne cesse de louvoyer d'un parti à l'autre, favorisant tantôt l'un tantôt l'autre, renvoyant dos à dos ses prélats, Cranmer pour le parti de la réforme, Gardiner pour le parti catholique et qui n'hésitent pas à s'écharper comme de beaux diables.
    Katherine Parr est une érudite. Intellectuelle, aimant l'écriture et la lecture, cet intérêt va tout naturellement la mener vers l'étude des textes religieux. Elevée dans la foi catholique, elle penche toutefois de plus en plus pour le parti réformé, la possibilité de lire la Bible pour chacun, la suppression des indulgences, la reconnaissance de l'aspect symbolique de l'Eucharistie, en opposition à la sacro-sainte transsubstantiation catholique.
    On sait que Katherine Parr a publié plusieurs ouvrages : probablement, pendant son règne, un livre intitulé Psalms or Prayers, qui est un recueil de traductions des textes de l'évêque Fisher, confesseur de Catherine d'Aragon. Ce texte est publié anonymement. Prayers or Meditation est publié en 1545, cette fois sous son propre nom. Enfin, après la mort du roi, paraîtra The Lamentation of a Sinner, écrit entre l'automne 1546 et l'automne 1547.

    43 Little Known Facts About Catherine Parr, the Last Wife of Henry ...

     

    Portrait de la reine Katherine Parr (fin du XVIème siècle, artiste inconnu)


