• Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

    « Elles ont créé, quand d'autres auraient voulu mourir. Pour cela, elles ne sont pas des exemples à suivre mais des lueurs à guetter - des occasions de lumière. »

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

     

     

      Publié en 2019

     Editions 10/18 (collection Domaine Français)

     264 pages 

     

     

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Les sœurs Brontë sont un mystère. Isolées du monde, filles d’un pasteur de village, elles ont révolutionné l’histoire littéraire en publiant, sous pseudonymes masculins, des romans brûlants d’amour et de vie comme Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent

    Haworth, 1836. Dans les landes du Yorkshire, Charlotte (20 ans), Emily (18 ans) et Anne (16 ans) écrivent à la lumière de la bougie. Comment ces jeunes femmes de condition modeste, sans relations ni entregent, vont-elles devenir des auteurs qui comptent ? Quel rôle tient leur frère Branwell, artiste raté, dans cette fratrie à la fois soudée et rongée par les non-dits ? Partie sur les traces des sœurs Brontë, Laura El Makki nous plonge dans leur intimité, leurs alliances, leurs déchirements, et nous raconte le destin de trois femmes aux prises avec l’adversité, qui ont su trouver en elles la force d’exister.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand j'évoque les soeurs Brontë, je pense aussitôt aux landes désolées du nord de l'Angleterre, battues par les vents, le presbyère de Haworth, où les trois sœurs ont grandi et où toutes les fenêtres donnent sur le cimetière aménagé juste devant la maison, comme un entêtant et permanent memento mori. C'est une ambiance noire, gothique et romantique qui me vient immédiatement à l'esprit. Est-ce dû à ce cadre de vie si particulier, la campagne isolée du Yorkshire et l'austérité de la maison d'enfance ou bien au tragique qui semble consubstantiel à la fratrie Brontë ? Peut-être un peu des deux. Ce qui est sûr, c'est que les existences avortées de Charlotte et de ses sœurs Emily et Anne, dans leur fragilité, la brutalité de la fin, ont quelque chose de fascinant. Et que dire de ce talent littéraire, de cette détermination de trois jeunes femmes issues d'un milieu modeste et que rien ne prédestine à devenir des écrivains, de cette envie qui les pousse, irrésistiblement, vers la plume et leur fera écrire certains des plus beaux textes de la littérature anglaise du XIXème siècle ? Pendant que les femmes de leur génération, mariées et mères de famille, accouchent chaque année ou presque d'un nouvel enfant, un enfant qui, dans les milieux les plus modestes se retrouvera parfois tout jeune dans les usines que l'industrialisation galopante de l'Angleterre fait surgir du sol, les sœurs Brontë, elles, donnent naissance à des mondes, des personnages, qui deviendront inoubliables : qui aujourd'hui, n'a jamais entendu parler de Heathcliff, de Jane Eyre ou de Mr. Rochester ?
    Grâce au livre de Laura El Makki, qui est court mais idéal pour moi qui au final n'en savait pas beaucoup sur ces trois talentueuses sœurs, j'ai pu replacer chacune d'elles dans leur contexte, leur vie personnelle, en les individualisant. Les sœurs Brontë ne sont plus seulement une entité un peu étrange, un peu monstrueuse -un écrivain à trois têtes- mais trois femmes qui ont eu chacune une existence à elle, qu'elles mèneront en parallèle de celles de leurs sœurs, certes, mais qu'elles mèneront surtout comme elles l'entendent et selon leurs caractères. Chacune a son univers littéraire et sa manière d'écrire comme chacune aura sa vie.
    D'abord, l'auteure remonte aux sources, en Irlande, où naît le père, Patrick Brontë, à la fin du XVIIIème siècle. Pasteur, il exercera son ministère dans plusieurs paroisses anglaises avant de rencontrer celle qui deviendra son épouse et la mère de ses enfants, Maria Branwell et de s'installer à Haworth, après la naissance des premiers enfants. On l'oublie souvent parce que lorsqu'on prononce le nom de Brontë, c'est, évidemment, les prénoms de Charlotte, Emily et Anne qui nous viennent à l'esprit, mais au départ, c'est une fratrie de six enfants que mettent au monde Patrick et Maria. Cinq filles naissent, Maria, Elizabeth, Charlotte, Emily et Anne et un fils, Branwell. Maria meurt vingt mois seulement après la naissance de sa petite dernière, Anne, qui portera toute sa vie la culpabilité informulée d'avoir fait mourir sa mère. Quelques années plus tard, les plus jeunes enfants et leur père seront confrontés à deux deuils successifs et rapprochés, avec les disparitions des aînées, Maria et Elizabeth, âgées d'à peine une dizaine d'années. La fratrie se resserre autour du fils unique et des trois sœurs survivants qui vont, dans les couloirs et les grandes salles austères de Haworth, exercer leurs esprits et leur imaginaire, commencer à écrire, avec des mots d'enfants, de petits recueils qui seront regroupés en un ensemble appelé Juvenilia. L'enfance et la jeunesse des Brontë sera celles de beaucoup de jeunes gens nés à la charnière des époques géorgienne et victorienne : ni trop pauvres ni très riches, rejetons d'un pasteur de campagne modeste, les filles seront éduquées dans des écoles rigoristes avant de retrouver le calme et le confort de la maison familiale, qu'elles ne quitteront jamais. Branwell, le fils, l'unique, celui en qui le père fonde ses espoirs -ce qui sera très lourd à porter pour ce jeune homme qui ne cessera jamais de se chercher et mourra s'en s'être trouvé au début de la trentaine-, se targue d'être un artiste, peintre ou poète, il ne sait pas trop. Lui non plus n'aura pas la chance de s'extirper de cette sorte de malédiction familiale qui condamne chacun des enfants à mourir plus ou moins jeune. Il ne survivra pas à ses sœurs et ne deviendra jamais un artiste accompli. Aujourd'hui, même, la célébrité de ses trois sœurs l'éclipse entièrement.
    On découvre leurs premiers emplois de jeunesse, souvent de gouvernantes, qui inspireront notamment Anne pour son roman Agnes Grey. Des emplois qui ne satisfont pas vraiment les sœurs, toujours en quête d'une sorte d'idéal de vie. Cet idéal, elles le trouveront en prenant de nouveau la plume. Chaque soir, après le dîner, elles se mettent à écrire, mélangeant fiction et réalité et c'est ainsi qu'elles accèdent à la célébrité, sous pseudonyme toutefois, car en plein cœur du XIXème siècle, on fait mieux carrière sous un nom masculin : les trois sœurs Brontë deviennent les frères Bell, Currer, Ellis et Acton.

