• Le Maître Ardoisier ; Françoise Bourdon

    « J'étais comme toi. Rebelle, prête à tout pour faire ce dont j'avais envie. Et puis en prenant de l'âge, j'ai appris à composer, à faire des concessions. C'est dans l'ordre des choses. »

    Le Maître Ardoisier ; Françoise Bourdon

    Publié en 2015

    Editions Pocket

    320 pages

    Résumé : 

    Si aride que soit cette terre ardennaise, la vie s'y est implantée grâce à de vivaces industries. L'orgueil de ce pays, c'est cette pierre indispensable appelée ardoise. 
    Depuis les années 1860, près de Charleville, les ardoisières d'Eugène Warlet font vivre tout un bourg. Pour lui succéder, il y'a son neveu Bertrand, homme aux manières brutales. Les « écaillons » ne l'acceptent pas et lui préfèrent sa tante Benjamine, une « vraie fille de l'ardoise », elle. Alors, malgré l'hostilité familiale, Benjamine va devoir se battre pour l'entreprise Warlet. 

    NB de la blogueuse : Le résumé de quatrième de couverture de mon édition comportant quelques erreurs, je me suis permise de les corriger tout en conservant la trame des éditions Pocket. Pour info, Benjamine n'est pas la sœur de Bertrand, mais bien sa tante. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Au début des années 1860, dans les Ardennes, la famille Warlet vit de l'extraction de l'ardoise et Eugène, le père, se désole de voir que son héritier n'a aucun goût pour cela. Soutenu par sa mère, Louis Warlet refuse catégoriquement de s'intéresser aux mines. En désespoir de cause c'est donc à sa fille, Benjamine, que le patron va transmettre son savoir et sa passion. Mais cette transmission ne se fera pas sans mal, surtout quand Benjamine, ébranlée par un accident survenu dans l'une des fosses, décide de laisser les rênes à son neveu, Bertrand, ambitieux mais indifférent aux ardoisières et aux ouvriers, ne comptant que sur le profit.
    Le Maître Ardoisier est un roman historique et de terroir, mâtiné de roman industriel et de saga familiale. Ça fait beaucoup pour un petit roman de moins de 350 pages mais force est de constater que l'auteure se débrouille bien ! Je dirais que Le Maître Ardoisier a les défauts de ses qualités mais, dans l'ensemble, ça reste une bonne lecture. J'ai toujours beaucoup aimé les romans dits de terroir. J'ai lu, dans ce genre-là, du bon comme du plus mauvais. Je crois qu'on a tendance à considérer ces romans comme une littérature un peu moins digne d'intérêt que d'autres genres et c'est dommage parce que certains romans valent le coup ! Personnellement, l'aspect historique de ces romans a toujours su, sinon me séduire, du moins attirer mon attention. En général, les romans de terroir sont de beaux hommages à une région qui fait partie intégrante des personnages. C'est le cas ici. Dans Le Maître Ardoisier, les Ardennes sont au centre du récit et, pour moi qui vis dans le Sud-Ouest de la France et ne connaît pas du tout cette région et ses particularités, ce fut une véritable découverte ! A l'époque, c'est effectivement dans ces régions du Nord et de l'Est que se développe l'industrialisation de la France, que l'on va exploiter les mines de charbon ou, comme ici, les filons d'ardoise, dont la qualité bientôt, s'avère être proche de celle d'Angers. La présence de la frontière, toute proche, permet aussi à ces régions industrielles, de créer des liens commerciaux durables avec la Belgique toute proche mais aussi les Pays Bas et les pays du nord de l'Europe.
    L'aspect industriel du roman m'a beaucoup plu, même si c'est un domaine dont je ne connais rien ! Il m'a rappelé un peu ces romans du XIXème siècle, où étaient dénoncés les inégalités du système. Il va être difficile de comparer ce roman à l'oeuvre magistrale du genre, Germinal, parce qu'ils sont quand même très différents, mais on retrouve cependant quelque points communs : la pénibilité du travail et de la vie ouvrière, les maladies consécutives à une vie passée dans les fosses, la poussière d'ardoise, comme celle du charbon, polluant petit à petit les poumons des ouvriers, la peur constante du grisou ou de l'effondrement des galeries, l'envie, pour ses enfants, d'une vie meilleure, les petits salaires, les grèves, l'affrontement avec les patrons, dont le paternalisme, pour certains, se mêle à une certaine condescendance.