    Ce trop grand intérêt pour la réforme et la religion, son investissement personnel vont vite la faire apparaître comme suspecte auprès des conseillers d'obédience catholique du roi qui vont tout faire pour s'en débarrasser. Katherine Parr survivra à Henry VIII mais de justesse : en 1546, elle se trouve dans une très mauvaise passe et manque de peu d'être incarcérée à la Tour de Londres pour hérésie et pour trahison, comme Anne Boleyn et Katherine Howard avant elle. Elle ne sauvera sa tête qu'à force d'intelligence et de finesse, parvenant à déjouer les complots des différentes coteries qui font alors de la cour d'Angleterre un brulôt religieux où les violences sont exacerbées par les nombreux revirements du roi.
    Dans ce roman, tout est vrai ou presque. J'ai retrouvé ici du grand Philippa Gregory après avoir lu La Reine Clandestine et La Princesse Blanche, en 2017 et 2018, qui sont bons mais n'égalent pas Deux Soeurs pour un Roi, par exemple... Avec La Dernière Reine, j'ai retrouvé ce que j'avais tant aimé dans Deux Sœurs pour un Roi et L'Héritage Boleyn, qui lui fait immédiatement suite. Le roman est très historique, très riche, il y'a énormément d'informations et l'auteure brosse un portrait fidèle et précis de l'époque. C'est bien simple, on s'y croirait ! Parce que je ne suis pas anglaise et que je n'ai pas une aussi fine connaissance de l'Histoire du Royaume-Uni que de la France, j'ai parfois été un peu perdue au milieu de ce conflit religieux dans lequel le roi jette son royaume comme à plaisir et dans lequel surtout il semble se complaire, dans les dernières années de sa vie. Henry VIII n'a cessé de faire machine arrière à partir du moment où l'Angleterre s'est séparée de Rome religieusement et les débuts de l'Eglise anglicane ne furent pas évidents, penchant sans arrêt vers la réforme puis de nouveau vers le catholicisme, dans des querelles infinies entre les prélats et les prédicateurs, comme Anne Askew, très présente dans le roman d'ailleurs et qui est présentée comme l'élément déclencheur de la chute de Katherine Parr. D'ailleurs, pour écrire cette chronique j'ai relu le résumé du roman et je le trouve bien trop orienté sur la romance, alors que le roman est bien plus riche que cela : si vous connaissez Philippa Gregroy vous savez qu'elle ne privilégie jamais la romance à l'Histoire
    Pour le reste, j'ai trouvé que l'auteure décrivait aussi très finement la vie quotidienne dans une cour au souverain malade et moribond. Henry VIII n'est pas très vieux au début des années 1540, mais c'est un homme affaibli par la maladie et par l'obésité. Pour parler crûment, il n'en finit pas de mourir et les courtisans guettent comme des chiens affamés. Quand Katherine Parr devient reine, on est loin des années flamboyantes des règnes de Catherine d'Aragon ou encore Anne Boleyn... L'atmosphère est sinistre et la jeune veuve qui se croyait enfin libre se retrouve sous la coupe d'un mari qui n'a plus rien de séduisant mais entend bien continuer de coucher avec sa femme. L'intimité du roi et de Katherine ne nous est pas épargnée et l'on se met aisément à la place de cette femme qui va devoir mettre de côté son propre dégoût et feindre d'aimer le roi alors que son cœur est pris ailleurs...Et en même temps, la nouvelle reine va s'attacher à Henry, sans véritable amour mais comme une fille envers un père malade et diminué, un peu tyrannique mais pour lequel on ne peut s'empêcher d'avoir de la pitié et un peu de tendresse parce que derrière le vernis de la mégalomanie que le roi se plaît à cultiver apparaît parfois la désarmante solitude d'un homme qui depuis l'enfance a été élevé pour être roi, subit la flatterie cauteleuse des courtisans mais n'a jamais vraiment été aimé pour lui-même. Henry VIII est un personnage ambivalent et qui fait peur, imprévisible et on comprend ce qu'a pu être l'état d'esprit de Katherine Parr, sixième reine d'un homme qui en a fait exécuter deux et en a répudié deux. Elle arrive dans une atmosphère où planent les fantômes des reines qui l'ont précédée, dormant dans le lit de Jane Seymour, portant les fourrures de Katherine Howard, vivant dans leurs appartements où flottent encore leur souvenir comme un vieux parfum.
    La Dernière Reine a des relents d'encens et de mort. On sent que la fin est proche et si l'on connaît un minimum d'histoire anglaise, on sait que la reine ne se sauvera qu'à la faveur de la mort du roi...Alors évidemment, on voit les mois s'égrener, puis les années qui nous rapprochent de la date fatidique, cet été 1546 où tout bascule pour elle et manque de basculer irrémédiablement. On les voit s'égrener avec une angoisse grandissante pour elle même si on sait qu'elle survivra.
    Ce roman m'a vraiment passionnée...j'ai retrouvé ce côté très visuel qui fait que les romans de Philippa Gregory sont idéaux pour être adaptés à la télévision ou au cinéma : ils portent déjà en eux ce côté très cinématographique qui découle de l'écriture fine et maîtrisée de l'auteure.
    Bref, j'ai passé un très bon moment de lecture même s'il m'a fallu parfois revenir en arrière parce que j'avais mal compris tel ou tel événement, ou interrompre ma lecture pour faire une ou deux recherches. J'ai vraiment été transportée dans cette Renaissance Tudor que j'aime beaucoup et que je trouve passionnante et évocatrice à bien des égards...
    Si vous connaissez Katherine Parr ou si vous souhaitez la découvrir, ce roman est sûrement fait pour vous. Comme le souligne l'auteure, étrangement cette femme érudite, qui a laissé des écrits, qui s'intéressa aux langues et à la théologie n'a pas laissé beaucoup de souvenirs...En dehors de l'Angleterre, qui connaît Katherine Parr ? Son souvenir est éclipsé par celui, plus tragique, d'Anne Boleyn ou encore celui de Jane Seymour qui conserva toujours la préférence du roi d'ailleurs, au-delà de la mort. J'ai découvert un personnage très subtil, plus complexe que l'on ne pourrait croire et vraiment, j'ai dévoré ce roman. A conseiller chaleureusement.

    En Bref :

    Les + : le roman est riche, bien documenté, bien écrit également. On découvre sous la plume de Philippa Gregory une jeune femme qui devra sauver sa vie à force d'intelligence et de finesse dans une atmosphère sinistre de fin de règne. C'est passionnant ! 
    Les - :
    quelques choix de traduction qui ne m'ont pas paru judicieux mais dans l'ensemble, rien à redire.


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