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    Charlotte, Emily et Anne représentée par leur frère Branwell sur le portrait dit au pilier (détail, 1833).


    Emily ne publiera jamais que Les Hauts de Hurlevent, qui sera un monumental succès. Anne, la benjamine, la moins connue des trois, la plus discrète, rédigera Agnes Grey, qui se nourrit de ses propres expériences puis La Dame du Manoir de Wildfell Hall. Charlotte sera la plus prolifique des trois sœurs, celle qui laissera le plus d’œuvres à la postérité : on peut citer entre autres Jane Eyre, son chef-d'oeuvre, Shirley, Le Professeur, Villette... Elle est aussi celle qui survivra aux autres, la dernière rescapée de la fratrie des six enfants Brontë. Elle verra disparaître son frère Branwell et, peu de temps après, Anne et Emily, ses compagnes d'écriture, emportées toutes les deux à quelques mois d'intervalle par la même maladie, cette tuberculose qui est le mal de siècle et décime le monde des lettres et des arts. Elle sera aussi la seule qui fera l'expérience -courte, toutefois- du mariage, en épousant le vicaire de son père. En lisant le livre de Laura el Makki, on a l'impression que Charlotte est celle par qui la chance arrive, par qui la roue pourrait inverser son cours immuable et puis, non. Elle meurt elle aussi, encore jeune, au mois de mars 1855, à l'âge de trente-huit ans. Elle n'était mariée que depuis quelques mois.
    Parce qu'on s'attache aux trois sœurs et aux Brontë en général, on aimerait que le destin ait été plus clément avec eux. On aurait aimé que les trois soeurs puissent jouir chacune de leur célébrité, de leur gloire littéraire chèrement acquise. Si elle avait vécu, peut-être Emily aurait-elle publié un autre roman...si elle avait vécu, peut-être qu'Anne ne serait pas l'éternelle dernière, l'éternelle troisième, délaissée encore aujourd'hui au profit de ses sœurs. Peut-être auraient-elles pu s'affirmer, alors que la mort, en les emportant, a laissé toute latitude à leur sœur survivante de manipuler la réalité et de l'arranger, aussi, comme elle le souhaitait. On aurait aimé que ces talents immenses et si prodigieux ne meurent pas. Et en même temps, ce qui fait aujourd'hui la légende des Brontë, ce qui, peut-être nous les fait lire encore, n'est-ce pas ce sentiment de tragédie, de noirceur, qui les entoure ? Si les sœurs Brontë avaient terminé leur vie en vieilles dames respectables au fin fond du Yorkshire, les lirions-nous encore avec le même sentiment ? Vous, peut-être...moi, pas. J'avoue que cette ambiance gothique qui flotte autour d'elles me passionne et me fascine et que c'est ça qui m'a donné envie de les lire en premier lieu.
    En nous autorisant à pénétrer dans leur intimité, Laura el Makki nous permet surtout de les voir toutes telles qu'elles sont, avec leurs qualités, leur défauts, leur part d'ombre et leurs failles. Les sœurs Brontë redeviennent trois femmes de chair et de sang et plus seulement des noms derrière des œuvres monumentales de notre littérature mondiale.
    Une chose est sûre, en tout cas, c'est que ce livre m'a donné envie de les relire et c'est bien le signe qu'il m'a convaincue. En effet, j'ai pris un grand plaisir à le lire, ne manquait plus qu'un paysage pluvieux derrière un bow-window et je m'y voyais. L'auteure a fait un bon travail de recherches pour suivre les sœurs du Yorkshire à Londres, en passant par Bruxelles. Elle a surtout su, avec beaucoup de douceur et de chaleur, ressusciter ces trois figures mystérieuses et leur environnement avec beaucoup de minutie.
    Si vous aimez les sœurs Brontë ou si vous les découvrez ou bien encore, si vous ne savez rien d'elle, ce livre est assurément fait pour vous

