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Les Sorcières de Pendle ; Stacey Halls
« Jusqu'ici, les sorcières ont réussi à se cacher à travers tout le pays. C'est comme de chasser des souris : trouvez-en une et vous mettrez la main sur tout un nid. Le roi suspecte de longue date le Lancashire d'héberger des délinquantes et des sorcières. Je ne suis que trop heureux de remettre ces personnes entre vos bonnes mains, afin d'éradiquer le mal, avant qu'il ne contamine le reste du royaume. »
Publié en 2019 en Angleterre
En 2021 en France (pour la présente édition)
Titre original : The Familiars
Editions Pocket
448 pages
Résumé :
Lancashire, 1612. A 17 ans, la jeune châtelaine Fleetwood Shuttleworth a déjà par trois fois perdu un enfant à naître. Déterminée à donner un héritier à son époux, elle redoute grandement l'issue de sa quatrième grossesse. Lorsqu'elle croise le chemin d'Alice Gray, une sage-femme qui connaît parfaitement les plantes médicinales, Fleetwood voit en elle son dernier espoir.
Mais quand s'ouvre un immense procès pour sorcellerie à Pendle, tous les regards se tournent vers Alice, accusée comme tant d'autres femmes érudites, solitaires ou gênantes. Fleetwood fera tout pour arracher, coûte que coûte, sa bienfaitrice à la potence.Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Le Lancashire en 1612. La jeune Fleetwood Shuttleworth, châtelaine de Gawthorpe Hall, est enceinte pour la quatrième fois. Elle n'a pas pu mener à terme ses précédentes grossesses et a perdu les bébés. À dix-sept ans, la jeune femme n'a donc plus qu'un espoir : mener à bien cette quatrième grossesse et donner enfin naissance à un enfant sain. Mais elle en mauvaise santé et craint pour sa vie et celle du bébé. Un jour, dans les bois entourant Gawthorpe, Fleetwood rencontre une jeune femme, Alice Gray. Celle-ci est sage-femme et guérisseuse et accepte de s’occuper de Fleetwood. Mais à Pendle, en cette année 1612, une véritable chasse aux sorcières est orchestrée, après qu’un habitant ait été soi-disant envoûté par une prétendue magicienne. Et Alice Gray se retrouve à son tour accusée de sorcellerie.
Pour Fleetwood, l’arrestation d’Alice est un drame. Non seulement parce que tout ses espoirs de survivre et de sauver son enfant reposent sur les épaules de la jeune guérisseuse mais aussi parce qu’Alice est venue briser la solitude dans laquelle vit Fleetwood à Gawthorpe près d’un mari aimant mais aussi trop distrait et qui la néglige. Plus que sa sage-femme c’est une véritable amie que Fleetwood va s’échiner à sauver.
Les Sorcières de Pendle a rencontré un beau succès sur les réseaux sociaux cet automne : pour ma part je l’avais découvert au printemps sur les suggestions d’une autre lectrice et je m’étais dit que je le lirai plus tard. En effet, bien que se passant à la fin du printemps et en été, Les Sorcières de Pendle s’accorde aussi très bien à l’automne de part son ambiance et son sujet. Comme je le pensais, ce roman m’a séduite. Je me méfie en général des phénomènes littéraires encensés unanimement sur les réseaux ou les blogs. Finalement ici, mon ressenti rejoint la majorité : Les Sorcières de Pendle est un très bon roman historique, très bien écrit et qui a le mérite de traiter autrement le sujet de la sorcellerie et des chasses aux sorcières. Stacey Halls donne une tournure résolument féminine -si ce n’est féministe- à cette histoire basée sur des faits avérés : au mois d’août 1612, sur Pendle Hill dans le Lancashire, de prétendues sorcières furent pendues après avoir été les victimes d’un procès instrumentalisé et expéditif. Quant à Gawthorpe Hall, c’est un lieu qui existe véritablement et que l’on peut encore visiter aujourd’hui. Fleetwood, l’héroïne du roman, a également existé : on sait qu’elle est née en 1595 et a accouché de son premier enfant en août 1612.
C’est une belle histoire d’amitié et de sororité que ce roman, au-delà de l’intrigue historique pure. Fleetwood et Alice n’ont pourtant rien en commun : âgée d’une vingtaine d’années celle-ci est issue d’un milieu plus que modeste et a connu la misère. Elle n’est pas mariée et manipule les herbes et les remèdes ce qui la rend éminemment suspecte pour la société de l’époque. Quant à Fleetwood, elle est représentative de ces femmes de la haute bourgeoisie, riche et oisive, affligée à dix-sept ans d’un mariage et d’une maternité précoces parce qu’il faut se dépêcher de donner un héritier à son époux et ainsi, pérenniser son nom.
Fleetwood et Alice sont finalement assez complémentaires toutes les deux et peuvent s’apporter un soutien mutuel. Ici, la puissance s’inverse même puisque Fleetwood devient dépendante d’Alice. Son influence sociale et financière ne lui sont alors d’aucune utilité tandis qu’Alice qui n’est riche que de son savoir et de son honnêteté, devient la pierre angulaire de leur duo.
Le roman montre aussi combien une société patriarcale et foncièrement misogyne peut broyer et briser les femmes, les emportant comme des fétus de paille à la moindre tourmente. À travers l’un des personnages masculins du roman, Stacey Halls montre la force et l’impunité des hommes en ce début du XVIIème siècle et leur mainmise sur la société et la justice (si tant est qu’ils aient eux-mêmes une certaine puissance, souvent innée parce qu’elle ne découle pas d’un quelconque mérite mais seulement de la naissance). Fleetwood se heurte à une laideur et une noirceur calculatrice qu’elle n’avait jusque-là jamais vécues dans son cocon isolé et protecteur de Gawthorpe. Et en même temps, à mesure qu’on la découvre, on se rend compte que Fleetwood n’est pas aussi lisse qu’il n’y paraît et que sa jeune existence n’a pas toujours été drôle ni forcément très lisse. La jeune femme déterminée se mue en véritable enquêtrice et s’enfonce dans cette affaire ténébreuse des sorcières de Pendle avec la ferme intention de tirer Alice des griffes de la justice royale.
Pour tous ces points là, Les Sorcières de Pendle mérite d’être lu et peut-être même relu. Parce que l’histoire de ces femmes ne peut, avec le recul de quatre siècles, que nous effarer et nous révolter. Parce que Stacey Halls donne une véritable place à une femme enceinte dans son roman : Fleetwood est en effet l’héroïne et non pas un personnage secondaire. Parce que l’histoire qui lie les deux jeunes femmes, Fleetwood et Alice, est aussi forte, aussi puissante qu’une histoire d’amour. Et parce que l’auteure écrit très bien, là, le compte est bon.
Un bon premier roman dans lequel se plonger si on aime les histoires qui sortent de l’ordinaire.En Bref :
Les + : l'aspect sororal du roman, le sujet également,qui a une résonance particulière avec le féminisme actuel et la plume de l'auteure.
Les - : vraiment aucun point négatif à soulever.
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Tags : Roman, Histoire, Drame, XVIIème siècle, Angleterre, Chasse aux sorcières, Littérature britannique
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