• La Saga des Médicis, tome 2, Le Lys de Florence ; Sarah Frydman

    « Seul l'homme civilisé peut dominer ses instincts et agir avec humanité. »

    La Saga des Médicis, tome 2, Le Lys de Florence ; Sarah Frydman

    Publié en 2005

    Editions Le Livre de Poche

    538 pages

    Deuxième tome de la saga La Saga des Médicis

    Résumé :

    Les Médicis, après leur exil à Venise, reviennent à Florence dans la liesse populaire. Cosimo, mécène libéral et généreux, est aussi un politicien et un marchand redoutable dont les alliances sont déjà internationales. Il nomme les papes, déjoue les intrigues, décide des mariages, accroît son pouvoir et agit en maître absolu.
    Face à lui, la jeune Lucrezia, le « lys de Florence », fille d’un aristocrate allié des Médicis, rêve d’amour, de bonheur et de liberté. Quel peut être le destin d’une femme, jeune, belle, intelligente et cultivée dans une cité en plein essor où le fracas des armes et des alliances politiques couvre celui des cœurs et des idéaux les plus purs ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Les années ont passé, Cosimo de Médicis et son épouse, Contessina de Bardi, ont vieilli. Cosimo a bâti un véritable empire marchand qui lui a valu les foudres de la Seigneurie et l'exil, à Venise. Mais en cette année 1434, les Médicis reviennent triomphants à Florence et Cosimo, homme politique dans l'âme, est bien décidé à faire bouger les choses et asseoir sa puissance et son influence sur la cité florentine. Leurs enfants ont grandi et l'aîné, Piero, est en âge de se marier...il a jeté les yeux sur la jolie Lucrezia Tornabuoni, fille d'un ami des Médicis, mais il se trouve que la jeune fille en aime un autre...Les jeunes générations, comme leurs parents avant elles, s'ouvrent aux sentiments, découvrent l'amour, ses joies comme ses déceptions...et les plus anciens, comme Cosimo et ses alliés, appréhendent avec inquiétude un contexte historique de plus en plus belliqueux, partout en Europe...tandis que la Guerre de Cent-Ans est en passe de se résoudre, voilà qu'un conflit de succession déchire l'Angleterre, que les villes d'Italie, en mal de suprématie, lorgnent sur leurs voisines voire cherchent à reculer de plus en plus de leurs frontières, mais surtout, et c'est plus grave, que l'Orient chrétien se trouve menacé par les Turcs qui réussiront à prendre Constantinople en 1453 et anéantiront ainsi les derniers vestiges du grand empire romain. Petites histoires privées et Grande Histoire se mêlent ainsi étroitement dans ce roman. Si l'intrigue tourne essentiellement autour du trio formé par Lucrezia Tornabuoni, promise à Piero de Médicis, ce dernier et l'amant de la jeune femme, Vernio de Bardi, le contexte politique est aussi très bien restitué. On sent que l'auteure a fait beaucoup de recherches, qu'elle s'est documentée sur la période, les implications des villes italiennes dans la politique européenne de ce XVème siècle. On se rend compte d'ailleurs qu'une vraie politique internationale existait déjà, avec des échanges réguliers entre les différents Etats et que ces échanges furent facilités par l'entregent de personnages volontaires comme Cosimo de Médicis.
    Bref, à cette relecture, des aspects très positifs du roman m'ont littéralement sauté aux yeux alors que j'étais passée à côté la première fois. Il faut dire aussi que je connais mieux le contexte historique désormais et que cela m'a peut-être plus parlé que lors de ma première lecture. J'ai aussi été séduite par la façon dont Sarah Frydman a traité l'histoire d'amour, très longue, qui a uni Lucrezia Tornabuoni au comte Vernio de Bardi. Cela n'a pas empêché qu'ils se marient avec quelqu'un d'autre, les raisons politiques et les réseaux de clientèle étant alors bien plus importants, pour nouer une union, que l'amour mutuel que se portaient les promis. C'est ainsi que la petite Tornuaboni, sacrifiée, comme ses sœurs, à l'ambition paternelle, se retrouve marié à Piero de Médicis, le fils aîné de Contessina et Cosimo, jeune homme laid et malade, qu'elle n'aimera pas vraiment, sinon comme un frère. Ils auront pourtant des enfants et parmi eux, le célèbre Lorenzo de Médicis, que l'on connaît mieux, en France, sous le nom de Laurent le Magnifique.

    Portrait de Lucrezia Tornuaboni, attribué à Domenico Ghirlandaio (XVème siècle)


