• Le Dernier des Nôtres ; Adélaïde de Clermont-Tonnerre

    « Aujourd'hui, quand je revois la manière dont les choses se sont passées, je me dis qu'il aurait fallu faire autrement. J'étais tendu vers un but. Il m'a aveuglé. Je suis passé à côté de ce que j'aurais dû voir et combattre. En aurais-je eu le courage ? Je ne sais pas. »

    Couverture Le dernier des nôtres

     

     

     

         Publié en 2017

      Editions Le Livre de Poche

      474 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Manhattan, 1969 : un homme rencontre une femme. 
    Dresde, 1945 : sous un déluge de bombes, une mère accouche d'un petit garçon. 
    Avec puissance et émotion, l'auteur nous fait traverser ces continents et ces époques que tout oppose : des montagnes autrichiennes au désert de Los Alamos, des plaines glacées de Pologne aux fêtes new-yorkaises, de la tragédie d'un monde finissant à l'énergie d'un monde naissant...Deux frères ennemis, deux femmes liées par une amitié indéfectible, deux jeunes gens emportés par un amour impossible sont les héros de cette fresque flamboyante. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Entre 1945 et les années 1970, l'histoire d'une famille allemande déchirée par la tragédie et par la guerre.
    En 1969, le jeune Werner Zilch, entrepreneur new-yorkais motivé et décidé à faire fortune sans rien devoir à personne, rencontre une jeune femme dans un restaurant. Il ne le sait pas encore, mais cette rencontre va changer sa vie et pas simplement sa vie amoureuse.
    En 1945, sous une pluie de bombes, dans une Dresde ravagée par les missiles alliés et menacée par l'avancée des troupes russes, une jeune femme donne naissance à un petit garçon : elle a juste le temps de le nommer et de le confier au médecin qui l'a accouchée avant de mourir.
    C'est difficile de résumer ce roman sans trop en dire, je trouve. Le meilleur moyen de s'en faire une idée, c'est de le lire, bien évidemment... mais comment vous en parler pour vous donner envie sans trop vous en dire non plus et ainsi, gâcher votre curiosité ? Alors même que je suis en train d'écrire ces mots, je ne sais pas du tout à quoi va ressembler la suite de cette chronique.
    On va commencer directement, une fois n'est pas coutume, par mon ressenti, avant d'en dire plus...Déjà, je dirai que je n'ai pas trouvé dans ce livre ce à quoi je m'attendais à la lecture du résumé. Est-ce que je m'attendais à quelque chose d'autre ? Oui. Enfin, disons, que je ne m'attendais pas à un récit comme celui-là, clairement. Est-ce que je le regrette ? Assurément, non. J'aurais pu être déçue, justement, de ne pas voir mes attentes satisfaites. Au final, je ne l'ai pas du tout été et j'ai trouvé ce récit d'une puissance rare. Vous lirez des avis mitigés sur internet : le thème qui fait vendre, le personnage principal masculin insupportable, le récit cousu de fil blanc. Que le thème fasse vendre, c'est un fait. Que le personnage de Werner soit parfois un peu insupportable, c'est vrai aussi (en même temps, un mec de vingt-cinq ans ultra sûr de lui et qui profère des énormités machistes dans les années 1970, ça courrait les rues, non ?). Ensuite, que le récit soit cousu de fil blanc...bon, je crois que c'est à l’appréciation de chacun. Personnellement, je n'avais pas forcément vu venir les rebondissements des derniers chapitres.
    Je ne m'étais pas non plus forcément attendue à la puissance des premiers chapitres : à la lecture de plusieurs résumés, je savais ce que j'allais y trouver mais honnêtement, j'ai été percutée et j'ai mis quelques secondes avant de redescendre. C'est violent, incisif et l'auteure ne ménage pas ses lecteurs. C'est la Seconde guerre mondiale dans toute son horreur, mais le prisme est légèrement déplacé ici : pas question de parler de la France, de l'Occupation, de la Résistance ou du Blitz, des sujets effectivement vus et revus, mais bien de la défaite de l'Allemagne en train de se jouer. Nous sommes au début de 1945, à quelques mois de l'armistice. L'Allemagne est cernée par les Alliés et par l'Armée rouge : au mois de janvier, les premiers camps de la mort sont libérés, on découvre avec stupéfaction et effroi les horreurs qui y ont été commises pendant toute la guerre...et surtout, de nombreuses villes allemandes sont prises sous le feu des bombes britanniques. Dresde n'y échappe pas : du 13 au 15 février 1945, la RAF, avec l'appui de l'aviation américaine, lâche pas moins de 650 000 bombes incendiaires et explosives sur la ville. A ce jour encore, le nombre exact de morts n'est pas connu et oscille entre 35 000 et 50 000 morts, ce qui est considérable. L'Allemagne du IIIème Reich est finie mais tandis que les hauts dirigeants, pour échapper à l'ennemi, se suicident à l'abri de leurs bunkers, comme le fera Hitler en avril 1945, c'est la population qui trinque. C'est dans cette horreur sans nom, dans cette ville qui n'en a plus que le nom, ce joyau baroque qui n'existe plus en quelques heures, que Werner naît. Oui, vous aurez compris que je ne vous révélerai pas le scoop de l'année : dès la lecture du résumé, on comprend que le jeune homme de 1969 et le bébé de 1945 sont bien la seule et même personne. Werner, donc, dont on va remonter l'histoire petit à petit, pour comprendre. Comprendre le drame d'une famille, bien évidemment bouleversée par la guerre mais aussi par des griefs et des rivalités plus personnelles qui n'ont rien à voir avec elle.

