• La duchesse de Chevreuse ; Denis Tillinac

    « La France et Marie de Rohan ont été jeunes ensemble. Jeunes, mobiles, imaginatives, aventureuses, écervelées, traversées de désirs innommables, d'espoirs sans horizon, d'ambitions sans limites. »

     

    Amazon.fr - La duchesse de Chevreuse - TILLINAC, Denis - Livres

     

     

     

         Publié en 2013

      Editions Perrin (collection Tempus)

      296 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Belle, intrépide, effrontée, Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, aura été l'aventurière la plus romanesque du demi-siècle de Louis XIII. 
    Elle fut de tous les complots, de tous les exils et Alexandre Dumas l'a immortalisée dans Les Trois Mousquetaires. Pour retrouver son sillage, Denis Tillinac a interrogé les mémorialistes, rencontré les descendants et pérégriné de la Touraine à Madrid, en passant par Nancy et Bruxelles. Sa biographie amoureuse illustre les sortilèges du baroque français. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    La fiction n'invente rien, voilà ce que l'on est tentés de se dire quand on lit un livre comme celui-ci, qui met en avant un destin hors du commun.
    Ce livre n'est pas une biographie au sens académique du terme : c'est plus une rencontre, la rencontre de Denis Tillinac avec Madame de Chevreuse, née Marie de Rohan-Montbazon. Elle est un personnage de roman, Dumas ne s'y est pas trompé en la mettant en scène dans ses Trois Mousquetaires, quintessence du roman de cape et d'épée.
    Née presque avec son siècle, Marie de Rohan-Montbazon voit le jour dans les feux finissants du XVIème siècle et de la Renaissance (décembre 1600). La France n'est pas encore bien débarrassée de ses vieux démons et des Guerres de Religion mais, déjà, elle s'achemine vers le classicisme et le règne de Louis XIV. C'est à cette époque-là que Madame de Chevreuse rendra son dernier soupir, en 1679. Elle a connu trois rois, trois règnes, trois personnalités différentes mais elle en marque un de son encre indélébile : le règne de Louis XIII et donc, par extension, celui de Richelieu. Copieusement haïe du roi comme de son éminent ministre, elle jette sur un règne mal connu et coincé entre celui, très populaire du père (Henri IV) et celui, flamboyant, du fils (Louis XIV), un éclairage bienvenu.
    Marie naît dans donc dans la puissante famille de Rohan, une illustre lignée d'origine bretonne qui remonte au Moyen Âge et se ramifie en de nombreuses branches (Soubise, Montbazon, Guéménée...). Si puissante, cette lignée que sa devise n'est rien moins que : Roi ne puis, prince ne daigne, Rohan suis ce qui veut tout dire. A l'instar des Rochechouart, les Rohan ont toutes les armes pour rivaliser avec la toute neuve dynastie des Bourbons. Fille d'Hercule de Rohan-Montbazon, elle grandit au château de Couzières, en Touraine, avec son frère aîné Louis, futur prince de Rohan-Guéméné. Marie est belle : blonde aux yeux bleus, elle entre parfaitement dans les canons de beauté de l'époque, où l'on n'aime pas la peau mate et les cheveux bruns. Mais surtout, elle possède un esprit acéré et bouillonnant qui fera d'elle l'ange de toutes les conspirations qui, sous le règne de Louis XIII, ne manquent pas de secouer le trône et le fauteuil de Son Eminence le tout-puissant Richelieu.
    En 1617, Marie est promise à Charles d'Albert de Luynes : beau mariage même si la lignée du mari n'est pas à la hauteur de celui de la jeune épousée. Le duc de Luynes a vingt-deux ans de plus que Marie et a surtout pour lui d'être le favori du tout jeune Louis XIII. Roi depuis sept ans, encore adolescent, Louis XIII a trouvé en Luynes non pas un amant mais un mentor, une figure tutélaire et paternelle qui remplace celle, trop aimée et trop brutalement disparue d'Henri IV, assassiné en 1610 dans les rues de Paris. Luynes, dont les origines familiales et italiennes remontent à la fin du Moyen Âge (le nom Albert est le pendant français d'Alberti, la famille florentine), sera un conseiller du roi et connétable de France, rien que ça. Marie, en épousant le favori du roi, intègre encore plus les cénacles royaux. A ce moment-là, c'est encore la reine-mère, Marie de Médicis, qui gouverne, flanquée de ses âmes damnés : le couple Concini. Mais Louis XIII rumine silencieusement et plus dure en sera sa vengeance. En 1617, soutenu par Luynes, le jeune homme timide et mal-aimé par sa mère qui lui préfère ostensiblement son cadet, Gaston -autre grand comploteur devant l’Éternel- est en passe de faire un véritable coup d'Etat qui lui permettra de prendre enfin le contrôle de sa couronne. Louis XIII s'apprête à devenir enfin roi, de nom et en actes et bientôt, la figure omnipotente du cardinal flottera au-dessus de Paris et de la France. La Cour de Louis XIII est une cour jeune, même si le Conseil du roi ne l'est pas : la famille royale est composée de tous les rejetons d'Henri IV, légitimes ou pas. Les plus âgés, les Vendôme, en ces années 1610, ont à peine trente ans. Les frères et sœurs de Louis XIII sont des jeunes gens à peine sortis de l'enfance, le couple royal également : en 1615, à quatorze ans, Louis a épousé la princesse espagnole Anne d'Autriche, fille de Philippe III. Prestige du nom, prestige du sang, mais un mariage malheureux. Isolée, la jeune femme se rapprochera de la jolie Marie de Luynes : jeunes toutes deux, d'âge semblable (elles ont un an d'écart), désireuses de s'amuser, Marie et Anne se rencontrent et ne se quittent plus. Elles deviendront de grandes amies et certains diront même que Marie a été l'âme damnée de la reine. Toujours est-il que dans les décennies qui suivront, Marie de Chevreuse entraînera la reine sur la pente glissante de la conspiration et l'aidera à franchir un pas avec lequel Anne flirtait déjà dangereusement depuis son arrivée en France : l'intelligence avec l'ennemi, à savoir, l'Espagne qui, pour elle, est le pays de cœur de l'enfance, gouverné par son frère.

