• Les Tisserands de la Licorne ; Françoise Bourdon

    « On n'oublie jamais. On se contente de faire semblant. »

    Les Tisserands de la Licorne ; Françoise Bourdon

    Publié en 2007

    Editions Pocket

    320 pages

    Résumé :

    En 1869, le village de Saint-Blaise vit au rythme du tissage artisanal du drap. Joséphine, dix-sept ans, étouffe dans la maison familiale où le métier à tisser prend toute la place. Contre l'avis de son père, elle décide de partir pour Sedan.
    Là-bas, elle tombe amoureuse de Jérôme, le fils de la puissante famille Desprez, propriétaire d'une fabrique de draps depuis près de deux siècles. Très épris l'un de l'autre, ils projettent de se marier malgré l'opposition de la tyrannique mère du jeune homme.
    Mais la guerre de 1870 va bouleverser leur destin...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    A la veille de la guerre de 1870, les Ardennes et notamment la ville de Sedan et les villages environnants, vivent au rythme des métiers à tisser. Les manufactures sedanaises tournent à plein régime et leurs draps sont envoyés partout en France et même au-delà. Joséphine, dix-sept ans, vit à Saint-Blaise, village tisserand, dans lequel elle étouffe : orpheline de mère, la jeune femme, comme ses frères et sœurs, doivent supporter la violence d'un père alcoolique. Sur un coup de tête, Joséphine quitte la maison familiale pour Sedan où elle est embauchée à la Licorne, une puissante usine de draps. Là, la jeune femme découvre le monde ouvrier et industriel à grande échelle, bien différent de celui, plus artisanal, qu'elle a connu jusque là dans son petit village. Un jour, dans la cour de la manufacture, elle rencontre Jérôme : il s'agit du fils unique et donc héritier de Charles et Félicité Desprez, les propriétaires de la Licorne. Tombés amoureux, les deux jeunes gens deviennent amants, au grand dam de Félicité, qui voue une haine à cette jeune femme qu'elle prend pour une arriviste. Elle va alors tout tenter pour les séparer mais l'Histoire va les rattraper : la Prusse menace la France et, en 1870, c'est à Sedan que meurt le Second Empire, après que Napoléon III ait été fait prisonnier. Occupées, les Ardennes sombrent dans un chaos dont elles ne sortiront que quelques années plus tard et les manufactures s'arrêtent.
    Entre grande Histoire et histoires individuelles, Françoise Bourdon signe là un roman intéressant, sur fond d’industrialisation et de guerre. Le personnage de Joséphine est, sinon attachant, du moins admirable pour son courage, sa détermination, sa volonté de s'en sortir, malgré les critiques, malgré les coups bas.
    Les Tisserands de la Licorne aborde beaucoup de sujets : la France industrielle, la modernisation galopante, le monde qui change, la guerre qui anéantit tout. Région frontalière, les Ardennes seront particulièrement touchées par les conflits de 1870, de 14-18 puis de 39-45. C'est aussi, comme le grand Est et le Nord, une région très industrialisée au contraire du reste du pays, qui reste encore très rural et agraire. Là-bas, on vit au rythme des mines, de charbon ou d'ardoise ou à celui, comme à Sedan, des métiers à tisser. Les drapiers sont des notables influents et font tourner les rouages de Sedan, avant que la guerre ne vienne enrayer la machine et ne marque le début d'une grande modernisation qui en laissera certains sur le carreau.

    La manufacture royale de draps du Dijonval à Sedan


    J'ai trouvé que Françoise Bourdon prenait très bien la mesure de l'époque dans laquelle elle situe son roman : les revendications syndicales, l'organisation des entreprises, l'occupation prussienne après 1870 mais aussi la passion, profonde, qui fait de leur métier, pour beaucoup de tisserands, un compagnon de vie à part entière. Enfin, c'est la seconde moitié du XIXème siècle, un monde en plein mutation, qui revit ici sous nos yeux.
    A travers Joséphine, ce sont aussi les premiers combats des femmes pour leur reconnaissance qui sont abordés, ou même à travers Félicité Desprez, véritable gestionnaire. C'est le combat de femmes qui veulent enfin être reconnues autrement que comme des mères et des épouses et prouvent au monde entier qu'elles sont suffisamment intelligentes pour savoir, comme les hommes, mener leur barque, faire des choix, voire diriger et avec beaucoup d'à-propos d'ailleurs, des entreprises ou des usines, bref, à être des patronnes.
    Le seul bémol que je soulèverais, comme pour Le Maître Ardoisier, c'est que Les Tisserands de la Licorne est parfois un peu trop rapide. J'ai trouvé que les premiers chapitres ne nous permettaient ni de bien connaître les personnages ni de bien nous installer dans l'intrigue. On sait le principal sur Joséphine mais je crois que le mot, quitte à être un peu plus long, aurait mérité d'être parfois un peu plus développé...C'est difficile de traiter plus de vingt ans en un peu plus de 300 pages et je comprends bien sûr que l'auteure, parfois, ne se soit pas attardée...C'est sûr qu'on ne peut pas reprocher au roman d'être plein de longueurs... ! Mais parfois, c'est bien aussi de prendre le temps, surtout au début...sans tomber bien sûr dans l'excès inverse avec des pages et des pages, des tonnes et des tonnes de descriptions ! A part ça, le reste du roman est intéressant et j'en ai beaucoup appris sur le métier de drapier et de tisserand -même si certains termes auraient peut-être mérité d'être expliqués. Françoise Bourdon décrit aussi très bien et avec beaucoup d'affection cette région des Ardennes, qu'elle avait déjà utilisée comme cadre de son roman Le Maître Ardoisier : d'ailleurs, j'ai trouvé que le personnage de Joséphine ressemblait à celui de Benjamine Warlet, qui se bat pour les ardoisières familiales, avec beaucoup de force et de détermination.
    Ce court roman, entre Histoire et traditions, saura sûrement trouver son public ! ! Pour ma part, si je n'ai pas été convaincue par tout, j'ai trouvé que Les Tisserands de la Licorne était un bon livre et l'auteure a fait de bonnes et solides recherches pour restituer une époque dans toute sa richesse et sa complexité mais aussi sur l'industrie drapière et ses particularités. Entre roman historique et destin de femme, Les Tisserands de la Licorne nous emmène au cœur de ce XIXème siècle entre traditions et modernité. 

