• Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes ; Antonella Cilento

    «   Lorsqu'on réalise un rêve, on est en paix avec soi-même. On peut ainsi regarder avec davantage de recul tout ce qui arrive aux autres, perdus dans la douleur et l'insatisfaction de la vie quotidienne. »

    Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes ; Antonella Cilento

     

    Publié en 2014 en Italie ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Lisario o il paciere infinito delle donne

    Editions Actes Sud (collection Lettres italiennes)

    384 pages 

    Résumé : 

    Devenue muette à la suite d'une opération ratée, Lisario Morales, à peine adolescente, lit en cachette Shakespeare et Cervantès et se confie par lettres à la Sainte Vierge. Pour fuir le mariage qu'on veut lui imposer, elle se réfugie, telle l'héroïne d'un conte de fées, dans le sommeil. 
    Jusqu'au jour où un médecin espagnol, qui aspire à se forger une réputation, trouve une thérapie pour le moins inattendue et transgressive...
    Situé dans la Naples du XVIIe siècle, celle des peintres caravagesques et de la révolution du plébéien Masaniello, le roman d'Antonella Cilento nous raconte, dans la plus pure tradition picaresque, l'éveil d'une jeune fille éprise de liberté, objet des fantasmes d'un homme qui rêve de percer à jour les mystères du plaisir féminin. Dans une ville où la révolte gronde, où les complots abondent et où la vie la plus rutilante côtoie sans cesse les ombres de a mort, Lisario ou le plaisir infini des femmes nous entraîne dans des aventures à rebondissements où les identités sexuelles se confondent, dans un jeu de miroirs et d'illusions digne des théâtres pour l'oeil de Jacques Colmar, peintre et scénographe -dont l'existence sera bouleversée par sa rencontre avec Lisario. Un livre, sous des dehors intensément romanesques, pose des questions brûlantes et étonnamment actuelles. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Alors, voilà... On y est... Il va falloir rédiger la chronique de ce roman et le moins qu'on puisse dire c'est que ça ne va pas être simple. Pourquoi ? Eh bien parce que quelques heures après l'avoir terminé, je suis toujours aussi en peine de vous dire si je l'aimé ou pas...
    On va donc commencer par le commencement. De quoi ça parle ? Déjà, c'est important de le savoir.
    Nous sommes dans les années 1640, à Naples, qui est alors une province espagnole. Dans le palais de Baia, où elle vit avec ses parents, Lisario Morales est devenue muette à la suite d'une opération ratée quand elle était enfant. Alors, pour tromper son ennui, elle lit - Cervantès, Shakespeare - et écrit à la Sainte Vierge, qu'elle appelle Ma Très Suave et qui est sa confidente.
    Quand son père décide de la marier à un vieux barbon qui la dégoûte, Lisario décide d'y échapper en s'endormant d'un sommeil dont on ne peut la tirer.
    Arrive alors à Naples le médecin Avicente Iguelmano, désireux de redorer son blason et qui, en examinant Lisario et en la guérissant, va devoir faire ses preuves. Commence alors un traitement étrange et subversif qui va amener le médecin à s'interroger sur les mécanismes du plaisir - surtout du plaisir féminin -, jusqu'à l'obsession, presque jusqu'à la folie. Et à une époque et dans un pays confit en une dévotion rigoureuse où la sexualité n'est que reproductive, où les homosexuels sont encore passibles de la peine de mort et les femmes à peine considérées comme des pouliches tout juste bonnes à faire des enfants voire comme des prostituées, Lisario devient la proie d'Iguelmano, de plus en plus investi dans une quête qui semble vaine et le fait devenir de plus en plus violent et exigeant envers Lisario, qu'il a guérie -ou soit disant- par des caresses pour le moins équivoques. Lisario qu'il a fini par épouser, ce qui la jette en pâture à ce pseudo-scientifique digne des pièces de Molière. Jusqu'à ce que la jeune femme croise un jour par hasard un scénographe français dont elle tombe follement amoureuse... et lui d'elle et cet événement amorce, pour Lisario, un tournant radical et la rapproche enfin d'une émancipation qu'elle appelle de tous ses vœux. 
    Dans une ville sale et dangereuse, alors en proie à une véritable révolution populaire emmenée par Masaniello (1647) se noue un drame dans lequel des destinées vont se retrouver étroitement mêlées : la jeune Espagnole, son médecin de mari, un peintre hollandais, un anatomiste allemand, l'amoureux venu de France se trouvent pris dans un tourbillon d'amours, de haines, de dangers en tous genres, dans une ambiance étrange et crépusculaire, qui met mal à l'aise et rappelle ces tableaux en clair obscur du Caravage ou des maîtres hollandais du XVIIème siècle. 