    Image illustrative de l’article Bombardement de Dresde

     

    La ville de Dresde après les bombardements de février 1945


    J'ai aimé ce changement de point de vue : je crois que je peux compter sur les doigts d'une main les romans que j'ai pu lire et qui traitaient de la Seconde guerre mondiale et qui se concentrent sur l'Allemagne. Pourquoi ? Un fond de rancœur ? Un reste de pudeur à évoquer les souffrances d'un peuple qu'on considérait alors comme l'ennemi irréductible ? Par sa proximité avec nous, il est difficile effectivement de s'approprier ce sujet avec une objectivité froide. On va forcément y mettre un peu de nous, des souvenirs de nos proches, parce qu'on a tous un grand-père, une grand-mère qui a bien connu cette époque et qui nous l'a racontée. Ou pas. Et je crois qu'on se forge aussi notre sentiment profond avec ces paroles ou l'absence de ces mots, justement, ce silence qui pèse ; parce que la Seconde guerre est une guerre totale, avec des fronts flous, sans arrière, parce que chacun est touché et risque sa vie, parce qu'il n'y a pas que les soldats qui vont au charbon, comme on dit et que certains jeunes gens réfractaires vont s'improviser guerriers avec des fusils de fortune et quelques bouts de ficelle, et parce que pour la première fois la xénophobie est élevée au rang d'une idéologie sur laquelle on assoit des régimes, cette guerre est décidément bien différente de celle qui l'a précédée, même si l'horreur reste la même. Et on oublie bien souvent que le peuple allemand a été victime lui aussi de cette horreur. On oublie qu'il est peut-être même la première victime du nazisme. C'est ce que montre bien l'auteure dans ce roman : il y'a ceux qui ne se posent pas de questions parce qu'ils n'entendent rien à la politique, ceux qui vont adhérer à l'idéologie parce qu'ils n'auront pas le choix et enfin, ceux, impardonnables, qui vont y adhérer par conviction ou pour assouvir de bas instincts. Mais au final, combien sont-ils, les vrais convaincus et combien sont-ils ceux qui ont subi ? Les seconds sont certainement les plus nombreux. Dans cette Allemagne qui est sur le point de capituler, qui perd un à un ses dirigeants, la population, les femmes, les enfants, les plus âgés, sont les premières victimes du rouleau compresseur qui est en train de réduire le pays à néant, bouleversant des vies à jamais.
    La vision de l'auteure m'a plu. Elle ne cherche jamais à excuser mais elle nuance toujours et j'ai apprécié ce parti-pris, l'idée qu'il est facile de juger des années plus tard mais pas toujours évident de faire les bons choix à l'instant T.
    En parallèle, la double-temporalité du récit permet aussi d'aborder un monde plus léger, celui du gratin new-yorkais de la fin des années 60 et du début des années 70 : du psychédélisme de la Factory de Wharol aux belles demeures de la Cinquième Avenue, nos personnages s'étourdissent dans une vie tourbillonnante et menée à cent à l'heure, dans une époque encore optimiste où tout semble facile. Werner et son ami et associé Marcus sont les purs produits du rêve américain, des