    Marie de Rohan-Montbazon by Claude Deruet.jpg

     

    Portrait de la duchesse de Chevreuse en Diane chasseresse (XVIIème siècle, oeuvre attribuée au peintre Claude Déruet)

     
    Ancêtre de l'actuelle famille de Luynes, qui porte aussi le titre de Chevreuse (titre du deuxième époux de Marie, Claude de Chevreuse, avec lequel elle n'eut que trois filles, dont la célèbre Charlotte qui, pendant la Fronde, fut la maîtresse du coadjuteur de Paris Paul de Gondi, futur cardinal de Retz et faillit épouser le prince de Conti), alors que bien d'autres figures de ce XVIIème siècle bien méconnu ont été englouties dans les limbes de l'Histoire, la figure de Marie de Chevreuse, éternellement jeune, reste encore vivace : de Dumas au XIXème siècle jusqu'à Juliette Benzoni au siècle suivant, elle a inspiré les auteurs, elle a nourri bien des fantasmes. Personnage de roman pourtant bien réel : voilà la force de cette femme dont le destin hors du commun et son insouciance l'ont rendue immortelle là où tant d'autres n'ont pas eu droit à de tels hommages de la postérité.
    Par-delà les époques, Marie a une aura, un magnétisme qui peuvent aisément nous faire comprendre l'obsession de Denis Tillinac à la chercher partout où elle a pu passer, de l'ancienne propriété de Couzières, non loin de Tours, qui abrite les souvenirs de l'enfance, une enfance presque sauvage et sans cadre, sans mère aussi, dans une insouciance teintée d'indifférence de la part du père, Hercule de Rohan-Montbazon en passant par Dampierre, l'opulente propriété du duc Claude non loin de Paris, jusqu'à Lésigny, où Marie connaîtra deux nuits de noces : l'une avec Luynes, alors qu'elle n'a pas vingt ans, une autre avec Claude de Chevreuse, alors que Luynes est mort depuis quelques mois à peine et poursuivant ensuite ses traces dans les dédales d'une petite ville de banlieue sans charmes, Gagny (93), où Marie de Chevreuse rendit son dernier soupir en août 1679.
    En général, l'obsession ne fait pas bon ménage avec l'objectivité. Voilà pourquoi on ne peut pas considérer ce livre comme une biographie d'historien. Pour autant, il n'en est pas désagréable à lire et parce que la passion de l'auteur transparaît derrière ses lignes, fatalement, elle se transmet doucement à son lecteur. Oui, Marie de Rohan est intrigante, attirante... c'est un bel hommage que Tillinac lui rend ici, la mettant au centre d'un récit où, généralement, elle n'est présente qu'en filigrane. Dans la touffeur d'un règne instable marqué d'émotions populaires et de révoltes nobiliaires, Marie a-t-elle été plus conspiratrice que les conspirateurs ? L'a-t-on retenue, elle, parce qu'elle est une femme, parce qu'elle ne s'embarrasse pas du convenable et du politiquement correct, prenant un amant quand ça lui chante et ne prenant pas même la peine de s'en cacher ? Marie est-elle plus à blâmer qu'Anne-Geneviève de Longueville, sœur de Condé et célèbre frondeuse ? N'est-elle pas finalement le meilleur avatar d'une époque qui se cherche, se dirigeant vers l'épanouissement du flamboyant classicisme du Roi-Soleil mais encore retenue dans le dos par les dernières griffes du XVIème siècle des Guerres de Religion ? Et quel meilleur hommage que celui d'être fixée sur papier, pour l'éternité, par la plume pleine de fougue de Dumas ?
    Marie de Chevreuse a cela d'intéressant qu'elle transcende les époques : elle a parfois scandalisé la sienne, elle a été la femme à abattre et l'épine douloureuse dans le pied de Louis XIII comme de Richelieu puis le parfum de scandale qui l'entoure est devenu attirant, un terreau fertile pour l'imagination des auteurs. Parce qu'on a toujours aimé se scandaliser, se choquer, parce que les destins qui sentent le soufre nous attirent tous immanquablement.
    Sans prêter à Marie de Rohan des qualités contemporaines (émancipation des femmes, féminisme revendicatif ou autre), elle a quelque chose d'intemporel dans sa manière de se comporter, à mille lieues de ce qui se fait ou de ce qui ne se fait pas. Marie ne fait que ce qu'elle veut. Qui a dit que la liberté appartenait à une époque ? Elle appartient à tous. Cette duchesse de Chevreuse, étonamment vivante sous la plume attendrie et certainement un peu amoureuse de Denis Tillinac en est un bon exemple.
    J'ai relevé quelques petites approximations au cours de ma lecture mais qui ne sont pas récurrentes (du coup je me suis demandé si ce n'était pas plutôt des erreurs d'étourderie) et de nombreuses coquilles qui m'ont surprise parce que les éditions Perrin et leur collection Tempus nous ont habitués à mieux mais globalement, le livre n'en pâtit pas. Le propos reste toujours alerte, entre style alerte et soutenu et parfois un peu plus cru. La duchesse de Chevreuse est un petit livre vivant et sautillant à l'image de cette jeune femme que le cardinal de Richelieu, peut-être un peu amoureux, surnommait « la Chevrette ».

