• Lizzie Martin, tome 6, Le Brouillard tombe sur Deptford ; Ann Granger

    « Le monde est ainsi, Lizzie. Les innocents paient pour les crimes des coupables. »

    Lizzie Martin, tome 6, Le Brouillard tombe sur Deptford ; Ann Granger

     

    Publié en 2016 en Angleterre ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Dead Woman of Deptford

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives) 

    360 pages

    Sixième tome de la saga Lizzie Martin

     

    Résumé : 

    Londres, époque victorienne. Par une froide nuit de novembre, le docker Harry Parker trébuche sur un cadavre dans une ruelle de Deptford. Que venait faire Mrs Clifford, si chic, si bien vêtue, dans cette partie peu fréquentable de la ville ? Chargé de l'enquête par Scotland Yard, l'inspecteur Ben Ross ne trouve aucun témoin. De son côté, sa femme Lizzie tente d'étouffer un scandale : Edgar Wellings, un ami de la famille, souffre d'addiction au jeu. Mais le pire reste à venir : Wellings semble être le dernier à avoir vu Mrs Clifford vivante...Et que penser de son excellente raison de la tuer ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quel plaisir de retrouver Lizzie et Ben pour une nouvelle enquête ! Surtout que ça faisait plusieurs années que je n'avais pas lu un roman d'Ann Granger et j'avais hâte de retrouver cette ambiance si familière qui me plaît beaucoup.
    On la compare beaucoup à Anne Perry, qui est un peu la maîtresse du genre, si je puis dire et qui s'est taillé une solide réputation avec sa très conséquente série des Charlotte et Thomas Pitt. C'est vrai qu'il y'a pas mal de points communs entre leurs deux univers et en même temps, il y'a un petit quelque chose chez Lizzie et Ben qui me les rend plus sympathiques que Charlotte et Thomas.
    Evidemment, c'est avec beaucoup d'attentes que j'ai entamé la lecture de cette sixième enquête, qui porte un titre énigmatique et les éditions 10/18 ont illustré d'une très belle couverture, tout aussi intrigante...
    Par une froide soirée de novembre, dans le quartier londonien de Deptford, quartier d'entrepôts, de docks et de chantiers navals, le corps de Mrs Clifford, une respectable cinquantenaire correctement vêtue est retrouvé gisant dans la rue et elle a visiblement succombé à un coup violent porté à la tête. Quant à ses bijoux, ils ont disparu. A-t-elle été détroussée à cause d'eux et le vol a-t-il mal tourné ? Ou bien, parce que Mrs Clifford faisait profession de prêteuse, les motifs de l'assassin sont-ils autres ?
    Appelé à la rescousse par l'inspecteur de Deptford, Ben Ross de Scotland Yard, flanqué de son fidèle Morris, va se charger d'une enquête qui ne manque pas de se compliquer quand les policiers se rendent compte que la dernière personne à avoir vu Mrs Clifford vivante n'est autre que Edgard Wellings, le frère de Patience, la fiancée de Frank Carterton, cousin de Lizzie.
    Alors, que s'est-il passé ? Edgar, qui visiblement faisait appel à Mrs Clifford parce qu'il a besoin d'argent, est-il son meurtrier ?
    Eh bien, pour le savoir, il va falloir lire Le Brouillard tombe sur Deptford et si vous aimez les romans policiers mâtinés d'un soupçon d'Histoire et qu'en plus vous appréciez l'Angleterre victorienne, nul doute que vous serez séduit. Attention, avec Ann Granger -comme avec Anne Perry, d'ailleurs- on est loin des romans policiers parfois franchement crades ou flippants qui sont à la mode en ce moment. Rien de tout ça ici et je dirais même qu'elles sont toutes deux de la vieille école, sans condescendance aucune. Mais elles se placent dans la droite ligne de ces auteurs britanniques qui ont su donner ses lettres de noblesse au style policier. Les intrigues sont assez traditionnelles, peut-être un peu convenues parfois mais elles permettent aussi de pointer du doigt les inégalités et les injustices de l'époque victorienne et Ann Granger n'a pas son pareil pour brosser un portrait parfois peu amène mais crédible d'une société très cloisonnée où l'on peut être très riche ou très pauvre et où se côtoient les plus fabuleuses richesses et la misère la plus noire.
