• La Fille du Faiseur de Rois ; Philippa Gregory

    « A présent, je m'aperçois que tout homme est un faiseur de rois. Un trône n'est jamais sûr tant que quelqu'un est jugé digne de la couronne. »

    Couverture La fille du faiseur de rois

     

     

     

      Publié en 2012 en Angleterre

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Cousin's War, book 4: The        kingmaker's daughter 

      Editions Archipoche

      472 pages 

         Quatrième tome de la saga La Guerre des Cousins

     

     

     Résumé :

    1471. Mariée à 14 ans, Anne Neville -la fille du comte de Warwick, surnommé le « faiseur de rois » - perd successivement son époux et son père. 

    Elle ne doit son salut qu'au futur Richard III, le frère du roi, qu'elle épouse deux ans plus tard, même si elle devra pour cela affronter la puissante famille royale...dont la reine. 

    Cet épisode de la Guerre des Deux-Roses est ici raconté avec brio par l'une des plus talentueuses romancières du genre, qui choisit de faire parler les femmes que l'Histoire a trop souvent tendance à oublier. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    À la fin des années 1460, Anne et Isabelle sont deux jeunes sœurs d'une dizaine d'années mais n'ont jamais connu la réelle insouciance de l'enfance. Elles sont les filles du comte Richard de Warwick, surnommé le faiseur de roi. Elles sont nées et ont grandi dans le contexte violent et trouble de la guerre des Deux-Roses, que l'on appelle encore la guerre des Cousins et qui déchire depuis plusieurs années l'Angleterre, entre les Lancastre et les York : ils luttent à mort pour la possession du trône et tous les coups sont permis.
    La plus jeune des sœurs, Anne, est la narratrice de ce récit. On la suit sur plus de dix ans, de la cour d'Elizabeth Woodville, en passant par Calais et les châteaux du nord, avant de revenir dans son sillage à la cour de Londres où elle ceint à son tour une couronne pour laquelle son père s'est battu, pour laquelle il est même mort et, surtout une couronne qu'il aurait tant voulu voir sur la tête de l'une de ses deux filles. Anne sera reine d'Angleterre, mais une reine méconnue dont on se souvient peu : reine de 1483 à 1485, sans héritier, elle n'a pas laissé de traces ou si peu, éclipsée par les figures flamboyantes d'Édouard IV et de son épouse Elizabeth Woodville et par celle, plus sinistre, de son époux Richard III, que l'histoire retient comme un usurpateur et un tueur d'enfants. Sa sœur Isabelle n'a pas laissé non plus de souvenirs ou si peu, une dame de la noblesse parmi d'autres, comme il y'en avait tant à l'époque et qui furent progressivement englouties par les limbes de l'Histoire.
    Dans ce roman, Philippa Gregory renverse le prisme : alors qu'elle met en scène dans La reine clandestine et La princesse blanche Elizabeth Woodville (l'un de ses personnages historiques favoris, nous dit-elle dans la postface du livre) et sa fille, Elizabeth d'York (la mère du futur Henry VIII), elle prête ici sa plume à l'une des ennemies d'Elizabeth Woodville, Anne Neville qui, ironie du sort, lui succédera sur le trône. Et pourtant, au départ, Warwick n'est pas un ennemi des York. C'est même lui qui a renversé Henry VI, le roi fou, pour mettre à sa place son cousin et pupille Édouard d'York, lui valant le surnom révélateur de « faiseur de rois ». Mais quand Édouard s'entiche d'une veuve du parti Lancastre, Elizabeth Woodville, la fille d'un obscur baron anglais et que son ambition ne semble plus connaître aucune borne, Warwick retourne sa veste, entraînant dans sa rébellion sa femme et ses filles. Isabelle et sa cadette Anne seront des pions politiques, ni plus ni moins : Isabelle épouse Georges, le turbulent et influençable frère d'Édouard que Warwick retourne contre le roi. Anne, elle, sera mariée au fils d'Henry VI, Édouard, dont elle devient la veuve après le désastre de Tewkesbury en 1471. Quant à son mariage d'inclination avec Richard, le duc de Gloucester, il lui permettra d'accéder à la fonction suprême dont son père rêvait, mais à quel prix ?
    Pas évident d'écrire un roman dans lequel on met en scène de manière négative un personnage qu'on aime pourtant et pour lequel on éprouve de l'intérêt ! En cela, Philippa Gregory tire vraiment son épingle du jeu, prêtant sa plume souple à l'un ou l'autre parti, avec le même brio !

