• La Transparence de l'Aube, Mémoires de Claire-Clémence, princesse de Condé ; Jean-Christian Petitfils

    « Ainsi va ma vie, loin du torrent du monde qui s'écoule. »

    La Transparence de l'Aube, Mémoires de Claire-Clémence, princesse de Condé ; Jean-Christian Petitfils

    Publié en 2013

    Editions France Loisirs

    300 pages 

    Résumé :

    Étrange et triste destin que celui de l'épouse du Grand Condé, cousin de Louis XIV. Ce mariage était pour Claire Clémence, nièce du cardinal de Richelieu, une alliance inespérée. Ce fut sa tragédie. La jeune princesse follement amoureuse comprit vite que la réciproque n'était pas vraie.
    Il fallut l'éclatement de la Fronde et l'emprisonnement de Monsieur le Prince pour que Claire Clémence se révèle une femme de tête et un chef de guerre énergique. C'est elle qui souleva Bordeaux, elle qui dressa une partie de la France contre Anne d'Autriche et son ministre Mazarin. Enfin, le Grand Condé commença à la considérer. Pourtant, quelques années plus tard, il la fit enfermer dans le triste donjon de Châteauroux.
    Historien réputé, Jean-Christian Petitfils a su brosser, derrière ce drame véridique, le portrait d'une princesse oubliée, séduisante et émouvante, qui défendit avec ardeur ses droits de femme, d'épouse et de mère dans la période baroque et foisonnante qui fut celle de la jeunesse de Louis XIV.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un proverbe chinois dit : « Mieux vaut une maison en paille où l'on rit, qu'un palais où l'on pleure. » Ce proverbe pourrait tout à fait s'appliquer au malheureux destin de Claire-Clémence de Maillé-Brézé, l'épouse du célèbre Grand-Condé.
    Cette nièce du cardinal de Richelieu -elle était la fille de sa soeur Nicole- voit le jour le 25 février 1628 à Brézé en Anjou. Elle est la fille d'Urbain de Maillé marquis de Brézé et donc, de la plus jeune des sœurs du cardinal. Rien ne la prédestinait à porter un jour l'un des noms les plus prestigieux de France, celui des premiers princes du sang, les Condé. Et pourtant, les circonvolutions de la politique de l'époque vont amener les cousins du roi à souhaiter une alliance avec le tout-puissant ministre de Louis XIII et Monsieur le Prince, père du Grand-Condé qui n'est alors que duc d'Enghien en est réduit à demander la main de la jeune Claire-Clémence...Si l'alliance, pour les Condé, se fait la mort dans l'âme, pour le cardinal, c'est l’apothéose, la consécration que de voir la fille de sa sœur entrer dans la famille royale.
    Elle est bien jeune, la petite Claire-Clémence, quand elle devient duchesse d'Enghien. Elle a treize ans. Elle n'a pas vraiment été heureuse dans son enfance mais est loin de savoir ce qui l'attend...Si elle peut compter sur son beau-père, un homme bon et qui saura lui donner de l'affection pour ce qu'elle est, elle est tout de suite soumise aux froideurs de sa belle-mère, une Montmorency et de son propre époux, qui eux, ne voient en elle que ce qu'elle représente : une jeune fille à la petite noblesse dont le sang renifle fortement la roture et qui a été imposée à la famille de Condé. Pour son propre malheur, la jeune fille va en plus tomber follement, éperdument amoureuse d'un homme qui ne lui témoigne, au mieux, qu'un peu de pitié.

    La Transparence de l'Aube, Mémoires de Claire-Clémence, princesse de Condé ; Jean-Christian Petitfils

