• Lizzie Martin, tome 3, Un assassinat de qualité ; Ann Granger

    « Nous savons peu de choses sur le coeur des autres. Nous avons déjà assez de mal à comprendre le nôtre. »

    Lizzie Martin, tome 3, Un assassinat de qualité ; Ann Granger

    Publié en 2010 en Angleterre ; en 2015 en France (pour la présente édition)

    Titre original : A Better Quality of Murder

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    Troisième tome de la saga Lizzie Martin

    Résumé :

    Londres, 1867. Un soir d'octobre, alors que l'inspecteur Ben Ross de Scotland Yard rentre chez lui, le fog tourbillonne et l'enveloppe telle une créature vivante. Lorsque le brouillard se lève le lendemain, une femme gît assassinée dans Green Park. Allegra Benedict était la belle épouse italienne d'un marchant d'art de Piccadilly. Qu'avait-elle été faire à Londres cet après-midi ? Pourquoi avait-elle vendu sa broche dans Burlington Arcade quelques heures avant sa mort ? Alors que Ben poursuit son enquête, son épouse Lizzie se penche sur la vie privée d'Allegra et découvre plus d'une raison pour laquelle quelqu'un aurait voulu sa mort. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes en 1867...Lizzie Martin et Ben Ross se sont enfin mariés et habitent, avec leur bonne Bessie Newman, une petite maison d'un quartier calme de Londres, non loin de la gare de Waterloo. Un soir, alors que Ben rentre chez lui dans un brouillard épais, à couper au couteau (le fameux fog ou smog londonien), il heurte une jeune femme paniquée ; une jeune prostituée qui lui avoue avoir été poursuivie par un personnage étrange qui épouvante les filles : le spectre du fleuve, vêtu d'un grand linceul et qui erre dans les rues de Londres à la recherche de filles de joie qu'il terrifie en enserrant leur cou de ses mains. Ben écoute l'inconnue sans forcément croire à l'existence d'une créature spectrale sortie de la Tamise, mais voilà que, le lendemain matin, alors que le brouillard s'est enfin dissipé, un corps sans vie est retrouvé dans Green Park. Un corps de femme, étranglé. La victime n'est cependant pas une prostituée mais une femme de la bonne société, une certaine Allegra Benedict, très jolie épouse d'un galeriste réputé de Piccadilly.
    L'enquête, pleine de tâtonnements et d'embûches va alors commencer pour Ben et les autres enquêteurs de Scotland Yard. De son côté, Lizzie, la perspicace épouse de l'inspecteur, va se pencher sur le côté plus intime et privé de l'existence de l'épouse italienne de Sebastian Benedict, qui s'avère finalement être une femme plus sombre et complexe qu'elle n'y paraissait au premier abord. Et quand la dame de compagnie de la morte trouve la mort à son tour, nul doute qu'Allegra Benedict n'a pas été prise pour une autre et a bien été assassinée sciemment par quelqu'un qui avait des raisons de la faire taire à tout jamais.
    Je dois dire que ce troisième tome des enquêtes de Lizzie Martin m'a emballée, tout comme les deux premiers avant lui ! ! Ici, un changement majeur -et quel changement !- s'est opéré : Lizzie, qui a retrouvé Ben au cours de son enquête dans le premier tome, Un Intérêt Particulier pour les Morts, lui a enfin dit oui. La fille de médecin du Derbyshire et l'ancien petit mineur se sont unis pour la vie et c'est vraiment une très bonne nouvelle, d'autant plus que le mariage semble avoir bonifié le personnage de Lizzie Martin, bien moins insupportable et plus attachante que dans les tomes précédents. Bien sûr, l'état de mariage n'a pas non plus de la jeune femme une personne timorée, bien au contraire. Lizzie est toujours une femme vive, franche et qui n'a pas sa langue dans sa poche. Mais le personnage est peut-être un peu plus nuancé qu'auparavant, plus complexe également. De nouvelles facettes de Lizzie Martin apparaissent progressivement pour le plus grand bonheur du lecteur assidu.
    Quant au personnage de Ben Ross, que j'avais beaucoup aimé dès son apparition, on le retrouve un peu plus présent dans ce troisième tome. Normal, me direz-vous, puisque devenu l'époux de Lizzie, il est plus présent dans la vie de l'héroïne et donc, plus présent de fait sous les yeux du lecteur. Certes. Mais nous le suivons aussi beaucoup plus dans son enquête, ses raisonnements et c'est aussi très agréable d'avoir cette présence masculine et plus calme, qui tempère un peu la fougue toute féminine de Lizzie.
    Un assassinat de qualité est aussi un roman très social, caractère que l'on retrouve en fait dès le début de la saga...Ann Granger ne manque jamais de pointer du doigt les inégalités de cette époque victorienne souvent présentée, peut-être pas comme un âge d'or mais comme une époque importante pour le Royaume-Uni. Certes, c'est l'époque de l'industrialisation galopante du pays : les usines font des progrès énormes, la mécanisation de même. Toute la société connaît un véritable essor mais en laisse aussi beaucoup sur le bord de la route, dans le plus grand dénuement. Dès le premier tome, notamment à travers les ouvriers des chantiers de la gare de St Pancras, l'auteure dénonçait les conditions de vie du peuple et surtout du peuple des villes, qui se paupérise aussi vite que les industries prennent leur envol. Dans le second tome, elle pointait du doigt les trafics d'enfants, courants à l'époque et ici, nous retrouvons au centre du récit, l'un de ces peuples interlopes de la capitale anglaise, aussi riche dans ses beaux quartiers que pauvre et sordide dans ses faubourgs et ses quartiers les plus populeux : c'est toute cette population de prostituées, qui grouille dans les pubs et les bars louche et qui se déploie, la nuit venue, sur tous les trottoirs de la cité. Ces prostituées qui seront, un jour, sous le feu des projecteurs, avec les assassinats affreux de Jack l'Eventreur, vingt ans plus tard. Ann Granger dénonce, à travers le personnage de Ben, compatissant et à travers le regard d'autres personnages du roman, plus enclins à la condamnation, l'existence de ces filles, parfois échappées aux sinistres workhouses -les hospices, qui ne disparaîtront que dans les années 1930- et qui n'ont plus pour moyens de subsistance que la rue et le commerce de leurs charmes avec tous les risques que cela implique : maladies, rencontres malheureuses, souteneurs violents. Au centre du récit également, la boisson, sévèrement dénoncée par les prédicateurs...l'alcool fut en effet, à cette époque-là, et partout dans les pays qui s'industrialisent de façon extraordinaire, un fléau terrible de la société...il n'y a qu'à se souvenir de L'Assommoir de Zola qui dépeignait aussi avec crudité mais vérité, les ravages de l'alcoolisme chez les ouvriers.
    Je trouve que cette dénonciation sociale, bien présente dans les Lizzie Martin est cependant bien dosée, suffisamment en tous cas pour ne pas devenir redondante ou maladroite. C'est avec beaucoup de subtilité qu'Ann Granger met en exergue les inégalités et les injustices d'une société considérée pourtant et à juste titre, comme florissante. Au-delà de ça, elle nous montre aussi la corruption des franges plus aisées de la société qui, si elles ne sont pas soumises aux mêmes tentations et aux mêmes déboires que les ouvriers et les plus pauvres n'en est pas moins pourrie jusqu'à la moelle, n'hésitant pas à s'abandonner à de bas instincts. Et le meurtre de la jolie Allegra Benedict pourrait d'ailleurs bien être une conséquence de ce désœuvrement des plus chanceux.
    Bref, ce troisième tome de Lizzie Martin m'a absolument captivée !! J'ai été très vite emballée par l'ambiance, l'histoire du spectre du fleuve qui chevauche l'enquête plus cartésienne et semble s'y mêler parfois étroitement. Les romans d'Ann Granger ont de grandes qualités, narratives et littéraires en général. Je vous conseille cette saga et, pour ma part, je n'ai qu'une hâte, continuer...en espérant que l'auteure accorde une longue vie et encore plein d'enquêtes et d'aventures à Lizzie qui me devient de plus en plus sympathique.