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    Charlie Murphy, Chloe Pirrie et Finn Atkins interprètent Anne, Emily et Charlotte dans le film La Vie des sœurs Brontë, daté de 2017. 

    En Bref :

    Les + : Un livre bien écrit mais accessible, qui décrit et reconstitue minutieusement le cadre de vie et de travail de ces trois talentueuses écrivaines.
    Les : Aucun. Pour moi, ce livre est une très bonne introduction. Sans nul doute, si vous êtes très calé sur les sœurs Brontë, vous n'apprendrez rien de nouveau mais si, comme moi, vous souhaitez les découvrir un peu mieux, ce livre est fait pour vous !

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki 

    Thème de janvier « Sous la couette », 1/12


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 2 Février 2020 à 18:51

    J'ai vu l'émission "Une maison, un artiste" sur les soeurs Brontë et cela m'avait déjà permis d'apprendre à les connaître mais j'avoue que je suis attirée aussi par cet ouvrage. 

    Il est vrai qu'au début on connaît Charlotte puis Emily et enfin Anne. Trois belles plumes que j'adore lire !

      • Dimanche 2 Février 2020 à 20:06

        En lisant ce livre, j'ai eu l'impression que toutes les bribes d'informations que je possédais sur les sœurs Brontë se sont soudainement liés entre eux pour faire quelque chose de logique et de cohérent. happy Je me suis aperçue que je connaissais les Brontë dans leurs grandes lignes : les trois filles, Branwell, le fils unique et poète raté au profil psychologique instable, le presbytère de Haworth etc... En lisant le livre de Laura El Makki, j'ai découvert les origines irlandaises de cette famille, le fait que la fratrie n'était pas composée au départ de quatre enfants mais de six... et que l'unité des trois soeurs n'est finalement pas aussi évidente de leur vivant qu'elle l'est plus de cent-cinquante ans après leur mort. Au final, ces soeurs Brontë qu'on se plaît à voir comme un tout, une sorte d'auteur à trois têtes étaient avant tout des soeurs et ne sont pas si bien entendues que ça, parfois. Par exemple, j'ai été surprise que Charlotte oriente volontairement la vision que la postérité devait avoir de sa soeur Anne, qui, en effet, n'est encore aujourd'hui pas la plus reconnue. J'ai été surprise aussi de voir que ces trois jeunes femmes qu'on a l'impression de voir ancrées dans leur région, le Yorkshire, qui les inspira beaucoup, ont voyagé et vécu ailleurs qu'en Angleterre, notamment Charlotte, à Bruxelles. Je ne savais pas non plus qu'elle avait été mariée.

        Finalement, comme je le dis dans ma chronique, j'ai découvert les femmes derrière les auteures, derrière le talent. Cela dit, cette biographie m'a donné envie de relire Jane Eyre et surtout de découvrir enfin Emily, parce que je n'ai toujours pas osé me lancer dans la lecture des Hauts de Hurlevent. wink2

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