• Le Refuge des Souvenirs ; Mary Marcus

    « C'est la vérité vraie. Un seul cœur, ça suffit largement, du moment qu'on l'utilise sans avoir peur de le casser en mille morceaux. »

     

    Couverture Lavina / Le refuge des souvenirs

     

     

     Publié en 2014 aux Etats-Unis 

     En 2018 en France (pour la présente édition)

     Titre original : Lavina 

     Editions Charleston (collection Poche) 

     496 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Au cours de l'été brûlant de 1963, la ségrégation fait rage dans la petite ville de Murpheysfield. Mary Jacob, douze ans, mal aimée par sa famille, trouve refuge auprès de Lavina, la cuisinière noire, qu'elle considère comme sa mère. Mais lors d'incidents raciaux, la domestique est tuée. Mary Jacob, choquée, oubliera tout de cette période de sa vie. 

    Des décennies plus tard, apprenant que son père est mourant, Mary Jacob retourne dans sa Louisiane natale. Partie sur les traces de son passé, la jeune femme retrouvera-t-elle la mémoire de son enfance brisée ? Pourra-t-elle faire la paix avec sa propre histoire et avec Billy Ray, le fils de Lavina, blessé par le silence et les non-dits ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au début des années 1990, Mary Jacob quitte New York où elle vit avec mari et enfants pour rentrer en Louisiane où son père, mourant, demande de venir le voir. Direction Murpheysfield, sa ville natale, où elle a passé son enfance jusqu'à ses douze ans, en 1963, date à laquelle on l'a envoyée en pension. Cette année-là, une émeute avait eu lieu dans les rues de Murpheysfield, suite à une manifestation en faveur des droits civiques. Au cours de cette émeute, la cuisinière de la famille de Mary Jacob, Lavina, dont la petite fille avait été très proche, est tuée. Dans les années qui suivent, loin de Murpheysfield, Mary Jacob a occulté ce terrible été tout en gardant un certain mal-être en elle, qu'elle ne peut expliquer.
    Au même moment, le fils de Lavina, Billy Ray, chanteur reconnu mais qui connaît alors une longue traversée du désert, revient se produire en Louisiane où il espère renouer le succès. Lui n'a rien oublié de ce qui s'est passé ce jour d'août 1963 et, trente ans plus tard, il veut des réponses et comprendre pourquoi sa mère se trouvait là, dans cette manifestation qui lui a coûté la vie.
    En alternant les époques on découvre pourquoi Mary Jacob entretient des relations aussi houleuses avec sa famille, pourquoi Billy Ray a quitté Murpheysfield en catastrophe à l'âge de quinze ans et enfin pour quelle raison exactement Lavina est morte au cours de cet étouffant été 1963...
    Ce n'est pas vraiment un roman à secrets parce que finalement, il n'y en a pas, de secret. On ne découvre pas la mort de Lavina, on l'apprend dès les premières pages. Finalement ce que l'on découvre au fur et à mesure que le récit se déroule, c'est ce qui s'est passé cet été-là, un peu comme une enquête policière que l'on reprendrait 30 ans plus tard. Et au centre de cette enquête il y'a deux personnes meurtries par cet événement dont elles ont gardé un souvenir à leur manière : Mary Jacob en l'occultant entièrement et Billy Ray en en faisant au fil des années une question lancinante, avivée par son besoin de savoir à tout prix ce qui va le pousser à retrouver Mary Jacob qu'il n'a pas vue depuis trente ans.
    Globalement j'ai apprécié ce roman même si ce n'était pas gagné parce que j'ai eu beaucoup de mal avec les premiers chapitres. En le commençant je m'attendais à un livre extrêmement proche de La Couleur des Sentiments le lumineux roman de Kathryn Stockett ou éventuellement de La Colline aux Esclaves de Kathleen Grissom que j'ai aussi beaucoup aimé. Au final je crois qu'on survend un peu trop ces points communs entre le livre de Mary Marcus et celui de Kathryn Stockett... certes il y'a des similitudes entre les deux : l'époque, le contexte, le sujet mais ça s'arrête là. Et je crois que beaucoup de lecteurs ont été déçus parce qu'ils se sont convaincus qu'ils liraient un récit presque jumeau de celui de La Couleur des Sentiments alors que ce n'est pas du tout le cas : disons qu'en fait de jumeaux les deux livres sont des...cousins germains.