self-made-men qui s'élèvent à force d'ambition et de travail ; la sœur de Werner, Lauren, est une avant-gardiste, hippie et écolo avant la lettre tandis que Rebecca, la petite amie de Werner, est issue de cette aristocratie américaine basée sur la finance et l'industrie, vit fastueusement au milieu de montagnes de billets tout en étant artiste et souhaitant vivre de son art. On alterne donc, tout au long du récit, entre la noirceur d'un monde finissant en plein marasme et les paillettes d'une ville en pleine expansion, à une époque où la vie semble tellement plus facile et plus belle - sans être exempte de ses parts d'ombre pour autant et de ses fantômes.
    Comme dans le roman Lola Bensky, de Lily Brett, qui abordait avec pudeur les traumatismes enfouis des enfants de déportés, on découvre ici que les tragédies se transmettent et les traumatismes aussi. Et c'est dans la douleur des révélations, dans la sidération aussi qu'elles peuvent produire, que Werner va peu à peu comprendre qui il est, se stabiliser et arrêter de voler d'un projet à un autre, d'une femme à une autre, pour se construire et comprendre d'où il vient, une préoccupation tellement humaine et qui peut devenir tellement dévorante et tellement destructrice.
    J'ai donc beaucoup aimé ce roman, même si le début ne présageait rien de bon : il m'a laissé une drôle de sensation, un sentiment étrange et un peu désagréable, il m'a secouée aussi. Je me suis dit à un moment que ce roman n'était peut-être pas fait pour moi mais j'ai persévéré : je n'aime pas abandonner un livre et, d'ailleurs, je n'en avais pas envie. Au pire, je me suis dit, tu seras déçue. Non seulement je ne l'ai pas été mais j'ai trouvé dans ce roman une teneur, une densité, un récit que je n'attendais pas. Donc, en conclusion, une bien belle découverte, qui abordent des sujets qui me parlent et une époque historique pour laquelle j'ai un certain intérêt. Le changement de point de vue, braqué sur l'Allemagne de 1945, m'a beaucoup intéressée et surtout, j'ai trouvé que l'auteure se débrouillait bien avec un sujet pas simple, sans tomber dans l'écueil du manichéisme, du trop facile et du consensuel. Le Dernier des Nôtres est donc un bon roman historique mâtiné d'un secret qui créé du suspense et, qui évidemment, pique la curiosité.

    En Bref :

    Les + : un sujet intéressant et bien maîtrisé par l'auteure, comme les mots qu'elle manie avec habileté. Une double-temporalité intéressante et qui renvoie dos à dos deux époques, un monde finissant et un autre où le champ des possibles est vaste. C'était sympa et peut-être même un poil trop court pour moi !  
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever. Certes, les premiers chapitres, surtout ceux traitant des bombardements de Dresde, m'ont laissé une drôle de sensation...mais ce n'est qu'un avis absolument personnel et donc subjectif, d'autant plus qu'il s'est rapidement dissipé.


    Le Dernier des Nôtres ; Adélaïde de Clermont-Tonnerre 

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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