    En Bref :

    Les + : une enquête maîtrisée, un contexte historique intéressant et bien dépeint par l'auteure, des personnages de plus en plus attachants.
    Les - : Aucun ! 


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 4 Janvier 2017 à 22:19
    Cellardoor

    J'ai débarqué dans la saga avec ce roman... Je suis dessus par hasard en librairie et ce n'est qu'une fois chez moi que j'ai découvert que c'était un tome 3. J'étais tombée amoureuse de la couverture et puis quand j'ai vu que l'histoire se déroulait durant l'époque victorienne, je ne pouvais que craquer. Du coup, comme c'était le premier, j'avais moins de recul (voire pas du tout en fait) sur le personnage de Lizzie mais c'est vrai qu'elle est peut être plus nuancée que dans les deux premiers volumes, disons qu'elle gagne en épaisseur à mesure que les tomes avancent. Je regrette néanmoins que l'auteur sous traite un peu la relation entre Ben et Lizzie, j'aimerais... un touche de romantisme en plus, en fait ! ^^

      • Mercredi 4 Janvier 2017 à 23:17

        Peut-être que le romantisme viendra plus tard, qui sait ? yes Mais c'est vrai que ce serait bien parce que finalement, leur couple n'est traité qu'au travers des enquêtes qu'ils mènent conjointement et c'est vrai que, maintenant que tu le dis, ça me saute aux yeux qu'il n'y a aucune intimité entre eux et, même si cela ne me gêne finalement pas parce que j'ai l'habitude de l'atmosphère de la saga, maintenant, ça pourrait peut-être apporter un plus ! ^^

        Bref malgré ça, la saga est super et, comme toi, c'est la couverture qui m'a attirée en premier lieu ! C'est vrai qu'elles sont belles, quand même ! ! 

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