• Le Roman de Catherine de Médicis ; Michel Peyramaure

    « La bénévolence n'est une vertu que pour qui n'a pas à affronter le mal ou la violence ; elle peut être une faute dans le cas contraire, le pire étant l'exercice de la cruauté pour le plaisir.  »

    Le Roman de Catherine de Médicis ; Michel Peyramaure

    Publié en 2002

    Editions Presses de la Cité 

    368 pages

    Résumé : 

    Cette vieille femme à l'agonie dans une chambre du château de Blois, en ce Noël de l'an 1588, a été l'une des plus grandes reines de France et la femme la plus calomniée de son temps. Les moments importants de sa vie défilent dans sa mémoire... De la petite duchessina de Florence à la redoutable Catherine de Médicis, instigatrice du massacre de la Saint-Barthélemy, que de chemin parcouru, que de passions et de drames ! Gouvernante de France durant trente ans, elle a régné en émule de Machiavel sur un royaume à la dérive, redoutée, honnie et toute-puissante. Femme au destin unique, femme de solitude et de pouvoir, Catherine de Médicis suscite encore quatre siècles après sa disparition, une fascination extraordinaire, comme en témoigne ce portrait passionnant.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En décembre 1588, la reine-mère, Catherine de Médicis, est à l'agonie au château de Blois. Et la grande reine, qui a régné à la place de ses fils incapables, se remémore son passé, depuis les temps où elle n'était que la petite duchessina Caterina, à Florence, jusqu'aux événements tragiques des Guerres de Religion qui ensanglantent ses derniers jours... Et le titre du livre est vraiment bien choisi : car pour un roman, l'existence du dernier rameau de la famille Médicis en est un vrai  ! 
    Née en 1519 d'un père toscan et d'une mère française, rien ne prédisait au dernier rejeton de la lignée des Médicis qu'elle serait un jour reine et surtout, régente de France, sur un temps exceptionnellement long et à une époque exceptionnellement troublée. Orpheline de ses deux parents à quelques jours, élevée entre Florence et Rome, elle connaîtra à huit ans la claustration et la peur au moment de l'approche dangereuse des troupes impériales de Charles-Quint, quand le peuple florentin voudra la livrer à la soldatesque. Nièce et cousine de deux papes, Clément VII et Léon X, l'adolescente au physique ingrat est pourtant vite promise à un destin qu'elle n'aurait pu imaginer quand, pour sceller une alliance avec le pape et contrecarrer les velléités italiennes de Charles-Quint, François Ier décide de demander au souverain pontife la main de sa nièce pour son fils cadet, Henri, duc d'Orléans. Catherine n'était pas destinée à devenir reine. Mais la mort de son beau-frère, François de Bretagne, en 1536, propulse son frère cadet sur le devant de la scène. Onze ans plus tard, à la mort du Roi-Chevalier, Henri et Catherine montent sur le trône. Après avoir dû faire face à une longue période d'infertilité, Catherine a donné une grande famille à son époux, des héritiers et des petites princesses à marier avantageusement mais elle doit se heurter à l'indifférence de son époux, enflammé depuis son adolescence pour une femme de vingt ans son aînée, la sublime Diane de Poitiers. Et après la mort d'Henri, la reine, devenue reine mère, devra faire face à la montée des périls, aux guerres de Religion successives qui ravagent le royaume et aux tares de plus en plus visibles et affligeantes de ses enfants, incapables de régner.
    A la fin de sa vie, alors que son fils Henri III fait assassiner le duc de Guise et son frère, le cardinal de Lorraine, chefs de file des catholiques ultras, les Ligueurs, Catherine assiste, pour la dernière fois et impuissante, aux convulsions qui ne vont pas tarder à emporter les Valois et porter les Bourbons sur le devant de la scène.
    En forme de flash-back, le roman commence donc quand, à la fin de son existence bien remplie, la reine Catherine se remémore son existence, les bons comme les mauvais moments, les humiliations comme les joies ou les victoires. C'est aussi le moment où l'on se remet en question, où l'on exprime ses regrets, ses déceptions et ses attentes vaines...et Catherine de Médicis, vilipendée de son vivant comme après sa mort, s'est démenée pour son royaume d'adoption, on ne peut lui enlever cela.

    Tableau de Catherine de Médicis en tenue de veuve (XVIème siècle, atelier de François Clouet)


