• Les Reines de France au Temps des Bourbons, tome 2, Les Femmes du Roi-Soleil ; Simone Bertière

    « Idolâtré, identifié aux Dieux de l'Olympe, rival heureux des héros de la légende ou de l'histoire, il est si différent, si au-dessus de la masse de ses sujets que face à lui les lois communes n'ont plus cours. »

    Les Reines de France au Temps des Bourbons, tome 2, Les Femmes du Roi-Soleil ; Simone Bertière

     

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche 

    608 pages

     

    Résumé :

    Prolongement de la passionnante fresque des Reines de France, couronnée par le prix d'Histoire Chateaubriand-La-Vallée-aux-Loups, ce volume, qui peut être lu de façon autonome, fait revivre le plus long règne de notre histoire. Des deux femmes de Louis XIV, l'une, l'insignifiante Marie-Thérèse d'Espagne, a le titre de reine, mais pas la vocation. Françoise de Maintenon, son épouse secrète, a les capacités, mais sa naissance obscure lui interdit de prétendre au titre. Entre elles, la galerie des maîtresses, tour à tour comblées de faveurs et sacrifiées, illuminées et brûlées par la personnalité écrasante du Roi-Soleil : Marie Mancini, l'amour perdu de ses vingt ans ; la tendre Louise de la Vallière, dont la disgrâce sera un chemin de croix ; l'éclatante Montespan, éclaboussée par la sinistre affaire des Poisons, et bien d'autres encore. En arrière-plan, la Cour de Versailles...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Si les deux règnes précédents ont généré deux fortes personnalités féminines -Marie de Médicis puis sa belle-fille, Anne d'Autriche-, il n'en est pas de même sous le règne de Louis XIV. La timide et effacée Marie-Thérèse n'aura aucun rôle politique, aucun rôle diplomatique non plus et s'éteindra jeune, à même pas cinquante ans, alors que le règne de son époux a encore de beaux jours devant lui...il aurait donc été délicat de ne proposer qu'une biographie de Marie-Thérèse car il n'y a finalement pas beaucoup à dire sur elle. Enfermée dans le carcan traditionnel d'une reine, elle ne sera pas même une représentante efficace de la couronne qu'elle avait ceinte à son mariage. Et, de sa mort en 1683 jusqu'au mariage du jeune Louis XV en 1725, il n'y aura plus de reine en France. D'autres femmes la remplaceront, non pas en dignité, mais dans les faits, auprès du roi, qui tend à devenir la figure omnisciente de la monarchie française. Simone Bertière a donc opté pour un livre plus général que les précédents qui tournaient essentiellement autour des figures royales. Mais le XVIème siècle avait Anne de Bretagne ; il eut aussi Catherine de Médicis. Le premier XVIIème siècle eut Marie de Médicis, controversée mais qui sut tout de même s’accommoder de la régence qu'elle se vit confiée à la mort brutale d'Henri IV en 1610 et surtout, il eut Anne d'Autriche, la propre mère de Louis XIV, qui protégea férocement le patrimoine de son fils et fera traverser à la France sans trop d'encombres la période agitée de la Fronde. Après elles, malheureusement, la pauvre Marie-Thérèse fait pâle figure. C'est pour cette raison que, dans ce livre, hormis la reine et sa tante, l'incontournable Anne d'Autriche, mère aimante et écoutée, nous allons faire la connaissance de tout un essaim féminin gravitant et cela jusque dans ses dernières années, autour du Roi-Soleil. Louis XIV ne fut certainement pas un amateur ni même un promoteur de la femme, comme avaient pu l'être avant lui Henri IV ou François Ier...Henri IV avait eu beau être un bon administrateur et un grand roi, il n'en resta pas moins soumis à ses sens et à ses maîtresses, qu'il adulait et qui n'hésitaient pas à le manipuler au besoin tant le jugement du roi pouvait s'avérer aveugle quand il était amoureux. On n'imagine pas non plus Louis XIV prononcer de belles phrases comme son lointain prédécesseur le roi François, à la gloire des femmes ( « Une cour sans dames serait comme un jardin sans fleurs ») ni même écrire des lettres pleines de bons sentiments et de formules amoureuses comme son grand-père Henri IV. Il ne s'exposera pas au ridicule qui fut celui, parfois, du Vert-Galant quand il était amoureux et se moquait donc de tout ! Mais Louis XIV aima assurément les femmes...il en avait besoin. Homme sensuel, il a besoin d'une femme dans son lit et, quand il s'avère que la reine déçoit dans ce domaine, il prendra des maîtresses. Mais on se rend vite compte aussi que, malgré sa misogynie assez instinctive et typique de l'époque, le cercle du roi, jeune ou vieux, sera peuplé de beaucoup de femmes dont l'Histoire a perpétué le souvenir, soit parce qu'elles étaient de caractère, soit parce qu'elles étaient scandaleuses, soit parce qu'elles étaient amoureuses.

