• Les Derniers Jours des Reines ; Jean Sévillia, Jean-Christophe Buisson

    « En ma fin est mon commencement. » Devise de Marie Stuart

    Les Derniers Jours des Reines ; Jean Sévillia, Jean-Christophe Buisson

    Publié en 2015

    Editions Perrin en partenariat avec Le Figaro Histoire

    398 pages

    Résumé :

    Comment sont mortes les souveraines les plus célèbres de l'Histoire ? Du suicide de Cléopâtre au dramatique accident d'Astrid de Belgique en passant par la décapitation de Marie Stuart et de Marie-Antoinette, l'assassinat d'Agrippine, de Sissi et d'Alexandra de Russie, ou l'agonie édifiante de Catherine de Médicis, Anne d'Autriche, Catherine II, la reine Victoria ou l'impératrice Eugénie, les meilleurs historiens et écrivains d'histoire racontent leurs derniers jours dans des textes incisifs où la limpidité du récit s'appuie sur des enquêtes puisées aux meilleures sources. 

    Toujours tragiques, souvent brutales, parfois spectaculaires, inattendues ou interminables, leurs fins se ressemblent par une même dignité, une civilité monarchique de l'adieu, exaltée par la conscience que ces reines avaient de leur rang, et leur volonté commune d'édifier la postérité après avoir marqué leur temps. Comme si toutes se retrouvaient dans la fière devise de Marie Stuart : « En ma fin est mon commencement. »

    « Une fresque du pouvoir suprême au féminin, de l'Antiquité au XXe siècle » : c'est ainsi que Jean-Christophe Buisson et Jean Sévillia définissent cet ouvrage collectif de prestige qu'ils ont dirigé et qui fera date, autant par ses qualités littéraires que par le regard innovant qu'il porte sur les ultimes instants de ces femmes dont les règnes ont changé le monde à jamais. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après Les Derniers Jours des Rois, paru l'an dernier sous la direction de Patrice Gueniffey, Jean Sévillia, journaliste connu notamment pour ses chroniques dans Le Figaro Histoire et pour avoir écrit un gros volume intitulé Histoire Passionnée de la France, a imaginé, avec son acolyte Jean-Christophe Buisson, spécialiste des Balkans et directeur adjoint de la rédaction du même Figaro Histoire, de rédiger le pendant au féminin de ce livre. Et le résultat est donc ces Derniers Jours des Reines, au cœur duquel se sont rassemblées de très bonnes plumes :  des historiens de renom, comme Georges Minois, s'associent à des plumes plus journalistiques ou narratives, comme celles de Jean des Cars ou Simone Bertière, dont la réputation n'est plus à faire.
    De l'Antiquité au XXème siècle, l'Histoire du monde est émaillé de reines, de souveraines, d'impératrices...si certaines ont marqué les annales de leur vivant, pour d'autres, c'est la mort qui va les transcender. C'est le cas de Cléopâtre, par exemple, dont on se souvient surtout qu'elle est morte piquée par un aspic dissimulé dans un panier de figues -même si c'est faux. De son accomplissement politique, de son gouvernement sur l'Egypte au Ier siècle av. J-C, on ne connaît finalement que peu de choses. La mère de Néron, Agrippine la Jeune, assassinée sur l'ordre de son propre fils, gagne donc une aura post mortem tandis que son fils est marqué de la tâche infamante du matricide. Au XVIIIème siècle, il y'eut Marie-Antoinette, vilipendée, haïe de son vivant, insultée jusqu'au passage du tombereau qui l'amenait à la guillotine et qui devint finalement une icône, une martyre, dès le moment où son cœur cessa de battre.

    Les Derniers Jours des Reines ; Jean Sévillia, Jean-Christophe Buisson

     Isabelle la Catholique dictant son testament, par Eduardo Rosales (1864)