    Portrait de Claire-Clémence de Maillé-Brézé, princesse de Condé


    Claire-Clémence écrit depuis sa prison de Châteauroux. Nous sommes à la fin presque fin du XVIIème siècle, Louis XIV est déjà un homme mûr c'est une femme d'une génération au-delà encore qui nous parle. Elle a plus de soixante ans, elle est vieille, usée maintenant, en proie aux persécutions de ses geôliers, maintenue dans une prison humide par la cruauté de son fils, qui se montre aussi peu magnanime que son père...et, pour éviter de succomber aux accusations sournoises de folie que l'on essaie de colporter partout, la princesse de Condé décide alors d'écrire ses mémoires, de raconter son mariage mais aussi la Fronde, quand son époux fut emprisonné et que, n'écoutant que son courage, elle partit en province avec quelques fidèles et souleva Bordeaux et la Guyenne. Claire-Clémence de Maillé, par un furieux besoin d'être aimé de celui qu'on lui a donné pour époux, va se battre, littéralement, comme le fera un peu plus tard l'une de ses lointaines descendantes, la déterminée duchesse de Berry, au XIXème siècle. Pour l'honneur d'une famille mais aussi pour l'amour d'un homme, Claire-Clémence va devenir un chef de guerre et on peut même dire sans se tromper qu'elle fut certainement l'artisan de la libération des princes révoltés et de la rentrée en grâce de Condé et de ses fidèles. Elle raconte aussi sa vie de femme bafouée, devant supporter, dès les premiers temps de son mariage, des jeunes filles jolies et bien mieux nées qu'elles, qui tournent autour de son mari qui ne se gêne pas pour leur montrer son inclination même si cela doit faire souffrir sa femme. Elle raconte ces rares et fugaces moments où le prince semble soudain plus enclin à lui donner l'affection qu'elle attend désespérément : moments d'autant plus décevants qu'ils sont souvent suivis d'un refroidissement particulièrement douloureux pour elle. Et enfin, elle couche sur papier le scandale qui, en 1671, poussera son époux qui, pourtant, lui devait tant, à la faire emprisonner loin de Paris et de la Cour. Elle y restera jusqu'à la fin de sa vie, vingt-trois ans plus tard, en 1694.

    La Transparence de l'Aube, Mémoires de Claire-Clémence, princesse de Condé ; Jean-Christian Petitfils

     Le Grand Condé, Louis II de Bourbon-Condé, époux de Claire-Clémence

     

    C'est avec beaucoup de dignité et de grandeur que cette femme, devenue princesse du sang un peu par hasard, évoque sa vie de malheur et déconstruit avec force arguments convaincants l'idée reçue qui veut que, lorsqu'on naît noble, on naît nécessairement heureux car ce ne fut pas son cas.
    On n'attend pas vraiment Jean-Christian Petitfils, historien du Grand Siècle réputé, dans un registre romancé comme ici. Et pourtant, le pari est relevé et réussi haut-la-main puisqu'il allie à sa rigueur d'historien une plume un peu plus romanesque qui s'avère être tout à fait de qualité. Les faits sont précis, plutôt clairs même s'il est parfois un peu difficile de suivre les alliances et renversements d'alliances qui eurent lieu durant la Fronde et, même si Jean-Christian Petitfils fait une entorse à la sacro-sainte nécessité d'objectivité de l'historien, puisqu'il est censé ici être la main même de la princesse de Condé, ces faux mémoires n'en restent pas moins un écrit historique de qualité permettant d'en apprendre beaucoup sur une époque mais aussi sur un personnage au destin aussi romanesque que malheureux et plutôt oublié, éclipsé qu'il est par la figure de son époux, le Grand-Condé, le grand vainqueur de Rocroi. Livre relativement court mais bien écrit et fluide, La Transparence de l'aube se lit tout à fait bien, il n'est pas laborieux et déroule devant nous une époque troublée, charnière entre l'époque d'Henri IV et Louis XIII, encore marquée par les dissensions religieuses du siècle précédent et le Grand Siècle flamboyant de leur petit-fils et fils, Louis XIV. Une très bonne lecture.

    En Bref : 

    Les + : une bonne biographie romancée, servie par une bonne plume.
    Les - : mais aucun, bien sûr ! ! 

     


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  • Commentaires

    1
    Lundi 16 Février 2015 à 20:40

    J'aimerais beaucoup  le lire :)

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    2
    Lundi 23 Février 2015 à 11:04

    Je te le conseille, en tous les cas ! cool

    3
    Mercredi 4 Mars 2015 à 16:25

    J'ai hâte de voir ce que donne la plume romancée de cet historien, dont j'ai beaucoup apprécié l'ouvrage "Madame de Montespan". Celui-ci fait évidemment partie de ma PAL ! :-)

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