    Sur la quatrième de couverture, Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes est qualifié de roman picaresque : n'en ayant jamais lu, je dois dire que je n'ai pas d'éléments de comparaison et dois donc croire, somme toute, ceux qui savent mieux que moi. 
    Ce que je peux dire avec certitude, en revanche, c'est que ce roman est vraiment atypique. Historique ? Oui, sans nul doute. Mais pas que. Érotique ? Certainement, aussi, dans la mesure où le sexe n'y est pas toujours présent mais presque et où la quête d'Iguelmano tourne autour d'un seul et même sujet, presque innovant à une époque où on ne raisonne pas en ces termes, surtout pour les femmes : comment atteint-on le plaisir ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Le plaisir est-il le même pour les hommes et pour les femmes et, enfin, question éminemment importante : les femmes, qui, c'est bien connu, sont à peines dotées d'une âme, éprouvent-elles du plaisir, témoin d'un questionnement permanent sur les mystères de la Femme, de la sexualité à la conception. Enfin, on peut se demander aussi où s'arrête la science et où commence le péché mortel ? Et où la science finit-elle par être prise pour prétexte pour assouvir ses plus bas instincts ? 
    Toujours est-il que je ne m'attendais pas à ça en le commençant et c'est peut-être ça, finalement, qui m'a un peu déroutée et me fait donc ressortir de cette lecture avec un ressenti assez mitigé, ni bon ni mauvais...
    J'en ai apprécié certains aspects, notamment l'écriture de l'auteure et la découpe du récit, entre chapitres narratifs et lettres de Lisario à la Vierge, désarmantes de sincérité
    J'ai été rebutée par certains autres, notamment la grande trivialité que contient le récit : la sexualité des personnages n'y est ni belle ni amoureuse -ou très peu- mais animale et instinctive, la beauté voisine sans cesse avec la laideur ou la saleté, les bijoux parent des mains aux ongles sales, les perruques et les chasse-mouches des dames sont envahis de poux et autres vermines. 
    Bon d'accord, c'est sûrement conforme à une certaine réalité de l'époque mais, personnellement, en tant que lectrice, je n'en attendais ni n'en demandais pas tant.
    Clairement, je crois que l'ambiance du roman et l'absence de tout attachement pour les personnages - je me suis même demandé si ce n'était pas voulu par l'auteure d'ailleurs- m'ont mise mal à l'aise, m'ont vraiment gênée et m'ont empêchée de profiter pleinement d'un récit dans lequel, pourtant, j'ai décelé un vrai génie, une écriture superbe, travaillée et presque baroque -ce qui convient parfaitement à l'époque choisie.
    Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes est un roman assez inclassable auquel on adhère ou pas. Personnellement, je ne crois pas avoir été pleinement convaincue. Je l'aurais voulu mais ça n'a pas fonctionné avec moi. J'aurais en fait voulu aimer le récit autant que j'ai aimé l'écriture de l'auteure mais je n'y suis pas parvenue et cette lecture me fait dire aussi que la littérature érotique, décidément, n'est pas quelque chose qui me convient, mais alors, pas du tout.
    Ce roman trouble et qui fleure le scandale a quelque chose de pervers et d'attirant mais aussi de rebutant : c'est cru, c'est fort et c'est violent. Trop, peut-être, même si on n'évolue pas dans une époque douce et policée, effectivement. 
    Je ne peux pas vous déconseiller Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes. C'est un roman étrange et particulier qui fait réfléchir : sans nul doute, ce n'est pas une lecture anodine et peut-être aimerez-vous, ce que je vous souhaite. 
    Moi je crois qu'il va encore me falloir un petit moment pour digérer ce bouquin. Et peut-être que, dans quelques mois, je me dirais : au final, c'était un bon roman. Toujours est-il que je n'en ressors pas déçue et je crois que c'est l'essentiel.

    En Bref :

    Les + : si je devais mettre en avant un seul des points positifs de ce roman, je dirais, sans aucun doute, l'écriture magnifique de l'auteure, très bien retranscrit par la traduction fine et précise. J'ai eu l'impression de lire un tableau du Caravage ou des maîtres hollandais traduits en mots, finement choisis. 
    Les - : un peu trop de trivialité, des passages qui m'ont mise mal à l'aise et m'ont empêchée d'apprécier ce récit à sa juste valeur, malgré le génie qui point derrière chaque phrase. 

     


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 21 Août 2019 à 20:04

    J'ai des romans libertins à lire dans ma bibliothèque alors ce livre ne devrait pas me faire peur. Je suis assez sensible à ton avis mitigé mais je me laisserai bien tenter tout de même

      • Jeudi 22 Août 2019 à 10:18

        Ici, on n'est pas vraiment dans du libertinage, au contraire, même. La sexualité y est assez animale et instinctive, pas forcément très belle et parfois même abusive, puisque c'est par son biais (et à l'insu de Lisario) que le médecin Iguelmano va " guérir " la jeune fille, ce qui va le conduire ensuite à s'intéresser, jusqu'à la folie, aux mécanismes mystérieux du plaisir féminin : une notion franchement inconnue et presque impensable à l'époque. sarcastic

         

        J'ai trouvé le sujet de ce roman vraiment surprenant, malheureusement je n'ai pas réussi à m'y plonger pleinement, il y'a des petites choses, comme je le dis dans ma chronique, qui m'ont gênée et rebutée et empêchée de profiter complètement de cette lecture. Mais une chose est sûre, Antonella Cilento s'est emparée d'un sujet subversif mais intéressant et a une plume vraiment agréable à lire. happy

        N'hésite pas à venir me dire ce que tu auras pensé de ce livre, quand tu l'auras lu ! wink2

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