    Rien, dans les rares -et édulcorées- biographies de Lucrezia Tornabuoni, que l'on peut trouver çà et là, ne mentionnent une quelconque relation d'adolescence qui se serait ensuite transformée en adultère une fois la jeune fille mariée. Maria, la petite fille née en 1440 et présentée, dans le roman, comme étant l'enfant bâtarde de Lucrezia et du comte de Bardi, reconnue de mauvaise grâce par Piero de Médicis, est aussi présentée, dans d'autres versions, comme étant justement l'enfant naturelle du père et non plus de la mère. Et pour ce qui est de sa famille, s'il est admis que ses parents sont Francesco Tornabuoni et Selvaggia Alessandri -les biographies anglophones mentionnent cependant, aussi, le nom de Nanna Guicciardini comme mère de Lucrezia- et que son frère aîné se nomme Giovanni, comme dit dans le roman, Lucrezia aurait aussi eu une sœur, Dianora, qu'on n'aperçoit pas dans le roman, puisque la fratrie est composée d'un frère, Giovanni et de trois soeurs, Lucrezia et ses aînées, Bianca et Giuseppina. Mystères, mystères...mystère aussi quand à la date de naissance réelle de Laurent le Magnifique. L'auteure, dans une note en fin d'ouvrage, mentionne que deux dates sont généralement opposées : Laurent le Magnifique serait né ainsi en 1448 ou 1449, cette dernière date étant la plus couramment admise par les historiens, mais Laurent mentionnant lui-même dans ses mémoires, la date du premier janvier 1448...l'auteure a choisi de se référer à ce texte et on peut la comprendre : comme elle le dit elle-même, il est presque certain que Laurent de Médicis connaissait mieux que les historiens sa propre date de naissance. Oui, mais...nous sommes alors au XVème siècle et le premier janvier n'était pas alors couramment adopté comme premier jour de l'année et cela ne sera effectif qu'un peu plus d'un siècle plus tard ! Et si l'on se réfère alors à la méthode de calcul alors en vigueur à Florence, l'année commençait à Pâques...ainsi, le 1448 de Laurent le Médicis, vrai pour lui, au demeurant, pourrait devenir un 1449 pour nous. Il y'aura de toute façon toujours des approximations et des hypothèses en ce qui concerne des périodes aussi anciennes, où les registres n'était pas généralisés et dont les sources qui nous sont parvenues, parfois, se contredisent. Mais le romanesque est suffisamment bien dosé pour ne pas paraître artificiel et c'est tout ce que l'on attendait. Qu'un roman historique se permette quelques petites libertés, d'autant plus quand les informations historiques sont lacunaires voire paradoxales ne me paraît pas être une grave erreur, au contraire ! 
    Revenons-en donc au roman en lui-même...outre l'histoire d'amour, centrale, entre Lucrezia et Vernio -une très jolie histoire, d'ailleurs, bien qu'il y'ait de fortes chances pour qu'elle soit fictive tout comme le personnage de Vernio-, qui conduit l'auteure à se questionner sur l'éternité, l'universalité de l'amour et les attentes que l'on nourrit bien légitimement envers elle, le contexte historique et politique est bien plus mis en avant et mis en valeur dans des dialogues ciselés et moins lourds que dans le premier tome. Il est dommage que les parties narratives aient échappé à cette amélioration et soient encore, pour certains chapitres, un peu lourdes, avec des tournures un peu trop simples. Cependant, les qualités du roman parviennent à prendre le pas sur ses défauts et le livre captive. Il avait été, sur les trois, celui qui m'avait le moins déçue lors de ma première lecture. Et, à nouveau, ce deuxième volume m'a un peu plus emballée, parce que je me suis attachée au personnage de Lucrezia, que j'ai beaucoup aimée dès le début, parce que j'ai absolument adhéré à l'histoire d'amour, passionnée et charnelle, qui l'unit à Vernio de Bardi et qui est porteuse d'un message fort et universel, qui peut parler à n'importe qui, à n'importe quelle époque et surtout, parce qu'il est un portrait relativement bien détaillé d'un contexte historique passionnant : alors que l'Italie est en pleine émulation, l'Europe, elle, se libère des guerres qui ont ensanglanté la fin du Moyen Âge mais déjà, sur son front oriental, doit affronter la menace turque de plus en plus en plus présente et puissante. La politique devient de plus en plus précise, basée sur des échanges solides entre les différentes nations, le commerce européen connaît une expansion importante...et malgré cela, dans une époque qui s'ouvre, aux progrès, à l'humanisme, à une culture antique retrouvée, l'obscurantisme n'est pas loin, le fanatisme non plus. L'Eglise défend jalousement ses prébendes en n'hésitant pas à brûler ceux qui s'opposent à elle ou lui contestent sa suprématie auto-proclamée tandis que, dans Constantinople tombée, les Italiens envoyés en émissaires, seront confrontés à la violence des Ottomans, qu'ils ne comprennent pas, car motivée par un Dieu qui leur est étranger mais que certains, déjà, s'accordent à trouver bien inepte, en regard de la solidarité, indépendante de tout précepte religieux, que l'humanité devrait chercher à mettre en oeuvre au lieu de s’entre-déchirer.
    Ce second volume de La Saga des Médicis est donc un roman complet : romance, histoire et philosophie en composent la trame avec justesse. Dommage que, parfois, le style ne suive pas et que quelques anachronismes -comme la présence de friandises au chocolat plus de cinquante avant la découverte des Amériques !- émaillent ses pages. Il s'est cependant considérablement amélioré dans ce tome-là et j'espère que cela va continuer dans le troisième et ultime tome !! 

    En Bref :

    Les + : un roman abouti, à l'intrigue bien ciselée, appuyée sur un contexte riche et intéressant, celui de la Renaissance italienne.
    Les - : quelques inégalités dans le style. 


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Avril 2016 à 08:17

    C'est passionnant de lire ta re-découverte de la saga ! ^^

    En tout cas, tu es une tentatrice redoutablement efficace...

    Comme toi, les erreurs historiques ne me dérangent pas tant qu'elles s'intègrent dans une histoire exigeante et intelligemment travaillée... Dans le cas contraire, j'avoue que je suis assez dure dans mon avis !! winktongue

      • Vendredi 15 Avril 2016 à 19:42

        Je déteste les erreurs ! ! Il n'y a rien qui me hérisse plus ! Mais que des libertés, parfois, soient prises, surtout comme ici où les informations sont lacunaires ou se contredisent, ça ne me dérange pas trop, mais il aurait pu être intéressant aussi d'avoir, en fin de roman, des explications des parti-pris de l'auteure, comme cela se fait assez souvent maintenant. 

         

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