    En Bref :

    Les + : un roman historique et de terroir entre histoires individuelles et grande Histoire, dans un contexte d'industrialisation en pleine expansion.
    Les - :
    un début un peu trop rapide et quelques termes techniques qui auraient peut-être mérité d'être expliqués...

     

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

     Thème de septembre, « Nos régions ont du talent », 9/12


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  • Commentaires

    1
    Lundi 24 Septembre 2018 à 19:22
    Tachan

    Une belle découverte. Merci !

      • Lundi 24 Septembre 2018 à 21:46

        De rien ! J'espère que tu aimeras ! ^^

    2
    Dimanche 11 Novembre 2018 à 16:56

    Lire un roman sur une industrie drapière sera inédit pour moi ! Même si je ne suis pas fan des récits de terroir en principe... Je me laisserai porter par ce destin de femmes

      • Dimanche 11 Novembre 2018 à 19:28

        On ne va pas se mentir, j'ai lu de bien meilleurs romans que celui-ci... Comme je le souligne dans ma chronique (et je le déplore), c'est que le roman est court et je l'ai trouvé trop rapide : l'histoire se met vite en place, on n'a pas le temps de s'habituer à l'ambiance, aux personnages qu'on est déjà passé à autre chose. L'année dernière quand j'ai lu Le Maître Ardoisier, j'avais ressenti la même chose...

        Mais s'il y'a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher à l'auteure, c'est le manque de recherches. Ses descriptions de l'industrie drapière ou ardoisière sont précises, on le sent bien. Et c'est un véritable hommage qu'elle rend aux Ardennes.

        J'espère que tu aimeras si jamais tu lis ce roman. smile

    3
    Vendredi 14 Décembre 2018 à 08:51

    Ce livre se déroule dans la ville à côté de chez moi !!!!

    J'aimerais beaucoup le lire !!!! Je l'ajoute dans ma Wishlist

    Merci pour la découverte!!!

      • Vendredi 14 Décembre 2018 à 11:46

        De rien ! ! happy Moi aussi, j'aime beaucoup les romans qui se passent près de chez moi ou dans une région que je connais… On imagine parfaitement les paysages, les villes, on met littéralement nos pas dans ceux des personnages… 

        Après, c'est sympa aussi de faire de réelles découvertes et, pour ma part, ce fut le cas avec cette lecture vu que je ne connais pas du tout les Ardennes… J'ai apprécié, malgré quelques petites maladresses… coolMais je suis sûre qu'en connaissant la région, tu vas aimer ce bouquin. 

        Dans la même veine et parce qu'il se passe dans la même région, je te conseille aussi Le Maître Ardoisier, de la même auteure… 

         

        Belles lectures et merci pour ton passage. happy

    4
    Dimanche 29 Novembre 2020 à 21:54
    Bonjour.

    Tout d'abord je trouve votre article très bien écrit et votre blog magnifique.

    Je viens de finir Les Tisserands de la licorne. J'ai énormément apprécié la lecture !

    Je vois que nos avis se rejoignent mais ie n'ai pas le talent d'écrire aussi bien que vous

    D'ailleurs j'habite à 20 mn de Sedan et j'aime beaucoup cette superbe ville. Mon avis est sur mon blog
      • Lundi 30 Novembre 2020 à 16:59

        Bonjour Julien, 

         

        C'est très gentil, merci beaucoup ! happy Je suis ravie que votre lecture des Tisserands de la Licorne vous ait plu, en ce qui me concerne, j'ai passé un très bon moment...si vous connaissez la région, vous avez dû d'autant plus apprécié cette lecture, c'est toujours agréable de visualiser les lieux quand on lit un roman. Pour moi, ce fut une véritable découverte et je garde un bon souvenir de ce roman régionaliste et historique. 

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