• Les Derniers Jours des Rois, de Charlemagne à Napoléon III ; Patrice Gueniffey (dir.)

    « Les rois pourtant ne seraient pas rois si quelque chose ne les distinguait. La mort leur consent en effet quelques privilèges. »

    Les Derniers Jours des Rois, de Charlemagne à Napoléon III ; Patrice Gueniffey (sous la direction de)

     

    Publié en 2015

    Editions Pocket (en partenariat avec Le Figaro Histoire)

    340 pages

    Résumé :

    Qu'elles soient criminelles, accidentelles, longues ou spectaculaires, toutes les fins de règne sont à la fois tragiques et éminemment politiques. La mort du monarque est paradoxalement le moment clé de son existence car elle conditionne son passage à la postérité. Ce « savoir-mourir » est l'apanage des hommes d'Etat.
    Comment sont morts les principaux souverains qui ont fait la France, de Charlemagne à Napoléon III ?
    Les meilleurs historiens actuels répondent à cette question grâce à leurs contributions qui conjuguent exigence scientifique et écriture enlevée. Riche en anecdotes et découvertes, cet ouvrage offre ainsi un regard nouveau sur le dramatique et la mystique du pouvoir français.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    On le sait, la royauté est une existence parallèle, éminemment différente de celle du commun des mortels, éminemment codifiée et corsetée dans des us et coutumes qui peuvent paraître affreusement lourd et compliqués aux non-initiés. Ainsi, un roi, ou une reine, qui sont à l'origine des hommes et des femmes comme les autres, deviennent, par la distinction qui leur est conférée, d'une autre essence, qui les hisse à un rang supérieur.
    Cette codification de l'existence souveraine passe bien sûr par un contrôle, une véritable mainmise sur des actes physiologiques aussi naturels que la naissance ou la mort. Ce sont deux moments importants pour tout être vivant, mais qui prennent un tout autre sens quand on les regarde à travers le prisme de la monarchie. La naissance, et surtout les naissances de garçons, symbolisent la légitimité d'une dynastie et la pérennité d'un trône. La mort, au contraire, personnifie plutôt un changement, une page écrite qui se tourne pour laisser la place à une autre, vierge, où tout est à faire. Et si les monarques ne peuvent avoir aucune prise sur leur naissance -on comprend bien pourquoi-, très vite, ils vont, à l'instar de leur vie, instrumentaliser leur mort, afin de laisser une image, sinon positive, du moins la moins négative possible, à la postérité et surtout d'asseoir, pour les siècles suivants, la dernière image qu'ils ont voulu laisser d'eux. Derniers actes de volonté, d'autorité, les derniers moments des rois en deviennent donc particulièrement importants. Cette instrumentalisation de la mort démarre dès le Moyen Âge et on la retrouvera, plus ou moins présente, plus ou moins forte, jusqu'à l'époque contemporaine.
    Les morts royales ne sont cependant pas exemptes de brutalité et de violence et tous nous souverains n'eurent pas le privilège -si l'on peut dire-, comme Louis XIV, de mourir lentement et de pouvoir ainsi ordonner une dernière fois leurs affaires, faire leurs adieux et édifier le monde par leur conduite et leur repentir. Il y'eut des morts brutales, comme celle de Charles VIII, par exemple, qui se cogna la tête à un linteau de porte à Amboise et mourut dans la nuit qui suivit l'accident, alors qu'il s'était éveillé en parfaite santé. Il y'eut aussi des morts violentes, comme celles d'Henri III et de son successeur, Henri IV qui, en 1589 et 1610, succombèrent aux coups portés, l'un par le moine Jacques Clément et l'autre, par le fou Ravaillac. Celle de Louis XVI, bien que sombrement planifiée par ses bourreaux, n'en est pas moins violente et surtout, un symbole, car avec ce souverain, guillotiné par son peuple, c'est aussi un aspect immuable de la monarchie, que même la Restauration ne parviendra jamais à retrouver, qui meurt.

    Exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793 (d'après une gravure allemande de 1793)


    Ce livre n'est absolument pas sinistre comme on pourrait le penser au premier abord. Il est sûr qu'il y'a des aspects de la vie qui sont bien plus gais, mais la naissance, comme la mort, font intimement partie de l'existence humaine et si on exalte la première, comme porteuse d'espoir et d'avenir, pourquoi nier la seconde ? D'autant plus que la mort des rois peut nous apprendre, paradoxalement, bien plus que ce qu'on pourrait penser, sur leur existence qui se termine. Certains furent aussi grands dans la mort qu'ils furent petits dans leur vie. D'autres restèrent fidèles à eux-mêmes et partirent, sinon en suscitant la peine, du moins, avec le respect de ceux ayant assisté à leur agonie. La mort, pour les rois, est, au même titre que leur sacre, par exemple, un moyen de montrer leur essence supérieure, leur caractère divin et sacré, grâce à des rituels et des coutumes qui vont s'étoffer et changer avec le temps, voire carrément disparaître quand ils ne seront plus en adéquation avec la façon dont on appréhende la monarchie et ses représentants : ainsi, par exemple, de l'effigie royale, qui disparaîtra après les funérailles d'Henri IV, au profit d'une immédiateté du pouvoir, tandis que l'on avait, jusque là et malgré la très célèbre maxime Le roi est mort, vive le roi, privilégié une sorte d'interrègne, une période charnière qui met fin au règne du défunt et sert de tremplin au tout nouveau roi pour prendre son envol et s'emparer du pouvoir qui est désormais le sien.
    Enfin, il est clair que les morts de nos rois ou de nos empereurs du XIXème siècle n'avait absolument plus rien à voir avec les morts et funérailles des rois médiévaux ou modernes. Parce qu'ils moururent pour la plupart en exil, loin de leur peuple et qu'ils ne furent pas enterrés en France et surtout, parce qu'ils ne régnaient plus au moment de rejoindre leur Créateur, leur mort fut plus intime, peut-être plus triste aussi parce qu'ils mouraient avec l'amertume des regrets : ainsi de Napoléon Ier, qui succombe à diverses et douloureuses maladies digestives, sur son rocher de Sainte-Hélène, à des milliers de kilomètres du pays qu'il avait tant et sincèrement aimé, malgré ses erreurs. Idem pour Louis-Philippe, le roi bourgeois détrôné par la révolution de 1848 et dont la mort, deux ans plus tard, en Angleterre, fut très certainement précipitée par cette abdication humiliante qu'on lui avait arrachée et qu'il n'avait pu surmonter.
    Ce livre, chronologique et recentré sur les souverains français -si tant est que l'on puisse considérer les premiers rois de notre Histoire comme réellement français-, hormis le fait qu'il nous en apprend beaucoup sur le bien-mourir, si cher à nos têtes couronnées, hommes ou femmes confondus, nous permet aussi d'appréhender, à travers un angle de vue différent mais intéressant, les évolutions sociétales qui marquent forcément l'Histoire, les évolutions de mentalités aussi. On ressort de cette lecture avec, peut-être pas une meilleure opinion de nos rois, mais du moins avec d'eux une vision plus humaine, plus terrestre et donc plus palpable, qui n'est pas mal non plus ! !

    L'assassinat d'Henri IV par Ravaillac, le 14 mai 1610 (Charles-Gustave Housez)

     

    En Bref :

    Les + : un bon livre, solide, légitimé par les noms d'historiens éminents, intéressant de par son angle de vue innovant.
    Les - : une petite approximation dans le chapitre concernant Louis XV qui m'a surprise (il est question de Madame de Vintimille au lieu de Madame de Châteauroux).  


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 4 Mars 2016 à 14:39
    Je me le note merci de la découverte ;)
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