• Le pouvoir au féminin : Marie-Thérèse d'Autriche 1717-1780 L'impératrice-reine ; Elisabeth Badinter

    « Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des rares femmes de l'histoire qui aient gouverné et incarné leur pays durant quarante ans. Dotée d'un pouvoir absolu comme Élisabeth Ière d'Angleterre ou Catherine II de Russie, elle dut, contrairement à celles-ci, négocier durant tout son règne avec sa féminité. Alors qu'Élisabeth et Catherine ont vécu et régné comme des hommes, Marie-Thérèse d'Autriche fit une large place à l'épouse amoureuse ainsi qu'à la mère aimante et soucieuse de ses enfants. »

    Couverture Le pouvoir au féminin

     

     

     

       Publié en 2018

         Éditions Le Livre de Poche 

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Les Français connaissent mal celle qui fut la mère de Marie-Antoinette. Pourtant, Marie-Thérèse d'Autriche est l'une des plus grandes figures tutélaires de son pays. Je l'ai découverte par sa correspondance privée, dans laquelle elle se révèle guerrière, politique avisée, mère tendre et sévère. C'est une femme au pouvoir absolu, hérité des Habsbourg, qui régna pendant quarante ans sur le plus grand empire d'Europe. Et, ce faisant, elle eut à gérer trois vies : épouse d'un mari adoré et volage, mère de seize enfants, souveraine d'un immense territoire. Cette gageure qu'aucun souverain masculin n'eut à connaître, j'ai voulu tenter de la comprendre. Cette femme incomparable en son temps, qui inaugure une nouvelle image de la souveraineté et de la maternité, ressemble, sous certains aspects, aux femmes du XXIe siècle.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand on pense à Marie-Thérèse d’Autriche, c’est d’abord sa fille Marie-Antoinette, reine de France, qui nous vient à l’esprit. Ou peut-être le nom va-t-il nous évoquer une autre reine, l’épouse de Louis XIV, qui s’appelait Marie-Thérèse d’Autriche, elle aussi.
    Ici, il s’agit bien de la mère de Marie-Antoinette, la reine de Bohême et impératrice, Marie-Thérèse, qui traverse un siècle passionnant : le XVIIIème siècle. Née en 1717, héritant des possessions paternelles en 1740, elle meurt en 1780, détentrice d’un pouvoir et d’une aura inégalés. Plus encore que son mari, François-Etienne de Lorraine, elle est l’incarnation du Saint-Empire, pourtant foncièrement masculin mais qu’elle incarnera mieux que tout autre. Se passionner pour le XVIIIème siècle, c’est forcément un jour s’intéresser à cette ère des femmes, dans une époque encore profondément misogyne et patriarcale.
    Le destin de Marie-Thérèse d’Autriche est accidenté et rien moins que facile : il semble même qu’elle soit le fruit d’une sorte de malédiction des Habsbourg d’Autriche qui, en ce début du XVIIIème siècle, ne parviennent pas à avoir de fils. Sa tante comme sa mère seront affligées d’une sorte de « stérilité royale » puisqu’aucune des deux ne donneront de fils à leurs époux. Une obsession et un échec terribles pour ces femmes dont le destin était tout tracé : être mères et surtout, de garçons. On s’imagine mal aujourd’hui que l’absence d’enfants mâles pouvait aller jusqu’à menacer la vie des impératrices, la répudiation étant le moindre mal ! Marie-Thérèse aura une sœur, des cousines, mais pas de frères. D’où la décision de son père Charles VI de promulguer la Pragmatique Sanction, destinée à donner à son aînée, Marie-Thérèse, la possibilité d’hériter des possessions familiales (Hongrie, Bohême) à son décès. C’est ce qui advient au décès brutal de Charles VI en 1740. Pourtant, la succession ne se fera pas en douceur, au contraire, puisqu’elle engendrera une guerre violente, la Guerre de Succession d’Autriche, qui menacera directement les territoires des Habsbourg. Et pourtant, de ce conflit et même des suivants, Marie-Thérèse saura toujours s’en tirer grandie, plus forte. Les difficultés du début du règne affermiront à jamais l’impératrice, qui ne l’est que par mariage mais, que par association, on n’appellera jamais plus autrement même si elle ne détint jamais la réalité du pouvoir impérial, exclusivement masculin par essence.
    Elle traversa aussi des orages et la fin de sa vie fut triste, marquée par des affections physiques et une mélancolie qu’on qualifierait aujourd’hui de dépression chronique, par une opposition violente aussi avec son fils Joseph II avide de pouvoir et d’indépendance par rapport à son omnipotente mère, mais elle a cependant marqué d’un sceau indélébile l’Histoire de l’Europe : elle est celle qui tint tête malgré l’adversité à un souverain misogyne et ambitieux, Frédéric II, elle est l’artisane d’un renversement des alliances qui brisa les lignes diplomatiques en Europe depuis le début de l’époque moderne… elle est un véritable chef d’État.

    Illustration.