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     Louis XIV et sa famille travestis en Dieux de l'Olympe par Jean Nocret (1670) : y sont notamment représentées, au centre Anne d'Autriche, à droite Marie-Thérèse, au fond les cousines du roi, sous les traits des Trois Grâces et, à gauche, Henriette d'Angleterre. 


    La première, bien sûr, c'est la mère. Anne d'Autriche, l'Espagnole, poursuivie dans sa jeunesse par la méfiance de Louis XIII et de son ministre Richelieu, coupable de faux pas qui flirtaient avec la trahison, ne fut véritablement française qu'à la naissance de son premier fils en 1638 puis lorsqu'elle doit, pour lui, assurer la régence. Elle sera une figure tutélaire, tant pour Louis que pour son jeune frère Philippe, une mère moderne -dans le sens actuel du terme-, qui n'hésita pas à prendre en charge complètement l'éducation de ses enfants et les réprimandant au besoin, même le jeune roi. Louis XIV l'aima d'un amour filial fort et passionné et il pleura beaucoup cette mère qui s'éteignit après une longue lutte contre un cancer du sein, en 1666. Et peut-être parce que le jeune homme qui allait épouser sa cousine, en 1660, s'attendait à trouver chez cette jeune infante espagnole une copie de sa mère, la déception n'en fut que plus forte quand Marie-Thérèse, bien que fille de roi et élevée dans le but de faire une reine de France, s'avéra finalement incapable de relever avec brio la mission qu'on lui assignait.
    Sur le plan amoureux, enfin, les femmes ne vont cesser de virevolter, de la prime adolescence du roi jusqu'à son âge mûr, où il s'assagira réellement. Il y'eut celles qu'il aima, celles qui ne furent que des passades, des relations purement charnelles pour satisfaire un besoin, une envie. Parmi les favorites qui peuvent se targuer d'avoir été aimées, il y'eut d'abord Louise de la Vallière, jeune femme timide et effacée, bien loin de l'idée que l'on se fait d'une favorite. Elle n'avait rien d'une Agnès Sorel, rien non plus d'une Gabrielle d'Estrées ou d'une Henriette d'Entragues. Jolie à sa façon, un peu boiteuse, elle avait surtout pour elle d'aimer le roi d'un amour sincère et désintéressé, qui plut au jeune Louis XIV, qui, tout roi qu'il était, n'avait pas d'amis mais que des serviteurs. Il y'eut aussi, bien sûr, la passion de jeunesse, violente et achevée cruellement au moment du mariage espagnol, avec la nièce de Mazarin, la jeune et très italienne Marie Mancini. Et il y'eut enfin la flamboyante Montespan, qui fut, comme certain auteurs aiment à le dire métaphoriquement, l'été épanoui du Roi-Soleil. Elle lui donna plusieurs enfants qui firent souche et dont le sang déjà mêlé fusionna ensuite, par des unions, avec le sang très bleu des cousins royaux. Ces enfants, qui n'avaient pu, dans leur prime jeunesse, être reconnus, avaient été élevés loin de la Cour par une femme réputée pour son peu d'importance, cette veuve Scarron dont les origines n'étaient pas claires et le premier mariage moins encore. Cette femme, c'est Madame de Maintenon et elle connut certainement le destin et l'ascension les plus flamboyants de cette fin de siècle en devenant le dernier amour et l'épouse morganatique du roi. Compagne de la maturité et du grand âge, elle survivra au roi et sera donc la dernière à l'accompagner dans ses derniers moments.