    Ici, dans ce roman, c'est le monde interlope des mariniers, des matelots, des ouvriers des chantiers navals qu'Ann Granger met à l'honneur, même si Mrs Clifford n'en fait partie. Elle vit cependant dans un quartier qui s'est développé depuis le XVIème siècle grâce au fleuve et au commerce et qui continue de faire vivre des centaines de familles, plus ou moins bien, et souvent moins que plus, d'ailleurs. Ben Ross et ses agents se trouvent confrontés au dénuement des habitants de Deptford, au travail des enfants obligés de se comporter comme des adultes et qui n'hésitent pas à recourir à l'escroquerie ou aux vols, à l'angoisse terrible de perdre un emploi quand on en a un, aux maladies entraînées par la misère et par le travail très dur et souvent effectué depuis le plus jeune âge.
    Et puis, en miroir, l'auteure nous décrit les préoccupations des plus aisés, à commencer par la famille d'Edgard Wellings, scandalisée à l'idée qu'il ait été la dernière personne à voir la prêteuse sur gages vivante, d'autant plus que cela en fait, pour la police, le principal suspect. Crainte futile du scandale et du qu'en dira-t-on, ternissement irrémédiable de l'image sociale s'opposent ainsi de façon presque risible et pathétique à la vraie déchéance et souvent à la dignité qui l'accompagne et à laquelle les pauvres se raccrochent de toutes leurs forces pour ne pas déchoir complètement.
    Cette sixième enquête de Lizzie et Ben n'est pas la plus enlevée et, dans celle-ci, j'ai eu l'impression que Lizzie s'effaçait un peu pour laisser le devant de la scène à Ben. J'ai regretté qu'on ne les voie pas plus souvent ensemble parce qu'ils forment un petit couple sympathique mais c'est malgré tout toujours aussi agréable de les retrouver. Lizzie qui, dans le premier tome, m'avait légèrement agacée, est un peu plus nuancée depuis quelques tomes et elle apporte parfois des suggestions pleines de bon sens à Ben.
    Malgré tout, Le Brouillard tombe sur Deptford est agréable à lire, bien écrit, émaillé par moments de saillies ironiques et pince-sans-rire typiquement britanniques. Le roman n'est pas très long, même si on a l'impression pendant un moment, que l'enquête stagne et n'avance pas. On découvre en même temps que les policiers et avec intérêt, ce quartier de Deptford, où vivent des miséreux et des gens d'une classe sociale un peu plus élevée, comme Mrs Clifford, par exemple ou Mr Morton. On découvre le Londres sale de cette fin de XIXème siècle, souvent noyé du brouillard jaune qui monte de la Tamise et se mêle aux fumées des cheminées et des usines. Ce quartier qui sent la vase et le bitume nous met mal à l'aise à plusieurs reprises, comme si on s'attendait à voir apparaître un assassin à chaque coin de rue. Et la froidure d'un mois de novembre anglais n'arrange rien.
    Cette sixième enquête est bien ficelée et efficace parce qu'elle a le mérite d'illustrer ce que l'indigence et le désespoir peuvent conduire à faire en dernier recours et qu'un meurtre peut parfois découler du plus grand désarroi et pas d'une volonté forcément meurtrière au départ : quand on n'a plus rien, parfois, on tombe dans le crime sans même s'en rendre compte et c'est avec tristesse et amertume que Ben, ancien petit mineur du Derbyshire, en fait la constatation.
    Après avoir terminé ce roman, je n'attends plus qu'une chose : un septième tome. En espérant qu'il y'en ait un. 

    En Bref :

    Les + : Ann Granger n'a pas son pareil pour pointer du doigt les paradoxes d'une époque qui a marqué l'Histoire. Dans une intrigue bien ficelée, elle nous emmène dans les bas-fonds du Londres victorien, dans le sillage de personnages attachants que l'on suit maintenant depuis plusieurs années.
    Les - : j'aurais presque aimé que le roman soit plus long ! !  

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