    Illustration.

    Représentation médiévale de Richard III et de son épouse Anne Neville


    Enfin, La Fille du Faiseur de Rois redonne une voix à une femme, à une reine que l'on a oubliée et qui s'est pourtant trouvée au centre d'une époque qui marque la charnière en Angleterre, entre l'époque médiévale des Plantagenêt et la Renaissance Tudor. Anne Neville a-t-elle eu exactement la vie que Philippa Gregory décrit dans ce roman ? On peut en douter dans la mesure où on ne sait quasiment rien d'elle. Fut-elle réellement considérée comme une opposante par la reine Woodville comme l'affirme l'auteure ? Son mariage avec Gloucester a-t-il bien été un mariage d'amour ? On n'en sait rien. Et c'est justement parce qu'on ne le sait pas que les romanciers peuvent se permettre de broder. Tant que c'est cohérent, moi, ça me va !!
    J'ai passé un excellent moment avec ce roman, je ne voulais plus le lâcher ! Alors que La reine clandestine et La princesse blanche (qui chronologiquement lui font suite, mais les romans peuvent être lus dans le désordre) m'avaient moins convaincue, par rapport à Deux sœurs pour un roi ou L'Héritage Boleyn que j'avais trouvés très bons, j'ai retrouvé ici la souffle épique et romanesque qui caractérise en général les livres de Philippa Gregory ! Ce roman, vous le commencez et vous tombez dedans ! Alors que l'utilisation peut-être un peu superflue du fantastique dans les deux romans consacrés à Elizabeth Woodville et à sa fille m'avait gênée, ici, rien de tout cela (la sorcellerie de la reine est évoquée mais de manière plus parcimonieuse et totalement en accord avec une époque qui croit encore aux sorcières, aux envoûtements et à la magie). J'ai eu l'impression de lire un roman historique comme je les aime : riche, dense, plein d'informations mais qui se lit avec une aisance folle. Ce roman, c'est l'envers de La reine clandestine, c'est l'autre côté qui est mis en lumière, celui qui s'oppose à la trop grande influence d'une reine et à l'ascendant d'une femme sur son mari, parfois jusqu'au point de non-retour, pour Warwick ou pour Georges de Clarence. C'est le roman de l'ambition et de batailles épiques. C'est aussi le roman de deux sœurs ballottées dans un monde démesurément grand pour elles, trop vaste et qui va les engloutir. Ni Isabelle ni Anne ne connaîtront jamais leur bonheur et leurs vies n'auront jamais été faites que de sacrifices et de peur. Il y'a franchement mieux comme destin, non ? Au moins Philippa Gregory nous permet-elle de les redécouvrir un peu et, peut-être, de ne pas les oublier.
    Ce roman, comme souvent chez Philippa Gregory, c'est un roman de femmes : ces femmes d'antan qui ne sont pas moins ambitieuses que les hommes, ces femmes qui n'hésitent pas à se battre pour ce qui leur tient à cœur, avec leurs propres armes, mais tout aussi bien que les hommes. Un roman sans concession, violent et tranchant comme le fil de l'épée !
    Anne Neville, comme sa soeur Isabelle d'ailleurs, eut un destin digne sacrifié d'une tragédie classique. Elle vécut à une époque qui n'était tendre pour personne et où l'adage préféré est certainement celui-ci : « la fin justifie les moyens ».
    Si vous aimez Philippa Gregory et l'histoire de l'Angleterre avant les Tudor, nul doute que vous aimerez ce roman très visuel et qui se déroule sous nos yeux comme un film.

    The white queen - La Reine blanche - Les Chroniques de l'Histoire

    Faye Marsay et Aneurin Barnard incarnent Anne Neville et Richard III dans la mini-série The White Queen

     

    En Bref :

    Les + : un récit au souffle épique qui met en scène des femmes dans la tourmente d'une guerre civile violente et dont seul les plus forts sortiront vainqueurs.
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever, même les petits arrangements avec la vérité ne m'ont pas dérangée !


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