     Le Renoncement de Louise de La Vallière, par Jean Nocret (XVIIème siècle)

    Et, dans un cercle plus élargi, il nous faut tourner les yeux vers ces femmes qui furent plus ou moins proches du roi, mais sans pour autant partager sa couche, parce qu'elles étaient, au choix, filles, belle-soeurs, belle-filles ou petite-filles du grand roi. On peut penser, bien évidemment, à la vive Henriette d'Angleterre, propre belle-sœur de Louis XIV, avec laquelle il flirta un peu avant de tomber sous le charme de Louise de la Vallière. Cette jeune femme, qui avait fui son pays toute jeune et n'avait pas connu son père, le roi Charles Ier, décapité par son peuple en 1649, brûla la vie par les deux bouts avant de s'éteindre, foudroyée brutalement à vingt-six ans. Elle fut remplacée par Elisabeth-Charlotte, une Allemande au fort caractère, connue sous le nom de « Madame Palatine », qui sut s'attirer un temps l'amitié du roi puis son agacement. Louis XIV se montra aussi très proche de ses filles, nées de ses liaisons avec mademoiselle de La Vallière et madame de Montespan. Il aima beaucoup Marie-Anne, très belle, l'unique fille de Louise. Il fit surtout office d'arbitre entre les très colériques et orgueilleuses filles de la Montespan. Il essaya avec beaucoup de bonne volonté de faire une place à Marie-Anne Victoire, sa belle-fille venue de Bavière et il aima d'un amour d'un grand-père la petite Marie-Adélaïde de Savoie, la jeune épouse de son petit-fils le duc de Bourgogne, qu'il pleura lorsqu'elle mourut brutalement en 1712. Et au-dessus de toutes ces figures qui tournoient dans un monde si rapide qu'il broie les plus fragiles où celles qui ont le malheur de faire un faux pas, c'est assurément plus l'ombre brune de Madame de Maintenon qui plane que celle, plus éthérée, de la blonde Marie-Thérèse, vite morte et vite oubliée. Et pourtant, comme pour d'autres, son malheur aura été d'aimer follement cet époux qu'on lui donnait après qu'elle en ait rêvé depuis sa plus tendre enfance et la chute ne sera certainement que plus cruelle et plus affreuse pour la pauvre reine quand, toute sotte qu'elle fut, elle se rendra compte que l'amour chevaleresque de son cousin au moment de leur union n'avait été qu'une comédie qu'on lui avait fait habilement jouer...

    File:Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France.jpg

     Marie-Thérèse d'Autriche, reine de France, par Charles et Henri Beaubrun (XVIIème siècle)


    Elles furent donc nombreuses, ces femmes et elles firent, à leur manière, à leur échelle et selon leur moyen, le règne du Roi-Soleil. Il aurait été en effet difficile d'analyser l'aspect féminin de ce dernier sous le seul prisme de l'image de la reine, qui ne peut soutenir la comparaison avec celles qui l'ont précédée. Marie-Thérèse n'a pas régné, ne s'est pas montrée digne des grandes vues dont elle devenait la bénéficiaire mais aussi la gardienne, en se mariant. Figure trop pâle, elle ne peut, à elle seule, soutenir le propos de l'auteure et c'est donc pour cette raison que Simone Bertière a inséré dans son livre d'autres femmes, incontournables et que l'on ne peut raisonnablement pas exclure au risque de livrer une vision fausse du règne de Louis XIV. Que serait-il, en effet, sans Madame de Maintenon, qui fut le soutien des vieux jours et la compagne de l'âge mûr, celle qui réussit la prouesse d'assagir un roi sensuel et passionné. Et le livre n'en est donc que plus intéressant, d'autant plus que beaucoup de ces femmes furent appelées, à un moment ou à un autre, à jouer le rôle vacant de la reine. Et même si celui-ci tendait à s'amoindrir, il restait le second, après celui du roi et Louis XIV en gratifia donc certaines ; par là-même il les gratifiait de sa confiance et d'une véritable faveur. Au début de son mariage, la jolie Henriette remplaça parfois une Marie-Thérèse déficiente et quand celle-ci eut finalement rejoint le tombeau, Louis XIV propulsa sur le devant de la scène des jeunes femmes comme la Dauphine ou la duchesse de Bourgogne qui s'en tirèrent avec plus ou moins de brio.
    Bel essai sur un règne long et compliqué mais qui a le mérite d'être suffisamment bien documenté, tant en sources historiques qu'en travaux plus contemporains et peut donc être analysé de façon suffisamment critique pour être pertinente, ce livre est intéressant et facile à lire. On déplorera seulement quelques passages parfois un peu confus, mais Les Femmes du Roi-Soleil n'en reste pas moins une bonne introduction pour ceux qui veulent se renseigner sur Louis XIV ou, tout simplement, pour les amateurs du Grand-Siècle.

    En Bref :

    Les + : un livre passionnant, bien écrit et bien documenté.
    Les - : quelques passages un peu confus.

     


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