    Le roman est agréable à lire et les changements de ton entre les chapitres se passant en 1588 et ceux plutôt consacrés aux souvenirs de la moribonde, sont intéressants et j'ai beaucoup aimé car cela donne un certain rythme au roman. J'avais déjà lu un roman de Michel Peyramaure, Les Villes du Silence, qui m'avait beaucoup plu, mais j'avais oublié que son style était aussi agréable à lire. J'ai aimé la justesse avec laquelle il analyse le personnage, pourtant assez complexe au demeurant et qui ne cesse de faire couler de l'encre, depuis plus de quatre cents ans. Qu'elle ait été une massacreuse de huguenots comme certains ont bien voulu le dire et d'autres le croire ou bien une régente étrangère qui, comme en leur temps Marie de Médicis, sa lointaine cousine ou encore Anne d'Autriche, fit de son mieux pour maintenir tant la cohésion du royaume que celle de sa famille qui ressemblait de plus en plus à celle des Atrides, Catherine de Médicis est un personnage quasi-incontournable de notre Histoire. Certes, elle est essentiellement rattachée aux épisodes des Guerres de Religion et, même en minimisant aujourd'hui sa légende noire, il est difficile de faire autrement, mais dans le personnage, il y'a autre chose et c'est à travers plusieurs prismes différents qu'il faut analyser Catherine...elle aurait certainement été un beau sujet d'études pour Freud, s'il l'avait connue !
    Mère aimante pour certains de ses enfants, injuste voire hostile pour les autres, épouse délaissée humiliée par la présence d'une maîtresse plus belle et admirée, mais femme politique exceptionnelle, nourrie à Machiavel comme d'autres le sont de petit lait, Catherine de Médicis est en quelque sorte un personnage polymorphe mais ô combien intéressant ! Dans ce roman, Michel Peyramaure se concentre autant sur la figure de la reine mère, louvoyant habilement entre papistes et huguenots, favorisant tantôt l'un ou l'autre parti, à la femme de la sphère privée, marquée par une enfance solitaire et passée dans un climat d'insécurité constant, l'épouse blessée et la mère déçue. Et on se rend compte alors que, comme Janus, personnage souvent utilisé pour décrire son fils Henri III, d'ailleurs, mais qui lui irait bien également, Catherine de Médicis a comme deux visages et que la femme n'est pas la reine et vice versa. Seule, dans son particulier, elle s'accorde à douter, à pleurer, à souffrir, alors qu'elle se sacrifie à la cause de sa famille et, à travers elle, à la couronne et au royaume, quand elle se trouve sur le devant de la scène.
    Le personnage de Catherine a toute mon admiration et depuis longtemps. Aujourd'hui que nous vivons à nouveau une période difficile de notre histoire, on se rend compte de la difficulté qu'ont nos politiques à sauvegarder la cohésion et l'unité nationale. Il semblerait même que ce soit impossible et la haine qui nous anime parfois aujourd'hui n'est pas bien loin de ressembler à celle qui animait déjà nos lointains ancêtres du XVIème siècle...on peut donc peut-être plus facilement comprendre cette femme, seule, à peine épaulée par des fils incapables, qui devait faire face aux troubles intérieurs mais aussi à l'ingérence de puissances imbues de leur pouvoir et de leur influence, comme la grande Espagne catholique de Philippe II, chef de file des ultras catholiques extrémistes.
    J'ai beaucoup aimé ce roman et j'ai pris un grand plaisir à le découvrir. Ce n'est pas le premier que je lis sur Catherine, pas le premier non plus qui soit un récit à la première personne -je pense par exemple au très bon roman de Jeanne Kalogridis, La Reine de l'Ombre, lu il y'a quelques années et qui m'avait aussi beaucoup plu-, mais je dois dire que ce roman de Michel Peyramaure m'a vraiment convaincue...Deux trois petites erreurs viennent parfois se glisser au détour d'une page : Henri d'Alençon n'a pas existé et il n'était pas le fils de François Ier. Son beau-frère était Charles d'Alençon, mais il n'eut pas de descendance et mourut des suites de ses blessures reçues à Pavie. Marguerite, la fille de François Ier et Claude de France, future duchesse de Savoie, ne fut pas dans sa jeunesse dauphine puisque le titre ne revenait qu'à l'épouse de l'héritier du trône depuis le XIVème siècle et, au détour d'une page, il m'a bien semblé que le duc de Guise devenait le frère du roi de Navarre...rien de grave mais c'est dommage effectivement que ces petites erreurs -un peu récurrentes-, viennent tempérer mon enthousiasme. Sans cela, j'aurais trouvé le roman vraiment très très bien ! Oh, je ne suis déjà pas déçue, car j'ai beaucoup aimé l'orientation de l'auteur, sur l'humain et les failles et les limites de la reine, ne se servant finalement de la trame historique que comme d'une colonne vertébrale, centrant surtout sur la Catherine sans le masque de reine, mais quand même...c'aurait été encore mieux sans erreur.
    Je ne vous déconseille cependant pas sa lecture, au contraire. Ce fut une bonne découverte.

    En Bref :

    Les + : un bon roman, sur un personnage et un contexte intéressants.
    Les - : des coquilles et quelques erreurs historiques, c'est dommage mais pas catastrophique non plus.

     


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 24 Juillet 2016 à 18:22

    Un véritable plaisir de lire ton avis...Pour les coquilles je passe mon tour...Je connais peu cette période donc je ne les verrai pas ;) 

      • Dimanche 24 Juillet 2016 à 20:33

        Merci, Aurélie, c'est très gentil ! yes Ces coquilles ne sont en effet visibles que si on connaît un peu l'époque et ses différents personnages ! ! Donc franchement, quand ça passe inaperçu, ça ne gêne pas vraiment la lecture...le seul bémol est qu'on risque de les retenir et du coup, de retenir des informations fausses mais bon...non franchement, si tu veux te lancer, je te conseille ce livre ! 

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