    Ardoisière Saint-Joseph, près de Fumay, dans les Ardennes 


    L'auteure apporte beaucoup de précisions à son propos, ce qui donne, de fait, une réelle authenticité au roman. J'aurais peut-être aimé cependant la présence d'un glossaire ou de notes de bas de page afin que soient expliqués certains termes, dont on comprend le sens par déduction mais qui ne sont pas évidents pour autant.
    De même, le contexte historique est bien décrit. Paradoxalement, ce n'est pas la période qui m'intéresse le plus en Histoire, mais j'aime énormément les romans qui se passent à ce moment - là, entre XIXème et XXème siècles...
    On sent en plus que l'auteure s'est beaucoup renseignée sur la période et notamment sur l'occupation allemande dans les Ardennes et les conditions de vie des civils, dans la région, pendant les quatre ans du conflit -néanmoins, cela me fait penser que la guerre de 1871 passe totalement à la trappe et que cela m'a un peu surprise car le village où se situe l'intrigue n'est pas loin de Sedan. Bref, fermeture de parenthèse et revenons-en à la Grande Guerre : les régions de l'Est furent effectivement bien plus touchées qu'on ne pourrait le croire... C'est là que les soldats s'enterrèrent dans une interminable guerre de position mais les habitants durent faire face en plus aux restrictions et à l'installation des troupes allemandes, ce qui n'était pas le cas dans les autres régions, plus éloignées.
    J'ai trouvé très intéressant de découvrir cette région dans toute sa complexité, dans la splendeur comme dans le désespoir. Dans un vrai roman de terroir, le pays où se situe l'intrigue doit se trouver au même rang que les personnages, il est un maillon essentiel de l'histoire et c'est le cas ici. J'ai vraiment découvert cette région, lointaine pour moi et que je ne connais absolument pas !
    J'ai aussi apprécié les personnages, pas tous de la même manière bien sûr, mais ils avaient tous leur importance dans cette histoire. Les personnages du Maître Ardoisier forment un panel représentatif de la société française à l'époque, entre traditions et modernisme, ruralité et expansion industrielle.
    Passons maintenant à ce qui m'a dérangée, dans ce roman. Oui, parce qu'après les points positifs, j'aurais quelques petits bémols à soulever. J'ai eu un sentiment assez désagréable de
    rapidité. Le Maître Ardoisier est un roman court et se lit donc très bien, c'est un fait. Mais couvrir près de quatre-vingts ans en 350 pages, c'est... difficile ! Disons que cela nécessite de faire l'impasse sur certaines choses, c'est clair. Alors, attention, je ne suis pas contre la concision : parfois il vaut mieux un propos qui aille droit au but sans se perdre en circonlocutions inutiles. Certes. Mais parfois, quand c'est le contraire qui se passe, ça n'est pas mieux non plus. Ici, la chronologie se déroule à une vitesse folle ! A croire que le sablier du temps s'était emballé ! Mais les personnages grandissaient et vieillissaient tous donc très rapidement au point que je m'y perdais parfois, ne sachant plus qui était qui parce que j'étais restée fixée sur la génération précédente ! Peut-être la saga familiale aurait - elle mérité d'être plus étoffée, d'autant plus que les personnages étaient tous dignes d'un certain intérêt et très bien travaillés, on ne peut pas dire le contraire. Moi qui ai toujours la crainte de ne pas m'attacher aux personnages quand je commence un livre, il est vrai que je n'ai pas été confrontée à cette désagréable sensation à ma lecture du Maître Ardoisier, au contraire. Mention d'ailleurs aux femmes qui émaillent ce roman et l'ensoleillent avec beaucoup de grâce ! J'ai beaucoup aimé Benjamine, que l'on suit du début jusqu'à la fin du récit et que l'on voit évoluer, grandir, vieillir, aimer et se battre pour ce qui fait sa vie : les ardoisières Warlet.
    Peut-être que l'auteure aurait dû leur donner un peu plus de temps, à tous.
    Mais à part ça, je n'ai pas grand chose d'autre à dire. Le Maître Ardoisier est un petit roman agréable à lire, qui vous fera passer un bon moment si vous aimez les récits mâtinés d'Histoire et de ruralité ainsi que d'un soupçon d'industrialisation. L'aspect industriel vaut le coup lui aussi parce que l'auteure décrit vraiment très bien.
    Je ne m'attendais pas à ça en ouvrant le roman... Un récit qui se déroule sur autant de temps, des personnages aussi ciselés, différents les uns des autres... En somme, une bonne surprise !

    En Bref :

    Les + : un roman de terroir mâtiné d'Histoire et d'industrie servi par des personnages intéressants et ciselés, un contexte bien restitué et un sujet tout à fait attractif et maîtrisé par l'auteure.
    Les - : l'absence d'un glossaire ou de notes de bas de page pour les termes techniques, une chronologie peut-être un peu trop rapide et enfin, ce fait qui n'est pas imputable à l'auteure mais qui est dommage quand même : le résumé approximatif de l'édition 2015 des éditions Pocket.


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 6 Septembre 2018 à 12:00
    Le Salon Des Lettres

    Je ne suis pas du tout roman de terroir mais tu dépeins si bien ce livre que je me laisserai bien tenter... Je comprends ta frustration concernant le nombre de pages et un résumé non attractif est un point à souligner (je déplore les livres où le résumé n'est qu'une citation)

      • Jeudi 6 Septembre 2018 à 20:15

        Ah, moi au contraire, j'aime bien les romans de terroir même si j'ai parfois été déçue ! happy J'ai parfois fait aussi de très bonnes découvertes comme Les petits mouchoirs de Cholet d'Isabelle Artiges par exemple qui avait été un vrai coup de coeur ! sarcastic 

        Celui-ci m'a beaucoup plu parce que j'y ai découvert une région que je ne connais pas et un univers professionnel qui m'est aussi totalement inconnu ! J'aime ces romans industriels où l'on plonge au plus près des travailleurs... On se rend compte aussi que nous avons aujourd'hui de la chance et que même si chaque métier a sa pénibilité, le monde du travail est mieux encadré...La vie des ardoisiers de Françoise Bourdon m'a un peu rappelé celle des mineurs de Zola...

        En revanche, même si ce n'est pas imputable à l'auteure : le résumé est un gros point négatif ! Dommage qu'il ne soit pas du tout exhaustif... 

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