    L'un des portraits les plus connus de Marie-Thérèse par Martin Van Meytens en 1759, où elle est représentée avec le sceptre et la couronne de saint Etienne, symbolisant son pouvoir sur la Hongrie


    Dans ce livre, qui n’est ni tout à fait un essai, ni tout à fait une biographie mais un peu des deux à la fois, Elisabeth Badinter, essayiste féministe et connue notamment pour ses travaux sur la maternité, s’interroge sur le pouvoir au féminin et ce qu’il implique, surtout à une époque où il n’allait pas de soi – de toute façon, le pouvoir féminin va-t-il du choix aujourd’hui ? On peut en douter et le patriarcat a encore de beaux jours devant lui, malgré la lutte féministe plus mobilisée que jamais. Pour faire une comparaison un peu anachronique, Marie-Thérèse comme ses paires les impératrices de Russie ou encore Madame de Pompadour (favorite du roi Louis XV et diplomate de l’ombre), est « la femme qui travaille » et qui doit concilier une vie privée (épouse et mère la concernant) à une vie publique et professionnelle en quelque sorte. Or, ce qui est compliqué aujourd’hui, l’est encore plus à l’époque. Comment tirer son épingle du jeu sur une scène géopolitique largement dominée par les hommes ? Comment faire de ses désavantages apparents des atouts ? Marie-Thérèse se révèlera un formidable animal politique, d’autant plus admirable qu’elle ne fut pas formée à l’être, comme souvent l’étaient ses homologues masculins, préparés à leur « métier de roi ».
    Marie-Thérèse joue dans la même catégorie que le roi de Prusse, le roi de France ou encore le roi d’Angleterre… jalouse de son pouvoir, elle n’accorde à son époux, qu’elle aime pourtant tendrement et auquel elle sera fidèle jusqu’à la mort de François-Etienne en 1765 (ce qui ne sera pas son cas à lui, puisque l'empereur aimait les femmes et ne s'en cachait pas), qu’un pouvoir symbolique et dont il s’accommode, n’ayant pas la même fibre politique que son épouse. C’est elle qui tient effectivement les rênes du pouvoir et si son mari l’incarne, c’est elle qui l’exerce en sous-main, avec efficacité. Et pourtant, Marie-Thérèse est confrontée à un autre aspect de la vie d’une femme qu’un souverain masculin ne connaîtra jamais : la maternité. Mère prolifique, conjurant la malédiction qui avait touché sa tante, l’impératrice Wilhelmine de Brunswick-Lünebourg puis sa mère, Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel, qui n’avaient pas eu de fils, elle sera surtout attentive à sa progéniture, menant dans le privé une vie presque bourgeoise auprès de son époux et de leurs enfants, personnifiée par ce fameux tableau où l’on voit la famille royale installée dans un salon, l’impératrice vêtue de bleue installée dans un fauteuil à l’image de son mari et entouré des enfants, jusqu’aux plus jeunes, encore dans les langes. Marie-Thérèse sut concilier, pas toujours de manière aisée mais certainement d’une main de maître, les deux aspects de sa vie : souveraine exerçant le pouvoir et mère d’une famille nombreuse puisqu’elle mit au monde seize enfants dont dix atteindront l’âge adulte.
    Si vous ne connaissez pas le destin de Marie-Thérèse ou dans les grandes lignes, cette biographie peut être intéressante pour démarrer. Elle n’est ni trop historique, ni bâclée pour autant et apporte l’essentiel des informations chronologiques, biographiques, diplomatiques. Elle nous permet de cerner le personnage sous toutes ses facettes et Marie-Thérèse en sort encore grandie parce que, comme toutes les femmes, elle eut toujours plus à prouver qu’un homme détenteur du même pouvoir. Mais, contrairement à d’autres femmes qui firent des choix radicaux, mettant parfois leur féminité de côté au profit d’un pouvoir « viril » et d’une incarnation plus masculine, Marie-Thérèse sut toujours jouer de sa féminité et ne délaissa pas pour autant son rôle d’épouse et de mère, qu’elle exerça avec autant de zèle que le pouvoir sur ses états et même sur l’Empire en général.
    La plume d’Élisabeth Badinter est fluide, agréable à lire et cette biographie bien documentée, appuyée notamment sur des correspondances privées. Une belle découverte, que l’amoureuse du XVIIIème siècle que je suis a pris grand plaisir à lire.

    La famille impériale par Martin Van Meytens : l'idée originale de Marie-Thérèse est d'adapter ce tableau au gré des nouvelles naissances, faisant représenter les nouveaux-nés au fur et à mesure.

    En Bref :

    Les + : une biographie bien documentée et intéressante, qui entreprend de raconter Marie-Thérèse d'Autriche par tous les aspects de son règne et son essence même, celle de femme et de mère. On retrouve là un sujet cher à Élisabeth Badinter et qui donne un autre éclairage aux règnes des femmes dans l'Histoire, souvent bien ignorées
    Les - : pas vraiment de point négatif à soulever pour moi. C'était une lecture agréable, riche et documentée.


    Le pouvoir au féminin : Marie-Thérèse d'Autriche 1717-1780 L'impératrice-reine ; Elisabeth Badinter

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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