    Ceci dit le roman de Mary Marcus a ses qualités. Ce n'est pas un mauvais récit, ce n'est pas mal écrit. Personnellement, ce qui m'a manqué c'est l'attachement aux personnages qui est arrivé trop tard. Si je n'arrive pas à aimer les personnages d'un livre, fatalement mon avis général va s'en ressentir. Et c'est vrai que les premiers chapitres m'ont fait douter mais j'ai persévéré parce que le sujet me plaisait et parce que j'avais ressenti de l'intérêt pour Lavina qui est l'un des narrateurs et qui avec sa simplicité pas dénuée d'une certaine lucidité m'a plu tout de suite : heureusement d'ailleurs et cela a compensé le peu d'attachement que j'avais pour Mary Jacob et sa famille.
    Finalement Mary Jacob m'a plus plu en jeune fille de douze ans délaissée, pas aussi jolie que sa sœur aînée qu'elle déteste et envie à la fois, trouvant refuge auprès de la cuisinière qu'elle considère comme sa vraie mère. Dans une société encore profondément raciste et où les riches familles blanches acceptent volontiers que les cuisinières et domestiques noires préparent leurs repas et repassent leur linge mais n'iraient jamais ô grand jamais s'asseoir au même endroit qu'eux, l'adolescente est la seule vraiment sincère, parce que pour elle la couleur de peau n'existe tout simplement pas et de fait elle ne comprend pas les barrières sociales dressées par son entourage. J'ai par exemple trouvé assez édifiante la condescendance de la sœur aînée, Kathryn qui dit qu'elle aime Lavina et que bien sûr elle n'irait jamais lui dire qu'elle est une négresse mais qu'enfin, il ne faut pas se voiler la face et c'est ce qu'elle est. Édifiante et éclairante aussi parce que finalement elle dépeint bien la société de l'époque qui ne se pose pas de questions : la ségrégation fait partie de la vie de chacun. Certains n'en pensent rien, c'est comme ça et d'autres détestent vraiment les Afro-américains les considérant comme des citoyens de seconde zone voire à peine comme des hommes -et cela il y'a un peu plus de cinquante ans, tout au plus. J'ai retrouvé ce que Yaa Gyasi dépeint si bien dans No Home : cette marque indélébile de la couleur de peau qui vous poursuit quoi que vous fassiez, dans un Sud encore aux prises avec ses vieux démons. La Louisiane du Refuge des souvenirs n'est pas l'état riant auquel on pense quand on l'évoque, avec des chanteurs de jazz à tous les coins de rue et une population métissée. C'est une Louisiane bien sombre que l'auteure nous donne à voir ici.
    À part ces personnages assez antipathiques au départ et une fin un peu abrupte je n'ai pas grand-chose à reprocher à ce roman. Dommage qu'on le survende en le comparant à un monument, parce que très franchement il est difficile à mon sens d'atteindre le niveau de Stockett dans La Couleur des sentiments mais ça ne veut pas dire pour autant que Le Refuge des souvenirs n'est pas bon, au contraire. Il faut persévérer et ne pas forcément se laisser rebuter par les premiers chapitres qui ne sont pas évidents. En ce qui me concerne c'est vrai que j'ai préféré la deuxième partie qui se concentre sur les années 60 mais globalement le roman est cohérent. L'auteure a choisi de raconter un pan de l'histoire de son état natal et on s'y voit : cette Louisiane ségrégationniste écrasée par un été qui n'en finit pas se transforme en ce mois d'août 1963 en véritable poudrière.
    Je ne garderai pas un mauvais souvenir de cette lecture au contraire et je ne peux que vous encourager à vous lancer en gardant à l'esprit, si vous avez lu La Couleur des Sentiments, que ces deux romans malgré un sujet similaire sont diamétralement opposés. Vous apprécierez sûrement bien mieux ainsi. 

    En Bref :

    Les + : l'histoire, belle et touchante, de l'amitié réelle qui unit Mary Jacob, petite fille de douze ans en mal d'amour et Lavina la cuisinière noire, qui pose un regard profondément lucide et sans illusion sur la société dans laquelle elle vit. 
    Les - :
    des personnages peu attachants et c'est dommage, parce qu'ils sont intéressants dans leur diversité et une fin un peu abrupte pour moi.


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