    Et puis aussi, au fil des temps, la mort des reines, comme celle des rois, devient un instrument de pouvoir à part entière, le dernier moment que les têtes couronnées peuvent contrôler et instrumentaliser à bon escient. On meurt en public et on meurt aux yeux du public, comme on paraderait dans un dernier bal, malgré la fatigue, les années, la douleur : c'est le cas par exemple d'Isabelle de Castille et Anne d'Autriche qui, toutes deux rongées par des cancers, offreront au monde et à leurs courtisans l'exemple d'une mort lente, douloureuse, mais ô combien édifiante car marquée du sceau de la religion. Certaines se révéleront grandes dans leurs derniers moments : on ne peut qu'admirer le courage de la mère de Néron, qui se dresse, consciente de son sort, devant le centurion venu la tuer au nom de son fils et à qui elle dira, dans un dernier sursaut de cynisme : « Frappe au ventre c'est là que j'ai porté César ! »  La mort de Cléopâtre, même si elle advient alors que tout s'effondre autour d'elle montre le caractère déterminé d'une femme prête à tout pour sortir de scène dans la dignité sans être traînée comme une vaincue dans le cortège humiliant du triomphe de son ennemi, le futur Auguste. Celle de Marie-Antoinette, tête folle et frivole dans sa jeunesse, montre une femme qui ne peut que susciter la pitié, raidie par la douleur, physique et morale mais aussi assommée par les épreuves et qui pourtant, fait face. La mort de Sissi, elle, résonne en nous comme, sinon une cruauté, du moins une ironie de l'Histoire car cette femme va trouver la mort au cours de l'une des ses incessantes errances qui lui permettaient de survivre à son quotidien. Luigi Luccheni crut assassiner en elle le principe même de la monarchie, qu'il haïssait, en bon anarchiste. Il n'assassina en fait qu'une femme, avide de liberté et qui en avait de toute façon assez de la vie...quant à la reine Draga de Serbie, dont l'assassinat survint au tout début du XXème siècle, il représente en quelque sorte le point d'orgue de l'aversion et de la détestation que le peuple porta à cette souveraine qui sut si habilement manipuler le roi Alexandre, de douze ans son cadet et qui devint le pantin de cette femme sans scrupules. Enfin, le drame de Küssnacht, qui coûta la vie à la belle reine Astrid de Belgique reste ce qu'il est : un drame injuste mais dramatiquement courant et qui tendait de toute façon à se banaliser en même temps que l'automobile...pour autant, ce fut une perte affreuse et tragique pour tout un pays, pour un homme, le roi des Belges et pour leurs trois enfants, dont le plus jeune, le futur Albert II, n'avait qu'un an à peine au décès de sa mère. Le dernier chapitre, consacré d'ailleurs à Astrid, est un très bel hommage, à une femme mal connue hors des frontières de Belgique mais qui était assurément une belle personne. Quant au chapitre consacré à la reine Victoria, souveraine emblématique de l'Empire britannique, dont la longévité n'a pour l'instant été battue que par sa descendante Elizabeth II, il nous donne à voir la mort d'une femme usée, qui s'éteint doucement de vieillesse, comme le commun des mortels, sans avoir cherché à rendre spectaculaires ses derniers moments ; elle meurt en matriarche et en mère de la patrie et on la pleurera comme il se doit...
    Pas morbide du tout -même si, effectivement, on pourrait s'y attendre-, ce livre nous permet tout simplement d'en apprendre un peu plus sur le bien-mourir qui caractérise les têtes couronnées, du moins lorsqu'elles ont encore le temps, la volonté et la lucidité d'orchestrer leurs dernières apparitions. Un livre qui, assurément, comme son pendant masculin, fera date. 

    La Mort de Cléopâtre par André Rixens

     

    En Bref :

    Les + : un livre au sujet délicat mais qui s'avère finalement intéressant et servi par de jolies plumes.
    Les - :
    Aucun !
     


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Décembre 2015 à 15:09

    voilà qui est tentant, d'autant qu'on ne sait pas tout, loin de là sur les derniers jours de ces reines. C'est vrai pour marie-Antoinette, devenue une icône après sa mort ... comme quoi. 

      • Mardi 22 Décembre 2015 à 11:29

        Non, on n'en sait pas grand chose et c'est dommage ! ! Il est vrai que la mort des reines, surtout en France, n'était pas si instrumentalisée ni même si politisée que celle des rois, ce qui peut se comprendre...et pourtant, certaines ont été édifiantes dans leur fin, c'est le cas par exemple de Marie-Antoinette, dont le courage et la dignité forcent l'admiration...on ne le dit pas souvent, mais elle est morte en étant malade et son courage n'en est donc que deux fois plus important...quant à une femme comme Anne d'Autriche, qui souffrit le martyre à cause des traitements de ces médecins, sa longue agonie nous en apprend presque autant que son existence sur la volonté de cette femme et, encore une fois, sur son grand courage...

        J'ai vraiment apprécié ce livre, parce qu'on découvre certaines reines, on en redécouvre d'autres et c'est assez intéressant de voir combien l'approche de la mort peut changer brutalement un comportement ou bien, au contraire, marquer, comme chez Isabelle la Catholique, une certaine continuité avec ce qui a fait leur personnalité de leur vivant... 

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    2
    Dimanche 10 Janvier 2016 à 22:59

    Le principe me tente absolument. C'est une manière de connaître les reines sous un nouvel aspect. Il faut dire que la couverture est sublime aussi, de quoi finir de me tenter définitivement !

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