• Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 12, La Pyramide de Glace ; Jean-François Parot

    « Brassez les éléments et puis juxtaposez vos esquisses. La solution vous apparaîtra. C'est peu de commencer, il faut finir. »

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 12, La Pyramide de Glace ; Jean-François Parot

    Publié en 2015

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives) 

    471 pages

    Douzième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire de police au Châtelet

    Résumé :

    1784 : l'un des plus rudes hivers du siècle accable Paris. Le peuple érige des monuments de glace en reconnaissance des actes de charité des souverains. Au dégel, l'une de ces pyramides révèle le corps dénudé d'une femme, parfait sosie de la reine. Pour Nicolas Le Floch, c'et le début d'une enquête haletante qui, à partir de maigres indices, le conduira à soupçonner une machination ourdie contre la réputation de Marie-Antoinette par un prince du sang. Entouré par ses amis, investi de la confiance de Louis XVI, aidé par les informations de Restif de la Bretonne, il remontera peu à peu la chaîne des présomptions, allant de surprise en surprise. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Entre 1783 et 1784, la France traverse un hiver très rude, semblable à bien des égards à celui qui accabla le royaume en 1709. A Paris, pour montrer sa reconnaissance au roi et à la reine qui ont fait preuve de charité, la population décide d'élever dans les rues des monuments de neige et de glace. Mais au dégel, voilà que ces pyramides et autres obélisques éphémères se mettent à fondre et l'un d'eux va révéler une bien macabre découverte : le corps d'une femme, entièrement prisonnier des glaces. La victime semble avoir été tuée bien avant d'y être placée et présente deux étranges blessures au cou. Mais ce qui laisse perplexes les enquêtes, Nicolas le premier, c'est que cette femme est un sosie parfait de la reine Marie-Antoinette...est-ce un hasard ? La présence redondante, à chaque étape de l'enquête, d'un prince du sang, j'ai nommé le duc de Chartres fait dangereusement pencher la balance vers un hasard qui n'en serait certainement pas un.
    C'est la douzième fois que nous retrouvons Nicolas Le Floch, commissaire aux affaires extraordinaires au Châtelet, pour une enquête criminelle qui ensanglante le Paris des Lumières et cette enquête-là, de part la ressemblance frappante de la victime avec la souveraine et la présence gênante du duc de Chartres, cousin du roi et chef de file de l'opposition au gouvernement, promet d'être ardue à démêler car c'est en effet sur des charbons ardents que les policiers doivent marcher afin de ne froisser ni la Couronne ni les vanités princières. Car, même si la même justice pour tous est censée être un droit au XVIIIème siècle, on se rend vite compte que ce n'est pas aussi facile à dire qu'à faire dans la pratique, surtout quand un prince, qui plus est apparenté à la famille royale, se retrouve mêlé de près ou de loin à une enquête criminelle. Mais c'est justement en s'affranchissant de tous préjugé et idée reçue que Nicolas, qui a acquis un véritable savoir-faire dans les résolutions d'enquêtes depuis ses débuts en 1761, va parvenir à démêler l'écheveau de cette nouvelle affaire qui se présente à lui. 
    Nous sommes en 1784, à un an de l'Affaire du Collier, à cinq ans seulement de la convocation des Etats Généraux. La situation politique et économique en France est instable, notamment à cause du déficit causé par la Guerre d'Indépendance américaine. Le peuple est pauvre, miséreux parfois et afflue dans les grandes villes pour espérer y trouver un logement et un travail ; les hommes y finissent bien souvent mendiants, relégués à l'hospice et les femmes, prostituées. La mortalité infantile est encore forte et les plus chanceux, si on peut dire, s'entassent dans des grabats et des taudis puants. Voilà un peu à quoi ressemble le Paris des années 1780 et on ne peut pas dire que le pays des Lumières soit forcément bien loti. Et, de fait, la colère gronde. Pour couronner le tout, le trône est éclaboussé de scandales et de pamphlets en tous genre, qui ternissent surtout l'image de la reine, aussi haïe qu'elle a pu être adulée par le peuple en son arrivée quatorze ans plus tôt. Mais Nicolas, en tant que commissaire de police mais aussi en tant que marquis de Ranreuil, deux casquettes qui ne font parfois pas bon ménage mais qui ont pu aussi lui servir en bien des occasions, est déterminé à protéger, à son échelle, avec ses maigres moyens, une couronne qu'il sert depuis le début des années 1760, par fidélité pour le souvenir de feu Louis XV, qui fut le premier à le recevoir à Versailles, mais aussi par fidélité et estime pour son successeur. 