    Marie de Rohan-Montbazon, Herzogin von Chevreuse.jpg

     

     

    En Bref :

    Les + : un style parfois irrévérencieux, qui rend au mieux ce que pouvait être le caractère de Madame de Chevreuse, une bonne connaissance du contexte, en bref, on retrouve avec plaisir l'ambiance des romans de cape et d'épée de Dumas ou de Paul Féval !
    Les - :
    quelques approximations et des coquilles (fautes d'accords, mots manquants) : les éditions Perrin et leur collection nous ont habitués à mieux, dommage ! 


    La duchesse de Chevreuse ; Denis Tillinac

     

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • Commentaires

    1
    Lundi 12 Avril 2021 à 12:34

    Si c'est un esprit libre, alors je ne demande qu'à lire ce livre ! Je ne connais pas du tout cette duchesse mais je suis plus qu'intriguée... une fois de plus ! ;-)

      • Mardi 13 Avril 2021 à 10:36

        J'ai découvert Marie de Chevreuse via les romans de Juliette Benzoni, Marie des intrigues et Marie des passions. J'avais beaucoup aimé ! Et finalement, en retrouvant ensuite le personnage dans des biographies, je me suis rendu compte que Benzoni forçait à peine le trait : Marie de Chevreuse a été un véritable personnage de roman et quand on dit que la réalité dépasse souvent la fiction, elle en est l'illustration la plus parlante. 

        Le livre de Denis Tillinac n'est pas vraiment un travail d'historien, comme je le dis dans mon billet mais son style, de qualité, m'a beaucoup plu. 

    2
    Lundi 12 Avril 2021 à 15:06

    Je ne connais pas du tout cette duchesse mais ce que tu en dis m'intrigue et me donne envie. Dommage que le travail ne Perrin ne soit pas au rendez-vous. J'aime beaucoup cette maison d'édition. Ma collection de Tempus augmente à vu d'œil. 

      • Mardi 13 Avril 2021 à 10:38

        Oui, j'ai vraiment été surprise de trouver ces coquilles...n'exagérons rien, il n'y en a pas des centaines mais quand même, suffisamment pour que je m'en rende compte... du coup, j'ai été étonnée parce que Perrin est connue pour son sérieux et sa collection Tempus est une référence pour l'amoureuse de l'Histoire que je suis. 

        Après, si tu veux lire le livre, ne t'arrête pas à ça ! happy La qualité est, à mon sens, suffisamment au rendez-vous, pour faire oublier ces quelques petites faiblesses. 

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