    La situation, cependant, devient de plus en plus compliquée pour notre enquêteur préféré, qui se heurte à des préjugés hors d'âge mais aussi à des discours novateurs qui peuvent mettre à mal sa vision des choses. Si Nicolas reste attaché à l'ordre ancien des choses, à sa fidélité sans borne -et sans questionnement- à la couronne et à ceux qui se trouvent en-dessous, issue bien sûr de sa fonction mais aussi de son éducation auprès du marquis de Ranreuil, son père, voilà que son fidèle bras droit, l'inspecteur Bourdeau, issu lui du peuple, se met à prôner des idées philosophiques et rousseauistes qui ne manquent pas de se télescoper violemment avec les idées, non pas plus réactionnaires, mais disons plus surannées, plus traditionnelles, de Nicolas. Le commissaire doit donc s'accommoder de ces désaccords qui naissent de plus en plus souvent avec son subordonné, désaccords qui leur heurtent bien sûr à cause de l'amitié qu'il porte à Bourdeau, mais aussi au nom de la fidélité viscérale qu'il ne peut s'empêcher d'éprouver pour la monarchie, malgré toutes les injustices et irrégularités qu'il ne manque pas de constater de part sa fonction de policier. 

    Hormis cela, Nicolas commence également, non pas à être âgé, mais du moins à entrer dans l'âge mûr. Âgé d'environ quarante-quatre ou cinq ans en 1784, il est amené, et cela de plus en plus régulièrement, à se questionner sur sa propre existence, sur la société dans laquelle elle prend corps mais aussi sur l'avenir de son fils Louis, pour l'heure au service de Monsieur, frère du roi mais aussi sur le devenir de sa relation amoureuse et charnelle avec la jolie et fougueuse Aimée d'Arranet -qui est aussi un des signes de la modernité et de l'émancipation qui caractérisent la fin du XVIIIème siècle puisque Nicolas et Aimée, qui se fréquentent depuis de longues années, ne sont pas mariés pour autant. L'enquête qu'il mène également sur la mort de cette jolie femme qui ressemble si fort à une reine à qui il a promis aides et services ainsi que sa fidélité la plus entière, et qui le mène dans des entours noirs et sordides, ne sont pas non plus pour le rassurer sur la société des hommes et sur la moralité de ces derniers. En plus de vingt ans d'expérience, le commissaire à en effet pu prendre la mesure de la laideur, de la corruption et de la violence humaines, notions malheureusement universelles et intemporelles. On sent chez lui comme une certaine lassitude, une envie de retraite, qui peut être consécutive tant de son âge qui avance doucement mais aussi d'une certaine prescience de l'avenir, car en serviteur zélé de la couronne, Nicolas, qui côtoie aussi bien la Ville que la Cour peut-il encore s'illusionner sur le devenir de la royauté versaillaise, colosse aux pieds d'argile qui s'achemine lentement mais sûrement vers sa ruine 
    Pour autant, l'intrigue policière reste d'une qualité certaine. Jean-François Parot nous livre encore une fois et comme bien souvent, un très bon cru, car je dirais que, comme le bon vin, Nicolas tend à se bonifier avec le temps, malgré le spleen et la mélancolie qui commencent à caractériser, depuis quelques volumes, ses réflexions les plus intimes. Cette enquête-là, qui implique autant des bourgeois que des devineresses et même un prince de sang royal nous livre un large éventail de cette société de la fin du XVIIIème siècle, toute pétrie de nouveautés et de modernisme mais encore fortement engluée dans ses anciens principes et coutumes. Mêlant avec subtilité enquête, recettes de cuisine -qui sont en un peu la marque de fabrique de la saga- et humour, l'auteur, ancien diplomate mais aussi historien averti du XVIIIème siècle, nous laisse entre les mains un roman vraiment réussi, dans lequel on se plonge comme on ferait un voyage dans le temps. Car on la voit, cette ville de Paris de 1784, elle s'étend et prend vie sous nos yeux comme si nous avions été brutalement ramenés. La Pyramide de Glace est le douzième tome de cette saga hors-pair mais certainement pas lassant pour autant. C'est toujours un plaisir que de se plonger dans une enquête de Nicolas.

    En Bref :

    Les + : une enquête bien menée, toujours de qualité, des personnages que l'on prend plaisir à retrouver au fil des volumes.
    Les - :
    mais aucun ! 


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